Page images
PDF
EPUB

lui appartenait, en faveur d'un enfant hors d'état de régner par luimême, et qui serait gouverné par Pombal. Lors même que le caractère doux et timide de la princesse ne lui eût pas permis de réclamer ses droits, la reine les eût défendus avec courage. Dès qu'elle fut déclarée régente, elle annonça l'intention formelle de jouir de toute son autorité; et, après la mort de son mari, arrivée le 24 février 1777, elle se hâta de prévenir sa fille contre les artifices de l'adroit Pombal. Celui-ci avait su se ménager de loin le moyen de se rendre nécessaire, en concentrant dans ses mains le secret des affaires importantes. Aussitôt que Joseph fut mort, le ministre fit offrir ses services à la jeune reine; mais la reine-mère, qui sentait que quelques conférences suffiraient à cet ambitieux pour acquérir du crédit sur sa fille, demanda à celle-ci si elle comptait garder Pombal dans le ministère: « Il faudra bien le renvoyer, » répondit la timide Marie, puisque » tout le monde le juge ainsi.- En » ce cas, évitez donc de travailler » une seule fois avec lui. » Dès ce moment, on dut penser que la disgrace de Pombal ne tarderait pas à éclater. On lui fit essuyer mille dégoûts; ses créatures furent destituées, et allèrent, dans l'exil ou dans les prisons, prendre la place des nombreuses victimes de sa haine et de son despotisme; lui-même, forcé de donner sa démission, le 4 mars, huit jours après la mort de Joseph, put, avant de se rendre au lieu de sa retraite, voir arracher son propre médaillon du piedestal de la statue de son maître. Il fut loisible à tous les sujets portugais d'écrire contre son administration on lui fit son procès. Dans les interrogatoires qu'il

subit devant les juges envoyés par la reine, il se retrancha toujours derrière la volonté du feu roi. Le roi le voulait ainsi ; je n'ai fait qu'exécuter ses ordres. Telles étaient ses réponses. Il fut condamné; mais, par un édit du 16 août 1781, la reine lui fit grâce, et se contenta de l'exiler à vingt lieues de la cour, en lui permettant de garder sa fortune, qui allait à trois cent mille francs de revenus. Il mourut à Pombal, lieu de son exil, le 8 mai 1782. Ce ministre, qui eut la prétention de jouer en Portugal le rôle du cardinal de Richelieu, n'en possédait ni le génie ni les vues politiques. Comme Richelieu, il apesantit un joug de fer sur les grands, et créa un gouvernement ministériel. Mais le ministre de Louis XIII ne puisa que dans l'intérêt de l'état, et non dans une basse jalousie, les règles de sa conduite envers les grands vassaux de la couronne. Sa politique à l'égard de la maison d'Autriche et de ses alliés, fut toujours forte et constante: celle de Pombal à l'égard de l'Espagne et de la France, fut équivoque et incertaine. Il hésita long-temps avant de refuser son accession au pacte de famille, et ne fut probablement retenu que par des considérations personnelles une des principales, dit-on, fut la crainte de perdre sa place, par suite de l'influence que devait donner à la reine l'alliance du roi d'Espagne, son frère. Comme administrateur, il voulut s'affranchir du despotisme mercantile de l'Angleterre; mais sa politique timide le maintint sous le joug de cette puissance. Il fit éprouver des tracasseries aux négociants anglais et à la factorerie. Le traité de 1703, auquel Methuen a donné son nom, reçut bien des atteintes; mais il s'arrêtait aux

premières réclamations du cabinet de Saint-James, se gardant bien de pousser les choses jusqu'aux bornes d'une rupture. Le commerce fut sa grande affaire: aussi les négociants du pays portent encore son nom jusqu'aux nues, et lui ont décerné le titre de Grand. Sans doute, il possédait des qualités éminentes, qui malheureusement furent ternies par des vices odieux. S'il manquait de génie et de grandes vues politiques, il avait, ce qui mène plus sûrement au succès, une tenacité que rien ne rebu tait, une force de caractère capable de surmonter tous les obstacles. A la vérité, il était peu difficile sur les moyens d'arriver à son but. Né avec des passions violentes, la souplesse (12) et la dissimulation étaient néanmoins ses ressources les plus habituelles; ce qui prouve qu'il savait prendre beaucoup sur lui-même. Il était d'une excessive politesse (13), et en même temps susceptible de haines implacables. Quiconque s'opposait à ses résolutions, trouvait en lui un ennemi irréconciliable. Cruel et raffiné dans sa vengeance, il ourdissait de longue main la ruine de ses adversaires. I formait de grands plans, et s'occupait en même temps de petites choses. Il interrompait la rédaction des plus sages ou des plus utiles ordonnances, pour donner édit sur la ventedes marrons, ou pour changer la formule de permission pour les chevaux de poste: il avait la

un

(12) Après sa disgrace, l'évêque de Coïmbre, qu'il fermer dans un cachot souterrain, pour avoir publié

avait fait arrêter au temps de sa puissance, et en

sans approbation un mandement contre les mauvais livres venant de l'étranger, et entre autres la Pucelle de Voltaire, eut occasion, en faisant une visite diocésaine, de passer par Pombal. Le marquis demanda à le voir, et se jeta plusieurs fois à ses ge

noux.

