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absolument, de soi-même, et sans attributs. Aussi ne veut-il pas que la forme soit un attribut de la matière. Tout en admettant un premier principe, une divinité suprême, il place, dans son monde intelligent, plusieurs dieux tout-à-fait spirituels, inétendus, impénétrables; au-dessous d'eux, des déités d'un second ordre, qui ne sont pas aussi complètement spirituelles, et qui occupent l'espace entre le monde intellectuel et le monde sublunaire; ensuite des démons, bons ou mauvais, par lesquels s'établit la communication entre le monde intellectuel et le monde physique. Plotin avait lui-même son démon propre ou familier, dont il s'est, durant toute sa vie, fort occupé. Ayant donné au monde intellectuel une ame intellectuelle; au ciel, une ame encore qu'il nomme la Vénus céleste, il crée une Vénus terrestre, dont il fait l'ame du monde physique. Tel est, selon les uns, le système, selon les autres, le tissu de visions, dont les développements remplissent, presque sans aucune méthode, les cinquante-quatre livres de Plotin, et qui a valu à cet Egyptien une place assez distinguée dans l'histoire de la philosophie. Dans quelle secte convientil de le ranger? c'est un point sur le quel on n'est pas d'accord. L'école d'Alexandrie était, à la fin du second siècle de l'ère vulgaire, agitée par de vives controverses. La philosophie peripatéticienne, qui jadis y avait dominé, s'y était transformée en épicurisme et en scepticisme: le platonis. me s'y était aussi introduit et propagé durant les deux premiers siècles de notre ère, mais en s'alliant à des restes de doctrines pythagoriciennes, au stoïcisme, à des traditions orientales, au judaïsme, et à certaines explications des dogmes

évangéliques. Selon M. Matter, l'expression de nouveaux Platoniciens, est fort impropre: le néo-platonisme se confond, ou avec l'éclectisme, ou avec le syncrétisme, ou avec la doctrine ammonio - plotinienne. L'éclectisme, si l'on s'en tient à la valeur de ce nom, consisterait à choisir librement de toutes parts, les principes, les dogmes et les méthodes qui sembleraient les plus raisonnables : tel fut, dit-on, dans Alexandrie l'enseignement de Potamon, que Brucker compte au nombre des philosophes dont les leçons déplurent à Plotin. Par syncrétisme, on est convenu d'entendre un chaos plutôt qu'un choix de doctrines; et l'on relègue en conséquence, dans cette secte, philosophes dont on réprouve les systèmes, comme incohérents et confus. Voilà pourquoi M. Matter n'y veut pas comprendre la philosophie ammonio-plotinienne: il soutient que le syncrétisme avait commencé avant Ammonius Saccas. Pour nous, ne verrions dans les doctrines d'Ammonius et de Plotin, qu'un syncrétisme particulier, dont les caractères distinctifs sont l'enthousiasme, le mysticisme et une démonologie fort compliquée. M. Matter est persuadé « que la philosophie de Plotin n'a >> besoin qne d'être connue pour être

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admirée; que peu de mystiques » anciens, ou modernes, sont plus »sages et plus éloquents que lui, fors» qu'ils ont à disserter sur des objets » pour lesquels Plotin convient lui» même qu'il n'y a pas de langage. » A notre avis, tout ce qui, en philosophie, est inexprimable en langage humain clair et précis, n'est que ténébreux et fantastique. Si, à l'exemple de Longin, qui avait été aussi disciple d'Ammonius, Plotin eût entremélé d'études littéraires ses

méditations philosophiques, il se serait préservé de beaucoup d'écarts mais il n'a su donner à son imagination ardente et sombre, d'autre aliment qu'une métaphysique stérile. Comme il ne songe ni à se rendre compte de la valeur des termes qu'il emploie, ni à s'assurer de la réalité des objets et des idées qu'ils expriment, il suppose, entre ces mots, desrapports à-peu-près pareils à ceux que les romanciers établissent entre des personnages imaginaires: il ne pose nettement, dans aucun de ses livres, les questions dont la solution l'occupe et le tourmente à son insu; celle, par exemple, de savoir si toutes nos connaissances s'acquièrent par l'intelligence pure, ou si elles sont, toutes, les fruits de l'expérience et de l'analyse, ou si, enfin, elles doivent être divisées en deux classes, selon qu'elles dérivent de l'une ou de l'autre de ces sources. Avouons toutefois que Plotin a eu de la vogue en son siècle, de l'influence dans les âges suivants et jusqu'au notre même, sur certaines écoles de philosophie, et qu'il a été loué par des écrivains recommandables, tels que Macrobe, saint Augustin, Marsile Ficin, Juste-Lipse, J.-G. Vossius, etc., outre les auteurs plus modernes que nous avons cités dans cet article. Lorsqu'à la fin du quinzième siècle, les Médicis établirent une académie platonicienne à Florence, Marsile Ficin, qui en était le directeur (V. FICINO, XIV, 493-495), fit des traductions latines de Platon et de Plotin celle de Plotin parut eu 1492, à Florence, in-fol., et fut réimprimée dans le même format, à Bâle, en 1559; et avec le texte grec, en 1580, à Bâle encore : il y a des exemplaires de cette édition de 1580, qui portent la date de 1615. Plo

