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vous féliciter et à me féliciter moi-même de l'hospitalité que nous recevons ici pour la première fois? Les récentes mesures prises à votre égard n'intéressent-elles que les convenances d'une installation limitée, après tout, à quelques heures seulement par année, et n'y a-t-il pas aussi dans le privilége extérieur qui vous est attribué la consécration d'un droit plus permanent et plus intime, le gage d'une indépendance relative que vous avez certes bien méritée?

« Jusqu'ici les Sociétés des Beaux-Arts des départements ne figuraient dans l'ensemble des Sociétés savantes convoquées annuellement à la Sorbonne qu'à l'état de simple section, presque d'annexe. Elles constituaient tout au plus une des provinces-unies de la France scientifique et cependant par leur importance croissante, par le nombre et l'activité féconde des membres qui les composaient, elles possédaient ou elles acquéraient de jour en jour des titres particulièrement considérables. Vous avez maintenant votre domaine à part, votre vie propre. Sans cesser pour cela d'être rattachées aux services administratifs auxquels leurs travaux ressortissent naturellement, sans s'isoler plus que de raison des autres Associations érudites dont s'honore à bon droit notre pays, les Sociétés qui nous ont envoyé cette année, ou qui dans le cours des années prochaines auront à nous envoyer leurs délégués, disposent ou disposeront désormais d'un terrain tout à elles. C'est là, au point de vue de votre organisation même et de vos prérogatives, un progrès qu'il convient assurément d'apprécier à sa valeur et dont nous devons remercier qui de droit, mais un progrès qui ne fait que correspondre à ceux dont vous avez été depuis le début les ouvriers ou les propagateurs infatigables.

« Le progrès : il en est fort habituellement question de nos jours; mais ceux qui en parlent le plus haut sont-ils toujours ceux qui ont le plus à cœur de l'introduire dans la pratique? Les uns le définissent à leur manière ou l'appellent à tout hasard; les autres le promettent, sauf trop souvent à s'en tenir sur ce point à la théorie et à remettre au lendemain la réalisation des vœux exprimés ou des engagements pris plus ou moins bruyamment. Vous, Messieurs, qui n'avez jamais annoncé à son de trompe le bien que vous comptiez faire, ni étalé sous les regards des premiers venus vos doctrines et vos programmes, vous vous êtes contentés de révéler vos intentions par vos actes, et de montrer que, dans le champ de l'art et des

études qu'il comporte, comme ailleurs, comme partout, le meilleur moyen de se rendre utile aux autres est de travailler consciencieusement, patiemment, pour son propre compte.

« Aussi les premiers exemples donnés par vous ont-ils rapidement porté leurs fruits. Au lieu des quarante Sociétés établies sur les mêmes bases que les Sociétés savantes et des vingt-quatre délégués en présence desquels nous nous trouvions en 1878, nous comptons, à l'heure où nous sommes, plus de trois cent soixante Sociétés des Beaux-Arts des départements, représentées au Congrès de cette année par cent soixante-huit délégués. Les travaux que l'on vous doit se sont accrus dans la même proportion et sont arrivés graduellement à constituer un ensemble d'enseignements aussi variés que solides. Si l'on parcourt aujourd'hui les onze volumes dont se composent les comptes rendus des séances de vos sessions annuelles à Paris, si l'on examine le nombre des questions que vous avez élucidées, des erreurs traditionnelles que vous avez rectifiées, des noms oubliés que vous avez remis en lumière, en un mot, de toutes les découvertes que vous avez faites ou complétées, on ne peut que constater avec reconnaissance les services que vous avez rendus et pressentir ceux que vous ne manquerez pas de rendre

encore.

« La cause que vous soutenez, Messieurs, intéresse le patriotisme d'aussi près que l'érudition proprement dite. Qui donc, dès lors, pourrait demeurer indifférent à vos efforts ou en discuter l'utilité? Qui de nous, tous tant que nous sommes, Parisiens ou habitants de la province, serait assez malavisé pour ne voir que des curiosités purement locales, que des questions de clocher, pour ainsi dire, dans ce que vous nous apprenez sur les origines de tel monument ou sur la vie et les ouvrages de tel artiste? Sur quelque point de notre territoire ou à quelque moment qu'il se soit produit, tout mouvement de l'Art français appartient aux annales du pays entier, tout souvenir glorieux ou honorable est une part du patrimoine commun; et de même que l'histoire de France s'est faite par les provinces de France, c'est par elles aussi, par les édifices qu'elles ont élevés de siècle en siècle, par les maitres dans tous les genres qu'elles ont vus naître, par tous les talents qu'elles ont employés, que l'histoire de notre art national existe ou, tout au moins, que les éléments en ont été constitués.

A quoi bon insister, au surplus, et perdre le temps à démontrer ce qui ne saurait faire de doute pour personne? Qu'il me suffise de constater que, grâce à vous, cette histoire de l'Art français, presque exclusivement racontée jusqu'ici par les monuments mêmes, est maintenant en bonne partie déjà écrite et commentée; qu'elle s'augmente chaque jour de quelque curieux chapitre, de quelque révélation inattendue, et que, de ce côté, les progrès dont je parlais tout à l'heure se continuent et se confirment de plus en plus. Les lectures que nous allons entendre en fourniront de nouvelles preuves; le mieux est donc pour moi de céder la parole à ceux qui sont en mesure de s'en servir, non pour déclarer simplement, comme j'en ai le modeste devoir, la session de 1888 ouverte, mais pour ajouter quelque chose à l'instruction d'autrui et, si désintéressés personnellement qu'ils soient, pour accroître aussi leurs propres titres. »

M. LHUILLIER, correspondant du Comité à Melun, donne lecture d'une Note sur quelques tableaux de la cathédrale de Meaux. Jean Senelle, peintre meldois du dix-septième siècle. Les grandes toiles données par Louis XV. Cette étude renferme une biographie détaillée de Senelle et une juste appréciation du talent de ce peintre trop oublié. A la suite des recherches qu'il a consacrées au peintre Senelle, M. Lhuillier entre dans de curieux détails sur les copies d'après Raphaël, placées au dernier siècle dans la cathédrale de

Meaux.

