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accompli en moins d'une année, malgré l'opposition d'une partie du corps législatif, du conseil d'état et de l'armée. Les consolations de la religion furent rendues aux condamnés; l'instruction religieuse à la jeunesse; les pratiques solennelles du culte aux mœurs publiques : des fabriques, organisées pour l'administration des biens des églises, recueillirent les débris encore existants de leurs anciennes dotations. Les clercs obtinrent d'être exemptés du service militaire. L'épiscopat reconquit dans l'Etat un rang et des honneurs politiques, le sacerdoce un véritable état civil. Les prêtres furent dispensés de tutelle, et du service comme jurés. Ce fut encore Portalis qui proposa et fit adopter la rédaction des articles du concordat rerelatifs au culte catholique, et celle des articles organiques concernant les protestants. Buonaparte le nomma ministre des cultes, en messidor an XII (juil. 1804); et ce choix fut reçu avec une approbation générale. Les différentes communions religieuses trouvaient dans Portalis un sage auxiliaire et un modérateur éclairé. Il savait réprimer les excès du zèle, et rappeler la philosophie aux principes dans les quels elle doit se renfermer. Les séminaires furent réorganisés sous ses auspices; les associations religieuses de femmes qui se consacraient au service des malades et des pauvres, à l'instruction gratuite des enfants de la classe indigente, à l'enseignement de la jeunesse, à l'amélioration des mœurs des personnes du sexe, autorisées les congrégations des missions étrangères furent rétablies, Il défen lit avec courage, contre les attaques de la police impériale, les utiles et savantes conférences de M. l'abbé Frayssinous; il défendit de

:

furent

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même la communauté des prêtres de Saint-Sulpice. Chargé, en juillet 1804, du portefeuille du ministère de l'intérieur il exerça pendant plusieurs mois, avec distinction, ces fonctions importantes. Ce fut sur son rapport que Buonaparte établit la fête de saint Napoléon, et de l'anniversaire de son couronnement. La bonhomie native et la simplicité touchante qui caractérisaient Portalis, résistèrent aux séductions du pouvoir, comme elles avaient triomphé de l'adversité. Son élévation ne changea pas davantage ses habitudes laborieuses; et l'académie de législation, destinée à la restauration des études de jurisprudence, le compta parmi ses plus utiles soutiens. L'empereur Alexandre lui

avait fait demander un travail sur le projet qu'il avait conçu de réfor mer les lois de son vaste empire. Capable de déterminations fortes, Portalis se condamna, pendant plusieurs mois, à des privations pénibles pour prévenir la cécité dont il était menacé, et se soumit à une opération douloureuse, qui n'eut malheureusement qu'un succès trompeur. Il survécut peu de temps à cet accident, et mourut le 25 août 1807. Son Éloge funèbre fut prononcé, le jour de ses funérailles, par le duc de Massa, alors grand-juge, ministre de la justice. Des honneurs funèbres furent rendus spontanément à sa mémoire dans toutes les églises de France, soit catholiques, soit protestantes. Deux ans après sa mort, Buonaparte ordonna qu'il lui serait élevé une statue, et qu'elle serait placée, avec celle de Tronchet, dans la salle du conseil d'état : elle a été exécutée par De Seine. Elles sont toutes les deux déposées au Louvre. Ministre des cultes et grand cor

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administratives et judiciaires, est parvenu aux honneurs de la pairie. (Voyez la Biographie des hommes vivants.)

F-T.

don de la Légion-d'honneur, Portalis solantes doctrines de l'atheïsme et était membre de la seconde classe de du matérialisme; il trace rapil'Institut ; et il lut, dans cette assem- dement une apologie philosophique blée, au commencement de 1806, de la religion chrétienne; il reun Éloge élégant de l'avocat-général pousse avec autorité et succès les Séguier, qui obtint une seconde édi- paradoxes dangereux des philosotion (2). Il fut lui - même remplacé phes modernes sur la politique et dans cette compagnie par Laujon, la législation. En tout, la justesse des dont le discours de réception, pro- observations, la solidité des prinnoncé le 24 novembre 1807, a été cipes, des traits d'un goût fin et déimprimé avec ceux de MM. Ray- licat, en recommandent la lecture. nouard et Picard, reçus le même Le fils de Portalis, élevé sur jour. Portalis a laissé un Traité postses traces, après avoir rempli tourhume sur l'usage et l'abus de l'es-à-tour des fonctions diplomatiques, prit philosophique pendant le dixhuitième siècle, Paris, 1820, 2 vol. in-8°. Cet ouvrage, remarquable par la clarté de la diction, l'esprit de méthode, d'analyse et d'impartialité qui l'a dicté, la philosophie religieuse et le bon goût qui y règnent, contient l'inventaire lumineux et exact des richesses de l'esprit humain à la fin du dernier siècle. L'auteur apprécie, avec sagacité, les avantages qui ont résulté, pour les sciences, les lettres, les arts, le goût et les mœurs, des progrès et de l'heureuse application du véritable esprit philosophique à toutes les matières: il indique l'abus qu'on a fait de cette application nême; les faux systèmes de philosophie auxquels cet abus a donné naissance; et l'influence réciproque de ces faux systèmes sur les mœurs, et des mœurs sur les systèmes. Il réfute, avec une éloquence pleine de talent, les dé

