Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

mais son style manque d'élegance et de correction. On a de lui les ouvrages suivants: I. Mémoires de Mons. Du Vall, avec son dernier discours et son épitaphe, 1670, in-4°. Ce Du Vall était un fameux voleur de grand chemin, qui fut pendu en 1669, à Tyburn; les dames de Londres ayant montré pour lui beaucoup d'admiration, et vivement déploré son infortune, notre auteur chercha, en publiant ses aventures, à les guérir d'une faiblesse ou d'une affectation, que nous avons vue quelquefois se renouveler en France, pour des accusés, des coupables mêmes, qui n'étaient pas plus intéressants. II. A la mémoire du très-renommé Du Vall, ode pindarique, 1671, in - 4°., imprimée à tort dans les OEuvres de Butler. III. Nouvelles choisies, traduites de Cervantes et de Pétrarque, 1694. IV. Fables morales et politiques, anciennes et modernes, 1698, in-8°.V. Vie du rév. Seth, évêque de Salisbury, petit volume, Londres, 1697. C'est le plus estimé de ses ouvrages: on y trouve beaucoup d'anecdotes sur les contemporains de ce prélat. Thom. Wood publia, sous le titre d'Appendix, une critique sévère de ce morceau de biographie. On a aussi de W. Pope: Extrait d'une lettre écrite de Venise au docteur Wilkins, sur les mines de mercure du Frioul;-Observations faites à Londres, sur une eclipse de soleil (Transact. phil., avril 1665); et des Poésies légères, imprimées dans les recueils de Dodsley.

L.

POPE BLOUNT (THOMAS). Voy. BLOUNT, IV, 598.

POPE ALEXANDRE ) naquit à Londres, le 22 mai 1688, d'une famille catholique, fort zélée pour la cause des Stuarts. Son père quitta

cette ville, après la révolution de 1688, et se retira loin des affaires à Benfield, agréable retraite dans la forêt de Windsor. C'est là que Pope fut élevé. Il passa cependant quelques années de l'enfance dans de petites écoles dirigées par des prêtres catholiques. Mais, rappelé près de son père dès l'âge de douze ans, son génie naturel et son penchant pour la poésie achevèrent seuls, au milieu des inspirations de la campagne et de la solitude, une éducation faiblement ébauchée par les maîtres. Pope disait lui-même, qu'il ne pouvait se souvenir du temps où il avait commencé à faire des vers. Son père, plus indulgent que ne l'avait été le père d'Ovide, encourageait un instinct poétique qui n'était pas moins irrésistible que celui du poète romain, et qui sans doute n'aurait pas cédé davantage à la contrainte. Le bon gentilhomme, sans être lui-même fort lettre, indiquait à son fils de petits sujets de poème, lui faisait plus d'une fois retoucher son ouvrage, et lui disait enfin, pour grand et dernier éloge, qu'il avait fait là de bonnes rimes. Quelque puérils que soient ces détails, ils expliquent peutêtre comment le génie poétique, ainsi préparé, excité dès l'enfance, produisit dans Pope cette maturité précoce, et cette science des vers qui marqua ses premiers ouvrages, et que l'on retrouve dans une Öde sur la solitude, qu'il écrivit dans sa douzième année. L'etude des modèles anglais et de la littérature latine se mêlait à ses jeux poétiques. 11 s'exerçait à imiter, et quelquefois à corriger, à remanier, à reproduire sous une forme plus correcte et plus élégante, des vers du vieux Chaucer, ou de quelque poète brillant et négligé, comme Roches

ter. Ce genre de travail, ce goût d'exactitude et de pureté, singulier dans un enfant, ne semblait-il pas déjà révéler le caractère du génie de Pope, et cette manière d'écrire plus savante qu'inspirée, plus habile que féconde, plus faite pour imiter avec art que pour s'appliquer heureusement à des compositions originales? Du reste cette étude attentive et ce soin prématuré de la correction et de l'élégance produisirent des ouvrages doublement remarquables, par la perfection du style et par l'âge de l'auteur. Les essais de traduction et les églogues, l'un des premiers fruits de sa jeunesse, ne portent presqu'aucune trace d'inexpérience : c'est la maturité d'un poète; mais ce n'est pas la mollesse heureuse et le divin naturel de Virgile; iln'y parvint jamais. Cependant, poète déclaré dès l'âge de seize ans, Pope étendit le cercle de ses études littéraires, fut conduit à Londres, et se lia d'amitié avec plusieurs beaux esprits du temps, qui lui donnèrent d'utiles conseils, et surtout des louanges, dont sa vanité était insatiable. Quatre pastorales furent le premier ouvrage qu'il publia. Dans la même année, en 1709, il mit au jour l'Essai sur la critique, poème qui ne vaut pas l'Art poétique de Boileau, mais production étonnante par la force de sagacité, la justesse et le goût qu'elle suppose dans un poète de vingt ans : là aussi se montraient cette amertume de satire, ces haines personnelles et violentes contre les mauvais auteurs, dont Pope fut toujours animé, et qui firent l'agitation et le chagrin de sa vie. Né avec une constitution faible et maladive, plongé dès l'enfance dans les livres et l'étude, n'ayant guère connu que les émotions de la vanité littéraire, Pope contracta de bonne heure une sorte d'irritabilité