(13) S'il rencontrait dans la rue un ambassadeur étranger, il faisait arrêter sa voiture, jusqu'à ce qu'il l'eût vu continuer sa marche.

manie des réglements. Travailleur infatigable, il dînait seul et avec avidité; defréquentes indigestions ne l'empêchaient pas de jouir d'une santé robuste. Dans sa jeunesse, il était un des beaux hommes de son temps. Sa taille était haute, son air noble, sa force prodigieuse. Il avait d'ailleurs l'abord facile, agréable, et parlait avec aisance le français, l'anglais, l'allemand et l'italien. Les connaissances qu'il avait acquises dans ses voyages, rendaient, lorsqu'il le voulait, sa conversation intéressante. Il plaisait beaucoup aux étrangers qui n'avaient rien à traiter avec lui: mais les ambassadeurs finissaient par démêler à travers ce vernis de politesse et de formes séduisantes, la duplicité et le manque de foi qui faisaient la base de sa politique. Les artistes étaient pour lui, parce qu'il les protégeait, qu'il encourageait les arts d'agrément comme les arts utiles; mais, manquant lui-même de goût, il ne pouvait leur en donner. Les poètes et les écrivains du jour brûlaient pour lui leur encens : il ne les estimait pas. Il desirait si peu que les lumières de l'esprit pénétrassent dans sa patrie, qu'il alla jusqu'à empêcher la poste d'arriver des pays étrangers plus d'une fois par semaine, et à ne pas permettre qu'un ouvrage périodique s'établît à Lisbonne (14). Voilà cependant l'homme que nos philosophes modernes ont proclamé leur adepte! Il est vrai qu'il persécuta le clergé et les moines, qu'il les appelait la vermine la plus dangereuse qui puisse ronger un état, qu'il fit traduire et répandre les œuvres de Voltaire, Rousseau, Diderot, etc. Mais celles de Raynal furent brûlées

(14) Ce n'est que depuis le mois d'avril 1778, qu'une gazette parut deux fois par semaine.

par son ordre, en 1773. Il se servit de l'inquisition pour ses vengeances; il fit même donner le titre de majesté à ce tribunal, qu'on lui entendit vanter lorsqu'il eut fait substituer son frère, Paul Carvalho, au frère du roi, dans la place de grandinquisiteur: enfin, comme on l'a vu, cet adepte de la philosophie ne craignait pas, en haine des Jésuites, d'accréditer un miracle, et se serait bien gardé, dans ses disputes avec la cour de Rome, d'invoquer l'autorité de notre Bossuet et des savants dé fenseurs de nos libertés. Concluonsen que, sans plan fixe, sans système, sans autres principes arrêtés, dans sa conduite et dans la direction de sa politique intérieure, que son pro pre intérêt, il ne persécuta les prê tres et les grands, que parce qu'il y voyait un moyen de fonder sa puis sance et de la maintenir. Comme homme d'état, sa réputation ne peut laisser d'honorables souvenirs; car il attaqua les institutions qui soutiennent et conservent les empires. Comme administrateur, tout, en Portugal et au Brésil, rend encore témoignage de ses vues et de sa capacité. Mais on pourrait dire de lui que ce qu'il fit de bien, il le fit à coups de hache et avec la violence de son caractère. Voici le jugement qu'en porte le comte de Hoffmansegg: « Si » l'on demande, dit ce voyageur, » ce que fit Pombal, la réponse ne » peut être en général qu'avantageu»se pour lui; si l'on demande com>>ment il le fit, la réponse ne pourra >> être que défavorable pour cet hom» me trop puissant. » On a publié plusieurs ouvrages sur le marquis de Pombal, entre autres, en 1784, des Mémoires en 4 vol. in-12 (15); il y

(15) Ce livre est une traduction(attribuée à Gattel) de la Vita di Seb. Gius, di Carvalho, etc. (Florence),

est traité avec une extrême sévérité : il ne l'est pas moins dans un autre ouvrage, en un vol. in-12, qui fut donné dans la même année, sous le titre d'Anecdotes du ministère de Sébastien-Joseph Carvalho, comte d'Oeyras, marquis de Pombal. Enfin, en 1788, on vit paraître 4 vol. in-12, sous le titre d'Administration de dom Sébastien-Joseph Carvalho, etc., contenant son apologie sur tous les points. Il n'y a d'ailleurs pas de livre moderne sur le Portugal, où il ne soit parlé de ce miG-R-D.

nistre.

