Page images
PDF
EPUB

lesquels il avait été élevé. D'Aubigné,
qui ne dit rien de sa prétendue ab-
juration, l'accuse d'avoir vendu sa
plume aux catholiques (Voy. l'His-
toire universelle de D'Aubigué). Mais
rien n'est plus faux: «Il vécut pauvre,
et mourut, dit l'Étoilé, d'une mala-
die ordinaire aux hommes de lettres
et vertueux, à savoir de nécessité
et de misère. » (Voy. les Mémoires
de l'Estoile, édition de 1719, 11,
261.) Gui Patin fixe la mort de La
Popelinière au 9 janvier 1608: « Il
mourut, dit-il, durant le grand
hiver, fort vieux, asthmatique, dans
sa chaise devant le feu, au fau-
bourg Saint-Germain; ce qui est, et
que peu de gens savent, et que j'ai
appris de bonne part. »(Lettre de
Gui Patin, v, 150). Le président
de Thou faisait beaucoup de cas de
T'histoire de La Popelinière; et il
avoue qu'il s'en est beaucoup servi.
L'Estoile (loc. cit.) le nomme un gen-
til personnage, « lequel, ajoute-t-il,
a le mieux écrit, à mon gre, les trou-
bles et guerres civiles de France:
si les derniers livres de son histoire
eussent répondu aux premiers, on
eût pu l'appeler le premier histo-
rien de notre temps, et qui a écrit
avec le plus de liberté et de vérité. »
Outre une Traduction de l'ouvrage
de Bernard Rocca, des Entreprises
et ruses de guerre, on a de La Po-
pelinière: I. La Vraie et entière
histoire des derniers troubles adve-
nus tant en France qu'en Flandre et
pays circonvoisins, depuis 1562,
Cologne, 1551, in-8°.; Bâle, 1572,
in-8°., troisième édition, augmen-
tée, ibid. 1579, 2 vol. in-8°. Jean
Le Frère, de Laval, mort en 1583, fit
quelques additions à cette histoire,
et la publia sous son nom. Ce pla
giat déplut à La Popelinière, qui s'en
plaignit vivement dans la préface

XXXV.

de l'ouvrage suivant. (2) On doit re-
marquer que la Vraie et entière his-
toire, etc., fut condamnée, en 1581,
par le synode de la Rochelle, comme
renfermant plusieurs faussetés. II.
L'Histoire de France, enrichie des
plus notables occurences survenues
ès provinces de l'Europe et pays
voisins, etc., depuis l'an 1550, (la
Rochelle), 1581, 2 vol. in-fol.,
1582, 4 vol. in-8°.; La Popelinière
y a refondu l'ouvrage précédent. Cet-
te Histoire, dit le P. Daniel, est mal
écrite, mais remplie d'un grand nom-
bre d'excellents Mémoires où l'auteur
parle en homme d'état et en homme
de guerre, comme ayant eu bonne
part aux négociations et à l'exécution.
La modération et le détail avec le-
quel il parle, le font regarder comme
l'historien le plus digne de foi de
tous ceux du parti huguenot, qui
ont rendu compte des guerres civi-
les. On conservait, à la bibliothèque
des Oratoriens de la Rochelle, un
exemplaire du tome 1er., corrige de
la main de l'auteur, par les ordres
du consistoire. Le P. Arcère a pu-
blié ces corrections, d'ailleurs assez
peu importantes, à la fin du tom. 11
de son Hist. de la Rochelle. III.
Les Trois mondes, Paris, 1582,
in-4°. C'est une description des trois
parties de la terre connues des an-
ciens; la singularité de son titre ne
l'empêche pas de parler de l'Amé-
rique, et même des terres Australes,
alors à peine connues. IV. L'Ami-
ral de France, et, par occasion, de
celui des autres nations, tant vieilles
que nouvelles, ibid., 1584, in-4°.

(2) Dans l'épître placée à la tête de l'Histoire de Le Frère, de Laval, l'éditeur semble avoir voulu protester d'avance contre l'imputation de plagiat :« L'auproteste haut et cler ne se vendiquer ni arroger si

teur, dit-il, sans se bragarder du plumage d'autrui,

non la peine et le jugement d'agencer et ramasser proprement en un corps le discours paravant dé

