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porta lut - même à Rhégtum, pour animer la guerre par sa présence. Mais la supériorité de la flotte ennemie, et surtout la victoire navale de Pompée, auprès de Scylla, l'engagèrent à renoncer à son entreprise, et à tourner ses armes d'un autre côté. Ses légions et celles d'Antoine allèrent, en Orient, combattre Brutus et Cassius. Pendant que cette grande lutte s'achevait en Grèce, Sextus conquit la Sardaigne et le reste de la Sicile, et il augmenta tellement sa puissance, qu'après la bataille de Philippes, Antoine brigua son alliance, et Octave la main de sa bellesœur Scribonia. Cependant aucun traité n'était conclu: Sextus, avec sa flotte, maîtresse absolue de la Méditerranée occidentale, interrompait le commerce de l'Italie, et interceptait les convois qui venaient de l'Afrique. Le peuple, pressé par la famine, demandait à grands cris la paix avec Sextus Pompée : il fallut céder; et une entrevue eut lieu à Misène, entre les généraux ennemis. Sextus y obtint la vie des proscrits, la liberté des esclaves enrôlés dans ses troupes, et pour lui-même la possession tranquille de la Corse, de la Sardaigne, de la Sicile et de l'Achaie, le titre de consul, et soixante dix millions de sesterces sur les biens de son père. Antoine partit alors pour l'Orient, et laissa Octave maître de Rome. Sous l'influence de celui-ci la paix ne fut pas de longue durée: les deux partis s'accusèrent mutuellement d'avoir violé les clauses du traité; on reprit les armes. La fortune de la guerre ne favorisa point d'abord Octave; à Cumes, à Scylla, à Taurominium, ses flottes furent battues par les généraux de Sextus. Enfin, un combat décisif eut lieu entre Myles et Nauloque; et

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après une lutte longue et sanglante, le génie militaire d'Agrippa assura le triomphe d'Octave. Sextus s'enfuit en Orient, quittant les marques distinctives du commandement, et n'implorant que la commisération d'Antoine: mais bientôt il rassembla des forces nouvelles, et battit même, en quelques rencontres, trois généraux romains, Fannius, Ahénobarbus et Amyntas. L'arrivée de Titius mit un terine à ses tentatives et à ses espérances: ses troupes l'abandonnèrent, et il fut contraint de se rendre. Transféré à Milet, il y fut égorgé, quelques jours après, sans doute par l'ordre d'Antoine, quoiqu'on ait essayé de rejeter ce crime sur ses lieutenants. Ainsi mourut après neuf ans d'efforts, de victoires et de revers, le dernier des Pompées qui ait osé balancer la fortune des César. Outre l'ambition qui le faisait aspirer à régir le monde, comme Antoine et Octave, outre la vanité qui lui fit prendre le titre de fils de Neptune, l'histoire a pu lui reprocher, à juste titre, sa folle condescendance pour des esclaves et des affranchis, et surtout l'inconstance qu'il montra en Asie, flottant entre le personnage de général et de suppliant, tantôt parlant en héros, en Romain, tantôt demandant humblement la vie. Mais son courage, ses talents, et surtout son humanité généreuse à l'égard des proscrits, doivent lui faire pardonner ces fautes, et lui assurent un rang honorable parmi les grands hommes qui ont joué un rôle à la fin de la république romaine. P-OT.

POMPÉE (TROGUE), historien latin, dont les livres sont perdus, a vécu sous le règne d'Auguste. Son aïeul avait reçu de Pompée, le titre de citoyen romain, au temps de la

guerre de Sertorius: son oncle avait, dans la guerre de Mithridate, commandé des escadrons de cavalerie; et son père, après avoir servi sous Jules César, était devenu secrétaire de ce général. Nous tenons ces détails de Trogue Pompée lui même, de qui Justin (liv. XLIII, c. 5) assure les avoir empruntés. Nous savons, de la même manière, que la famille de Trogue Pompée habitait le pays des Vocontiens, c'est-à-dire le territoire actuel de Vaison; ce qui a autorisé les Bénédictins, auteurs de l'Histoire littéraire de la France, à compter cet historien parmi les écrivains nés dans la Gaule, Tiraboschi le réclame pour l'Italie, à cause des fonctions remplies par son père auprès de Jules César. D'autres l'ont fait Espagnol, en se fondant sur ce que son aicul se trouvait en Espagne au temps de Sertorius, et ne dut qu'à Pompée le droit de cité. On suppose aussi que cette famille a pris le nom de Pompée en conséquence d'une telle faveur. Il y a divers systèmes sur l'époque où l'historien Trogue a écrit: quelques chronologistes ne le placent qu'au second siècle de l'ère vulgaire, et le font contemporain de son abbréviateur Justin ( Voy. xxII, 176, 177), dont ils avancent, fort gratuitement, qu'il dirigeait les études et les travaux. Cette opinion est incon ciliable avec ce qui vient d'être dit de son père, et avec les textes de Pline le naturaliste, où Trogue Pompée l'historien est citě, apprécié, loué, comme un écrivain très-exact, severissimum autorem. Justin le qualifie: virum prisca eloquentiæ. Vopiscus, saint Jérôme, saint Augustin, Orose, Priscien, Jornandès, lui donnent aussi des éloges. Son ouvrage était une Histoire universelle en quarante-quatre livres, depuis Ninus jus