POMERANCE (CHRISTOPHE RONCALLI, surnommé le chevalier DALLE), peintre toscan, naquit à Volterra, en 1552, et fut élève de Nicolas Circignano, son compatriote. Il travailla long-temps sous ce maître, qui le payait peu. C'est à son exemple qu'il apprit à se faire aider par de nombreux élèves, et à se contenter aussi d'ouvrages médiocres mais, lorsqu'il exécutait luimême, il savait se montrer excellent artiste. Le seul défaut qu'on puisse lui reprocher, c'est de se ressembler à lui-même, et de prodiguer les visages ronds et vermeils. Son dessin est un mélange du faire florentin et romain. Dans ses fresques, il emploie un coloris vif et brillant: dans ses tableaux à l'huile, au contraire, il aime les teintes simples et reposées ; et il sait les accorder par un ton général plein d'harmonie et d'égalité. Il les orne volontiers de paysages; partie dans

1781, 4 vol. in-8°., dont on connaît deux versions

allemandes; l'une par Jagemann, Dessau, 1782, 2 vol. in-8°., l'autre anonyme, imprimée à Leipzig, en 5 vol. L'ouvrage ne va pas au-delà de 1773. On doit y joindre les remarques données par le P. Ansclme Eckart, jésuite, dans le Journal de Murr (tom. XII, p. 286-299), et les observations publiées par J. A. de Junk, dans l'Historischen Portefeuille de 1783,

tomes I et II.

laquelle il paraît aimable, quoiqu'étudié. Parmi ses meilleures productions, on cite à Rome, la Mort d'Ananie et de Saphire, qu'on voit à la Chartreuse, et qui a été copiée en mosaïque pour l'église de SaintPierre. Plusieurs autres mosaïques de la même église ont été exécutées d'après ses cartons. Dans l'église de Latran, le Baptême de Constantin est une de ses grandes compositions. Un de ses ouvrages capitaux est la coupole de Lorette, qu'il avait enrichie de nombreuses figures, que le temps a endommagées, à l'exception, toutefois, de quelques Prophètes, qui sont du style le plus gran diose. Dans le trésor de la même église, il exécuta un grand nombre de peintures représentant l'Histoire de la Vierge toutes ne sont pas également heureuses, et elles pêchent, en général par la perspective. C'est à la protection du cardinal Crescenzi, qu'il dut ces travaux importants. Il avait pour compétiteurs le Caravage et le Guide. Le premier se vengea de n'avoir pas été préféré, en faisant taillader la figure de Roncalli, par un spadassin; l'autre en tira une plus noble vengeance et la seule que devait se permettre un artiste de génie. Il peignit plusieurs tableaux qui prouvèrent que c'était à tort qu'on l'avait subordonné à Roncalli. Après ces travaux, ce dernier artiste fut appelé dans toutes les villes de la marche d'Ancone: aussi y trouve-t-on un grand nombre de ses tableaux. On voit, aux Ermites de San-Severino, un Noli me tangere; à Ancone, un Saint Augustin et un Saint François en prière; et à Osimo, une Sainte Palatia, dans l'église de ce nom : ils peuvent être mis au rang de ses peintures les plus soignées, La meilleure, peut-être, de toutes ses fres

ques, est celle qui représente le Jugement de Salomon, dans le palais Galli, à Osimo. Il savait varier sa manière avec habileté; et l'on a delui à Ancône, une Epiphanie, qui semble un tableau de l'école vénitienne. Il eut d'habiles élèves, parmi lesquels, les plus célèbres sont Gaspar Celio, et surtout le marquis Jean-Baptiste Crescenzi. Le cardinal du même nom fut son protecteur constant, et lui fit obtenir, du pape Paul V, le titre de chevalier de l'ordre du Christ. Le marquis Vincent Giustiniani, qui estimait son talent et sa personne, le conduisit avec lui en Allemagne, Flandre, en Hollande, en France en Angleterre, et dans une grande partie de l'Italie, entre autres, à Venise; et l'artiste sut mettre à profit ce qu'il avait vu dans ses voyages. Ses ouvrages lui procurèrent une fortune considérable. Il mourut à Rome, le 14 mai 1626. L'académie de peinture, dont il avait été membre, conserve avec soin son portrait.