membré.»>

26

rare et curieux : c'est à Charlemagne qu'il fait remonter la création en France de la charge d'amiral. Dans l'Avertissement, La Popelinière éta blit que chacun doit écrire dans sa langue, et que le peu de progrès que faisait la langue française devait être attribué à la manie d'écrire en latin. V. L'Histoire des histoires, avec l'idée de l'histoire accomplie, ibid., 1599, in-8°. Cet ouvrage présente une liste fort étendue des historiens anciens et modernes, avec des observations critiques que Du Radier trouve souvent très judicieuses. « C'est, dit-il, la première méthode d'histoire qui ait paru; et ce serait une espèce de nécessité de lire cet ouvrage, si nous n'avions pas celui de Lenglet-Dufresnoy. »(V. ce nom.) La Popelinière a joint à ce volume: Le dessein de l'histoire nouvelle des François, dans lequel il réfute l'opinion, alors fort accréditée, de l'arrivée dans lès Gaules de Francus et des Troyens. VI. Histoire de la conquête des pays de Bresse et de Savoie, ibid., et Lyon, 1601, in-8°. On trouve une Notice fort incomplète sur La Popelinière, dans les Mémoires de Niceron, tome xxxIX, d'où elle a passé dans le 3. vol. de fa Bibl. hist. de France. On peut aussi consulter la Bibl. du Poitou, par Dreux du Radier, 111, 154-65.

W-s.

POPELINIÈRE ou plutôt POUPLINIÈRE (ALEXANDRE - JEANJOSEPH LE RICHE DE LA ), financier bel-esprit du xvine. siècle, s'est rendu fameux pár le noble emploi qu'il fit de sa fortune en protégeant les lettres et les beaux-arts. Fils d'un réceveur général des finances, il naquit à Paris, en 1692, et fut nommé fermier-général en 1718. Sa bonne mine, ses manières aimables,

lui procurèrent quelques aventures singulières, et lui acquirent la réputation d'homme à bonnes fortunes. Mais ayant été le rival heureux du prince de Carignan, celui-ci s'en plaignit au cardinal de Fleury, qui, satisfait d'ailleurs de la gestion de La Pouplinière, se contenta de l'éloigner de Paris. Après trois ans de résidence à Marseille, où ses prodigalités et les fêtes continuelles qu'il avait données aux dames, Taissèrent de longs regrets, ce fermier-général revint dans la capitale. Il prit pour maîtresse la fille de la comédienne Mimi Dancourt (1), destinée elle-même au théâtre. Il vivait sur ce pied, depuis douze ans, avec elle, lorsque, jouant la fille séduite, elle sut intéresser la fameuse me, deTencin, qui s'employa efficacement pour la marier avec l'opulent financier. Au renouvellement du bail des fermes, le cardinal, prévenu par les intrigues de cette dame, contre la moralité de La Pouplinière, ne consentit à le maintenir sur la liste des anciens fermiers - généraux, qu'en l'obligeant d'épouser la jeune innocente qu'il avait trompée. Ce n'était pas, au reste, une femme sans mérite. A une mémoire prodigieuse, à une intelligence rare, à une éloquence naturelle qui tenait de l'inspiration, elle jóignait un tact étonnant pour juger les ouvrages littéraires. Son esprit, ses talents, et surtout sa beauté, ne contribuèrent pas peu à mettre en réputation la maison de son inari, qui devint le rendez-vous de tout ce que la cour et la capitale

[blocks in formation]

avaient de plus distingué. Concerts, bals, comédie, soupers fins, tous les plaisirs s'y trouvaient réunis. Mais Mme La Pouplinière, que son extrême froideur avait long-temps conservée fidèle à son époux, se laissa éblouir par le tourbillon du grand monde. Invitée, sans lui, dans des sociétés particulières, elle ne put résister à la séduction d'un duc et pair. Des lettres anonymes éveillèrent la jalou. sie du financier, et amenèrent des scènes scandaleuses. Enfin ses soupçons se changèrent en certitude, lorsqu'il eut découvert (en 1748), dans la cheminée du boudoir de sa femme, une plaque à charnière, qui, portant sur une ouverture pratiquée au mur mitoyen, et masquée, de l'autre côté, par un trumeau, servait de point de communication avec la maison voisine, où le duc, depuis maréchal de Richelieu, avait loué un appartement incognitò. La Ponplinière, qui ne cherchait qu'un motif plausible de rompre un lien formé malgré lui, fit constater, par un commissaire, sa découverte et sa disgrace. En vain le maréchal de Saxe interposa sa médiation entre les deux époux : le mari fut inexorable; et la femme, bornée à vingt mille francs de pension alimentaire, mourut, en 1752, d'un cancer au sein, négligée de son amant, délaissée de ce beau monde qui l'avait flattée, et qui la méprisa dans son malheur. Peu de mois avant sa mort, elle avait sollicité les ministres d'Argenson et La Vrillière, et le garde des sceaux Machault, pour ménager un raccommodement avec son mari: mais celui-ci s'étant rendu chez le garde des sceaux, d'après une invitation, dont il ignorait le motif, s'enfuit aussitôt qu'il eût appris que sa femme était dans le cabinet du ministre. Redevenu libre