XXXV.

qu'à Auguste; mais, comme les affaires de la Macédoine y occupaient un très-grand espace, du septième livre au quarante-unième, il l'avait, à l'exemple de Théopompe, intitulé: Histoires Philippiques. Ce titre, assez peu convenable, se retrouve à la tête de l'Abrégé de Justin, abrégé qui nous dédommage trop peu de la perte de l'ouvrage, à laquelle il a peut-être contribué. Les chroniqueurs et les autres auteurs du moyen âge continuent de citer Trogue Pompée; mais les textes qu'ils transcrivent, en y attachant ce nom, sont tous de Justin. Tout annonce que les livres de Trogue avaient disparu avant le dixième siècle: son nom seul s'est conservé dans beaucoup de manuscrits, qui ne contiennent en effet que l'Abrégé. De là vient l'erreur de quelques hommes de lettres, qui, depuis le quinzième siècle, ont annoncé la découverte de manuscrits de Trogue Pompée. Alde, dans la préface de l'édition du Cornucopia de Perotto, assure qu'il en existe un, qu'il va bientôt mettre au jour; il n'a point tenu cette promesse, sans doute parce qu'il aura reconnu que ce n'était qu'un Justin. Il paraît qu'il y avait dans l'ouvrage beaucoup de notions instructives, et surtout de descriptions géographiques ou topographiques, que l'abbreviateur a omises, tronquées ou altérées. Les livres de Trogue Pompée, recommandables par le travail et le talent de l'auteur même, seraient aussi fort utiles, par les traductions de fragments d'historiens grecs, aujourd'hui perdus, qu'il y avait, à ce qu'il semble, insérés (Voy., dans les Comment. societ. Gotting., tome xv, la Dissertation d'A.-H.-L. Heeren: De Trogi Pompeii ejusque epitomatoris fontibus et auctoritate). D-N-u.

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POM

POMPÉI (JÉRÔME), philologue et littérateur justement estimé, naquit à Vérone en 1731, et fit des études solides et brillantes au collége des Jésuites de cette ville. Dèslors il lisait avec délices les grands écrivains d'Athènes et de Rome, et se promettait d'en transporter les beautés dans sa langue maternelle. Cependant les Jésuites, dans le dixhuitième siècle, négligeaient un peu grec, surtout en Italie. Pompéi, en sortant de l'école célèbre où il avait commencé à connaître l'antiquité, desira se perfectionner dans la connaissance de la langue d'Homère et de Démosthène. Le P. Mariotti, disciple de Panagiotti, lui fit faire, en assez peu de temps, des progrès rapides; et bientôt Pompei, dont l'enthousiasme et la facilité secondaient les talents de son maître, devint capable d'apprécier, autrement que sur parole, cette littérature forte et originale qui offre encore à l'admiration de la postérité, des créa tions si éminemment supérieures à la mollesse et à la servilité de la lit térature latine, incomplète et pâle copie de la grecque. L'admiration cependant ne l'aveuglait pas au point de le rendre exclusif et injuste envers les modernes : il lisait sans cesse la belle prose, les heaux vers enfantés dans le siècle de l'Arioste et de Machiavel; puis, de la lecture passant à l'imitation, il essayait d'unir, de fondre dans un même style, les beautés différentes de deux langages aussi éloignés l'un de l'autre qu'Athènes l'est de Florence, et Périclès de Léon X. Ces essais, ces études silencieuses, produisirent enfin un ouvrage composé, moitié de pièces ori ginales, intitulées: Canzoni pastorali; moitié d'idylles, prises dans Théocrite et dans Moschus, traduites