en

[ocr errors]

P-s. POMERANCIO, V.CIRCIGNANO. POMET (PIERRE), droguiste, né à Paris, en 1658, se livra, dès son enfance, au commerce, et après avoir achevé son apprentissage, visita l'Italie, l'Allemagne, l'Angleterre et la Hollande. Il acquit, dans ces différents voyages, une connaissance parfaite des substances médicales; et ayant ouvert un magasin de drogues à Paris, il fit, en peu de temps, une fortune considérable. Ses talents et sa probité lui méritèrent l'estime des plus habiles médecins; et ce fut d'après leur invitation qu'il se chargea de faire, au Jardin des Plantes, la démonstration des drogues qu'il avait rassemblées à grands frais de tous les pays avec lesquels la France entretenait alors des rela

tions. Pour faciliter les progrès des amateurs qui suivaient ses leçons, il publia le Catalogue des drogues simples et composées qui formaient sa collection (1); et il s'occupait de la description des raretés de son cabinet, quand il mourut, à l'âge de 41 ans, le 18 novembre 1699, le jour même que fut expédié le brevet d'une pension, que Louis XIV lui avait accordée en récompense de ses services. Pomet est auteur de l'Histoire générale des drogues, traitant des plantes, des animaux et des minéraux, etc., Paris, 1694, in-fol. avec plus de 400 figures. Malgré l'approbation que les premiers médecins s'empressèrent de donner à son ou vrage, Pomet ne l'aurait point encore publié, s'il ne se fût aperçu qu'on lui avait enlevé plusieurs de ses notes et de ses dessins. Il traduisit devant les tribunaux les personnes qu'il soupçonnait coupables de cet abus de confiance: mais le Châtelet jugea que le vol était une bagatelle; et il ne put pas même obtenir la restitution qu'il réclamait (V. la Préface, page 2). L'ouvrage de Pomet, malgré quelques inexactitudes, était le traité le plus complet et le meilleur qui eût encore paru sur la matière médicale; aussi fut-il très-bien reçu: il a été traduit en allemand, Leipzig, 1717, , in-fol.; et en anglais, Londres, 1712, 1725, in-4o. — Joseph Pomet, son fils, apothicaire des hôpitaux de Paris, en a donné une édition augmentée, sous ce titre: Histoire générale des drogues simples et composées, Paris, 1735, 2 vol. in-4°. Les curieux recherchent l'édition de 1694, parce que les gravures

(1) Droguier curieux ou Catalogue des drogues

en sont plus belles; mais l'ouvrage n'est plus consulté, parce que l'on puise des connaissances plus étendues et plus exactes dans là Matière médicale de Garsault, et surtout dans le Nouveau Dictionnaire d'Histoire W-s. naturelle.

[ocr errors]

Pa

FOMEY (FRANÇOIS), grammairien, né, en 1618, dans un village du comtat Venaissin, embrassa jeune la règle de saint Ignace, et professa les humanités et la rhétorique dans différents colléges. Il remplit ensuite, pendant neuf ans, les fonctions de préfet des classes à Lyon, et mourut en cette ville le 10 novembre 1673. On a de lui: I. Un petit Traité des particules latines, en forme de dictionnaire, Lyon, 1655, in-24. M. Galland (de la Tour) en a donné une nouvelle édition, revue avec soin et mise dans un meilleur ordre, ris, 1821, in-18. II. Pantheum mythicum seu fabulosa deorum historia, ibid. 1659, in-8°. Ce traité de mythologie est estimé; la meilleure édition est celle qu'à publiée Sam. Pitiscus, Utrecht, 1697, in-12, fig. ; réimprimée six fois jusqu'en 1741. Il a été traduit en français par Thenard, sous ce titre : Méthode pour apprendre l'histoire des anciennes divinités du paganisme, Paris, 1715, in-12. Tooke en a publié une traduction anglaise, mais sans nommer l'auteur. III. Libitina sive de funeribus, Lyon, 1659, in12. Ce livre, qui est assez curieux, n'a pas eu le même succès que le précédent. Dans la préface, le P. Pomey annonce le projet de traiter successivement, des prêtres et des sacrifices des anciens; de leurs magistrats; des mariages, des jeux et des fêtes, etc.: mais aucun de ces ouvrages

n'a

simples et composées, Paris, 1695, in-80. Il en parut paru. IV. Dictionnaire français et latin, ibid., 1664, in-4°.; réimpri

un extrait, en 1697, in-12; mais l'ouvrage a été réimprimé en entier, en 1709, in-8o,

« PreviousContinue »