tin, par son obscurité profonde, a long-temps échappé aux commentateurs; car, ainsi que l'a remarqué Bayle, c'est à tort qu'on a donné le nom de Commentaire aux sommaires ou analyses qui accompagnent la version de Marsile Ficin. M. Fred. Creuzer a publié, en 1814, à Heidelberg, un vol. in-8°., où se trouve un livre de Plotin, en grec et en latin, avec des notes de Wyttenbach; c'est le sixième livre de la première Ennéade : la beauté, ou le beau, en est le sujet (de Pulchritudine). On a lieu de penser qu'il paraîtra bientôt en Allemagne une édition complète des OEuvres de Plotin. Sainte-Croix a donné dans le Magas. encycl. ( 3o. ann., III, 339-42) une Notice des manuscrits de ce philosophe qui se trouvent à la Bibliothèque du Roi. (V. les articles PROCLUS, PORPHYRE, POTAMON.) D-N-U.

PLOTINE(POMPEIA PLOTINA), femme de l'empereur Trajan, serait l'une des princesses les plus accomplies qui eussent occupé le trône, si l'on s'en rapportait à Pline, panégyriste de ce prince. L'histoire ne nous apprend rien de sa famille ni de sa patrie. Elle avait épousé Trajan avant qu'il eût été adopté par Nerva (V. TRAJAN); et elle fit son entrée avec lui dans Rome, au milieu des acclamations d'une foule immense: en montant les degrés du palais, elle se retourna vers le peuple, et dit qu'elle souhaitait d'en sortir avec autant de tranquillité qu'elle y entrait. On peut juger, par les médailles qui restent de Plotine, que ce n'était point sa beauté qui avait fixé le choix de son époux mais la sagesse la prudence, et les autres vertus qui brillaient en elle, la dédommageaient bien de son peu d'attraits. Pendant tout son règne, on n'enten

dit pas la moindre plainte sur sa conduite; et l'on fut généralement persuadé que c'était à ses conseils que P'on devait la suppression des abus et la diminution des impôts. Pline remarque que Plotine vécut toujours en bonne intelligence avec Marciana, sa belle-sœur (Voy. le Panégyr. de Trajan, ch. 84). Elle ne consentit à recevoir le titre d'Auguste, que lorsque Trajan eut accepté celui de Père de la patrie: elle accompagnait son époux quand il mourut à Selinunte, l'an 117; et elle apporta ses cendres à Rome, dans une urne d'or, qui fut placée sur la colonne que le sénat fit ériger à la mémoire de ce grand prince. Plotine avait préparé l'élevation d'Adrien à l'empire, en lui ménageant la main de Salina, petite-nièce de Trajan, et en le faisant adopter ensuite par son mari(1). L'amitié qu'elle avait pour Adrien a répandu des nuages sur la réputation de cette princesse. Le nouvel empereur conserva toujours pour Plotine la plus tendre reconnaissance, et la fit mettre au rang des dieux, après sa mort, que Tillemont place à l'an 129. Adrien avait fait élever un temple à Plotine, dans la ville de Nîmes. Quelques antiquaires ont cru que c'était la Maison carrée (2); mais la plupart des savants pensent que ce précieux monument de l'antiquité était dédié à Caius et Lucius, Césars, petits-fils d'Auguste (V. CAIUS et LUCIUS). Une ville de Thrace fut aussi, en son honneur, appelée Plotinopolis. Ses médailles sont rares surtout

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celles des colonies, et celles de coin romain en bronze." W-s.