(2) Séguier, qui avait remplacé Fontenelle à l'académie française, était mort en 1791, et, n'ayant

point eu de successeur immédiat, n'avait pu rece voir le tribut de louange que, suivant les statuts et l'usage de ce corps, tout récipiendaire payait à son prédécesseur. La 2c. classe de l'Institut ayant enfin arrêté de rendre cet hommage à la mémoire de ces académiciens oubliés, à la séance publique du 12 therm. an XIII (31 juillet 1805), Morellet lut l'éloge de Marmontel, son neveu, et Boufflers, celui du maréchal de Beauvau, son oncle. Le 2 janvier suivant, Portalis lut l'éloge de Séguier.

PORTE (MAURICE DE LA), littérateur, naquit à Paris, en 1530, d'une famille d'imprimeurs. Ambroise, son frère aîné, personnage bien docte et très-éloquent (Voy. la Bibl. de la Croix du Maine), continua la profession de leur père, et se serait acquis une réputation plus durable, s'il n'eût été enlevé par une mort prématurée. Maurice eût desiré s'appliquer entièrement à la culture des lettres; mais il nous apprend que la nécessité de s'assurer quelque honnête moyen de vivre l'obligea souvent d'interrompre ses études. Il eut pour maîtres Léger Duchesne, célèbre Muret, et François Pierson, depuis grand - vicaire de l'abbé de Molesme, que, dans l'élan de sa reconnaissance, il proclame un savant et divin philosophe. Ce fut à la prière de Pierson que La Porte entreprit de recueillir les épithètes employées par les plus célèbres poètes français. Il mourut pendant l'impression de cet ouvrage, le 23 avril 1571, à l'âge de quarante ans, et fut enterré dans l'église Saint-Etienne-du-Mont, où l'on voyait son épitaphe en vers,

le

composée par Franç. d'Amboise, et rapportée par Lacaille (Hist. de L'imprimerie, p. 139). Les Epithètes de M. de La Porte, Paris, 1571, in 8°., ont été reimprimées, en 1580, in-16, et Lyon, 1593, même form. Ccs différentes éditions sont égale ment recherchées des curieux. Cet ouyrage, le premier de ce genre, parait n'avoir point été connu du P. Daire, puisqu'il ne le cite pas dans la préface des Epithètes françai ses (V. DAIRE). « Il peut être, dit l'abbé Goujet, de quelque utilité pour l'intelligence de certains termes que l'auteur avait recueillis des anciens poètes, et qui, maintenant, sont peu intelligibles » (Voy. la Bibl. franç., III, 337). On y trouve aussi des anec. dotes sur les auteurs contemporains, dont plusieurs avaient été ses amis, entre autres, Jacques Tahureau, dont La Porte a fait imprimer les Dialogues, avec une Préface (V. TAHUREAU).

W-s.

de faciliter ses correspondances se-
crètes. Le cardinal de Richelieu, en
ayant conçu des soupçons, le fit
conduire à la Bastille, au mois d'août
1637. La Porte raconte,
Mémoires, tout ce qu'il y souffrit;
il entre dans le détail des divers in-
terrogatoires qu'on lui fit subir. Une
lettre écrite par la reine à Mme. de
Chevreuse, avait été trouvée sur ce
fidèle agent, qui devait la remettre à
un gentilhomme du Poitou. De son
côté, Anne d'Autriche, mandée par
le roi à Chantilli, avoua ce qu'elle
ne pouvait nier. La Porte s'était d'a-
bord renfermé dans une dénéga-
tion absolue; puis, averti, par des
amis de la reine, de ce que cette
princesse avait cru devoir révéler
il fit de nouvelles déclarations qui
concordaient avec ces aveux. Les
menaces, ni les promesses du car-
dinal de Richelieu, l'appareil de
la question, la crainte même du
supplice, ne purent arracher à La
Porte un secret dont la révélation
aurait vraisemblablement été suivie
du renvoi de la reine en Espagne, et
de sa répudiation. L'on dut à sa dis-

