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Cosaques avaient pour lui un attachement inviolable; et aucun chef n'a eu sur eux autant d'autorité : il est vrai que, dans la guerre, il leur laissait suivre leur penchant pour le pillage, d'ailleurs bien difficile à repri mer dans cette sorte de milice. En 1822, a paru à Pétersbourg une Vie de Platoff, par Smirnof. D-G. PLATON, célèbre philosophe grec, naquit dans l'île d'Egine, l'an 430 avant J.-C. (1) Il eut pour père Ariston, qui descendait de Cadmus, et pour mère Perictyone, qui descendait elle-même d'un frère de Solon. Il avait reçu d'abord de ses parents le nom d'Aristoclès, qui était celui de son aïeul. On raconte de diverses manières l'origine du nom de Platon, et la manière dont il lui fut donné. Brucker pense avec raison que ces conjectures sont au moins très-incertaines, puisque le nom de Platon était déjà commun chez les Grecs avant la naissance de ce philosophe. L'admiration qu'inspirèrent ses ouvrages a fait éclore, sur sa naissance et sa jeunesse, plusieurs fables ingénieuses, que le goût des Grecs pour le merveilleux avait en quelque sorte accréditées dans l'antiquité. « Apollon aurait été son véritable père; des abeilles du mont Hymette auraient déposé leur miel dans sa bouche, pendant qu'il était encore au berceau ; il se serait vu lui-même en songe avec un troisième œil; la veille du jour où son père le présenta à Socrate, ce philosophe aurait vu un jeu

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ne cygne, s'élevant de l'autel consacré à l'Amour, venir se reposer dans son sein, et s'élever ensuite aux cieux charmant les dieux et les hommes par la douceur de son chant. » Un plus vrai prodige est ce rare assemblage des dons les plus heureux, et en même temps les plus divers, dont la nature l'avait doué, comme si elle se fût complu à former en lui le plus beau génie que la philosophie ait offert à l'humanité. Il possédait au plus haut degré ces facultés brillantes qui président aux arts d'iimagination, mais qui constituent aussi ou qui fécondent l'esprit d'invention dans tous les genres; cette inspiration qui puise dans la région de l'idéal le type de ses ouvrages; ce sentiment de l'harmonie, ce talent de coordination, qui distribuent toutes les parties d'un plan dans le plus parfait accord; cette vivacité et cette énergie de conception, qui rendent une nouvelle vie aux objets, en les exprimant, et qui les embellissent encore, en les faisant revivre. Toutefois, et par une rencontre aussi heureuse que rare, il était également doué de ces qualités éminentes qui forment les penseurs. Exercé aux méditations profondes, il était capa. ble de suivre, avec une incroyable persévérance, les déductions les plus étendues: il savait atteindre, par un regard pénétrant, les distinctions les plus délicates, et quelquefois les plus subtiles; s'élever aux abstractions les plus relevées, malgré les imperfections que lui opposait une langue si peu façonnée encore aux formes philosophiques; et cette circonstance explique peut-être comment des talents si divers se réunissaient naturellement en lui: surtout il avait reçu le don d'une sensibilité exquise, d'une chaleur et d'une

losophiques. En Italie, il fréquenta les illustres philosophes sortis de l'école de Pythagore, Archytas de Tarente, son disciple Philolaus d'Héraclée, Eurytas de Métapont, Timée de Locres, Éthécrate, Acrion, et fut admis aux traditions secrètes de cette école. Il apprit aussi, auprès d'Hermogène, à connaître le système de Parménide. De là, il se rendit à Cyrène, et se perfectionna, sousThéodore, dans l'étude de la géométrie. Il visita ensuite cette Egypte, dépositaire de tant de traditions antiques, à laquelle la Grèce avait emprunté les germes des sciences et des arts. Là, suivant le témoignage d'Apulée et de Valère - Maxime, il cultiva l'astronomie suivant saint Clément d'Alexandrie, il fut instruit, à Héliopolis, par le prêtre Sechnuphis, dans les doctrines des Egyptiens; suivant Pline et Quintilien, il fut initié aux mystères de la doctrine hermétique. Cette dernière circonstance serait d'une haute importance dans l'histoire de la phifosophie; elle favoriserait l'opinion de ceux qui font remonter à la plus haute antiquité les doctrines mystiques d'Alexandrie, à la transmission desquelles l'enseignement de Platon aurait servi d'intermédiaire : mais Fabricius et Brucker ont rejeté cette supposition, par des motifs plausibles; ils ont peusé que les nouveaux Platoniciens ont seuls accrédité un récit qui était dans les intérêts de leur cause. Plusieurs Pères de l'Eglise ont également supposé que Platon, par le commerce qu'il avait eu en Egypte avec les Hébreux, avait été introduit à la communication des livres de l'Ancien-Testament; et cette opinion a trouvé de nombreux partisans parmi les érudits des temps modernes: elle a été adoptée en par

