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Rome avec les ambassadeurs que czar envoyait au pape pour le remercier du service qu'il en avait reçu; il reconduisit ensuite les ambassadeurs jusqu'en Pologne, où le pape desirait le fixer avec le titre de lé gat: mais, après avoir terminé l'objet de sa mission, sur les instances de son général, il obtint la permission de revenir en Italie, en 1587. Il demeura d'abord à Padouc, occupé de mettre la dernière main à différents Ouvrages que ses voyages l'avaient forcé d'interrompre, et trouvant encore le loisir de catéchiser, de prêcher, et de diriger les jeunes gens qui recouraient à ses lumières, et dans le nombre desquels on doit citer le pieux évêque de Genève, saint François-de-Sales. Quatre ans après, il se rendit à Rome, et travailla de tout son pouvoir à la réconciliation de Henri IV avec le Saint-Siége; mais le zèle qu'il mit dans cette affaire déplut au pape, qui lui défendit de s'en mêler. Il fut alors chargé de la direction du collège de Bologne, et fit un voyage à Venise, pour surveiller l'impression de son Apparatus sacer; mais, sentant ses forces épuisées, il se retira dans Ferrare, où il mourut, le 26 février 1611, à l'âge de soixantedix-huit ans, avec la réputation d'un des plus savants et des plus intrépides défenseurs de la foi. Il est à peine croyable qu'un homme presque sans cesse occupé d'affaires importantes, ait eu le temps d'écrire un si grand nombre d'ouvrages de divers genres. La plupart tiennent à la controverse; on en voit la liste dans la Bibl. soc. Jesu, et dans les Mémoires de Niceron, tome xxII; nous nous bornerons à citer les principaux : I. Moscovia, seu de rebus Moscoviticis, etc., Vilna, 1586, in-8°.; Anvers, 1587; et réimprimé plusieurs fois

avec des additions. Cet ouvrage est très-remarquable en ce qu'il est un des premiers qui aient paru sur l'empire de Russie, alors presque inconnu, même à ses habitants. II. Judicium de quatuor scriptoribus ( La Noue, Bodin, Philip. de Mornay et Machiavel), Rome, 1592, in-12; Lyon, 1593, in-8°., avec des additions. Possevin n'avait jamais lu Machiavel dont il entreprenait de réfuter les principes; et malheureusement, il n'est pas le seul critique à qui l'on pourrait faire le même reproche. III. Bibliotheca selecta de ratione studiorum, ad disciplinas et ad salutem omnium gentium procurandam, Rome, 1593, 2 vol. in-fol. ; nouvelle édition augmentée et corrigée, Cologne, 1607, 2 vol. in-fol. Possevin avait conçu le plan de cet ouvrage en 1574; et, au milieu des occupations dont il fut chargé, il le termina dans l'espace de vingt ans. On avait déjà la Biblioth. de Conrad Gesner (Voy. ce nom), augmentée et perfectionnée par les travaux de Simler, de Fries, etc.; mais Possevin sentit le premier la nécessité de déterminer l'objet et les limites des sciences et des arts. La première partie de son livre est consacrée à rechercher les méthodes que doivent suivre ceux qui les étudient, et ceux qui les enseignent; la seconde partie est divisée en sept livres, dans lesquels l'auteur parcourt le cercle de toutes les sciences, et fait connaître ceux qui les ont le mieux cultivées. Il cite leurs principaux ouvrages, en donne des extraits quelquefois fort étendus, et même les réfute quand leurs principes ne s'accordent pas avec les siens. C'est dans l'examen des historiens anciens et modernes, qu'il se montre, plus qu'ailleurs exact et judicieux : il y a sans doute,

dans cette compilation, beaucoup d'inexactitudes ; mais Tiraboschi pense qu'en la corrigeant et l'augmen. tant, on pourrait en faire un des livres les plus utiles. IV. Apparatus sacer, Venise, 1603-1606, 3 vol. in-fol.; Cologne, 1607, 2 vol. in-fol. C'est le Catalogue le plus considérable des écrivains ecclésiastiques, anciens et modernes, qu'on eût encore vu; il est plus étendu, plus exact et plus instructif que celui de Bellarmin, qui ne parut qu'en 1613 (V. BELLARMIN). Possevin y passe en revue, par ordre alphabétique, plus de six mille auteurs, dont il retrace la vie et les opinions, dont il indique les ouvrages. Quels que soient les défauts d'un pareil travail, on n'en doit pas moins reconnaître que Possevin a beaucoup contribué à faciliter l'étude et les progrès de l'histoire littéraire. A la fin de l'Apparatus, il a donné le catalogue des manuscrits grecs, encore inédits, qu'il avait vus dans les différentes bibliothèques de l'Europe. Outre les auteurs déjà cités, on peut consulter, pour plus de détails, la Vie de Possevin, par le P. Nicol. Dorigny, Paris, 1712, in-12; elle a été traduite en italien par le P. Nicol. Ghezzi, et imprimée à Venise, en 1750, avec des additions importantes. Tiraboschi a consacré une notice intéressante à son savant confrère, dans la Storia della letteratura italiana, v11, 1060-66.-JeanBaptiste POSSEVIN, frère aîné du précédent, naquit à Mantoue, en 120, fut élevé par les soins du cardinal Hercule de Gonzague, protecteur de sa famille, et fut ensuite attaché, comme secrétaire, aux cardinaux Cortese et Hippolyte d'Este. Il avait de l'instruction, et du talent pour la poésie. Il mourut à Rome, en 1549, à l'âge de vingt-neuf ans.

