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la seconde guerre punique, aux années 207, 206 et 205 avant l'ère vulgaire, on représentait plusieurs de ses pièces, qui obtenaient des applaudissements unanimes. Il brillait au théâtre, en même temps que Caton å la tribune; c'est Aulugelle qui fait ce rapprochement. Il paraît que les productions dramatiques de Plaute lui avaient été fort lucratives: mais il se mêla de négoce, y perdit sa fortune, et revint à Rome se mettre au service d'un boulanger; il se vit même,selon Varron cité par Aulugelle, obligé de tourner la meule. Ce fait, dont on voudrait douter, n'est pas moins attesté que beaucoup d'autres généralement accrédités dans l'histoire littéraire: les auteurs qui nous l'apprennentajoutent que Plaute continua, dans son moulin, de composer des comédies. Le surnom d'Asinius lui a été quelque fois donné, à cause de ce déplorable service, auquel on supposait qu'il s'était vu réduit. Ge surnom pourrait bien être purement imaginaire; et quand Festus, grammairien du quatrième siècle, dit qu'on l'appela Plotus, depuis Plautus, parce qu'il avait les pieds plats, cette étymologie est aussi très-hasardée : elle n'est indiquée par aucun des écrivains antérieurs à Festus, qui ont parlé de Plaute. Mais la date de la mort de ce poète nous est fournie par Cicéron, qui la fixe au consulat de Claudius Pulcher et de Porcius (l'an 184 avant notre ère). Térence avait alors neuf ans. On cite, comme ayant été composés par Plaute, pour être inscrits sur sa propre tombe, des vers qui disent que depuis sa mort la scène est déserte; la comédie, éplorée; les ris, les jeux, la poésie et la prose, inconsolables. Sans l'autorité de Varron, Aulugelle douterait de l'authen. ticité de ces vers, dont nous ne som

mes pas

très-sûrs d'avoir le véritable texte; car dans les Nuits Attiques, ce sont trois vers hexamètres, et ailleurs quatre iambiques. Plaute n'avait pas besoin de se louer si pompeusement lui-même; les auteurs latins des âges suivants lui ont rendu assez d'hommages. Varron répète, après Stolon, que les Muses emprunteraient la voix de ce poète, si elles voulaient parler latin; éloge au moins exagéré, et qui a fort scandalisé Muret, selon lequel le langage de Plaute conviendrait mieux à des courtisanes qu'aux chastes nymphes du Parnasse. Cicéron, quoiqu'il n'en dise pas tant que Stolon, trouve néanmoins de l'urbanité, de l'esprit, de la grâce même, dans les plaisanteries de l'auteur comique. Horace, en le jugeant avec plus de rigueur, nous apprend qu'il avait été long-temps admiré. Quintilien, aux yeux duquel la comédie latine est restée fort inférieure à la grecque (in comœdid maximè claudicamus), ne connaît pas d'essais plus heureux, plus honorables que ceux de Plaute. Volcatius Sédigitus qui, dans Aulugelle, distribue à dix poètes comiques latins les places dues à leurs talents, assigne la première à Cæcilius, la seconde à Plaute, et la sixième seulement à Térence. Sans doute, ceux qui attachaient un trèshaut prix à la pureté et à l'élégance du style, pouvaient contredire cette opinion; mais elle devait avoir pour partisans ceux qui voulaient, par dessus tout, qu'une comédie les divertît. Aulugelle, en son propre nom, comble d'éloges l'auteur de l'Amphitryon, de l'Avare et des Ménechmes; il l'appelle l'honneur de la langue la tine; Macrobe l'égale à Cicéron : saint Jérôme retrouve dans ses comédies le plus piquant atticisme; il avoue qu'il a du plaisir à les lire et à

les expliquer aux enfants. Quelques modernes, Erasme, Jules Scaliger, Muret comme on vient de le voir, Rapin, et surtout Laharpe, se sont montrés plus difficiles. Laharpe se plaint de l'uniformité des plans, de la monotonie des dialogues, et de l'oubli des convenances théâtrales: il ne voit, dans les vingt pièces de Plaute, qu'un même canevas dramatique, où reparaissent éternellement, sous divers noms, les mêmes personnages, une jeune courtisane, une vieille femme qui la vend, un jeune homme qui l'achète, un valet fourbe, un vieillard trompé, un soldat fanfaron,un parasite. Marmontelavoueque Plaute a plus souvent consulté le goût du peuple que celui des chevaliers romains; mais il n'y a qu'une voix, ajoute-t-il, sur la beauté de »ses pièces : chez lui tout est plein » d'action, de mouvement et de feu: » son génie aisé, riche et fécond, ne » laisse jamais languir le théâtre; ses » intrigues sont bien nouées, et conformes à la qualité des acteurs; ses » incidents sont très variés; il a le >> talent de faire plus agir, que » parler. » Dans un examen judicieux du théâtre des latins, M. Hoffmann a réfuté les observations critiques qui portent sur les à parte, sur les monologues, sur les apostrophes aux spectateurs; il a montré que ces imperfections de l'art dramatique chez les anciens, tenaient à leurs habitudes, à leurs mœurs et à la coustruction même de leurs théâtres : une dissertation de M. Mazois sur cette construction, est à lire avant de juger les comédies latines. Cependant il nous paraît difficile d'excuser toujours, dans Plaute, l'uniformité des plans, des personnages, des caractères ce qu'il y aurait peut-être de plus plausible à dire en sa faveur, c'est