POM

en vers italiens. Quoique loin d'ê-
tre irréprochable, ce début poéti-
que fit concevoir d'heureuses espé-
rances; et des applaudissements
unanimes enhardirent le jeune tra-
ducteur. Cédant aux instances de
quelques personnes du plus haut
rang, il osa entreprendre des tra-
gédies: deux seulement, Hyper-
mnestre et Callirrhoé, furent re-
présentées, et obtinrent un succès
Tamira,
passager; une troisième,
resta dans son portefeuille, et il
consentait même rarement à la lais-
ser voir à ses amis. Il paraît que la
mort d'une des dames de Vérone,
Marianna Malaspina, pour qui il s'é-
tait engagé dans la carrière dramati-
que, et qui jouait dans ses pièces, l'a-
vait dégoûté du théâtre : c'est du
moins ce que donne à entendre le P.
Fontana, dans ses Mémoires sur la
Vie de Jérôme Pompéi (1). Quoiqu'il
en soit, tout le monde fut étonné de
le voir renoncer à l'espérance de se
créer un nom sur la scène, et en re-
venir aux objets primitifs de son ad-
miration. Théocrite, Moschus, Cal-
limaque, Musée, l'Anthologie, exer-
cèrent encore sa plume facile et légère.
Au milieu de ces pièces empruntées à
des peuples, à des siècles étrangers, il
en mêla quelques-unes d'originales; et
celles-ci n'étaient, ni les moins élé-
gantes, ni les moins spirituelles. La
littérature romaine obtint aussi de
lui, en passant, un hommage qu'il
serait injuste, au reste, de lui refu-
ser totalement. Non content de re-
lire sans cesse Ovide, le poète
le plus piquant et le plus aima-
ble de l'antiquité, il osa, malgré
les brillantes versions de Remigio,
traduire
de Camille et de Buffi,
d'un bout à l'autre les Héroïdes.

(1) Chap. 10, pag. 18.

Mais ce qui mit le sceau à sa réputation, ce fut sa traduction des Vies de Plutarque. Peu d'ouvrages de ce genre inférieur de littérature ont produit autant de sensation; et dèsfors Pompéi, dont la réputation jusque-là n'avait été que celle d'un versificateur estimable, fut regardé comme le premier traducteur de l'Italie. Il vécut encore long-temps, cultivant en paix les lettres et les arts, et comblé d'honneurs que les hommes illustres se voient rarement accorder pendant leur vie. Les académies des Arcadiens de Rome, des Philarmoniques de Bologne, et des Alétophiles de la même ville, s'étaient empressées de l'admettre dans leur sein. Les poètes les plus illustres, Maffei, Vallardi, Spolverini, Pindemonte, vivaient avec lui dans une étroite amitié; et Joseph II lui avait offert une chaire, à son choix, dans l'université de Pavie. Déjà âgé, accoutumé d'ailleurs, depuis longtemps, au séjour de Vérone, Pompéi refusa: mais les bienfaits et l'estime du prince l'atteignirent dans sa retraite. Îl mourut, le 4 février 1780, âgé de cinquante-sept ans, et universellement regretté pour l'amabilité de son caractère, non moins que pour la flexibilité de ses talents littéraires, qui, bien que trop loués peut-être par ses contemporains n'en furent pas moins réels. Voici la liste de ses ouvrages: I. Canzoni pastorali con alcuni idilli di Teocrito e di Mosco, Vérone, 1766. Les canzoni qui appartiennent tout entières à Pompei, quoiqu'un peu dénuées de chaleur et de force, retracent assez la couleur antique; et la partie de l'ouvrage qui n'est que traduction, est d'une fidélité admirable. Des Notes savantes et judicieuses accompaguent le texte. II. Nuove Can