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PORTE (PIERRE DE LA), né en 1603, entra, en 1621, au service d'Anne d'Autriche, comme portemanteau ordinaire. Le dévouement qu'il lui montra dans les circonscrétion le rapprochement de Louis tances les plus périlleuses, aurait mérité d'être mieux récompensé. Intermédiaire secret des relations que la reine entretenait avec le roi d'Espagne, la gouvernante des Pays-Bas et la duchesse de Chevreuse, il fut enveloppé, au mois de juillet 1625, dans la disgrace de la maison de la reine. Alors il entra dans la compagnie des gendarmes de cette princesse, et il y servit pendant six années. Il ne lui fut permis qu'en 1631 de reprendre ses premières fonctions. Durant cet intervalle, il n'avait pas cessé de rendre à sa maîtresse les services les plus importants; et, revenu près d'elle, il continua

XIII avec Anne d'Autriche, et la naissance de Louis XIV, qui en fut la suite. La reine, se voyant enceinte, demanda la liberté de La Porte, dont la prison fut convertie en exil. Il sortit de la Bastille, le 12 mai 1638, pour se retirer à Saumur, où il resta jusqu'à la mort du roi. Anne d'Autriche, devenue régente, rappela La Porte auprès d'elle, et lui donna cent mille francs pour acheter la charge de premier valet de chambre du jeune roi elle le présenta au cardinal Mazarin, comme un homme à qui elle devait tout; et il semblait que La Porte allait jouir, sous son gouvernement, de la plus grande faveur,

mais ce serviteur trop fidèle crut devoir prévenir la reine, ainsi qu'il en avait reçu l'ordre positif, de tout ce que sa liaison avec le cardinal faisait dire dans le public: il crut même que sa conscience l'obligeait à révéler à la princesse une particularité relative au roi, sur laquelle il aurait peut-être dû garder le silence. Toutes ces circonstances entraînèrent La Porte dans une seconde disgrace: il perdit sa place, au commencement de 1653; et il ne parvint jamais à se rétablir dans l'esprit de la reine. Il mourut le 13 novembre 1680. On a de lui des Mémoires, contenant plusieurs particularités des règnes de Louis XIII et de Louis XIV, Genève, 1756, un vol. in-12. Il ne faut pas y chercher les agréments du style; mais on y trouve beaucoup de faits curieux, racontés avec simplicité. C'est un honnête homme, sans passion, qui entretient son lecteur de ce qu'il a vu, de ce qu'il a fait, et qui, par la nature de ses rapports, a été initié dans beaucoup de secrets importants. On voit, dans la Bibliothèque historique du père Lelong, édition de Fontette, tome 11, p. 575, qu'en 1769, le manuscrit original des Mémoires de La Porte était conservédans sa famille : ce qu'on lisait à la suite, sous le titre de Pièces dé tachées, contenait des anecdotes écrites de la main de l'auteur, ainsi que plusieurs Lettres originales. On ne peut qu'exprimer ici le vœu que les personnes qui possèdent ce manuscrit donnent une seconde édition des Mémoires, suivie des pièces restées inconnues jusqu'à présent. LA PORTE (Gabriel DE), fils du précédent, mourut doyen du parlement de Paris, le 11 février 1730, âgé de quatre-vingt-deux ans. Il a laissé la Relation d'un voyage

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PORTE (L'abbé JOSEPH DE LA), compilateur infatigable, naquit à Béfort, en 1713, de parents qui, quoique peu aisés, soignèrent son éducation. Après avoir terminé ses études, il entra chez les Jésuites; mais il en sortit au bout de quelques années, pour s'établir à Paris, résolu de chercher dans la culture des lettres un moyen de fortune. Il devint d'abord l'un des collaborateurs de Fréron, et travailla, en sous-ordre, aux Lettres sur quelques écrits de ce temps, et à l'Année littéraire : ils se brouillèrent ensuite (1); et La Porte entreprit, pour son compte, un journal qui n'eut pas de succès. Il publia, dans le même temps, quelques critiques qui, sans ajouter à sa réputation, lui attirèrent des épigrammes (2): mais il ne tarda pas de renoncer à la carrière périlleuse dans laquelle il était entré sans une vocation bien marquée; il se mit aux gages des libraires, et, en se livrant au genre fa

(1) Ce fureut des discussions d'intérêt qui rompirent la société : mais l'abbé de La Porte se réconci lia dans la suite avec Fréron. Laharpe attribue au

premier une critique assez piquante de l'Année littéraire, sous ce titre : La Revue des feuilles de M. Fréron des acad. d'Angers, de Montauban et de Nanci, Londres, 1756, 2 part. in-12.

(2) On a retenu celle-ci, que quelques personnes attribuent à Fréron; ce qui n'est pas vraisemblable: Fréron de La Porte diffère.

