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rente température de l'air. Les Grâces sont l'image des bienfaits que chaque saison répand à son tour sur le globe. Les pampres de vigne offrent l'emblème le plus frappant d'une riche végétation. Le Lion enfin, à qui les anciens ont donné plusieurs significations, a toujours été regardé comme un symbole des vents et des ouragans qui agiteut la terre et précipitent sur son sein les germes répandus dans les airs : voilà pourquoi Cybèle était représentée dans un char traîné des lions. C'est donc avec par raison que Junon posait ses pieds sur la dépouille d'un de ces animaux soumis à son empire. Les autres ouvrages de Polyclète cités par les auteurs, sont les suivants : Deux Enfants qui jouaient aux osselets; deux Jeunes Filles qui portaient sur la tête des corbeilles sacrées, à l'imitation de celles qui remplissaient cet emploi dans les pompes religieuses, et qu'on appelait par cette raison les Cané phores; un Jeune Homme ceignant sa tête d'une bandelette (apparemment un athlète victorieux), appelé le Diadumène; un Jeune Homme armé d'une lance, appelé le Doryphore; un Homme représenté se frottant le corps avec un strigile, dit l'Apoxyo mène; un Guerrier saisissant ses armes, appelé l'Alexétère, ou celui qui va au secours; une Figure, nommée l'Artémon ou le Périphorète; une Amazone placée dans le temple de Delphes; une statue d'Hécate, à un seul corps et en bronze, placée dans le temple de cette déesse à Argos; une statue de Polyxène; un Mercure, qui fut transporté dans la ville de Nicomachie; un Hercule étouffant Antée, qui se voyait à Rome au temps de Pline; enfin un Hercule tuant l'hy. dre de Lerne. Il n'est aucune de ces figures qui n'ait obtenu dans l'anti

quité une grande renommée. Les Ca néphores se voyaient à Messine, au temps de Verrès. « Tous les étrangers, dit Cicéron, s'empressaient de les visiter; la maison où elles étaient conservées était moins la parure du propriétaire, que l'ornement de la ville entière. » Le Diadumène fut vendu cent talents (540,000 fr.de notre monnaie), centum talentis nobilitatum. L'Artémon ou le Périphorète était sans doute cette statue qui portait sur un seul pied, et qu'on tournait à volonté sans qu'elle perdît l'équilibre. Mais de tous les ouvrages de Polyclète, aucun, peut-être, ne contribua autant à sa réputation, que celui qui fut appelé le Canon, ou la règle de l'art. Instruit, par de nombreuses comparaisons, des qualités qui constituent l'agilité, la force, et par conséquent la grâce et la beauté du corps de l'homme, cet artiste entreprit de démontrer, par plusieurs moyens, et d'abord par une statue dont toutes les parties seraient entre elles dans une proportion parfaite, quels sont les rapports de grandeur où la nature a établi la perfection des formes humaines. Quelques critiques ont demandé si le Canon de Polyclète se composait d'une seule statue ou de plusieurs ; s'il représentait un homme jeune ou dans toute la force de l'âge; et enfin comment une seule figure pouvait servir de règle pour des statues d'âge et de caractère différents? Les auteurs anciens nous donnent làdessus des éclaircissemeuts qui ne laissent rien à desirer. Un danseur, dit Lucien, dans son traité de la danse, pour exceller dans son art, ne doit être ni trop grand ni trop petit, ni trop gras ni trop maigre; il doit ressembler au Canon de Polyclète : preuve évidente que le Canon

ne se composait que d'une seule figure, et qu'il représentait un homme jenne. « Le Canon de Polyclète, dit encore Lucien dans son Dialogue intitulé Peregrinus, représente le chef-d'œuvre de la nature, et semble être son propre ouvrage: Nature figmentum atque opificium; preuve non moins certaine que la statue appelée le Canon ne renfermait rien de systématique, rien de faux; que tout y était le produit d'un choix épuré et d'une savante analyse. Mais Polyclète ne pouvait pas se borner à ce premier travail : sa statue, si elle n'eût été accompagnée d'explications, n'aurait offert qu'un beau modèle, plus achevé peut-être, mais du reste entièrement semblable à toutes les belles figures, soit de Polyclète lui-même, soit de ses illustres émules : ce chef-d'œuvre isolé n'eût pas été plus utile que tous tous les autres, à l'instruction des jeunes artistes. Polyclète, dit Galien, compléta son ouvrage en composant un Traité des proportions qui constituent l'harmonie, et par conséquent la beauté du corps humain. Il développa, dans cet écrit, les lois de la nature, auxquelles il s'était conformé dans la statue offerte pour modèle aux artistes; de telle manière que l'ouvrage écrit démontrait le mérite de la statue, et que celle-ci reproduisait la théorie de l'auteur mise en exécution. C'est la réunion de ces deux ouvrages, ajoute Galien, que Polyclète a lui-même appelée le Canon. Ce qui n'est pas moins à remarquer, c'est que le public confirma cette dénomination: les artistes, dit Pline, étudient et suivent le Ganon de Polyclète, comme une sorte deloi: Lineamenta artis ex eo peten tes, velut à lege quadam. Winckelmann présume que la figure appelée