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que les sujets de Térence ont encoré moins de variété, et ses moyens dramatiques moins de souplesse; qu'un` même canevas se reproduit avec enco→ re plus de monotonie dans les six piè ces qui nous restent du dernier, que dans les vingt de son prédécesseur. Celles-ci offrent des jeux de mots trop fréquents pour être toujours ingenieux; et la morale ni le bou goût ne peuvent tolérer ceux qui sont obscènes mais entre les saillies qui n'ont point ce dernier vice, il en est d'inattendues et de piquantes, d'assez heureuses enfin pour mériter de l'indulgence ou des éloges, quand elles conviennent au caractère et au ton du personnage qui les débite. On est souvent forcé d'admirer la dextérité de Plauté à manier une langue neuve et peu cultivée encore, le parti qu'il en sait tirer, les expressions vives et les tours énergiques dont il l'enrichit. D'inutiles prologues, des plans compliqués par de fatigants épisodes, d'interminables à parte, le long babil des personnages les plus pressés d'agir, voilà les défauts de ce poète, ou plutôt voilà l'extrême imperfection où il a trouvé et laissé l'art comique. Les poètes grecs, Diphile, Démophile, Philemon, et surtout, comme Horace l'a remarqué, le sicilien Epicharme, lui fournissent des sujets pouvait-il échapper au danger d'emprunter quelquefois leurs travers? On suppose, il est vrai, que dans les comédies latines qualifiées togatæ, il y avait des personnages romains: mais aucune de ces pièces ne nous a été conservée ; et il paraît que Quintilien n'en faisait pas un très-grand cas. Plaute et Térence n'exposent jamais, du moins directement, les mœurs de Rome sur les théâtres de Rome: ils ne nous montrent que des Grecs ; et leurs allusions

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aux vices particuliers des Romains, ne sont, quoi qu'on en ait dit, ni très fréquentes ni très - sensibles. L'art comique est donc privé chez eux de sa plus grande puissance; il ne trace pas l'image de la société immédiatement observée. Vingt siècles après Plaute, la vraie comédie fut soudainement créée par Molière : ne comparons pas des essais timides à des chefs-d'œuvre; il suffit pour appre cier Plaute, et même pour l'admirer, de se souvenir que Molière, dans l'Avare et dans l'Amphitryon, a daigné l'imiter de fort près, et quel quefois le traduire. Plaute avait laisse un très-grand nombre de pièces : on en comptait cent-dix, et même cent-trente au temps d'Aulugelle; mais la plupart lui étaient mal-a-propos attribuées. Varron, après d'exactes recherches pour reconnaître les plus authentiques en avait distingué vingt-une, qu'Aulugelle nomme en conséquence Varroniennes. On a énoncé néanmoins d'autres nombres: Ælius, vingt-cinq; Servius, trenteun; et des savants modernes ont rédigé des catalogues où sont ajoutées aux vingt comédies de Plaute qui subsistent, trente-cinq et même quarante pièces perdues. Entre celles-ci se place la Bootie, que Varron croyait être véritablement de Plaute, quoiqu'on l'attribuât à Aquilius; et de laquelle Aulugelle transcrit neuf vers, qu'il déclare Plautinissimes. Aulugelle admet aussi comme authentiques la Nervolaria, et la comédie intitulée Fretum. Que de plus il en existât une autre imitée du grec de Diphile, sous le titre de Commorientes, Terence l'atteste dans le prologue des Adelphes. Mais plusieurs productions du poète comique Plautius avaient été appelées Plautiana, et, par une erreur qu'Aulugelle re