élévation de l'ame, d'un enthousiasme réfléchi, qui se dirigeaient constamment vers l'image du beau et du bon, et qui s'alimentaient des plus pures émanations de la morale. L'éducation qu'il avait reçue, était propre à développer à-la-fois ces dispositions différentes avec un égal succès. A l'étude de la grammaire et de la gymnastique, il avait associé de bonne heure celle de la peinture, de la musique, de la poésie. La lecture des poètes avait fait les délices de sa première jeunesse ; il s'était essayé lui-même dans les genres lyrique, épique, dramatique. Il avait composé des Tragédies, qu'il brûla lors qu'il eut entendu Socrate. Il s'adon na aussi à la géométrie; et cette étude l'introduisit à celle de la philosophie: aussi interdisait - il l'accès de cette dernière science à ceux qui ne s'y présentaient point avec la même préparation. « Il avait déjà recueilli les leçons d'Héraclite, par la bouche de Cratyle, dit Aristote, lorsque, dans sa première jeunesse, il fut admis auprès de Socrate. » Il eut le bonheur d'entendre, pendant huit an nées, le plus sage des hommes ; et il mit par écrit, dit-on, une partie de ses entretiens. Indigné de l'accusation portée contre son maître, il éleva la voix en sa faveur, s'élança vers la tribune de l'orateur, et entre prit une apologie que des juges iniques et prévenus le forcèrent d'interrompre. A la mort de Socrate, Platon, accablé de douleur, abandonna, ainsi que les autres disciples de ce grand homme, une ville souillée par un crime aussi odieux, et se retira, comme eux, à Mégare. Là, il entendit Euclide, et fut initié par lui à l'art dela dialectique. Bientôt il com. mença ces voyages célèbres qui furent pour lui une suite de pélerinages phi

ticulier par Dacier; mais elle soutient, moins encore que la précédente, l'épreuve d'une discussion sévère. On peut voir en particulier, dans Lenfant et dans Brucker, le résumé des motifs quila repoussent. Platon,à son retour, séjourna de nouveau dans la Grande Grèce; il fit aussi, à diverses époques, et par divers motifs, trois voyages en Sicile. Le premier, dans lequel il avait uniquement pour but sa propre instruction, eut lieu sous le règne de Denys l'Ancien; ce fut alors qu'il s'attacha Dion, par l'affection la plus vive, et qu'il déposa dans son cœur le germe des vertus généreuses. Il n'échappa qu'avec peine à la vengeance du vieux tyran, en la présence duquel il avait exposé, avec une courageuse éloquence, les droits de la justice. Trahi, à son retour, par Pollis, ambassadeur de Sparte, qui le ramenait dans sa galère, et vendu, pour complaire à Denys, il fut racheté par Annicéris, philosophe cyrénaïque. Denys craignait que Platon ne se vengeât, en publiant sa perfidie: « Je suis trop >> occupé de l'étude de la philosophie, » répondit celui-ci, pour me souve>>nir de Denys. » Son second voyage en Sicile fut déterminé par l'invitation du fils de Denys et les instances de Dion. On faisait espérer à Platon que le jeune Denys, monté sur le trône de son père, écouterait les conscils de la sagesse, et qu'en inspirant l'amour de la vertu au tyran de Syracuse, il assurerait le bonheur de la Sicile. Le philosophe fut reçu avec les plus grands honneurs: Denys le combla de témoignages d'attachement; il parut quelque temps vouloir suivre ses maximes: mais Platon perdit bientôt l'espoir de le réformer, et parvint à se soustrai re à la captivité honorable dans la