de son

On a sous son nom: Dialogo dell' onore, nel quale si tratta a pieno del duello, Venise, 1553, 1556, 1558, in-4°., et 1564, in-8°., avec des additions d'Ant. Possevin, qui fut l'éditeur de cet ouvrage frère. Ant. Bernardi, évêque de Caserte, dans la préface de son Traité contre le duel, imprimé en 1562, se plaignit d'un abus de confiance de la part de J.-B. Possevin, auquel il avait communiqué son manuscrit ; et c'est en vain qu'on a essayé de justifier ce dernier du reproche de plagiat (Voyez les Notes d'Apostol. Zeno sur la Bibliot. de Fontanini, 1, 362); Tiraboschi lui-même, après avoir pris la défense de Possevin, a reconnu qu'il était réellement coupable (Voy. la Bibliot. Modenese, I, 241). Ant. Possevin, qui n'a jamais tenté de laver son frère d'uue accusation si formelle, a pris la défense de ses principes sur le duel dans un ouvrage très-rare, intitulé: Due discorsi: l'uno in difesa di Gio. Batt. Possevino, dove si discorre intorno al duello; l'altro in difesa di Giraldi, dove si trattano alcune cose par iscriver tragedie, Rome, 1556, in-8°. (Voy. le Dict. typogr. d'Osmont, 11, 105.) On a quelques pièces de vers de J.-B. Possevin, entre autres la Paraphrase d'une Ode de Sapho dans les Rime d'Atanagi. -POSSEVIN (Jean-Baptiste), neveu des précédents, embrassa l'état ecclésiastique, et devint théologien de l'évêque de Ferrare. Outre une traduction italienne de l'histoire de la Moscovie par son oncle, Ferrare, 1592, in-8°., on cite de lui: I. Discorsi della vita et azioni di Carlo Borromeo cardinale, Kome, 1591, in-8°. II. Dichiarazioni delle lettioni di tutti li matutini dell' anno del Breviario ro

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mano, Ferrare, 1592, deux parties, in-4°. Cet ouvrage est si rare que Paitoni regardait comme un hasard heureux d'en avoir trouvé la seconde partie, qui manquait depuis longtemps à son exemplaire Voy. la Bibl. degli autori volgarizzati, v, 179). III. Hinni sacri del Breviario romano tradotti in lingua volgare, Perouse, 1594, in-4o.; Venise, 1599, même format. IV. Vite de santi di Todi nelle quali si scuoprono l'antichità e grandezza di detta città, Perouse, 1597, in4. POSSEVIN (Antoine), autre neveu de l'auteur de l'Apparatus sacer, exerçait la médecine à Mantoue, au commencement du dixseptième siècle, avec une réputation assez étendue. Il consacra ses loisirs à la culture des lettres, et publia : I. Theorie morborum libri quinque carmine conscripti, Mantoue, 1604, in-8°. II. Gonzagarum Mantuæ et Montisferrati ducum historia, ibid., 1617, in - fol.; 1628, in-4°. Il avait hérité des manuscrits de son oncle sur cette illustre famille. III. Belli Montisferratensis historia, ab anno 1612 usque ad ann. 1618, Genève, 1631, in-fol. W-s.

