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Louis XI lui conféra l'ordre de SaintMichel, le fit son premier conseiller et son chambellan, puis le nomma chevalier d'honneur du parlement de Bourgogne, et gouverneur de la province. Charles VIII, successeur de Louis XI, ayant rendu un élit pour supprimer le parlement de Dijon, et le réunir à celui de Paris, Philippe Pot fut député au roi par les magistrats et les états; il porta la parole avec tant de dignité, que le parlement fut rétabli, et que luimême obtint la place de gouverneur de la province, après Baudricourt. Sa douceur, sa sagesse, ses bienfaits, lui acquirent le nom de Père de la Patrie. Il mourut en septembre 1494, et fut inhumé à Citeaux, où l'on voyait son mausolée, dans la chapelle Saint-Jean-Baptiste (2). En 1791, lorsque l'abbaye de Cîteaux subit le sort de tous les monastères, ce mausolée fut transporté à Dijon, et rétabli dans le jardin de l'hôtel de M. de Ruffey, appartenant aujourd'hui à M. Richard de Vesvrotte. On y voit encore ce tombeau, où Philippe Pot est représenté, armé de pied en cap, vêtu d'une cotte d'armes, et couché sur une tombe élevée d'environ six pieds, et soutenue par huit deuils ou pleureux, portant chacun au bras un écusson de ses alliances. MM. Beguillet et Courtépée, dans la Descrip

(2) Ce monument curieux a été gravé dans le tome

IX, H. du recueil de l'Acad. des inscrip. Mais on a

omis d'y rapporter l'in cription gravée en gothique

carré du quinzième siècle, sur la frise de la tombe, et qui est assez longue; elle commence par ces mots: Ci demorrera Messire Philippe Pot, seigneur de La Roche de Nolay, de Chatelneuf en l'Auxois, et de Gevrey en Chaonnois pour la pluspart grand sé néchal de Bourgogne, seigneur de Thorcy sur Oische et de Neelles, qui fut norry en l'ostel de monseigneur le Bon, Philippe derrier trespassé, lequel le fit chevalier, fut parrain d'iceluy, etc., etc. La suite est un récit de toutes les charges dont a été bouore Philippe Pot, et des principales actions de sa vie; l'anecdote de Constantinople n'y est point rapportée.

tion, etc., de Bourgogne, tome 11, p. 126, prétendent que Philippe Pot prit pour ses héritiers les religieux de Citeaux, qui lui érigèrent un beau mausolée le testament fut

et que cassé. Ce fait a été contredit: le mausolée de Philippe Pot a été construit à ses frais avant sa mort. Gui Por, frère aîné de Philippe, fut père d'Anne Pot, qui épousa Guillaume de Montmorenci, d'où viennent les ducs de Montmorenci, les princes de Condé et de Conti (3). G. P—1. POTAMON, philosophe d'Alexandrie, a passé pour le chef de la secte éclectique. Diogène de Laërte, Porphyre et Suidas ont parlé de lui, et il n'est pas aisé de concilier ce qu'ils en disent. Diogène, qui écrivait au commencement du troisième siècle de l'ère vulgaire, dit que Potamon a fondé, pen auparavant, pò öλéyou, la secte que nous venons d'indiquer. On lit, dans Porphyre, que les pères en mourant recommandaient leurs enfants à Plotin, et que de ce nombre, ¿v róvtois, était Potamon; si Potamon est du nombre des pères on le peut croire un peu plus âgé que Plotin; s'il est du nombre des fils, il aura été son disciple: cette seconde interprétation est la moins probable; car Porphyre continue, en disant que Plotin se plaisait à entendre Potamon disserter sur une philosophie nouvelle dont il jetait les fondements. Suidas fait vivre Potamon sous le règne d'Auguste; et l'autorité de cet ignorant ou inattentif lexicographe a égaré, en ce point comme en plusieurs autres, les compilateurs modernes, et particulièrement Deslan

(3) On a fait, pour ridiculiser cette alliance, une chanson dont le refrain est :

Mon père était broc, Ma mère était pot, Ma grand'mère était pinte.