le Canon, était le Doryphore. Il se fonde sur ce que Lysippe, qui n'eut point de maître, interrogé comment il avait appris son art, répondit que c'était en étudiant le Doryphore de Polyclète. Cette opinion ne manque pas de vraisemblance. On pourrait attribuer à Polyclète plusieurs statues d'athlètes, vainqueurs au ceste, au pugilat, au pentathle: mais elles n'ont point de dates reconnues; et rien ne garantit qu'elles soient son ouvrage plutôt que celui du second Polyclète, dit Polyclète d'Argos. Il modela aussi un eandélabre, dont, au rapport d'Athénée, on louait beaucoup la noblesse et l'élégance. Grand statuaire, judicieux écrivain, peintre peutêtre, car plusieurs auteurs veulent qu'il ait aussi professé la peinture, Polyclète fut encore un très-habile architecte. Les anciens ne citent que deux édifices construits sur ses dessins; mais c'est avec des éloges qui le placent au premier rang parmi les maîtres de l'art. Un des deux était un bâtiment circulaire, en marbre blanc, appelé le Tholus, élevé à Épidaure, près du temple d'Esculape, et que, quatre-vingt ou cent ans plus tard, Pausias orna de ses peintures. L'autre était un théâtre situé dans l'enceinte même de ce temple. Ce dernier monument fut constamment regardé comme un modèle de goût. Les Romains, dit Pausanias, ont construit des théâtres qui surpassent de beaucoup celui-là par la magnificence des décorations; celui de Mégalopolis est d'une plus grande étendue: mais, pour l'accord et l'élégance des proportions, quel architecte peut se comparer à Polyclète! Tant de talents de divers. genres durent exciter une admiration universelle aussi les anciens diffèrent-ils

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peu les uns des autres dans leur jugement sur le mérite de ce maître. On remarque cependant, à côté des nombreux éloges qui ont retenti de toutes parts, quelques critiques, qu'il est convenable d'éclaircir, moins pour la gloire de cet illustre chef d'école, que pour la connaissance des progrès de l'art. Deux auteurs semblent l'avoir jugé plus sévèrement que les autres: ce sont Varron et Quintilien. Varron disait, au rap. port de Pline, que les statues de Polyclète étaient carrées, et qu'elles se ressemblaient presque toutes: Quadrata tamen ea esse tradidit Varro, et penè ad unum exemplum. Quintilien, en reconnaissant que beaucoup de personnes lui assignaient la première place entre les sculpteurs les plus habiles, Cui à plerisque tribuitur palma, ajoute qu'il ne s'était point cependant élevé à toute la majesté des dieux, et que son ciseau timide n'avait osé rendre que les formes gracieuses de la jeunesse Nihil ausus ultra leves genas. Si le mot de statues carrées ne doit pas être pris en bonne part, dans le sens où l'entendait Simonide, lorsqu'il disait qu'un homme était carré du corps et de l'esprit, pour faire entendre que c'était un homme en tous points accompli; il ne peut signifier autre chose, sinon que, dans les figures de Polyclète, les dessous étaient rendus avec une fermeté qui laissait encore desirer quelque chose quant à la délicatesse des formes. Tel est, en effet, le caractère de la sculpture de cette époque, où l'art posa les fondements du grand, sans parvenir au dernier degré du fini et du moelleux. C'est ce que nous voyons dans les ouvrages de Phidias, de Myron, de Naucydès, dont nous possédons, soit les originaux, soit