Voici leur devise à tous deux :
L'un fait bien, mais est paresseux;
L'autre est diligent à mal faire.

:

cile de la compilation, parvint à se faire dix à douze mille livres de rente. Le succès qu'obtenaient ses ouvrages l'étonna lui-même ; et il était le premier à en rire avec ses amis. Si l'on en croit Laharpe, il avait coutume de dire que, pours'enrichir, il ne fallait pas faire des livres, mais en imprimier; méthode qui depuis lui s'est bien perfectionnée. Il ne faut pas croire que l'abbé de La Porte fût sans mérite il ne manquait ni de goût, ni de jugement; et il possédait à un haut degré l'esprit d'analyse, moins commun et plus estimable qu'on ne pense. C'était d'ailleurs un homme d'un commerce sûr, de mœurs très-douces, se plaçant modestement au rang qui pouvait lui appartenir parmi les gens de lettres. Il mourut à Paris, le 19 décembre 1779 (3), dans de grands sentiments de piété. Il légua par son testament une partie de ses économies aux pauvres de Béfort. L'abbé de La Porte eut beaucoup d'amis, entre autres, Clément, Palissot, Chamfort, etc. Outre la part qu'il a eue aux Lettres sur quel ques écrits de ce temps, et à l'Année littéraire (Voy. FRÉRON); au Choix des anciens Mercures (Voy. SUARD); au Mercure de France (V. VISE), et à la France littéraire, dont il publia seul le Premier Supplément (V. HEBRAIL et GUIOT), on a de l'abbé de La Porte : I. Observations sur la littérature moderne, 1749 et ann. suiv., 9 v. in - 12. II. L'Ob

(3) Voici la manière dont Laharpe rend compte de la mort de son confrère, dans la Correspondance russe: L'abbé de La Porte est mort, il y a quelques jours, sans qu'on fit beaucoup plus d'attention à sa mort, qu'on n'en avait fait à sa vie. C'est pourtant un homme qui a fait imprimer quantité de livres, non qu'il fut auteur de beaucoup d'ouvrages; mais il est un des premiers qui aient imaginé les compilations de toute espèce qui ont mis presque toute notre librairie en Dictionnaires, en Esprit et en Extraits. L'abbé de La Porte était, en ce genre, le fripier le plus actif de notre littérature.

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servateur littéraire, 1758 et ann. suiv., 18 v. in-12. III. Les Spectacles de Paris, ou Calendrier historique et chronologique des théâtres depuis 1751 jusqu'à 1778, 28 v. in24 (4). ÍV. Voyage au séjour des ombres, 1749, in-12; nouvelle édi tion sous ce titre: Voyage en l'autre monde, ou Nouvelles littéraires de celui-ci, 1752, deux parties in-12. C'est une critique modérée et agréable de quelques ouvrages qui faisaient alors grand bruit. V. L'Antiquaire, comédie en trois actes et en vers 1751, in-8°.; pièce à l'usage des colléges. VI. Observations sur l'Esprit des lois, 1755, in-12. Selon Clément de Genève, la première partie de ce petit ouvrage est médiocre; la seconde, très-bien raisonnée, trèsphilosophique; et la troisième, faible, vague, peu réfléchie et sans conséquence (Voy. les Cinq années littéraires). VII. Tableau de l'empire Ottoman, 1757, in-12; idem, sous le titre de l'Almanach turc, 1760 etc. C'est la copie d'un ouvrage d'Alcide de Saint-Maurice, intitulé: La cour Ottomane, ou l'interprète de la Porte, Paris, 1673 ( Voy. le Dict. des anonymes de M. Barbier). VIII. L'Ecole de la littérature, tirée denos meilleurs écrivains, 1763, 2 vol.

(4) Cet ouvrage a été continué sans interruption, jusques et y compris 1794; le volume de cette année est intitulé: quarante-troisième partie, et est luimême en deux parties; la quarante-quatrième par

tie est de 1800; la quarante cinquième par M. Guilbert de Pixerécourt) est de 1801, et a aussi deux parties; la quarante sixième et dernière est de 1815. Il est à remarquer que le volume de 1761 intitulé dixième partie aurait dû l'ètre onzième. Mais l'almanach de 1751 étant alors épuisé, on en imprima un extrait dans le volume de 1761, et l'on ne crut pas devoir comprendre dans la Collection l'année 1751 que les amateurs de l'histoire des théâ tres recherchent. Du reste, sur les frontispices de quelques volumes on lit: Almanach historique et chronologique de tous les spectacles; sur d'autres, Calendrier historique des théâtres, etc. On y joint huit volumes publiés de 1773 à 1787, sous le titre de Almanach forain, etc.; ou sous celui de : Les Petits spectacles de Paris. A. B-T.

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