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tre les Prussiens; mais, n'étant pas soutenu par la ville, il crut devoir prendre le parti d'abandonner Stanislas à son sort, et de faire, pour la seconde fois, sa soumission à un roi qu'il avait combattu, moyennant l'assurance de conserver ses dignités et ses biens. Il entra tellement dans le parti du roi victorieux, qu'il fit tous ses efforts pour ramener à lui les magnats qui tenaient encore pour Stanislas. Il était engagé à ces démarches, autant par la faveur dont il jouissait auprès d'Auguste III, que par les desirs de Catherine, qui l'avait invité à employer son autorité et son patriotisme à dissiper les préventions de quelques magnats contre leur roi. Ce fut lui qui fit faire, en 1736, la réplique au mémoire que deux des principaux magnats du parti de Stanislas publièrent en faveur de ce monarque; mémoire que la république traita de séditieux. En 1740 et 41, lecomte Poniatowski fut trois fois chargé d'u ne mission à la cour de France. Plusieurs années après, il oublia, pour un moment, son rôle de courtisan, et reprit celui de magnat turbulent. S'étant brouillé avec le palatin comte de Tarlo, puis avec les familles Radzivil et Potocki, il allait renouveler les scènes des temps féodaux, en entrant en campagne avec ses gens contre ses adversaires, lorsque la médiation du roi empêcha, non sans peine, ces petites expéditions. Comme de pareilles entreprises n'avaient rien d'étonnant en Pologne, il n'en resta pas moins en faveur à la cour, et fut élevé, en 1752, à la dignité de castellan de Cracovie; ce qui lui donna le premier rang parmi les sénateurs du royaume. La vie agitée qu'il avait menée, lui fit enfin desirer le repos. Il se retira de la cour, et passa sa

vieillesse à Lemberg ou dans ses terres. Il avait épousé, en secondes noces, la fille du prince Casimir Czartoriski, renommée pour sa beauté et ses qualités, et que le moine italien Mignoni, dans un Eloge en vers latins, a comparée à la mère des Gracques, quoiqu'il n'y eût aucun rapport entre les fils de Cornélie et ceux de la comtesse de Poniatowski, dont l'un fut roi, et l'autre feldzeug-meister autrichien. Le comte de Poniatowski mourut, en septembre 1762, dans ses terres, peu d'années après son épouse. Dans la Polonia literata, on attribue à ce magnat les Remarques d'un seigneur polonais sur l'Histoire de Charles XII, roi de Suède, par Voltaire, 1741, in-8°. D-G. PONIATOWSKI (STANISLAS-AUGUSTE). V. STANISLAS.

PONIATOWSKI (Le prince JoSEPH), naquit à Varsovie, le 7 mai 1763. Son père, le prince André Poniatowski, était feld-zeug-meister, ou lieutenant-général d'artillerie, au service de l'impératrice Marie-Thérèse. Stanislas - Auguste, le dernier roi de Pologne, fit élever sous ses yeux, le prince Joseph, qui était son neveu. A l'âge de seize ans, le jeune Poniatowski entra, comme sous-lieutenant, au service d'Autriche, où son père jouissait d'une haute considération. Il avança promptement: en 1787, lorsque la guerre éclata entre l'Autriche et la PorteOthomane, il était colonel des dragons de l'empereur, et aide-de-camp de Joseph II. A la prise de Sabacz, il fut dangereusement blessé sous les yeux de ce monarque, qui s'empressa, en toute occasion, de lui témoigner combien il était content de sa conduite. Joseph II respectait la franchise du jeune prince; il