marque, attribuées à l'auteur qui nous occupe. On avait aussi attaché son nom à des ouvrages d'Aquilius, Attilius ou Acuticus. Ainsi, quoiqu'il eût probablement composé plus de vingt-quatre comédies, les quatre intitulées: Commorientes, Fretum, Nervolaria et Boeotia, sont les seules qu'on puisse compter avec quelque sécurité après les vingt qui nous sont parvenues. Dans celles-ci même il se rencontre des lacunes que des latinistes modernes ont remplies par des morceaux et des scènes entières qu'il faut bien se garder de confondre avec le texte de Plaute. Laharpe s'y est laissé tromper; il a critiqué, comme étant de Plaute, l'acte cinquiè me de l'Aulularia, qui, à l'exception des vingt premiers vers, appartient à un auteur du quinzième ou du seizième siècle, probablement à Urceus Codrus. Dans les endroits mêmes où il n'y a point de lacunes, le texte à subi des altérations: la preuve en est dans une soixantaine de vers cités par d'anciens auteurs, comme étant extraits de comédies de Plaute non-perdues, et qui néanmoins ne se lisent dans aucun exemplaire manuscrit, ni dans les éditions de ces mêmes comédies. Les quatre qui sont le plus universellement connues, sont l'Amphitry on, imité en italien, par Lodovico Dolce; en anglais, par Dryden; en français, par Rotron et par Molière; l'Aulularia, où Molière a trouvé l'Avare; les Ménechmes, transportés sur la scène italienne par le Trissin (Isimillimi); sur la scène anglaise, par Shakspeare (les Méprises); sur la scène française, par Rotrou, puis par Regnard; et la Mostellaria, que P. Larrivey a presque traduite dans sa comédie des Esprits, et de laquelle Regnard a tiré le Retour imprévu. On lit peu les Captifs de Ro

trou, empruntés de ceux de Plaute; mais la pièce latine est un modèle dont M. Lemercier (Cours de littér. tome 1) recommande l'étude aux jeunes poètes. La Casina, dont on retrouve quelques traits dans les Folies amoureuses de Regnard, et même dans le Mariage de Figaro de Beaumarchais, avait fourni à Machiavel, le sujet de sa Clizia. L'une des premières scènes du Barbier de Séville en rappelle une du Curculion. Le Mariage interrompu, de Cailhava, est en partie emprunté tant de l'Epidicus, que des Bacchides, l'une des plus spirituelles productions du poète latin. Corneille, en composant le personnage de Matamore, dans sa comédie de l'Illusion, et en général, tous ceux qui ont mis des fanfarons sur la scène, ont profité du Miles gloriosus. M. Andrieux dit que trois vers d'Horace, et la pièce de Plaute, intitulée Trinummus (ou les Trois Écus), lui ont fait naître l'idée de sa comédie du Trésor. Quelques traits comiques du Mercator, ou Marchand, ont été imités en divers ouvrages modernes. Mais on n'a presque rien tirédu Pseudolus, ni du Truculentus, quoique ces deux comédies (le Trompeur et le Rustre) soient citées par Cicéron, comme celles dont Plaute avait raison de s'enorgueillir. La Cistellaria, malgré la faiblesse de la composition, offre d'intéressants détails. Dix vers en langue punique, et six en langue libyque, qui commencent la première scène de l'acte v du Poenulus, ont attiré l'attention des érudits: Joseph Scaliger, Samuel Petit, Saumaise, Bochart, etc., ont essayé de les expliquer (1). Les autres piè

(1) Voy. Jos. Scalig., ep. 362. Sam. Petit, Miscel Lan., 1. II, c. 1, 2, 3. Salmas., ep. 18. Bochart, PhaLeg, II, 2. Chanaan, 11, 5. Bibliothèque universelle

ces qui nous restent de Plaute sont le Rudens (le Cordage, ou l'heureux Naufrage), le Persa, l'Asinaria et le Stichus ( ou la Fidélité conjugale). Ce dernier drame, quoique Limiers ait pris la peine de le traduire en vers, a paru peu digne de Plaute; et quelques hommes de lettres ont soutenu qu'il ne pouvait être de lui : on a peine en effet à y reconnaître son esprit, sa gaîté, son style. L'Asinaria a été fort maltraitée par les copistes: des lacunes, des interpolations et des déplacements la défigurent. L'intérêt est faible dans le Persa, et n'est pas trèsvif dans le Rudens, malgré le caractère romanesque de la composition. A la tête de chacune de ces vingt pièces, se lisent des vers acrostiches qui en indiquent le sujet, et que l'on croit du grammairien Priscien: ils ne sont sûrement pas de Plaute. On a long-temps attribué à ce grand poète une vingt-unième comédie, intitulée Querolus: pour s'apercevoir qu'il n'en pouvait être l'auteur, il eût suffi d'observer que Cicéron y est cité, et que Plaute lui-même y est désigné comme le modèle qu'on a suivi pour la composer: Investigatam Plauti per vestigia. Elle n'est pas non plus de Gildas le Sage, quoiqu'on le répète encore c'est une méprise occasionnée par le titre de Liber querolus qu'on lisait à la tête de certaines copies de la lettre de cc Gildas, sur les malheurs de la GrandeBretagne, au cinquième siècle. La première édition du théâtre de Plaute est de 1472, à Venise, chez Vindelin de S pire, in-fol. Il en a paru onze autres avant 1501. Entre les éditions