quelle Denys le retenait. Plus tard, et dans un âge déjà très-avancé, Platon cédant aux mêmes prières, vint de nouveau tenter, avec moins de succès encore, d'exercer sur Denys une influence salutaire; sa fidélité à Dion alors exilé, le zèle avec lequel il prit la défense de Théodote et d'Héraclide, irritèrent le tyran: Platon courut quelque danger par l'effet de ce ressentiment, et dut à l'intervention d'Archytas, d'obtenir son retour en Grèce. En vain a-t-on cherché à répandre quelques nuages snr la pureté des motifs qui conduisirent plusieurs fois Platon en Sicile: le désintéressement qu'il y montra, en refusant les faveurs et les dons du jeune Denys, le courage avec lequel il lui fit entendre la voix d'une morale austère, et plaida la cause des opprimés, confirment 'assez ce que les historiens nous attestent des nobles intentions qui l'animaient. On raconte qu'au retour de son deuxième voyage, il vint assister aux jeux olympiques, y vécut dans le commerce d'étrangers distingués, revint avec eux à Athènes, les y logea sans qu'ils eussent soupçonné qui il était, jusqu'au moment où ils lui demandérent de leur faire voir le célèbre disciple de Socrate. Vers cette même époque, Platon trouva Dion aux jeux olympiques, et ne négligea rien pour le détourner de ses projets de vengeance contre Denys: on sait que Dion chassa le tyran, rendit la liberté à sa patrie, et périt bientôt après avoir malheureusement souillé par le meurtre d'Héraclide la gloire qu'il venait d'acquérir. Les parents et les amis de Dion demandèrent alors à Platon ses conseils ; il leur traça un plan de gouvernement, dans lequel la royauté devait être unic au sacerdoce, partagée entre

trois princes, et tempérée par divers conseils législatifs, politiques et judiciaires. Les habitants de Cyrène, les Arcadiens et les Thébains lui demandèrent aussi des lois; il les refusa aux premiers, parce qu'ils étaient trop attachés aux richesses, aux autres parce qu'ils étaient trop ennemis de l'égalité. Plutarque raconte qu'il donna douze livres de lois aux Crétois pour la fondation de Magnésie; qu'il envoya Phormion aux habitants d'Elée, Menedème à ceux de Pyrrha, pour ordonner leurs républiques. Python et Héraclide, ayant rendu la liberté à la Thrace, se guidèrent aussi par ses conseils. Archelaüs, roi de Macédoine, rechercha et obtint son amitié : du reste il ne voulut jamais prendre lui-même une part active et directe aux affaires publiques, même dans sa patrie. On suppose que l'éloignement qu'il montra constam ment pour les emplois provenait de ses opinions théoriques sur la meilleure forme de gouvernement, et de ce qu'il n'approuvait pas la législation de Solon: il est plus probable que le motif qui le retint, fut la situation politique d'Athènes, opprimée par les trente tyrans, lorsque, dans sa jeunesse, on lui offrit de l'associer au gouvernement; livrée ensuite aux persécuteurs de Socrate, et toujours en proie aux factions, it n'espéra pas pouvoir servir utilement sa patrie, quand les antiques institutions avaient déjà presque entièrement dégénéré. Il se voua donc sans réserve à l'étude de la philosophie; il crut avoir fondé, il crut gouverner un assez bel empire, en érigeant l'académie. Ce fut au retour de ses premiers voyages, qu'il ouvrit cette école célèbre dans un gymnase ombragé, voisin de la ville, et près duquel il possédait un jardin, por