M. JADART, Correspondant du Comité à Reims, a la parole pour la communication d'un mémoire sur divers Objets d'art des églises rurales de l'arrondissement de Reims. Le relevé des verrières, peintures et sculptures découvertes par M. Jadart est d'un excellent exemple. Il serait à souhaiter que toutes les églises de campagne fussent l'objet de brèves notices, semblables à celles que le correspondant du Comité présente à la section des Beaux

Arts.

M. le chanoine DEHAISNES, président de la Commission historique du Nord, correspondant du Comité, lit quelques Notes sur diverses peintures des maîtres de l'École flamande primitive conservées en Italie. Ces notes ont été recueillies au cours d'un voyage récent par l'auteur à travers la Péninsule. Des descriptions concises,

fait

des discussions critiques sur chacun des peintres dont s'occupe M. Dehaisnes, distinguent son travail.

L'ordre du jour appelle la lecture d'une Étude sur les peintres de la ville de Saint-Omer depuis le neuvième siècle jusqu'à nos jours, par M. MARMOTTAN, délégué du Comité historique du Nord. Les peintres provinciaux étudiés dans chaque région de la France forment autant de groupes au tempérament distinct. Il était toutefois à craindre que les artistes du Nord ne se fussent pas soustraits à l'influence des Flamands. M. Marmottan s'est chargé de mettre en lumière la personnalité des peintres de Saint-Omer dont il a reconstitué l'histoire.

M. STEIN, correspondant du Comité, a la parole pour lire une étude sur le peintre G. F. Doyen. C'est une biographie succincte de l'artiste que M. Stein a su composer à l'aide des sources les plus variées. Quant à la dernière année passée par Doyen dans sa patrie et à la part qu'il dut prendre à la création du Musée des Monuments français, M. Stein s'est servi de documents inédits d'un haut intérêt pour raconter cette phase peu connue de la vie du peintre.

M. DE MONTAIGLON veut bien suppléer M. BENET, correspondant du Comité, pour la lecture d'une étude sur les Pamphile. Ces artistes, le père et le fils, vécurent à Évreux de 1650 à 1670 environ, et M. Benet est parvenu à reconstituer dans ses grandes lignes la biographie des Pamphile pour la période dont nous parlons.

En l'absence de M. DE GRANDMAISON, correspondant du Comité, M. DE MONTAIGLON veut bien donner lecture de la note curieuse adressée par M. de Grandmaison au Comité. Il résulte de cette note que Tours aurait possédé une fabrique de tapisseries quinze ans avant qu'une fabrique semblable fût instituée à Fontainebleau.

Les œuvres des RICHIER Occupent la plus large place dans l'étude de M. ALBERT JACQUOT, correspondant du Comité, La sculpture en Lorraine. Toutefois, l'auteur ne croit pas pouvoir parler des Richier sans analyser les monuments laissés par quelques sculpteurs lorrains antérieurs aux Richier.

M. BROUILLET, Correspondant du Comité, communique à l'assemblée une note historique sur la fondation et le fonctionnement de l'École municipale des Beaux-Arts de Poitiers, son origine,

son passé, son présent. M. Brouillet n'oublie pas de parler incidemment des monuments et des œuvres d'art qui sont la richesse du Poitou.

En l'absence de M. HERLUISON, Correspondant du Comité, M. DE MONTAIGLON donne lecture d'un document inédit relatif à un Marché passé à Cléry pour la reconstruction du tombeau de Louis XI (1617), en l'accompagnant de commentaires historiques. L'ordre du jour appelle la lecture du mémoire de M. PÉRATHON, correspondant du Comité, sur les FINET. En l'absence de l'auteur, il n'est pas donné lecture de ce travail.

L'ordre du jour étant épuisé, la séance est levée à six heures. Demain mercredi, séance à une heure et demie, sous la présidence de M. Kaempfen, directeur des Musées nationaux, membre du Comité.

Séance du mercredi 23 mai 1888.

PRÉSIDENCE DE M. KAEMPFEN.

La séance est ouverte à une heure et demie, sous la présidence de M. KAEMPFEN, directeur des Musées nationaux, membre du Comité, assisté de MM. CROST, Secrétaire du Comité, et Henry JoUIN, secrétaire adjoint.

:

Assistent à la séance MM. DELABORDE, secrétaire perpétuel de l'Académie des Beaux-Arts; A. DE MONTAIGLON, L. MAGNE, architecte des Monuments historiques, J. GUIFFREY, G. LAFENESTRE, conservateur au Musée du Louvre, membres du Comité; Gustave OLLENDORFF, directeur au ministère du Commerce et de l'Industrie, et Jules DAUBAN, correspondant de l'Institut.

M. le président invite M. Eudoxe MARCILLE, correspondant de l'Institut, à prendre place au fauteuil de la vice-présidence et prononce l'allocution suivante :

3

Dans ce Congrès annuel où la province envoie à Paris les députés de ses Sociétés des Beaux-Arts nous apporter les résultats de leurs patientes études et de leurs ingénieuses recherches; où dans une calme et sereine atmosphère se posent des problèmes dont la solution sera peut-être féconde et ajoutera à la gloire de la

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