de Le Clerc, IX, 253. Acta erudit., Dips. Supplem. V, 425. Soldanis, Dissert., 1759, in-4°., etc. MM. Bellermann et Vallancey se sont, plus récemment, beaucoup exercés sur le même sujet.

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du seizième siècle, nous distinguerons celles d'Alde, in-folio, en 1516, et in-4°., en 1522; de Robert Estienne, en 1529, in-folio, et en 1566, in-8°.; de Paris, en 1576, in-folio, avec les commentaires de Lambin. Le dix-septième siècle en fournirait environ quarante, recommandables par quelques circonstances. Celle de Wittemberg, en 1621, in-4o., a été revue par Gruter, et renferme les notes de Taubman. Les Elzěvirs en ont donné une en petit format, à Leyde, en 1652. Celle qui fait partie de la collection ad usum Delphini, in-4°., est en 2 vol., imprimés à Paris, en 1679. Il y a plus de profit à tirer de l'édition cum notis variorum, publiée à Amsterdam par J.Fred. Gronovius, 1684, 2 tomes in8°; l'on y peut joindre les Lectiones Plautine, du même Gronovius, in-8°, Amsterdam, 1740. Le Querolus est compris dans le Plaute revu par les frères Volpi, et imprimé à Padoue chez Comino, en 1764. La collection de Barbou et celle des DeuxPonts contiennent de bonnes éditions de Plaute : l'une en 3 vol. in-12, Paris, 1759; l'autre en 3 vol. in-8°. 1788. On estime aussi celle que M. Bothe a fait paraître à Berlin, 180911, 4 vol. in-8°., dont le dernier est rempli par les notes. On compterait plus de cent littérateurs modernes, qui ont travaillé à éclaircir ou l'ensemble, ou certains passages des œuvres de Plaute: à ceux que nous avons déjà nommés, nous devons joindre surtout Érasme, les deux Scaliger, Muret, Barth, Isaac Casaubon, les deux Heinsius, Meursius et Ernes ti. On doit à J. Phil. Paré, un Lexicon Plautinum, Francfort, 1614, in-8°.; des Electa Plautina, ibid., in -8°. 1619; et une Dissertation De metris comicis præcipuè Plauti

nis, ibid., in-8°., 1638; à Franc. Florido, et à Benedetto Floreto, des Apologies de Plaute; à Gaspar Sagittarius, une Vie de ce poète, jointe à celles de Térence et de Cicéron, Altembourg, 1671, in-8°. Plaute a été traduit dans toutes les langues modernes. Il paraît cependant que les Espagnols n'ont que des versions particulières de plusieurs de ses comédies, et que son théâtre complet n'a point encore passé dans leur langue. Nous ne connaissons qu'un 1er. volume de la version allemande de Lessing, publié en 1784, non plus que de celle d'A.-L. Borhek, en 1803; mais on a publié depuis en cette langue plusieurs traductions complètes de Plaute, l'une en prose, par G.-G.-S. Koepke, Berlin, 1809-20, 2 vol. in-8°. ; l'autre, métrique, par C. Kuffner, Vienne 1806, 5 vol. in-8°. : celle de JT.L. Danz, Leipzig, 1806-09, 3 gros vol. in-8°.,est accompagnée du texte latin. Chez les Anglais, Bonnel Thornton, George Colman, et Richard Waront traduit tout le théâtre de Plaute en vers blancs (Londres, 176974, 5 val. in-8°.) La version italienne de Nic.-Eug. Argelio est pareillement complète; elle a été mise au jour, accompagnée du texte, à Naples, en 1783, 10 vol. in-8°. Dès 1658, l'abbé de Marolles traduisit en français les vingt comédies trois seulement, l'Amphitryon, l'Epidicus et le Rudens ont occupé mademoiselle Lefebvre, depuis, madame Dacier; elle les publia en 1683, en français et en latin, avec de savantes remarques. La version des Captifs, par Coste, fut imprimée en 1713 et en 1716; mais en l'année 1719, parurent à-la-fois, en Hollande, deux traductions françaises de toutes les œuvres de Plaute, chacune en 10

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