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Porson le décida à venir le voir aussi chez M. Ireland. Après l'avoir regarde un instant, il se retourna du côté des vitraux peints, qui donnaient une teinte sombre et religieuse à la lumière répandue dans la salle. Etonné de cette indifférence, M. Ireland l'invite à écrire son nom à la suite de ceux des personnes qui croyaient à l'authenticité du manuscrit. Porson essaie d'abord de s'excuser sur ce qu'il n'est point connaisseur en antiquités anglaises. Enfin, pressé jusqu'à l'importunité, il dit à l'imposteur littéraire : « Monsieur Ireland, » je déteste du plus profond de mon >> cœur toute espèce de souscription, » mais par-dessus tout les souscrip>>tions pour articles de foi. » L'ami de Porson lui dit, en se tournant vers lui: «M. Porson, vous serez » toujours plaisant. » C'est ainsi qu'il pensait, redoutant, plus que toutes choses, un serment qu'il regardait comme une profanation inutile du nom du créateur. « Quant à moi (dit » M. Kidd, dans la Notice qui précède » les Mélanges de critique de Por»son), j'aurais accepté sa simple pa. » role dans la circonstance la plus > importante; mais dans ces temps » de dégénération, ajoute-t-il, les paroles sont trompeuses, depuis que « les écrits peuvent les remplacer. » Une bourse laïque lui aurait permis de travailler pour le plus grand profit des lettres; mais la conduite peu généreuse d'un particulier lui ôta cet espoir. Il se trouva donc dans le monde, sans profession. Des amis vinrent à son secours, pendant quelque temps; mais, en 1792, W. Cooke, professeur de grec au collége de la Trinité, étant mort, Porson se présenta comme candidat, composa en deux jours sa belle Thèse sur Euripide, et fut choisi à l'u

nanimité pour remplir la chaire vacante. Son vœu le plus ardent était de rendre cette chaire véritable ment utile, en faisant un cours annuel au college. Si l'on eût voulu lui accorder un local pour cet objet, il aurait porté la lumière dans les principes des langues en général il aurait développé leurs rapports, leurs différences, leurs affinités prochaines et éloignées, leurs révolutions, leur syntaxe, leurs étymologies et les causes de leur corruption. En 1795, il épousa la sœur de M. Perry, Mme. Lunan, qui mourut deux ans après. Dès ce moment, il fut tourmenté d'un asthme qui le forçait d'interrompre ses travaux. II est probable que cette maladie provenait de ses habitudes trop sédentaires, et du travail fatigant de la transcription, auquel il se complaisait singulièrement, comme le prouvent les nombreuses notes manuscrites, déposées sur ses livres et sur des feuilles volantes. Il finissait de déchiffrer et de copier le manuscrit presque effacé du Lexique de Photius, de Th. Gale, appartenant à la bibliothèque du college de la Trinité, lorsque le feu prit à la maison de campagne de M. Perry, à Merton, et consuma sa copie, un Aristophane de Kuster, couvert de notes, et d'autres trésors littéraires. Ayant appris cette fâcheuse nouvelle par le docteur Raine son ami, il lui dit qu'il venait de perdre le travail de vingt ans de sa vie. Il se remit aussitôt à faire une seconde copie aussi belle que la première. On peut la voir actuellement auprès de l'original, qui fut préservé de l'incendie par la précaution qu'avait Porson de le porter toujours avec lui. Lors de l'établissement de l'institution de Londres, en 1805, sous les auspices de

sir Francis Baring et des principaux négociants, les directeurs prouvè rent leur discernement et leur amour pour les lettres, en confiant à Porson la place de premier bibliothécaire, Tout ce que ce savant a laissé comme critique, est ce qu'il est possible de faire de mieux; en sorte que ses éditions peuvent être regardées comme des modèles propres à donner la mesure du mérite d'un éditeur. Deux qualités de la plus grande importance le distinguent: la patience et la probité. Lorsqu'il collationnait un manuscrit, lorsqu'il suivait les variantes d'un texte dans les différentes éditions, lorsqu'il montrait l'acception d'un mot dans les écrits du même siècle, sa patience ne s'épuisait pas, son zèle ne se refroidissait jamais. A l'égard de la probité, il ne se serait jamais permis d'assurer qu'un passage était corrompu sans avoir fait les plus grandes recherches; et il ne se croyait pas autorisé à proposer une correction quelconque sans une très-grande probabilité en faveur de sa leçon. Un texte était il manifestement corrompu, il ne voulait point le tourmenter pour se donner le plaisir d'admettre une conjecture plausible, pensant, avec raison, qu'un pareil procédé efface les traces de cette clarté qui sert à rétablir par la suite le texte original. Ses écrits sont; I. Des Analyses du tome rer. de l'Es chyle de Schutz, de l'Aristophane de Brunck, de l'Hermesianax de Weston, et des Monostrophes de Huntingford; insérées dans la Revue littéraire de Maty, de 1783 et 1784. II. Des Notes à la fin d'une édition de la Retraite des Dix-mille de Xénophon, Cambridge, 1786, in-4o. et in-8°. Ces notes, ajoutées à celles d'Hutchinson, ne portent point de marques distinctives; mais elles oc