la

inquiète et jalouse, qu'il répandit dans ses ouvrages, et qui lui suscita de nombreux ennemis. Il fut presque autant persécuté que Voltaire, par les injustices de la satire; il en souffrit, et s'en vengea plus vivement encore. L'époque de la reine Anne, au milieu des luttes de la liberté publique, avait rendu cependant, à tous les arts de l'esprit, un intérêt que vive préoccupation de la politique ne leur laisse pas toujours de grands talents s'élevaient à-la-fois, et étaient assez également distribués entre les deux partis rivaux. Dryden n'était plus; mais Swift, publiciste profond et ingénieux, et quelquefois poète comme Horace, Swift faisait la gloire et la force du parti des Torys, qu'il défendait avec une véhémence toute républicaine. L'élégant, le correct Addison, qui semblait né pour être un academicien du siècle de Louis XIV, combattait dans les rangs des Whigs, avec une amertume ingénieusement tempérée, et une ironie d'homme de cour. Des écrivains, diversement célèbres, se réunissaient autour de ces chefs, Arbuthnot, Steele, Congrève, Gay, Walsh, et beaucoup d'autres. Pope, qui par sa religion était pour ainsi-dire Tory de naissance, resta cependant assez impartial entre les deux opinions qui se disputaient le bonheur de l'Angleterre et le plaisir de la gouverner. La passion exclusive de la poésie, et peut-être aussi trop d'indifférence ou trop peu de lumières sur les intérêts publics, favorisaient en lui cette neutralité, qui ne semblait pas convenir à son humeur altière et vive. Probablement, il inclinait pour les Whigs ou pour les Torys, suivant qu'il était plus ou moins blessé par les critiques littéraires de l'un ou de l'autre parti, Le Spectateur, écrit

son testament, il disposait d'une partie de sa fortune en faveur de miss Blount, femme aimable et spirituelle, qu'il avait long-temps aimée d'une tendresse fort pure. Les biographes anglais se sont attachés à nous transmettre beaucoup de particularités minutieuses, sur la vie et la personne de Pope. Elles prouvent que ce grand poè te fut sujet à beaucoup de petitesses: mais elles n'altèrent en rien l'idée que l'on aime à se former de la droiture, et de l'honnêteté de son cœur. Il eut les impatiences et les caprices de l'amour-propre gâté par le succès, l'humeur irritable d'un poète, et la malignité d'un homme de beaucoup d'esprit. Il vécut avec les grands; mais il ne porta dans ce commerce ni calcul, ni flatterie, et abusa même habituellement avec tout l'égoïsme de la mauvaise santé, des complaisances qu'il trouvait dans le monde, et qui venaient à-la-fois d'admiration pour son talent, et de pitié pour sa frèle existence, pour sa chétive stature : on rapporte qu'un jour, dans une réunion à table chez lui, il s'endormit, pendant que le prince de Galles, son illustre convive, dissertait sur la poésie. Le talent de Pope, si pur, si brillant, et même si fécond, à l'invention près, semble avoir été mêlé de petitesses, comme son caractère. Uniquement occupé de vers et de style, il tenait note d'un mot, d'une expression: il mettait en réserve le moindre trait heureux qui lui échappait; et ne perdait rien de son temps, ni de son es prit. Des critiques anglais ont même prétendu qu'une étude attentive et une adroite imitation de tous les poètes, qui l'ont précédé, était la source presque unique de son talent, et qu'on trouverait à peine dans ses vers, si habilement faits, une expression