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des, qui, dans son Histoire de la Philosophie (tome 1, page 83), a placé, à l'époque même de J.-C, les Ieçons de Potamon et la naissance de l'éclectisme. Avec Brucker, avec Andrès, avec MM. Buhle et Matter, nous ne craindrons pas d'affirmer que Potamon natif d'Alexandrie, y enseignait, au commencement du troisième siècle, ou à la fin du deuxième; mais nous ne croyons pas qu'il y ait lieu de corriger le texte de Suidas, qui sûrement a voulu indiquer l'époque d'Octave-Auguste, et non celle d'Alexandre Sévère, comme on l'a prétendu en supposant que ses copistes ont omis le mot Akɛávδρου avant Αυγουστου. Cette correctíon a donné lieu à quelques savants de conjecturer que Potamon a pu vivre au temps d'Alexandre-le-Grand, hypothèse bien plus étrange. Ce n'est pas, sans doute, que l'idée de choisir entre les doctrines philosophiques, d'emprunter à toutes les sectes leurs opinions les plus raisonnables, n'aît dû naître bien avant l'an 200 de notre ère. On l'avait conçue dès le siècle de Cicéron, peut être dès celui d'Aristote : Pline Plutarque, Galien, et les hommes les plus éclairés depuis la fin du règne d'Auguste jusqu'à ceux des Antonins, ont suivi des méthodes de ce genre; et l'on en peut dire autant de quelques écrivains chrétiens, de saint Clément d'Alexandrie, par exemple. Mais une secte éclectique ne s'était pas encore formée dans l'école Alexandrine: Énésidème et Sextus Empiricus venaient d'y enseigner le scepticisme, qui, sans répandre aucune lumière, avait produit de vives controverses. Il paraît que Potamon essaya le premier, dans cette école, de composer, d'éléments choisis dans toutes les anciennes

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philosophies, une philosophie nouvelle; c'est du moins ce que dit expressément Diogène de Laërte, son contemporain, ἐκλεξαμένου τά ἀρές σαντα ἐξ ἑκάτης τῶν ἁιπέσεων. Nous n'en pouvons pas juger en parfaite connaissance de cause, puisqu'il ne reste aucun écrit de Potamon: son commentaire sur le Timée de Platon, et l'ouvrage qu'il avait composé sous le titre de Science élémen taire, sont, depuis long-temps, perdus. (V. Gloechner, Dissert. de Potamonis Alexandrini philosophia, Leipzig, 1745, in-4°.) Nous savons seulement qu'il n'obtint pas de grands succès , que son enseiguement n'eut pas le bonheur de plaire à Plotin, et que le syncrétisme ou l'illuminisme, professé par Ammonius Saccas, se propagea bien davantage. (V. les articles AMMONIUS SACCAS, I, 57, et PLOTIN (XXXV, 79). Du reste, la doctrine de Potamon ne nous est connue que par la trèscourte notice qu'en donne Diogène de Laërte. Brucker en tire trois dogmes généraux, dont le premier appartient, dit-il, à la philosophie rationnelle; le deuxième, à la philosophie naturelle; et le dernier, à la philosophie morale: 1°. Il y a deux examens, duó xperápia, de la vérité: l'un principal ou de l'esprit qui juge; l'autre instrumental, qui consiste dans une claire et intime image. 2°. Les commencements de toutes choses sont, la matière, la cause efficiente, la composition (Toino), et le lieu. Brucker donne, aux deux premières de ces quatre choses, les noms de prindeces cipes, l'un passif et l'autre actif; et aux deux dernières les noms d'affections, c'est-à-dire les qualités d'une part, et le lieu de l'autre; car, ajoutait Potamon, on peut, sur tous les objets naturels, demander de quoi et par qui ils

sont faits, de quelle manière et en quels lieux ils existent. 3o. La fin à laquelle tout se rapporte est la vie, que perfectionne ou achève la vertu, non sans les biens naturels et extérieurs du corps. En conséquence, Diderot expose ainsi la doctrine de Potamon: << Il soutenait, en métaphysique, que nous avons, dans nos facultés, un moyen sûr de connaître la vérité, et que l'évidence est le caractère distinctif des choses vraies; en physique, qu'il y a deux principes de la production générale des êtres, l'un passif ou la matière, l'autre actif, ou toute canse efficiente qui la combine. Il distinguait, dans les corps naturels, le lieu et les qualités. Il réduisait toute la morale à rendre la vie de l'homme la plus vertueuse qu'il était possible; ce qui, selon lui, excluait l'abus, mais non l'usage des biens et des plaisirs. » Cette philosophie est plus intelligible et moins bizarre que celle de Plotin : mais de telles généralités n'avancent pas beaucoup la science; et l'on peut douter, même en les supposant vraies, qu'elles soient des préliminaires très - utiles d'une étude positive de la nature et de la morale.