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cupent les pages XLI-LIX. G. Whiter, auteur de l'Etymologiconuniversale, composé celles qui sont marquées d'un w. III. Trois lettres sur la Vie de Johnson, par Hawkins, insérées dans le Gentleman Magazine de 1787. · IV. Notes sur les Commentaires de Toup sur Suidas, Hesychius et autres lexicographes grecs; insérées dans l'édition d'Oxford, 1790, 4 vol. in-8".: elles sont distinguées par les initiales A. R. P. G. S. S. T. G. S. qui signifient: A Ricardo Porson Collegii Sacro - Sanctæ Trinitatis Cantabrigia Socio. V. Letters to M. Archdeacon Travis, in answer to his defence of the three heavenly Witnesses, I John, v. 7. London, 1799, in-8°. de 440 pag. Ces lettres sont tirées du Gentleman Magazine, années 1788 et 1789. Un passage du 51. vol. du Gentl. Magazine, dans lequel on rendait compte de l'histoire de Gibbon, donna lieu à plusieurs lettres de l'archidiacre Travis, insérées d'abord dans le volume suivant de ce Journal, et réimprimées séparément, en 1794, in-40., troisième édition, avec des augmentations considérables. Porson soutient, d'après plus de cent dix mss. grecs, près de trente des plus anciens mss. latins, etc., que, depuis la Polyglotte de Ximenès, et l'édition du NouveauTestament de Robert Estienne, le 7. verset du chap. V de la re. Epître de saint Jean a été interpolé, et qu'on doit le lire ainsi réuni au 8e. : Ettres sunt qui testimonium dant: spiritus,

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teur eût moins laissé apercevoir le caractère de Bentley, son érudition et ses talents polémiques se seraient montrés avec plus d'avantage. VI. Virgilii opera, curante Heyne, Londres, 1793, 4 vol. in-8°. Porson corrigea les épreuves de cette édition, moins les trois ou quatre premières feuilles, et composa l'Avertissement au lecteur. VII. Analyse de l'essai de R. Payne Knight sur l'alphabet grec, dans le Monthly Review de 1794. Le vœu exprimé par Porson, que quelqu'un répondît aux imputations faites à Fourmont par Knight, a été rempli par M. Raoul Rochette, dans sa Lettre à lord Aberdeen, 1819, in-4°. VIII. Eschyli Tragoedia septem, Glascow, 1795, infol. Cette édition a été faite d'après un exemplaire de celle de Stanley, corrigé par Porson, auquel le libraire Foulis envoya les épreuves des cinq ou six premières pièces. Il fit paraître, à l'insu de Porson, l'ouvrage in-fol., en se servant du papier destiné à une édition in-8°. L'édition de ce format ne fut mise en vente qu'en 1806, 2 vol. in-8°., imprimés, ainsi que l'in-fol., sans notes, sans scholies et sans les fragments. IX. Euripidis Hecuba, græcè, Londres, 1797, in -8°.; Cambridge, 1802, in-8°., avec une seconde Préface qui fut aussi réimprimée séparément la même année, et de nouvelles Notes; troisième édition, Londres, 1808, in-8°. X. Euripidis Orestes, græcè, Londres, 1798; nouvelle édition augmentée, 1811, in-8°. Le docteur Burney a repoussé victorieusement, dans cinq numéros du Monthly Review de 1799, la critique faite par Wakefied de ces deux éditions d'Hécube et d'Oreste. XI. Euripidis Phoenissæ, ibid., 1799; nouvelle édition aug