[ocr errors]

remarquable qui ne fût dérobée quelque part. Mais peu importe d'où viennent les mots : le tissu de la diction fait le grand écrivain ; et l'on ne peut nier que Pope, sous ce rapport, ne se place parmi les premiers modèles du style et du goût. Il appartient beaucoup plus, sans doute, à cette école savante et correcte, dont Boileau fut le chef parmi nous, qu'à l'école irrégulière et brillante que Shakespeare a créée, sans le savoir: mais la sève vigoureuse du génie anglais perce dans la sagesse même de son style, et lui laisse une empreinte particulière. Si on le rapproche de Boileau dans les ouvrages où ces deux grands poètes ont traité des sujets analogues, l'avantage paraît du côté de l'auteur français: sans comparer l'Art poétique, et l'Essai sur la eritique, c'est-à-dire, un chef-d'œuvre et une brillante ébauche, le Luirin nous semble avoir plus de feu, de naturel et de poésie que la Boucle de cheveux enlevée. Les gnômes assez péniblement ramenés dans la fiction du poète anglais, ne valent pas la charmante et malicieuse allégorie de la Mollesse; et Pope met en scène de jolies femmes avec moins de grâce et d'enjouement que Boileau n'y met des chanoines. Enfin la Dunciade, si on l'oppose aux satires de Boileau, est une inspiration de malice et de gaîté beaucoup moins heureuse, et parce qu'elle est plus longue, et parce qu'elle offre moins de force, de finesse et de variété. La satire A mon Esprit vaut mieux, à elle seule, que toute la Dunciade. Il ne semble pas non plus que Pope ait connu au même degré que Boileau, cet art d'une louange noble et délicate, cette ingénieuse urbanité de langage qui rehausse même la flatterie. Mais si le poète anglais est inférieur quand

derne parer cette belle statue grecque, si grande dans sa négligence. On en conclurait que si la politesse plus raffinée du langage est inévitable, le choix d'un nouveau sujet devient alors nécessaire, et qu'il vaut mieux ne pas traduire, même avec génie, que d'altérer les mœurs et l'expression, en gardant les personnages. Les belles traductions de Pope, et surtout son Iliade, n'en demeurent pas moins un monument mémorable d'un siècle littéraire, et un beau résultat de l'art d'écrire dans une langue perfectionnée. Toutefois la gloire de Pope, appuyée sur ce grand ouvrage, ne supposant pas le mérite de l'originalité, a subi plus d'une contradiction et d'une censure, dans la patrie même de ce grand écrivain. On lui a prodigué le reproche de timidité, de médiocrité; et la nouvelle école littéraire surtout a paru le rejeter assez dédaigneusement. Il est à croire que la force, la pureté, l'élégance du style de Pope, survivront à ces injustes dégoûts. Lord Byron déjà lui rend un hommage expiatoire. Sans doute la postérité ne le mettra point à côté d'un Shakspeare on d'un Milton; mais il doit demeurer le type de la correction et de l'élégance poétique, dans une langue qui s'étend sur une vaste partie de l'univers. Au talent de la poésie, Pope joignait celui d'écrire en prose avec beaucoup de pureté et de verve satirique. Le Traité de l'art de ramper en poésie, et le Martin Scriblerus, ont la malicieuse énergie de Swift. Parmi les lettres nombreuses de Pope, il en est de charmantes et qui semblent plus naturelles qu'on ne l'espérerait d'un écrivain si correct et si soigné. Toutes les productions originales de Pope ont été traduites dans notre langue, quelques-unes plusieurs fois. L'Es

il veut imiter l'école française du dix-septième siècle, il a, sous d'autres rapports une incontestable prééminence. L'Epître d'Héloïse à Abailard, par la peinture naïve et libre de la passion, par une sorte de mélancolie amoureuse et mystique, alors nouvelle et toujours difficile à bien rendre, est une des créations les plus heureuses de la poésie moderne. Dans un genre bien opposé, l'Essai sur l'homme par le caractère élevé, par le tour philosophique des pensées, par l'application heureuse et neuve de la poésie à la métaphysique, ne fait pas moins d'honneur au génie du poète anglais : mais le grand titre, le monument du talent de Pope, c'est la traduction de l'Ilia de, vaste entreprise que, dans notre langue, Boileau et Racine avaient voulu tenter en commun, et qui les effraya bientôt. Les critiques anglais ont exalté cet ouvrage comme un trésor d'élégance poétique: ils lui attribuent l'honneur d'avoir fixé l'harmonie de leur langue; ils ont remarqué même qu'il n'existait pas une heureuse combinaison de leur idiome, pas une beauté de style, qui ne fût dans cette version. Il resterait peut-être à demander, si le beau naturel, si la grande simplicité d'Homère, s'y retrouvent également. La même question s'appliquerait à l'Odyssée qui, dans quelques parties, n'est pas travaillée par le traducteur avec moins d'art et une élégance moins curieuse. En admettant, comme le veut Johnson, que les progrès du temps, le raffinement des mœurs ne permettaient pas de reproduire tout entier le caractère antique, en convenant que Virgile est moins simple qu'Homère, il resterait le regret peut-être, de voir tous les ornements, tous les artifices de la diction mo