POSSIDIUS (SAINT), célèbre disciple de saint Augustin, fut élu, en 397, évêque de Calame en Numidie. Il eut beaucoup à souffrir des Donatistes; il ne s'en vengea qu'en demandant pardon pour eux à l'empereur. Vers l'an 408, les païens, qui étaient encore en grand nombre à Calame, voulant célébrer une fête sacrilege le premier jour de juin, vinrent faire des danses autour de l'église; ils y jetèrent des pierres, y mirent le feu, blessèrent plusieurs ecclésiastiques, dont un resta mort sur la place. Ces excès ayant été dénoncés à l'empereur, Possidius se

réunit à saint Augustin, pour demander la grâce des coupables. L'empereur se contenta d'ordonner que les idoles seraient brisées, et qu'à l'avenir il ne serait plus permis aux païens, d'offrir des sacrifices, ni de célébrer leurs fêtes superstitieuses. Les Vandales s'étant répandus de l'Espagne en Afrique, la Mauritanie et la Numidie furent entièrement ravagées; trois villes, Carthage, Cirte et Hippone furent les seules qui osèrent, pendant quelque temps, tenir contre la fureur des barbares. Calame fut ruinée de fond en comble; et il paraît qu'elle ne s'est point rélevée. Possidius se retira dans Hippone, où il

ferma les yeux à saint Augustin, dont il a écrit la vie, en y joignant le Catalogue de ses ouvrages. Depuis la mort de son maître, il vécut, errant au milieu des ruines de sa patrie, et séparé de son troupeau. On ignore le lieu et l'année où il termina sa vie. Il avait établi, parmi les clercs de sa cathédrale, la règle de saint. Augustin. Les chanoines réguliers qui l'honorent comme un de leurs patrons, célèbrent sa mémoire le 17 de mai.

G-Y. POSSIDONIUS. V. POSIDOnius. POST (FRANÇOIS ), peintre et graveur à l'eau-forte, naquit à Harlem, en 1614. Son père, Jean Post, était un peintre sur verre, qui ne manquait pas de talent, et qui dirigea ses premières études. Un de ses frères, architecte de Maurice de Nassau, le fit connaître à ce prince, qui lui commanda plusieurs tableaux. Le mérite qu'il montra dans ces ouvrages, lui valut l'amitié de son protecteur, qui lui accorda une pension, et le prit avec lui dans l'expédition qu'il fit au Brésil, en 1636. A son retour, Post exécuta pour le château de Rycksdorp, près de Wassenaer, une suite de

tableaux représentant des Vues d'A mérique. Cette collection dénote le plus rare talent. Les sites sont heureusement choisis; et un emploi savant des différents arbres de ces contrées, le contraste qu'il établit entre la nature sauvage de ces lieux et la fraîcheur de la végétation, ajou tent à l'effet général de ses compositions, auxquelles la légéreté admirable de sa touche, la vivacité et la vérité du coloris, donnent encore un nouveau prix. Post mourut dans sa ville natale, le 17 février 1680. Il avait aussi cultivé la gravure à l'eau-forte; et il existe de lui plusieurs estampes gravées d'une pointe très-spirituelle, entre autres, quatre Vues du Brésil, de format grand in-folio en travers, et datées de 1649, pièces capitales, extrêmement rares.

P-s.

POSTEL (GUILLAUME), célèbre visionnaire, et l'un des plus savants hommes de son siècle, était né, le 25 mars 1510 (1), à Dolerie, paroisse de Barenton, dans le diocèse d'Avranches. A huit ans, il eut le malheur de perdre son père et sa mère, qui moururent, presque le même jour, d'une maladie contagieuse. Dès qu'il sut lire, il montra le plus vif desir d'acquérir des connaissances; et il passait des journées entières, un livre à la main, oubliant l'heure des repas. Forcé bientôt de songer aux moyens d'assurer son existence, it se fit maître-d'école (2); et, après avoir gagné quelque argent, il vint à Paris, avec l'intention d'y continuer ses études. A son arrivée, il tomba entre les mains de fripons qui

(1) Cette date est celle qu'ont adoptée les biographes les plus instruits.

(2) Postel établit, dit-on, son école à Say, pres de Pontoise: on ne trouve de village de ce nom que dans les environs d'Alençon,