à soixante ans, La Pouplinière conserva ses goûts et ses habitudes. S'il ne fut pas le plus riche financier de son temps, il fut le plus fastueux. A l'affut des jeunes gens qui débutaient dans la carrière des lettres et des arts, il se déclarait leur protecteur, et les attirait chez lui. Sa maison de Passi était à - lafois le temple des muses et des plaisirs. C'est là que les plus grands virtuoses de France et d'Italie, logés, nourris et entretenus à ses frais, faisaient, sous ses yeux, le matin, les répétitions des concerts du soir. Les premiers talents des spectacles,

tant

pour le chant que pour la danse, venaient embellir ses soupers. Rameau y composait ses operas, et touchait l'orgue, les jours de fête, à la messe de la chapelle domestique. Marmontel y fit ses trois dernières tragédies, dont le style se ressent de la mollesse de ce séjour enchanté, et fut cause qu'elles n'obtinrent pas le même succès que ses premiers ouvrages. Enfin, les peintres La Tour et Carle Vanloo, la femme de ce dernier, célèbre cantatrice, l'étonnant mécanicien Vaucanson, et bien d'autres hommes à talents en tous genres, contribuaient à flatter la vanité du Mécène qui les admettait dans sa plus intime familiarité, et à varier les plaisirs des princes, des ambassadeurs, des grands seigneurs et des jolies fem mes qui composaient sa brillante société. « La maison de la Pouplinie» re, dit le baron de Grimm, était >> le réceptacle d'une foule de gens de >> tous les états, tirés indistinctement » de la bonne et de la mauvaise com>>pagnie. Gens de la cour, gens du » monde, gens de lettres, artistes, » étrangers, acteurs, actrices, filles » de joie, tout y était rassemblé.

» On appelait sa maison une ména»gerie, et le maître le sultan. » Comme il aimait un peu l'encens, quelques auteurs lui en donnaient pour son argent, et ne rougissaient pas de compromettre leur dignité par de basses et serviles adulations. On a vu Marmontel distribuer des rafraîchissements dans la salle de spectacle de la Pouplinière; et les Mémoires de Palissot rappellent un ridicule Impromptu du même littérateur, dans une de ces fêtes annuelles où le fermier-général, qui affichait aussi la bienfaisance, mariait quelques jeunes filles, et les gratifiait d'une légère dot. Tous néanmoins ne se prosternaient pas devant l'idole; et l'un d'eux, choqué des airs d'importance du financier, disait de lui: Qu'il aille cuver son or (2). Ses parasites l'appelaient Pollion, et riaient à ses dépens, quand ils étaient sortis de chez lui mais il fut souvent payé d'ingratitude. Ce qui a pu donner lieu de croire que l'orgueil et l'égoïsme furent quel quefois le mobile de ses actions, et que sa protection était intéressée et conditionnelle, c'est que, lorsque Marmontel eut quitté la maison de La Pouplinière, et cessa de l'encenser, son beau-frère perdit un modique emploi qu'il avait obtenu dans les fermes. La Pouplinière fit cependant beaucoup de bien dans sa vie; et il faut lui en savoir gré, sans examiner s'il y fut porté par le faste ou par une véritable génerosité. Il avait d'ailleurs des manières nobles et aisées, le sentiment des bienséances, et une politesse simple et naturelle qui convenait à toutes les

:

(2) Prudhomme et le Dictionnaire historique de 1822, sou copiste, qui n'est pas plus exact, attribuent ce mot à Piron, qui en était bien capable; mais Marmontel le donne à un avocat nommé Balot, personnage original et grotesque.

classes de ses convives. Personne, quand il voulait plaire, n'était plus aimable que lui. Avec du goût, de la galanterie, la connaissance des bons auteurs, quoique sans étude et presque sans culture, il écrivait assez facilement en vers et en prose; et l'on a connu de lui de fort jolies chansons. Ses bons mots auraient suffi pour faire la réputation d'un bel esprit. On ne jouait sur son théâtre que des comédies de sa façon, médiocres à la vérité, mais assez agréables pour mériter les applaudissements d'un auditoire disposé à l'indulgence. Passionné pour les femmes, et tourmenté par des desirs, chaque jour renaissants, que depuis long-temps il lui était difficile de satisfaire, il prit le parti de se remarier. Il épousa, en 1760, Mlle. de Mondran de Toulouse, dont l'esprit, les charmes et surtout les talents peu communs pour le théâtre, rendirent plus brillantes les fêtes que son mari continuait de donner à Passi. Les