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zoni pastorali, Inni, Sonnetti e Traduzioni, Vérone, 1779. On trouve dans cette collection les mêmes qualités et les mêmes défauts que dans la première: cependant, le style a quelque chose de plus ferme et de plus brillant. III. Raccolta greca, etc., Vérone, 1781: ce recueil, dans lequel figurent le poème de Héro et Léandre, par Musée; l'Hymne de Callimaque, sur les bains de Pallas; l'Invocation de Cléanthe au Dieu suprême, et cent épigrammes de l'Anthologie grecque, est dédié à l'illustre auteur des Analecta greca, Brunck; et l'on aime à voir un exemple de cette union peu commune entre la philologie et la littérature. IV. Eroidi d'Ovidio Nasone, etc. Cette traduction, outre la fidélité élégante, caractère constant de tous ses essais en ce genre, a cela de remarquable qu'elle est entièrement en terza rima, rhythme que l'auteur assure être seul capable de rendre le mètre élégiaque des anciens. V. Ipernestra, Vérone, 1769; Callirrhoé, 1769; Tamira, 1789: tragédies ordinaires, bien conduites, mais monotones et ennuyeuses; bien écrites, mais faibles et froides. VI. Enfin, Le Vite degli uomini illustri,Vérone, 1772; Naples; 1784; Rome, 1791 et 1798. Cet ouvrage, le send en prose qu'ait laissé Pompéi, est digne de sa réputation. Plutarque, peut-être, y est trop élégant; et sans doute la bonhomie de notre vieux Amyotrend plus fidèlement la naïveté du biographe de Chéronée: néanmoins, c'est encore Plutarque; et il est juste d'observer que cette traduction est vraiment remarquable sous le rapport de l'exactitude philologique ; de sorte qu'on peut la caractériser, en deux mots, en disant qu'elle est égale pour le style, supérieure pour la cri

tique, à celle d'Amyot. Outre les éditions particulières de chacun des ouvrages que nous venons d'indiquer, on a donné, à Vérone, 1790, une réimpression complète des œuvres de Pompéi, 6 vol. in - 4°. L'Ero e Leandro et l'Inno di Cleante ont été insérés, par M. Renouard, dans les Poemetti, etc., qu'il a publiés en 1801, in-12. Outre la Vie de Pompéi, écrite en latin par le P. Fr. Fontana (Vérone, 1790), et insérée dans le tome xv du Vitæ Italorum, de Fabroni, on a son éloge en italien, par Hipp. Pindemonte, dans le Journal de Pise, tome LXX, pag. 272.

P-OT.

POMPÉIUS FESTUS (SEXTUS).

V. FESTUS.

POMPIGNAN (JEAN-JACQUES LE FRANC, marquis DE), naquit à Montauban, le 17 août 1709; il était fils du premier président de la cour des aides de cette ville. Après avoir fait, sous le père Porée, jésuite, des études solides et brillantes, il mit beaucoup de zèle à apprendre les lois et la jurisprudence. A peine était-il revêtu de la charge d'avocat général dans la cour souveraine dont son père avait été le chef, qu'il s'occupa principalement de l'assiette et de la perception de l'impôt. Par-là, il se rendit capable d'exercer dignement le ministère difficile qui lui était confié. Le duc de Nivernais, répondant à l'abbé Maury, successeur de Pompignan à l'académie française, rappelle un discours éloquent, mais hors de mesure, dans lequel ce magistrat s'abandonnait à son enthousiasme pour la réformation des abus, discours qui le fit exiler. Gette disgrace, ajoute le duc académicien, dégoûta Pompignan de son état; et la charge de premier président de la même cour, dont il fut

pourvu vers 1745, ainsi que l'avaient été son père et ensuite son oncle, ne sembla le rattacher à la magistrature, que comme pouvant lui fournir souvent l'occasion d'être le légitime interprète du peuple auprès du souverain. Il rédigea plusieurs fois les remontrances adressées au roi par les

compagnies supérieures, dont il faisait partie. Voltaire, qui d'abord l'avait recherché, loué, flatté même (1), quoiqu'il eût été jaloux du succès de la tragédie de Didon ; Voltaire, qui se fit depuis l'ennemi acharné de l'homme qu'il avait si bien traité dans sa correspondance avec lui, cite, en la blâmant, une lettre que ce même Pompignan avait adressé au Roi, en 1756, et où il em. brassait, d'une manière un peu vive, la cause de ceux qu'il défendait volontairement. Le philosophe de Ferney a souvent reproduit ce grief pour appeler sur le président l'animadversion du gouvernement; et cependant ses remontrances étaient d'un bon citoyen, d'un véritable magistrat, qui cherchait à concilier ses doubles obligations envers le prince et envers les sujets. Le chef de la cour des aides de Montauban obtint ensuite une charge de conseiller d'honneur au parlement de Toulouse, distinction extraordinaire et unique. Un mariage avantageux ayant augmenté sa fortune, concourut, avec son goût pour les lettres, à lui faire quitter toute espèce de fonctions publiques: du reste, il conserva le titre de premier président honoraire de la cour à laquelle il cessait d'appartenir activement. Nous n'aurons plus désormais qu'à envisager sa vie littéraire, en la suivant par ordre de dates.

(1) Lettres écrites de Cirey, le 30 octobre 1738, et le 14 avril 1739.

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