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lui dérobèrent son argent, et lui prirent jusqu'à ses habits. Le chagrin le rendit malade; et quelques personnes charitables l'ayant fait admettre dans un hôpital, il y passa deux ans avant de pouvoir se rétablir. En sortant de cet asile, le malheureux Postel prit le chemin de la Beauce: c'était le temps des moissons; il gagna, par son travail, de quoi s'acheter un habit décent, et revint à Paris. Il entra, comme domestique, au college de Sainte Barbe, sous la condition qu'on lui permettrait de suivre les leçons; et, s'étant procuré une grammaire, il apprit l'hébreu, sans le secours d'aucun maître, ainsi que le grec, qu'il n'étudiait qu'à des heures dérobées. Son application et sa docilité le firent bientôt connaître d'une manière avantageuse. Un grand seigneur voulut l'engager à le suivre en Portugal, en lui promettant une chaire, avec un traitement de quatre cents ducats; mais il remercia, disant qu'il était encore dans l'âge d'apprendre, et non d'enseigner. Quelque temps après Postel gagna les bonnes grâces du bailli d'Amiens, qui l'emmena dans cette ville, où il put se livrer sans inquiétude à ses goûts. De retour à Paris, il se chargea de l'éducation du neveu de Jean Raquier, abbé d'Arras, qui conçut pour lui beaucoup d'amitié, et lui proposa des bénéfices que sa délicatesse ne lui permit pas d'accepter. Le desir d'acquérir de nouvelles connaissances le conduisit, en 1537, à Constantinople. où il suivit Jean de la Forêt, chargé de conclure une ligue avec Soliman, pour s'opposer aux desseins ambitieux de Charles-Quint. Postel profita de cette occasion pour visiter la Grèce, l'Asie-Mineure et une partie de la Syrie. Il étudia les diverses

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langues de ces contrées, et recueillit quelques manuscrits, qu'il paya du peu d'argent qu'il avait. Il revint par I'Italie, et la connaissance avec le savant Teseo Ambrosio, qui lui fit présent de l'Oraison Dominicale en chaldaïque et en arménien, et de quel ques Alphabets orientaux (Voy. TESEO). En arrivant à Paris, Postel s'empressa de publier les Alphabets qu'il avait rapportés de son voyage. Il n'existait pas de caractères de la plupart de ces langues, alors presque inconnues en Europe (3): ne trouvant pas d'ouvriers assez habiles Postel fut obligé de les faire graver sur des planches (Voy. Chevillier, Hist. de l'impr. de Paris, p. 296). Ce livre, qui renferme des notions fort cu rieuses, fut suivi d'un petit Traité (De originibus...), dans lequel Postel cherche à démontrer que toutes les langues, même le grec et le latin, dé rivent de l'hébreu ; et, la même année (1538), pour répondre à l'impatience des savants, il publia une Grammaire arabe, dont il n'avait présenté que l'essai dans son Recueil d'Alphabets. Postel ne pouvait pas échap per à la généreuse protection de François Ier. Dès 1539, il fut nommé professeur de mathématiques et de langues orientales au college de France; et le chancelier Poyet, à qui l'on a reproché, peut-être à tort, son peu d'estime pour les lettres, accrut le traitement de ce professeur des revenus d'un doyenné de l'église d'Angers. Entouré d'une considération méritée, et comblé des faveurs de la cour, Postel semblait devoir jouir désormais d'un sort tranquille : mais une lecture trop aprofondie des ou

(3) Ceux qui avaient paru dès 1486, dans quelques voyages à la Palestine (V. BREYDENBACH), étaient absolument défigurés, et d'ailleurs n'étaient pas en lettres mobiles.

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vrages des rabbins, et la vivacité de sonimagination, le précipitèrent dans des écarts qui semèrent sa vie de troubles, et qui lui causèrent de cuisants chagrins. Ilen vint d'abord à se persuader que le règne évangélique de

Jésus-Christ ne pouvait plus se soutenir parmi les Chrétiens, ni se propager parmi les infidèles, que par les lumières de la raison. Il crut ensuite qu'il était appelé, par Dieu luimême, à réunir tous les hommes dans la loi chrétienne, par la parole ou par le glaive, sous l'autorité du pape, et du roi de France, à qui la monarchie universelle appartenait de droit, comme descendant en ligue directe du fils aîné de Noé. François Ier., qui avait une haute idée du mérite de ce savant, le pressa de retourner dans le Levant, avec La Forêt (1543), en lui promettant quatre mille écus pour acheter des manuscrits orientaux: Postel, tout rempli des projets dont on vient de parler, refusa cette proposition honorable, et se démit même de sa chaire (4), pour aller à Rome, persua dé que les Jésuites, dont l'institut était alors naissant, s'empresseraient de le seconder dans l'exécution du plan qu'il nommait la plus belle cuvre du monde. A son arrivée dans la capitale du monde chrétien (1544), il courut se présenter à saint Ignace, qui, d'après sa réputation, ne balança pas à l'admettre dans la Société. Mais, après avoir cherché vainement à le désabuser de ses rêveries, le saint le renvoya, et défendit à tous les membres de l'institut de conserver aucune espèce de liaison avec

(4) Tons les biographes s'accordent à dire que Postel perdit sa haire pour avoir montré trop d'attachement au chancelier Poyet dans sa disgrace; mais lui-même nous apprend qu'il la quitta volon tairement pour aller, Rome, solliciter son admis sion chez les Jésuites.

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