prodigalités de ce financier, et celles de la Live d'Épinay, son confrère, ayant déterminé le contrôleur-géné ral à les rayer de la liste des fermiersgénéraux, en janvier 1762, cet événement n'interrompit point les fêtes de La Pouplinière; elles ne cessèrent qu'à la mort de sa belle-mère, qu'il suivit de près. Il mourut le 5 décembre 1762, à l'âge de soixantedix ans. » Le Protecteur bourgeois, >> comédie de Bret, dont la représen>>tation fut défendue vers ce temps» là, dit Grimm, était une satire » personnelle et injuste contre ce fi>>nancier, qui était altier, despote, » triste, blasé, ennuyé au milieu de »sa basse-cour bigarrée; dont il » fallait acheter les faveurs par trop » de complaisance, par une adula» tion continuelle; mais qui avait

» trop d'orgueil et trop d'honneur, » pour commettre une action basse » et infame. » Un mois après sa mort, sa veuve ( encore vivante en 1823), accoucha d'un fils, dont on lui disputa la paternité; ce qui donna lieu à un procès fameux, et à cette méchante épitaphe, rapportée dans les Mémoires de Favart :

Ci gît, qui pour rimer, paya toujours fort bien; C'est la coutume:

L'ouvrage seul qui ne lui coûta rien,

C'est son posthume.

Mais les droits de ce fils ont été reconnus juridiquement : héritier du nom et des sentiments de son père, il a préféré l'éclat des armes à celui de la fortune, s'est dévoué à la cause de la légitimité, et après avoir servi le roi avec honneur, dans la cavalerie, depuis la révolution, est aujourd'hui maréchal de camp, et commandant d'une subdivision militaire. Les Mémoires de Bachaumont rendent plusde justice que Marmontel, aux qualités estimables de La Pouplinière, qui eut beaucoup d'envieux, et obligea souvent des ingrats. On y trouve l'épitaphe suiqui le peint assez bien:

vante,

Sous ce tombeau repose un financier Qui fut de son état l'honneur et la critique: Vertueux, bienfaisant, mais toujours singulier, Il soulagea la misère publique : Passants, priez pour lui, car il fut le premier.

L'anonyme a dérobé la plupart des nombreuses productions de La Pouplinière. On connaît de lui: Daïra, histoire orientale, Paris, 1760, in-8°., de 320 pages. Fréron, qui avait probablement avec l'auteur des rapports de société, a fait l'éloge de ce roman, où l'on peut, tout au plus, remarquer une description des amusements des sérails en Perse. L'auteur, dans un avant-propos, fait allusion aux chagrins que lui avait causés son premier mariage.

De l'édition in-4°., tirée à très-peu d'exemplaires, il en avait conservé un, et l'avait enrichi de peintures excellentes, mais fort obscènes. Après sa mort, cet exemplaire passa au duc de La Vallière. Mme, de Châtillon, fille de ce duc, ayant vendu au comte d'Artois, la seconde partie de la bibliothèque de son père, se réserva ce livre, indiqué sous le no. 8617 du catalogue. La Pouplinière avait encore composé un ouintitulé: Les Mours du sièvrage cle, en dialogues, dans le genre, dit-on, du Portier des Chartreux. Un exemplaire, orné de superbes peintures, fut saisi par ordre du roi, à la vente de sa bibliothèque. On ignore où sont ces deux volumes. Son fils en a des exemplaires qui sonts exempts d'bscénités. A-T.

POPHAM ( ÉDOUARD ), auteur anglais, fils d'un membre du parlement, né en 1738, et élevé à l'université d'Oxford, entra dans les ordres, et devint recteur de Chilton, dans le comté de Wilts, cure qu'il occupa vingt-sept ans, et où il est mort, en septembre 1815, à soixante-dixsept ans. On a de lui: Selecta poëIllustrium mata, 3 vol., 1774.· virorum elogia sepulchralia, in8°., 1778. Deux Sermons, in4°., 1783. Extraits du Pentateuque, in-8°., 1801. — Remarques sur divers textes de l'Ecriture, in-8°., 1809.

[ocr errors]

[ocr errors]

L.

POPMA (AUSONE DE), juriscon→ sulte, né à Alst, dans la Frise, étudia la philosophie à Cologne, et le droit à Louvain. Appliqué à l'étude des lois, il trouva le temps d'enrichir la littérature de travaux estimés, et mourut en 1613, à l'âge de cinquante ans. Voici la liste de ses ouvrages: I. Terentii Varronis fragmenta, adjecto conjectaneorum libro, Frane

« PreviousContinue »