PLOUCQUET (GODEFROI), métaphysicien allemand, issu d'une famille protestante réfugiée de France, naquit, en 1716, à Stuttgard, où son père était aubergiste. Au collége théologique de Tubingue, où il entra en 1732, la lecture des OEuvres de Wolf détermina la direction de ses études; et depuis lors, il fit, des mathématiques et de la philosophie, les uniques objets de ses recherches, mais en les mettant en rapport avec la théologie, qu'il se proposait de professer, et dans laquelle il se perfectionna sous le professorat de Pfaff, qui présida quand Ploucquet soutint sa thèse Dissert. theolog. quá Cl. Varignonii demonstratio geometrica possibilitatis transsubstantiationis enervatur, Tubingue, 1740. Après avoir assisté des ministres de la

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religion, et fait une éducation particulière, il fut nommé pasteur à Rotenburg, et épousa la fille d'un de ses confrères; puis, ayant obtenu un accessit à l'académie de Berlin, par une Dissertation sur les monades : Prima monadologiæ capita, imprimée à la suite du Mémoire couronné, avec les autres pièces du concours Berlin, 1748, et ayant été reçu membre de cette académic, il attira l'attention du gouvernement de son pays, le Würtemberg. Appelé, en 1750, à la chaire de logique et de métaphysique à Tubingue, il y débuta par une Dissertation De Materialismo, contenant une réfutation de l'Homme machine, Tubingue, 1750, in-4°., à laquelle il en fit succéder beaucoup d'autres, telles : De Libero arbique trio, ibid., 1752; De Cosmogonid Epicuri, ibid., 1755; De principio mundi, 1756; De speculationibus Pythagoræ, 1758; Dissert. Anti

Bayliana, (sur la compatibilité du mal avec l'idée de la bonté absolue), ibid.; De dogmatibus Thaletis et Anaxagore, 1763; De Hylozeismo veterum et recentiorum, ibid.; De Epocha Pyrrhonis, ibid., 1775; De natura boni et mali, 1777; Disquisitio rationum qua tam ad stabiliendam quàm ad infringendam animi humani immortalitatem afferri possunt, 1779; De principiis dynamicis, Stuttgard, 1780. Non-seulement il avait profondément étudié les philosophes anciens; mais il avait beaucoup puisé dans les OEuvres de Leibnitz, Malebranche, Locke et Descartes, et il combattit divers philosophes de l'école moderne, surtout Robinet, contre lequel il écrivit plusieurs Dissertations: Sententia D. Robinet de

equilibrio boni et mali paradoxa, 1765; Examen theoria de physica spirituum, 1765; Cogitationes Robineti de origine naturæ expanse. Il écrivit pareillement contre le Livre De l'Esprit ; et attaqua les principes de Kant, au sujet de la seule preuve possible de l'existence de Dieu: Observationes ad Comment.D. Kant de uno possibili fundamento demonstrationis existentia Dei, 1763. Ayant cherché à éclaircir de cette manière les systèmes anciens et modernes, il voulut proposer le sien, très-favorable à la monadologie de Leibnitz. Ce fut en 1759, que parurent ses Fundamenta philosophiæ speculativæ, qui eurent plusieurs éditions. Pour la logique, il eut l'idée, déjà indiquée par Leibnitz, de représenter les syllogismes par des figures géométriques et des formules mathématiques. C'est ce qui donna lieu à son Methodus calculandi in logicis, 1763, un des principaux ouvrages de Ploucquet. Cette métho

de trouva des adversaires: Lambert, qui avait imaginé une méthode de construire des syllogismes, critiqua le procédé de Ploucquet. Plusieurs savants prirent part à cette discussion, dont les pièces ont été recueillies par Boeck, Francfort et Leipzig, 1766, 1773, in-8°. Dans ses cours, Ploucquet avait beaucoup de précision et de clarté. Outre la métaphysique et la logique, il enseigna encore la philosophie et l'économie politique. En 1778, le duc de Würtemberg le chargea aussi de faire un cours provisoire à l'académie militaire. Une attaque d'apoplexie l'empêcha, en 1782, de continuer les fonctions de professeur; et, dans sa vieillesse, un incendie, qui détruisit sa maison ses livres et ses manuscrits, faillit lui coûter la vie : on ne sauva qu'avec peine le vieillard impotent. Jusqu'à ses derniers moments, Ploucquet continua de travailler, et de lire la Bible. Il mourut le 13 septembre 1790. Son extérieur ne prévenait pas en sa faveur; mais ses biographes Boeck, Schlichtegroll et autres louent sa franchise et la solidité de son commerce social. Il a laissé un fils, professeur de médecine à Tubingue. Outre sa chaire, il avait l'administration des bourses fondées à l'université de Tubingue. Il a écrit, indépendamment des ouvrages indiqués ci-dessus : I. Institutiones philosophie theoreticæ, 1772; réimprimé à Stuttgard, en 1782, sous ce titre : Expositiones philos. theor. II. Elementa philosophic contemplative, sive de scientia ratiocinandi, etc., Stuttgard, 1778. III. Commentationes philosophica selectiores, antea seorsim editæ, Utrecht, 1781, in-4°. IV. Variæ questiones metaphysicæ, Tubingue, 1782, in-4°. Une Notice sur Plouc