D-N-U. POTEMKIN (GRÉGOIRE-ALEXANDROWITCH), naquit en septembre 1736, dans une terre appartenant à sa famille, à cinq lieues de Smolensk. Cette famille, originaire de Po. logne, était, quoiqu'ancienne, rangée seulement dans la dernière classe de la noblesse russe. Destiné par ses parents à l'état ecclésiastique, le jeune Potemkin fut envoyé à l'université de Moscon. Il y contracta un goût particulier, et qui dura toute ta vie, pour la théologie et la controverse. Cependant son caractère violent et passionné paraissait peu convenable à la carrière ecclésiasti

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que celle des armes lui fut ouverte, à son grand contentement. Des protecteurs lui firent obtenir le grade d'enseigne dans les gardes à cheval. La vie militaire développa chez lui des passions funestes le déréglement de ses mœurs et la dépravation de son esprit devinrent bientôt incorrigibles. C'est au milieu de cette vie de désordre, que le hasard ouvrit tout-à-coup devant lui le chemin des grandeurs et de la fortune. Il était de service, le 28 juin 1762, jour célèbre dans les annales de Russie: c'est celui où Catherine II arracha la couronne à son faible époux Pierre III. Elle était à cheval, en uniforme, et l'épée à la main. Potemkins'aperçut qu'elle n'avait point de dragonne, signe distinctif de l'officier chez tous les peuples du Nord. Il détacha aussitôt la sienne, et s'avança pour l'offrir à l'impératrice. Elle fut sensible à cette attention : Potemkin était d'ailleurs extrêmement remarquable par sa haute taille et la beauté peu commune de ses traits. Catherine II récompensa son dévoûment, dès le lendemain, par le brevet de colonel, et une place de gentilhomme de la chambre. Paré de ces nouveaux titres, il fut envoyé à Stockholm pour y porter la nouvelle de la révolution qui venait de s'opérer. A son retour de Suède, il chercha tous les moyens de se lier avec les courtisans qui approchaient le plus près de la personne de la souveraine. Il parvint bientôt à se rendre agréable, et même nécessaire, dans les petits cercles de l'impératrice. Dévoré d'ambition, et peutêtre, d'ailleurs, réellement sensible

à l'amabilité et aux attraits de Catherine, qui n'avait encore que trentetrois ans, Potemkin osa laisser entrevoir des espérances, qui ne tardè

rent pas à se réaliser. De puissants obstacles s'opposaient cependant à son bonheur. Le comte Grégoire Orloff régnait despotiquement à la cour de Catherine II. Encouragé par la bienveillance que lui témoignait sa souveraine, le jeune courtisan ue craignit pas de braver l'altier favori. Des éclats violents en furent la suite; Potemkin se trouvait seul, un jour, avec les deux frères Grégoire et Alexis Orloff. On prétend qu'ils saisirent cette occasion pour humilier l'orgueil de leur rival, et que ce fut dans cette rencontre que Potemkin perdit un œil. Selon quelques versions, ce malheur fut causé par une maladie, et selon d'autres par une balle de jeu de paume. Mais il ne nuisit pas plus à la physionomie imposante de Potemkin, qu'à sa faveur auprès de l'imperatrice. Elle le nomma son chambellan, titre qui donne le grade de général-major, et, ce qui est plus précieux pour un homme de cour, les entrées partout et à toute heure. Potemkin crut alors que le moment était arrivé pour lui, de ne plus faire mystère de la passion dont il était embrasé pour son auguste bienfaitrice. Voulant peindre l'éclat de sa beauté, il disait un jour : « Quand cette femme char>> mante entre dans un lieu sombre, » elle l'éclaire. » Loin d'être offensée de cette galanterie ouverte, Catherine ne négligea rien pour mettre le nouveau favori en évidence. La guerre ayant éclaté contre les Turcs, elle l'envoya à l'armée, avec une lettre de recommandation écrite de sa propre main, pour le maréchal Romanzoff. Potemkin déploya autant de valeur que de zèle et d'intelligence. Le grade de lieutenant-général fut la récompense de sa première campagne. Mais il était éloigné de la cour,