des coptes. Le mot de Varron, pris dans ce sens, n'est au fond qu'un éloge, et il ne saurait être pris autrement. D'ailleurs Polyclète, dont toute l'antiquité vante particulièrement l'élégance, ne pouvait être inférieur, à cet égard, à aucun de ses prédécesseurs ou de ses émules. Cicéron, en comparant entre eux Calamis, Myron et Polyclète, qui vécurent ensemble sans être parfaitement du même âge, nous dit bien expressément, que dans la souplesse du style, Myron surpassa Calam, et que Polyclète surpassa My on: Calamidis dura illa quidem : nondùm Myronis satis ad veritatem adducta, jam tamen quæ non dubites pulchra dicere. Pulchriora etiam Polycleti et jam planè perfecta. Quant au reproche de Quintilien, que Polyclète n'avait point atteint à toute la majesté des dieux, et qu'il ne s'était point élevé au-dessus des formes de la jeunesse, nous voyons, en effet, que ce maître n'a jamais représenté ni Jupiter, ni Minerve, sujets que Quintilien avait, sans doute, en vue dans son observation. Est-ce la faute des circonstances? est-ce l'effet d'une disposition particulière de son esprit? est-ce la crainte de ne pas surpasser Phidias, dans cette sculpture sublime? c'est ce qu'il est impossible de décider mais il n'était pas nécessaire que Polyclète exécutât un second Jupiter Olympien, pour que l'art fit sous sa main de nouveaux progrès; et c'est ce qui eut lieu, en effet. Sans renoncer aux formes de la jeunesse, il varia les attitudes, les caractères, les expressions et l'âge même de ses figures, comme s'il eût voulu offrir aux artistes des

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modèles de tous les genres. Ses joueurs aux osselets étaient des enfants; son Diadumène était un

athlète souple et vigoureux, molliter juvenem; son Doryphore, un guerrier robuste, viriliter puerum; son Alexétère, un héros dans une attitude énergique, arma sumentem; son Mercure, le plus agile de tous les coureurs. Cicéron enfin, lorsqu'il veut enseigner à un jeune orateur à traiter les détails accessoires d'une grande cause avec noblesse et avec simplicité, simpliciter et splendidè, l'invite à prendre pour modèle Polyclète modelant la figure d'Hercule qui terrasse l'hydre de Lerne. Ce maître, dit-il, s'occupait d'abord d'établir les grandes masses, et s'inquiétait peu de la peau de l'hydre et de celle du lion, assuré que ces accessoires se formeraient comme d'eux-mêmes sous son eiseau, quand les parties principales seraient rendues harmonieusement et largement. Ce mot n'a pas besoin de commentaire; c'est d'une figure d'Hercule qu'il s'agit, et c'est Ciceron qui parle. Il est évident que le mot de leves genas ne peut se rapporter qu'à l'âge du héros Hercule jeune, mais terrassant l'hydre, dut toujours être Hercule. Les anciens ont souvent comparé Polyclète à Phidías; et ils ont placé ces deux grands maîtres au même rang, lorsqu'ils n'ont pas donné la préférence à Polyclète. Soixante-dix ans environ après la mort de ce dernier, et Forsque la restauration du temple d'Ephèse incendié fut terminée comme il s'agissait d'y placer cinq statues d'amazones, dont une était de Phidias, uue de Polyclète, une troisième de Cydon, une autre de Ctésilas, etc., des statuaires furent invités à ranger ces figures suivant leur mérite; et, d'une communc voix, celle de Polyclète fut placée la première, celle de Phi

XXXV.

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dias la seconde, celle de Ctésilas la troisième, celle de Cydon la quatriè me. Socrate demandait au philosophe Aristodème : « Quels sont les hommes que vous tenez pour les » premiers dans tous les arts qui dépendent du génie? » Aristodème répondit : « Ce sont, dans la poésie » épique, Homère; dans le dithyram»be, Mélanippide; dans la tragédie, » Sophocle; dans la sculpture, Po» lyclète; dans la peinture, Zeuxis.» Ni Socrate, ni Xénophon, présents à ce colloque, n'ont désavoué le jugement d'Aristodème. Denys d'Hailcarnasse assimile Polyclète à Phidias, pour la gravité, pour l'ampleur, pour la magnificence du style. Les Latins eussent exprimé les qualités que désigne l'auteur grec, par les mots de gravitas, granditas, amplitudo. Strabon s'exprime en ces termes (liv. vi en parlant des sculptures renfermées dans ce temple de Junon à Argos: « Là, » dit-il, sont des statues de Polyclè»te, supérieures à toutes les autres, » quant au mérite de l'art'; inférieu»res à celles de Phidias, pour les » dimensions et pour la richesse. Ce passage a été entendu autrement; mais on reconnaîtra la justesse de notre interprétation si l'on considère que Strabon oppose le mérite du style aux proportions du monument et à la valeur de la matière. Polyclète est un des maîtres de l'antiquité qui ont exercé le plus d'influence sur les progrès de l'art. Il'comptà parmi ses élèves, Argius, Asopodore, Alexis, Aristide, Phrynon, Dinon, Athénodore, Daméas, le second Canachus, et notamment Périclète, frêre de Naucydès. Périclète devint le chef d'une école qui se perpétua d'un maître à l'autre, jusqu'à la quatrième génération. C'est à l'école de Po