lui laissait un droit qu'il n'accordait point facilement, celui de dire librement ce qu'il pensait. On sait avec quelle opiniâtreté l'empereur tenait aux idées qui s'étaient emparées de son esprit. Leur donnant le nom de Système, il répondait ordinairement aux sages observations qu'on lui adressait : « C'est très-bien, je le » vois; je voudrais suivre votre avis, >> mais c'est contraire au Système. » C'est ainsi qu'il repoussait tout ce qu'on voulait dire pour lui faire abandonner sa manière désastreuse de faire la guerre par cordons. Le prince Poniatowski, qui entendait si souvent le monarque répéter la même réponse, lui demanda un jour: « Quoi donc, Sire, qui est cet hom» me, qui s'appelle Système, et qui » ose vous empêcher de faire ce que » vous voulez?» Joseph II, qui n'aimait point à être contredit, reçut, en riant, cette plaisanterie de son jeune aide-de-camp. Le prince Joseph avait l'espoir d'arriver aux premiers grades dans l'armée autrichienne. Les événements qui se développaient, en Pologne, le rappelèrent, en 1789, dans sa patrie. La diète ayant décrété une nouvelle organisation de l'armée polonaise, le prince Poniatowski se hâta de revenir à Varsovie, et de s'y occuper, avec le plus grand zèle, à former et à instruire les nouveaux corps. La considération qu'il s'acquit dans l'armée, la confiance qu'il sut inspirer au soldat, portèrent le roi et la république à lui donner le commandement en chef. Pendant la guerre de 1792, qui fixa les destinées de la Pologne, on lui confia la défense des points les plus importants du royaume. Dans ces circonstances où l'esprit de parti s'agitait avec tant de force, on n'entendit personne

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se plaindre que des pouvoirs si étendus eussent été mis entre les mains du jeune prince. L'armée à laquelle il avait communiqué son ardeur, remporta des avantages signalés à Zielenca, à Dublenka; mais une politique honteuse rendait inutiles les efforts de sa valeur. Les soldats demandaient à grands cris que le roi Stanislas - Auguste vînt se placer au milieu d'eux dans le moment où l'on s'attendait qu'il cèderait à des vœux si pressants, on apprit que ce monarque venait de siguer la confédération de Targowitz, et qu'il avait conclu une suspension d'armes. Les liens qui attachaient l'armée polonaise au prince Joseph, le rendirent suspect au parti qui s'était emparé du roi. A Varsovie, on redoutait son influence; on craignit qu'il n'en profitât pour porter les soldats à un parti extrême, et que, malgré les ordres qu'il avait reçus, il ne persistât à faire la guerre qui, jusque-là, avait été glorieuse pour lui. On lui fit de vives représentations sur la position difficile où il était place sur les dangers auxquels il allait exposer la Pologne. Au grand regret des soldats, il se décida enfin à déposer le commandement, et à quitter l'ar mée. Avant son départ, elle lui offrit une médaille qu'elle avait fait frapper à son effigie, avec ees mots: Miles imperatori. Les circonstances qui accompagnèrent cet événement, n'ont pas été présentées exactement dans le Dictionnaire biographique, publié à Paris, en 1806. En 1794, le prince Joseph voyageait à l'étranger, lorsqu'il apprit que les Polonais se levaient en masse, pour s'opposer à un nouveau partage. Quoiqu'il mît peu de confiance en cette insurrection géné

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rale, il crut, dans une circonstance aussi importante, devoir offrir ses services à sa patrie, et entra dans un corps de volontaires. Le général Mokronowski étant allé en Lithuanie, le prince Poniatowski prit, sous les ordres du général Kosciusko, le commandement d'un corps d'armée, qui s'avança sous les murs de Varsovie pour assiéger cette ville. On sait quelle issue désastreuse eurent ces derniers efforts des Polonais. Le prince Poniatowski, ayant reçu l'ordre de quitter le royaume, se retira à Vienne. Désespérant de la Pologne et de ses destinées, il résolut de vivre dans la retraite, et de n'accepter du service dans aucune armée étrangère. Après la mort du roi Stanislas Auguste, son oncle, il refusa le grade de lieutenant-général, qui lui fut offert par un souverain étranger; et ses biens trimoniaux furent confisqués. Étant revenu à Varsovie, en 1798, une partie de ses biens lui fut rendue par le gouvernement prussien; et il alla vivre à la campagne, où il ne s'occupait que d'agriculture et d'améliorations rurales. Il se plaisait à embellir sa terre de Jablonka, située sur la rive droite de la Vistule, à quelques lieues au-dessous de Varsovie: il tenait cette belle propriété de la succession du roi Stanislas. La bataille de Iena ( 14 octobre 1806), ayant ouvert aux armées françaises le chemin de la Pologne, l'armée prussienne s'était retirée audelà de la Vistule: Varsovie et son gouvernement restaient sans défense. Tout le monde jeta les yeux sur le prince Poniatowski; la confiance générale le désignait. On pensait que, par sa considération personnelle, il pourrait efficacement protéger les habitants, et pourvoir aux besoins de la sûreté publique.