quet, insérée dans le journal Schwæbische Chronick, 1790, a été publiée séparément sous le titre de Sou venir de Godefroi Ploucquet, Tubingue, 1790, in-8°. D-G. PLOWDEN (FRANÇOIS), ecclé siastique anglais, était d'une famille catholique qui suivit Jacques II en France. Sa mère était dame d'honneur de la reine, femme de ce prince. Il fut élevé auprès d'elle à Saint-Germain-en-Laye, et placé ensuite au séminaire des Anglais à Paris. 11 y fit sa licence, et y reçut les ordres sacrés. Mais, s'étant lié avec le docteur-appelant Boursier, celui-ci lui persuada de renoncer au bonnet de docteur, plutôt que de signer de nouveau le formulaire. On prétend, dans les Nouvelles ecclésiastiques (feuille du 19 juin 1789), que Jacques III destinait, à l'abbé Plowden, le chapeau de cardinal dont il avait la présentation, mais que le jeune abbé fut privé de cet honneur par le parti qu'il adopta sur les affaires de l'Église. Le même refus de soumission l'empêcha d'être employé dans les missions en Angleterre : après un séjour de trois ans en ce pays, il revint en France, et se logea chez les doctrinaires de la maison de Saint-Charles, à Paris. Il reprit les fonctions de catéchiste, qu'il avait déjà exercées à Saint-Étiennedu. Mont: mais, en 1744, le père Bouettin, curé de cette paroisse, le força de se retirer. L'abbé Plowden se borna depuis à faire des instructions dans des maisons particulières, sans vouloir se soumettre aux conditions nécessaires pour obtenir des pouvoirs. Il continua de résider dans la maison de Saint-Charles, quoique, surtout dans sa vieillesse, l'état de sa fortune lui eût permis d'adopter un genre de vie moins

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sévère. Il y a eu plusieurs ouvrages imprimés de l'abbé Plowden le seul que nous puissions assurer être de lui, est le Traité du sacrifice de J.-C., 1778, 3 vol. in-12. L'auteur y enseignait que la réalité de ce sacrifice consistait, non dans l'immolation, mais dans l'offrande faite à Dieu, de la victime immolée, et que le sacrifice n'était qu'une simple offrande de l'immolation faite sur la croix. Ce livre excita quelques divisions entre les théologiens appelants: l'abbé Rivière, dit Pelvert, et autres, s'assemblèrent à ce sujet; et il fut résolu, dit-on, de ne pas écrire sur cette controverse. Seulement l'abbé Plowden consentit à mettre un carton à l'endroit où l'on trouvait qu'il ne s'était pas assez nettement expliqué; puis il changea d'avis, et s'en tint à son premier sentiment. Pelvert, qui s'était déclaré vivement contre la non-immolation, publia de lui-même un carton, pour joindre au Traité; procédé qui fut blâmé des amis de Plowden. On se partagea, les uns tenant, avec Plowden, pour une immolation mystique; et les autres admettant, avec Pelvert, une immolation réelle. Plusieurs écrits parurent pour et contre. Pelvert publia une Dissertation sur la nature et l'essence du sacrifice de la messe, 1779, in-12, et laissa unc Défense de la Dissertation ou réfutation de quatorze écrits, 1781, 3 vol. in-12. Cette défense ne vit le jour qu'après sa mort, arrivée le 18 janvier 1781. Les écrits réfutés par Pelvert sont la Lettre d'un théolo gien, 19 octobre 1788, par JeanPierre Vion, dominicain, sorti de son cloître, et connu sous le nom de Dumont; les trois Lettres à un ami de province, par Jabineau, 1779; - les Observations et Aveux sur les

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