sai sur l'homme en particulier, déjà traduit par l'abbé Duresnel, a mérité les efforts et la noble concurrence de Delille et de Fontanes. La traduction de M. de Fontanes est précédée d'un discours, chef-d'œuvre de goût et d'élégance, où le mérite de l'Essai sur l'homme est supérieurement apprécié.-LaTraduction francaise des OEuvres complètes de Pope, publiée par l'abbé de la Porte, Paris, 1779, 8 vol. in-8°., est, en partie, accompagnée du texte anglais. Outre la vie de ce grand poète, par Johnson, on peut consulter l'Essai sur Pope, par Warton, Londres, 1782, 2 vol. in-8°.

V-N. POPELINIÈRE (LANCELOT VOISIN, Sieur DE LA), historien, naquit, vers 1540, dans le Bas-Poitou, d'une famille noble, qui s'était déclarée pour le calvinisme. Envoyé de bonne heure dans les plus célèbres universités du royaume, il s'attacha particulièrement à l'étude des langues anciennes, et se pénétra des beautés des meilleurs auteurs. Il était à Toulouse, en 1562, lorsque la nouvelle du massacre de Vassi ( V. GUISE, XIX, 188) fit éclater une violente sédition; les protestants reprirent les armes; on se battit dans les rues, sur les places, et jusque dans les églises : La Popelinière, qui commandait une des quatre compagnies, formées des élèves de l'université, montra, dans le danger, un sang-froid et une fermeté qui lui valurent l'estime de tous ses camarades. En sortant de Toulouse il retourna dans le Poitou, et continua de servir pendant toute la guerre; mais il revenait toujours avec empressement à ses auteurs favoris; et c'est en les lisant qu'il se délassait de ses fatigues. Député par les Rochellais, en 1574, à l'assemblée de

Milhaud, il y parla plusieurs fois sur la nécessité de faire des sacrifices au maintien de la tranquillité publique; mais sa voix fut étouffée, et la guerre ne tarda pas à se rallumer. En 1575, il enleva Tonnay-Boutonne aux catholiques; fit une descente dans l'île de Ré, sauta le premier, l'épée à la main, dans les retranchements défendus par un officier plein de courage, et tailla en pièces tous ceux qui voulurent résister. L'année suivante, il fut envoyé, par le prince de Condé, aux états de Blois, et il rédigea la protestation de ses co-réligionnaires contre les décisions de cette assemblée. En 1577, sur le bruit qui se répandit que le duc de Maïenne avait le projet d'attaquer les Rochellais, Popelinière fut détaché dans Marans avec deux cents fantassins et quarante arquebusiers à cheval. Il se flattait de défendre la place avec cette petite troupe : mais ses officiers, après lui avoir représenté la témérité de cette résolution, lui déclarèrent qu'il ne devait pas compter sur leur coopération; et il se vit forcé de rentrer à la Rochelle. La conduite de ses officiers l'indignait : il eut une querelle avec l'un d'eux, nommé Seré, qui lui passa son épée au travers du corps (1); cette blessure, dont il se rétablit difficilement, l'empêcha de prendre part aux opérations de la campagne. La paix lui permit enfin de reprendre la plume, et de continuer l'histoire de nos guerres civiles; sa modération, et la franchise avec laquelle il parle des excès de ses co-religionnaires ont fait conjecturer que La Popelinière avait abjuré les principes dans

(1) L'Estoile et quelques autres écrivains pensent que ce fut la publication de la Vraie histoire quà faillit coûter la vie à La Popelinière. On a preferé suivre le sentimeut de d'Aubigné, que l'on doit supposer mieux instruit.

« PreviousContinue »