mentée, 1811, in-8°. XII. Euripidis Medea, Cambridge, 1801; nouvelle édition augmentée, Londres, 1812, in-8°. Ces quatre tragédies d'Euripide, furent imprimées ensemble à Leipzig, 1802, seconde édition, 1807, in-8°., sur des exemplaires annotés, donnés par Porson à Fréd. Jacobs. Il a dû paraître en 1820, in-8°., à Londres, une édition complète de l'Euripide de Porson, avec un Index. XIII. Adversaria, notæ et emendationes in Poëtas græcos, edentibus J. H. Monk et C. J. Blomfield, Cambridge, 1812, in-8°.; réimprimé à Leipzig, 1815, in-8°. de 334 pag.: ce volume contient la Thèse sur Euripide, un grand nombre de Remarques sur Athénée, et d'autres Notes recueillies sur les livres et les feuilles volantes de Porson. XIV. Tracts and miscel laneous criticisms collected by Thomas Kidd, Londres, 1815, in-8°. On trouve dans ce recueil les articles cités ci-dessus nos. I, III, ainsi qu'une Lettre à l'arch. Travis, et des Notes sur un grand nombre d'auteurs grecs et latins. M. P. P. Dobree et M. Maltby bibliothécaire de l'institution de Londres, ont fourni beaucoup de maté riaux pour ce volume. XV. Notæ in Aristophanem, quibus Plutum comædiam præmisit P. P. Dobree, Cambridge, 1820 in -8°. XVI. Photii Lexicon, e codice Galeano (collegii Trinit. Cantabrig.) descripsit Ric. Porsonus, Londres 1822, 2 vol. in-8°. XVII. Porson a collationné avec l'édition d'Ernesti, de 1760 et de 1801, le mss. Harléien de l'Odyssée, qui a servi à l'édition d'Ho mère, 1800, 4 vol. in-4o: Il a aussi corrigé les épreuves du tom. 1er, de l'Hérodote d'Edinbourg, 1806. Porson doit être placé, à juste titre, parmi les critiques du premier ordre

qu'a produits la Grande-Bretagne. Son nom sera toujours accolé à ceux de Bentley, de Dawes, de Markland, de Taylor, de Toup, etc. Il semble surtout, par sa sagacité et la har diesse de sa critique, avoir un rapport plus marqué avec Bentley et Toup. On doit regretter que la république des lettres l'ait perdu, le 25 septembre 1808, lorsqu'il était encore jeune, et qu'il pouvait lui rendre les services les plus importants (1). Son corps, demandé unanimement par le collége de la Trinité, fut transporté de Londres à Cambridge, le 3 octobre, et exposé le lendemain dans la grande salle, depuis deux jusqu'à cinq heures du soir, puis enterré, avec une grande pompe, dans la chapelle, auprès de la statue

de Newton.

B-R j.

PORTA (JOSEPH), peintre, naquit à Castel-Novo di Garfagnana, en 1520. Resté orphelin en bas âge, il se rendit à Rome, où il entra dans l'école du Florentin Fr. Salviati, dont il prit le nom, par reconnaissance. C'est de là que lui vient le nom de Salviati le Jeune, sous lequel il est souvent désigné. Son maître ayant été appelé à Venise, par le patriarche Grimani, pour peindre son palais, il le suivit dans cette ville, dont les agré ments le séduisirent au point qu'il résolut d'y fixer sa demeure. La noblesse lui confia plusieurs travaux importants, entre autres la façade du pa

(1) Il fut frappé d'une apoplexie foudroyante, au milieu de la rue, le 19 septembre précédent comme il était seul, et que les papiers qu'il avait

sur lui n'indiquaient ni son nom ni son adresse, aucun des passants ne le reconnut, et il fut porté au de garde le plus voisin, puis dans un hospice, corps d'où l'on fit insérer dans le journal du lendemain son signalement avec l'indication de quelques lignes de

grec et de latin, et d'une équation algebrique tracée au crayon dans son portefeuille. Ses parents, inquiets de son absence, le reconnurent facilement à cette désignation; et leurs soins prolongèrent de quatre jours son existence. (Voy. les détails de ses derniers moments, dans les Archives de Kanigsberg, de 1811, no. 11, p. 213, in-80,, en allemand.