Le roi de Prusse se rendit, pour ainsi dire, l'organe des Polonais; il écrivit de sa main une lettre au prince, l'in vitant, dans les termes les plus honorables, à vouloir bien se charger du gouvernement militaire, à organiser promptement une garde nationale, à veiller à la sûreté des habitants et de leurs propriétés. Étant à la tête de cette garde, et portant les insignes des ordres de Prusse, le prince sortit, le 28 novembre 1806, de Varsovie, pour recevoir le général Murat, et l'accompagner à son entrée dans la ville. Murat commandait en chef les trois corps d'armée qui étaient sous les ordres des maréchaux Davoust, Soult et Augereau. Cette portion de l'armée française, ayant occupé la Pologne occidentale, se trouvait placée en échelons, sur la rive gauche de la Vistule. Le prince Poniatowski, ne sachant quels projets le chef du gouvernement français pouvait avoir formés sur les destinées de la Pologne, prit la résolution de se tenir dans un sage éloigne ment; il recommanda la même réserve à ses anciens compagnons d'armes il contenait leur ardeur, en leur disant que les temps n'étaient pas encore arrivés pour les Polonais; qu'il ne fallait point se livrer à de trop hautes espérances. On voulait qu'il fit, comme autrefois, de nouvelles levées, qu'il organisât une armée polonaise, qu'il se mît à sa tête. Objectant les difficultés, les obstacles, le prince repoussait les plus vives sollicitations disant à ses amis, qu'on ne cherchait en lui qu'un instrument pour servir des intérêts bien étrangers à ceux de sa patrie. Les généraux français le pressaient, et l'entouraient; il leur ouvrit franchement son cœur, et leur dit « J'appréhende que les Polo

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>> nais n'aient un jour à me reprocher » d'avoir imprudemment excité leur » ardeur, et de les avoir précipités » dans de nouvelles calamités. » Buonaparte, qui arriva à Varsovie, mit fin à toute hésitation sur les assurances solennelles qu'il donna,'on décreta la levée d'une armée de qua rante mille hommes, laquelle, selon lui, ne serait employée qu'à accomplir les destinées de la Pologne. Ces promesses, sorties de la bouche d'un homme qui avait de si puissants moyens pour les réaliser, produisirent un grand enthousiasme. Le prince Poniatowski crut devoir suivre cette impulsion générale, dans l'espoir qu'il pourrait lui imprimer une direction favorable aux vœux de ses compatriotes: il se mit franchement à la tête de l'armée polonaise. Quand il eut pris sa résolution, avant d'agir, il fit, près du roi de Prusse, une démarche à laquelle il se croyait obligé par les convenances et par la loyauté de son caractère. Il écrivit ce prince, pour le remercier de la confiance qu'il lui avait témoignée, en lui confiant le commandement de Varsovie, celui de la garde nationale: il priait sa Majesté de vouloir bien ne point désapprouver que dorénavant il suivît la ligne de conduite qui lui paraîtrait commandée par les intérêts de sa patrie. Un gouvernement provisoire ayant été formé à Varsovie, le prince Poniatowski fut ministre de la guerre. Ses soins se dirigèrent vers l'armée polonaise, dont l'organisation éprouvait des difficultés presque insurmontables, dans une contrée qui se trouvait exposée à toutes les calamités de la guerre. On voulait que l'armée prit la cocarde tricolore; le prince s'y opposa après

une lutte vive et longue, il obtint enfin que les Polonais formeraient un corps d'armée particulier, qui porterait les couleurs de la nation. Pendant la guerre, ce corps d'armée fut employé au siége de Dantzig. La franchise du prince fut souvent offensée par les soupçons que l'on éleva contre la droiture de ses sentiments. On l'accusait de conserver d'anciennes relations, soit avec l'Autriche, soit avec la Prusse, et d'amener adroitement les obstacles pour rendre vains les projets que le chef du gouvernement français avait conçus. L'hiver était pluvieux; les chemins de la Pologne, mauvais en tous temps, étaient devenus impraticables; les petits chevaux polonais s'enfonçaient dans les boues; les transports n'arrivaient pas; il s'élevait des discussions, des rivalités entre les Français et les Polonais : c'était au prince Joseph que l'on s'en prenait; il était cause de toutes ces contrariétés. Aux observations qu'il faisait avec une noble franchise, on répondait souvent par des propos lâches et outrageants. « Si on ne donne, si on ne fait ce » que nous demandons, disait-on, >> nous nous retirerons, nous aban» donnerons les Polonais à la ven» geance de leurs ennemis. » Les batailles livrées le 26 décembre 1806, à Golymin, et le 10 février 1807, à Eylau, au milieu des frimats, sur des marécages fangeux, furent longuement et vivement disputées. Au mois de janvier, et les premiers jours de juin 1807, les corps de Bernadotte et de Ney furent surpris. Dans cette campagne hasardeuse, l'armée française pouvait éprouver ces mêmes désastres qui l'accablèrent en 1812. Que seraient alors devenus les Polonais, après avoir montré