tion de son modeste patrimoine, dont il fit son séjour habituel. Socrate, en réformant la philosophie corrompue par les sophistes, l'avait rappelée à un but éminemment moral, l'avait fondée sur la connaissance de soi-même; mais il avait en même temps montré un extrême éloignement pour les théories spéculatives. Platon voulut achever cette grande restauration, et puisa dans les entretiens de Socrate l'inspiration qui anime tous ses travaux ; mais il jugea que le moment était venu de tenter avec plus de sûreté les spéculations scientifiques: il reproduisit, sous une forme nouvelle, celles de Pythagore et d'Héraclite. Platon est le premier philosophe de l'antiquité, dont les écrits nous aient été transmis presque en entier. Cependant, pour juger, d'après ces écrits, l'enseignement de Platon, tel qu'il était pour ses disciples, et sa véritable doctrine, il faut avant tout s'attacher à quelques considérations importantes, et résoudre un problème difficile. Les anciens, suivant Sextus l'empirique, distinguaient les écrits de Platon en deux classes : les uns gymnastiques ou dubitatifs, destinés aux exercices de l'esprit, dans lesquels il représente Socrate luttant contre les sophistes; les autres, dogmatiques ou agonistiques, dans lesquels il expose ses propres sentiments par l'organe de Timée ou de quelque autre (Pyrrhon, Hyp. liv. 1, ch. 33). Les li vres des Lois et de la République appartiennent spécialement à la seconde classe; un grand nombre de dialogues à la première : en général Platon, dans ses dialogues, affecte de n'exprimer jamais ses propres opinions; ce n'est point lui qui parle : il met en scène les philosophes qui l'ont précédé; il les met en commer.

ce entre eux et surtout avec Socrate, souvent même sans observer dans ces rapprochements l'exactitude historique, mais conservant à la doctrine de chaque interlocuteur le caractère qui lui est propre : il traduit ainsi la philosophie sous une forme dramatique; et au moment où la discussion approche de son terme, il s'arrête, il évite de conclure. On sait, par le témoignage des anciens, par celui d'Aristote en particulier, que Platon avait une double doctrine: l'une exotérique ou publique, l'au tre, ésotérique ou secrète. Il fait souvent allusion lui-même à cette distinction ; et il donne à entendre qu'il a évité d'exposer la dernière par écrit. Il fut peut-être conduit à envelopper d'un voile ses opinions les plus importantes, par l'exemple des Pythagoriciens, et par celui des castes sacerdotales de l'Égypte; peut être aussi jugea-t-il que cette prudence était nécessaire dans un temps où venait d'avoir lieu l'immolation de Socrate: mais ce qui paraît surtout probable, d'après plusieurs passages de Platon lui-même, c'est que, dans la distinction des deux doctrines, il avait essentiellement pour objet de proportionner les divers degrés de son enseignement aux divers degrés de la capacité de ses élèves, enployant pour le plus grand nombre, pour ceux qui commençaient l'étude de la philosophie, une méthode simple et familière; ne leur offrant que des idées d'un ordre inférieur, et réservant ses théories les plus relevées au petit nombre de sujets favorisés, qui avaient été disposés à les recevoir par une préparation convenable. Ce dernier motif nous aide à nous définir, au moins approximativement, en quoi consistait la doctrine secrète ou ésotérique ; et plusieurs au

tres rapprochements confirment cet. te induction.Nous pensons que la doctrine secrète, loin d'être opposée à la doctrine publique, n'en était pas même essentiellement différente; que la première était en rapport avec la seconde; qu'elles faisaient partie d'un même plan, comme dans chaque science la partie élémentaire se lie à la partie transcendentale; que la doctrine publique était l'introduction destinée à préparer les voies à la doctrine occulte; que celle-là était en quelque sorte le portique, celle-ci le sanctuaire et en effet, en méditant avec soin les écrits de Platon, on voit qu'ils se dirigent tous, par une tendance commune, vers un ordre de vérités qui en est le corollaire nécessaire, quoiqu'il ne soit jamais textuellement exprimé. On peut donc, en suivant la trace de ces analogies, reconstruire en quelque sorte la doctrine ésotérique, à-peu-près comme les architec les modernes restaurent les monuments anciens par les données proportionnelles que leur fournissent les parties qui sont encore debout: la doctrine ésotérique occupe le sommet de l'édifice élevé par Platon; elle s'appuie sur la célèbre théorie des idées elle consiste essentiellement dans ces grandes maximes, qui font dériver de la contemplation de la nature divine, les notions du vrai, du bon et du beau. Plus on étudie les écrits de Platon, plus on découvre l'harmonie cachée qui unit toutes ses vues quoique disséminées; on peut ainsi leur rendre l'ensemble et la forme lemmatique qu'il a évité de leur donner. L'étude des facultés de l'ame constitue le

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prodrome de ce système; elle constitue aux yeux de Platon, l'étude préliminaire à la vraie philosophie : il expose avec une netteté remarquable, les fonctions de ces facultés diverses,

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