lais des Priuli, à Trevise, qu'il orna de plusieurs Figures allégoriques. Dans une des salles, il peignit la Manne dans le désert. Ce tableau, remarquable par la science du dessin, la beauté des nus et le naturel des attitudes, appartient encore à la manière qu'il s'était formée à Rome: mais, dès cette époque, il ne suivit plus que le style de l'école vénitien-` ne. Il peignit à fresque la façade de plusieurs palais; et l'ouvrage qui lui fit le plus d'honneur en ce genre, fut celle du palais Loredano, aujourd'hui détruite. La fameuse bibliothèque de Saint-Marc devait être décorée des peintures des plus fameux maîtres du temps. Porta fut chargé de l'exécution des trois tableaux ronds qui se voient dans le sixième compartiment de la voûte. Dans le premier, il peignit le Courage qui méprise la Fortune; dans le second, l'Art et la Physionomie, Plutus et Mercure ; dans le troisième, la Figure nue de la Guerre, assise sur une pièce de canon. Cette dernière est surtout remarquable par la vigueur du coloris et la vérité des tons. Ces nombreux travaux, où il signala son talent pour la fresque, ne l'empêchèrent pas d'orner de ses tableaux à l'huile plusieurs des églises de Venise. Les plus remarquables sont: Saint Côme et saint Damien guérissant un malade, dans l'église de Saint-Zacharie; et surtout la Déposition de croix, que l'on conserve dans l'église de SaintPierre-Martyr. Ces différents travaux ayant fait connaître Porta d'une manière avantageuse, il fut appelé à Rome, par le pape Pie IV, pour contribuer à l'embellissement de la salle royale du Vatican, commencée par Perino del Vaga, Daniel de Volterre, et d'autres artistes également

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célèbres, sous le pontificat de Paul III. Il eut pour compétiteurs, dans cet important travail, les deux frères Taddeo et Frédéric Zuccaro, le Samacchini et Fiorini de Bologne; et, quoique Vasari donne la préférence aux tableaux de Taddeo, le pape et toute la cour furent tellement charmés de l'ouvrage de Porta, qu'il fut question un moment d'effacer toutes les autres peintures de cette salle, et de les lui donner à refaire. Il avait représenté Alex andre III donnant sa bénédiction à l'empereur Frédéric Barberousse, au milieu de la place Saint-Marc, à Venise. Ce sujet lui permit de déployer sa science en architecture, et le brillant de son pinceau dans la peinture des costumes et des ornements vénitiens. Ce qui distingue cet artiste, c'est un mélange du caractère florentin avec le coloris, plus vif et plus saillant, de l'école de Venise. Ce style plaisait au Titien, qui fut l'ami de Porta; et il lui mérita d'être choisi, avec Paul Véronèse et les plus habiles artistes de Venise, pour décorer la bibliothèque de SaintMarc. Il mourut dans cette ville, en 1570, âgé de cinquante ans seule ment. Ayant fait une étude aprofondie des mathématiques, il avait composé quelques traités sur divers points de cette science; mais, dans sa dernière maladie, il jeta au feu tous ses manuscrits, dans la crainte que quelque autre ne s'en fit honneur. Il n'était pas moins versé dans l'architecture. Enfin ce maître s'est fait connaître comme excellent graveur en taille de bois. Les morceaux qu'il a exécutés en ce genre, sont d'une excessive rareté. Les plus célèbres sont un Christ en croix, cité par Papillon, dans son Traité de la gra vure en bois, et une Academie des

sciences et des arts, belle composition, décrite par Huber et Rost, et qu'il a gravée d'après son propre dessin. Le Musée du Louvre ne possède qu'un seul tableau de Joseph Porta: c'est son Adam chassé du Paradis terrestre. Son Enlèvement des Sabines a long-temps fait partie de la galerie du Palais-Royal. André Zucchi et quelques autres vénitiens ont gravé d'après ce maître; et Pierre Tanja a gravé le beau Christ mort que possède la galerie de Dresde. Voy. l'Abrégé de la vie des peintres, par Dargenville, et la Biblioteca ModeP-s. nese, tome vi, p. 513.

PORTA (JEAN-BAPTISTE), célèbre physicien, dont les services, exagérés par ses contemporains, ne sont plus appréciés à leur juste valeur, était né, vers 1550, à Naples, d'une ancienne et noble famille. Il fut élevé sous les yeux d'un oncle, homme fort instruit, et qui ne négligea rien pour hâter le developpement de ses heureuses dispositions. Il eut encore le bonheur d'avoir pour compagnon de ses études Vincent Porta, son frère, qui partageait son ardeur pour les lettres, et qui resta toujours le meilleur de ses amis. Doué d'une rare pénétration, d'une imagination vive, et de cet esprit enquêteur que requiert Montaigne dans la philosophie, il fit de rapides progrès dans les langues anciennes. A dix ou douze ans, il composait déjà, en latin et en italien, des Discours qui surprenaient ses maîtres. L'attrait qu'il trouva dans la lecture des ouvrages des anciens philosophes, tourna bientôt toutes ses idées vers la culture des sciences; et on le vit rechercher avec empressement les anciens manuscrits, pour en extraire tout ce qu'ils renfermaient de curieux. Quand il eut épuisé les ressources que Na

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