tant d'enthousiasme pour une cause qui n'était point la leur? La paix de Tilsitt rendit la position du prince Poniatowski encore plus pénible. Par ce traité, les Polonais ne gagnaient rien sur le passé; le présent devenait insupportable, et l'avenir n'offrait aucune consolation. Buonaparte, les traitant comme un peuple conquis, s'était fait donner l'état des grandes propriétés, qu'il distribua entre ses généraux. L'armée française, en se retirant en Allemagne et en Espague, laissa en Pologne quatre-vingt mille hommes, dont le chef exerçait l'autorité souveraine, en attendant que le duché de Varsovie fût remis au roi de Saxe. Il s'agissait de nourrir, de vêtir ce corps nombreux, et de satisfaire à d'autres obligations que le chef du gouvernement français imposait aux Polonais. On se plaignait de grands désordres commis par le maréchal Ney en traversant la Pologne. Le prince Joseph fut obligé de se mettre lui-même à la tête d'une compagnie, et de faire des patrouilles dans la ville. Le maréchal Davoust arriva, le 15 août, 1807, à Varsovie, comme gouverneur du duché, et commandant en chef de l'armée. Des magasins furent formés, les exactions arbitraires prévenues, reprimées sous les ordres de ce général ferme, sévère et désintéressé, les choses changèrent de face; et la position du prince Poniatowski devint moins pénible. Cependant les circonstances amenaient, presque chaque jour, des discussions, de nouvelles difficultés: ces petites tempêtes venaient se fondre dans la franchise, et la loyauté qui unissaient les deux guerriers. Jusque là, le prince avait hésité sur le parti auquel il devait s'attacher; il pen

XXXV.

chait pour la Russie. Les rapports de confiance qui s'établirent entre lui et le maréchal Davoust le ramenèrent vers la France; et il resta ferme, inébranlable, dès qu'une fois il eut bien pris son parti. Quoique le duché fût accablé, il avait réussi à organiser une belle armée, composée de douze régiments d'infanterie, seize de cavalerie, et quelques compagnies d'artillerie. Afin de couvrir Varsovie contre un coup de main de la part de la Russie, il fit fortifier Praga, faubourg de cette capitale, de l'autre côté de la Vistule, et Modlin, petite ville située au confluent de la Vistule et du Bug. Il avait été obligé d'envoyer en Espagne les trois plus beaux régiments de son armée: trois autres régiments étaient en garnison à Dantzig, dans les forteresses prussiennes sur l'Oder (Custrin, Glogau et Stettin), lesquelles, d'après le traité de Tilsitt, devaient être indéfiniment occupées par l'armée française. Un régiment de cavalerie polonaise avait été envoyé en Saxe; Thorn, Praga et Modlin avaient garnison. L'armée polonaise était ainsi disséminée, lorsqu'au mois d'avril 1809, la guerre éclata de nouveau entre la France et l'Autriche. Le prince Poniatowski, apprenant que l'armée autrichienne se rassemblait dans les environs de Cracovic, sous les ordres de l'archiduc Ferdinand, fit connaître au chef de l'armée française, que soixante mille hommes se disposaient à passer la Pilieza, pour se jeter sur le duché de Varsovie; qu'il n'avait que huit mille hommes à leur opposer. I demandait des ordres et des secours. On lui répondit d'attendre, de ne faire aucun mouvement, de ne point attaquer. Cependant l'ennemi s'avançait à travers la Gallicie. Le prince vit qu'il était délaissé,

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