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lyclète qu'appartenait Naucydès, soit qu'il fût élève de Périclète, soit qu'il eût appris son art de Polyclète lui-même. C'est de la même source que sortirent, à des degrés différents, Antiphane, le second Polyclète, Alype, Cléon de Sicyone, et plusieurs autres maîtres. Lysippe doit aussi être considéré comme appartenant à l'école de Polyclète, puisqu'il se for. ma par l'étude du Doryphore. Plutarque nous a transmis un mot de Polyclète, qui renfermait pour ses élèves une importante leçon. « C'est, » disait-il, lorsque l'argile achève >> de s'étendre sous l'ongle, que la >> tâche du sculpteur devient le plus » difficile. » Nous voyons, dans cet axiome, qu'avant de sculpter ses figures, Polyclète formait un modèle par l'art de la plastique; qu'il établis sait d'abord un noyau, allant du dessous au-dessus, des os à la pean, des parties principales aux détails. Nous y voyons, en outre, que les fondements du style résident, suivant Polyclète, dans les divisions des plans intérieurs. La plus grande difficulté se fait ressentir, suivant lui, dans les derniers travaux, attendu qu'il faut encore, en terminant les détails, maintenir l'ampleur des formes, qui constitue le premier élément du beau; associer la noblesse à la chaleur, le sentiment du grand à l'imitation du vrai. Les détails s'achèvent facilement, si les masses ont été posées avec précision et avec fermeté. C'est le contraire, si l'ouvrage pèche dans les formes intérieures. Pour bien finir une statue, il faut l'avoir bien commencée. Voilà pourquoi Cicéron disait : « Afin de rendre les détails simplement et avec noblesse, sim» pliciter et splendidè, imitez Poly»clète, dès le commencement de » votre travail. » De toutes les sta

tues antiques, découvertes jusqu'aujourd'hui, il n'en reste qu'une où l'on ait cru retrouver une copie d'un des ouvrages de Polyclète. Elle représente un jeune athlète attachant sur son front la bandelette, qui est le signe de sa victoire. L'original aurait été par conséquent le Diadumène. Cette statue se voyait autrefois à Rome, dans le jardin Farnèse; elle a été transportée à Naples, depuis quelques années. L'authenticité paraît en être prouvée par sa conformité avec divers bas-reliefs antiques, où le Diadumène est représenté et accompagné d'inscriptions qui ne permettent pas de le méconnaître. Un de ces bas-reliefs existe à Rome, dans le Musée du Vatican (vestibule en rotonde). Visconti pensait que l'Apoxyomène, ou le personnage qui se frottait le corps avec un strigile, représentait Tydée se purifiant du meurtre de son frère. En admettant cette idée, on pourrait reconnaître des imitations de cette figure sur un grand nombre de pierres gravées. Mais si nous ne possédons aucune production originale de Polyclète, nous connaissons pleinement, par l'exemple des sculptures du Parthénon et parles deux Discoboles, le style de l'époque que ce grand maître a contribué à illustrer (1). E-c D—d.

POLYCLETE D'ARGOS OU POLYCLÈTE II, statuaire grec, fut élève de Naucydès. C'est ce que Pausanias dit expressément, en faisant remarquer que ce Polyclète, natif d'Argos, n'est pas celui qui a exécuté la statue colossale de Junon. Est-ce Polyclète l'Ancien, est-ce Polyclète II, qu'il faut regarder comme l'auteur d'un

(1) Cet article est extrait, ainsi que le suivant, d'un ouvrage inédit de l'auteur, intitulé: La chronologie de la sculpture antique, démontrée par l'his. toire et par les monuments.

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