et il lui tardait d'y reparaître. L'occasion s'en présenta il la saisit avidement. Il demanda d'être expédié à Saint-Pétersbourg, pour y porter la nouvelle d'une victoire. Il ne pouvait, selon les apparences, se montrer plus à propos depuis long-temps l'impératrice semblait se repentir de l'ascendant qu'elle avait laissé prendre à Grégoire Orloff; et l'instant de sa disgrace semblait arrivé. Mais, en courtisan consommé, Orloff avait eu l'adresse de donner à Catherine un favori de son choix. Potemkin ne put trouver, dans le brillant accueil qu'il reçut, une compensation à cette terrible nouvelle. Il s'éloigna brusquement de la cour, en répandant le bruit qu'il allait se jeter dans un cloître, L'impératrice n'apprit pas sans surprise et sans peine que cette menace était réalisée: Potemkin avait quitté son hôtel pour le monastère de Saint-Alexandre Newsky. On assure même qu'il avait échangé son brillant uniforme contre une robe de moine. Catherine, désolée, chargea la comtesse de Bruce d'aller s'informer secrètement de l'état de l'ancien favori, et de lui faire entrevoir qu'il lui suffirait de se montrer pour reconvrer tout ce qu'il avait perdu. Potemkin reparut done, plus brillant et plus puissant que jamais. C'est de cette époque qu'il affecta de regarder les intrigues de cour comme au - dessous de lui. Aspirant ouvertement à diriger les affaires de l'état, plus encore que les plaisirs de la souveraine, il travailla constamment à se rendre indépen dant des caprices dont il avait faili être la victime. Ce projet hardi demandait des talents supérieurs, ua mélange subtil de soumission appa rente aux lois de la souveraine, et d'ascendant réel sur son caractère.

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Potemkin atteignit rapidement le but qu'il se proposait. La fière Catherine s'étonnait quelquefois ellemême de l'influence qu'exerçait sur toutes ses déterminations un homme qui se sentait lui même assez sûr de son empire pour passer tout-à-coup des formes de la galanterie la plus recherchée à une familiarité si audacieuse, qu'il ne daignait pas lui -répondre quand elle lui adressait la parole. A toutes les faveurs dont elle l'avait comblé, elle en ajouta une qui ne fut que très-rarement accordée celle de porter publiquement son portrait. Elle ne se borna pas à ces distinctions honorifiques : elle lui sacrifia tout ce qui portait le moindre ombrage à sa jalouse ambition, Aucun favori ne fut accepté, qu'il n'eût obtenu préalablement l'aveu de Potemkin. Aux instants les plus inattendus, il paraissait dans l'intérieur des appartements, à l'aide d'une galerie couverte, qui joignait son hôtel au palais impérial. Plus d'une fois, l'impératrice se transporta ainsi chez lui, pour le consulter sur des affaires pressantes. Il était digne de cette haute confiance: ses ennemis mêmes n'ont point contesté l'étendue de ses lumières, et la gran deur de ses desseins pour accroître la puissance et la civilisation de l'empire russe. Ils ne lui ont reproché, ainsi qu'à la souveraine qu'il servait, que d'avoir voulu jouir trop vite. Jusque-là, la politique du cabinet de Pétersbourg avait toujours tendu à reculer les limites de l'empire aux dépens des Othomans: Potemkin conçut le hardi projet de les expulser entièrement d'Europe. Il entrait dans son plan d'y faire concourir l'Autriche. Ce fut à son instigation qu'eut lieu l'entrevue de Mohiloff, entre Gatherine et Joseph II

(V. CATHERINE, VII, 383 ). On y convint du partage de la Turquie; et Potemkin s'occupa des moyens d'assurer l'exécution de son plan. Quand il eut tout préparé, il partit précipitamment pour aller recevoir en personne l'hommage du khan des Tartares, et prendre possession de la Crimée, que le descendant de Gengis-Khan avait vendue à la Russie, pour une faible somme qui ne lui fut point payée. L'humanité a le droit de reprocher à Potemkin les violences dont il se rendit coupable pour courber ce peuple musulman sous le joug dé sa souveraine. On a prétendu qu'il travaillait pour lui-même. Il est certain, du moins, qu'en ajoutant aux gouvernements d'Azof et d'Astracan, qu'il possédait déjà, celui de la Crimée et des provinces adjacentes, cet ambitieux favori de la czarine se vit naître, à-peu-près absolu, d'états plus vastes que ceux de plusieurs têtes couronnées de l'Europe. Il se fit donner, par l'impératrice, des sommes considérables, pour y bâtir des villes et y introduire les arts nés de la civilisation. Quoique la Porte eût été forcée de consentir à la cession des provinces envahies, Potemkin, en politique éclairé, pressentit que le moment viendrait où cette puissance élèverait des réclamations. Il calcula que le meilleur moyen de les prévenir ou d'y répondre était d'avoir des troupes nombreuses et exercées. De ce moment, en sa qualité de président du conseil de la guerre, il consacra tous ses soins à l'organisation de l'armée russe. Rien n'échappait à son attention: cette immense armée sortit de ses mains telle qu'elle est àpeu-près aujourd'hui. Il se présenta bientôt une occasion de déployer ce superbe appareil militaire aux yeux

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