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où son arrivée excita un grand tu multe. On le présenta au proconsul, qui, l'engageant à avoir pitié de son âge, lui disait : « Jurez par la for» tune de César; revenez à vous, et >> dites avec nous: Otez les im» pies! » C'était une acclamation ordinaire des païens contre les chrétiens. Saint Polycarpe, regardant les infidèles qui étaient rassemblés dans l'amphithéâtre, étendit la main vers eux, leva les yeux au ciel, et dit, en soupirant : « Otez les im» pies! » exprimant ainsi à Dieu, le desir ardent qu'il avait de leur conversion. Le proconsul insistait en lui disant : «< Jurez, et je vous >> renverrai; dites des injures au >> Christ.» Saint Polycarpe répondit: « Il y a quatre-vingt-six ans que je le »sers, et il ne m'a jamais fait de » mal; comment pourrais-je proférer des paroles impies contre » mon roi, qui est mon Sauveur? » Le proconsul le pressant toujours de jurer par la fortune des Césars, le saint repoussa constamment ses instances, et offrit de lui exposer les motifs de sa foi en Jésus-Christ, en témoignant le desir de souffrir et de mourir pour elle. Le proconsul, étonné du courage et de la joie du saint évêque, fit dire trois fois dans l'amphithéâtre, par son héraut : « Polycarpe a confessé qu'il était » chrétien.» Les païens et les Juifs s'écrièrent : « C'est le docteur de » l'Asie, le père des Chrétiens >> l'ennemi de nos divinités; c'est lui » qui apprend à ne point sacrifier >> aux dieux, à ne les point adorer. >> Ils priaient à grands cris Philippe, qui avait l'intendance des spectacles, de lâcher un lion contre Polycarpe. Philippe ayant répondu qu'il ne pouvait le faire, les combats des bêtes étant terminés, ils crièrent tous

d'une voix, qu'il fallait le brûler vif; et aussitôt ils coururent prendre du bois, des sarments. Quand le bûcher fut préparé, saint Polycarpe ôta ses habillements: il s'efforça d'ôter sa chaussure, ce qu'il n'avait point coutume de faire; les fidèles, par vénération pour lui, s'empressant de lui rendre ces devoirs. Il dit à ceux qui voulaient le clouer au bûcher: « Laissez-moi ; celui qui me

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donne la force de soutenir le » feu, me la donnera aussi pour >> demeurer ferme sur le bûcher, » sans que vous ayez besoin d'em»ployer vos clous. >> Ils se contentèrent de le lier. Alors, levant les yeux vers le ciel, il dit : « Seigneur, je vous rends grâces de ce que vous » m'avez fait arriver à l'heure où, » étant admis au nombre de vos » martyrs, je vais prendre part au » calice de votre Christ, pour res» susciter à la vie éternelle de l'ame » et du corps, dans l'incorruptibi»lité de votre Esprit saint. » Quand il eut achevé sa prière, on alluma le bûcher. La flamme s'élevant au-dessus de lui, en forme de voûte, les persécuteurs ordonnèrent qu'on lui enfonçât un poignard. Le confecteur ayant percé le martyr, le sang sortit en abondance. Les Juifs prièrent le proconsul que l'on ne donnât point la sépulture au corps de Polycarpe, « de peur, disaient-ils, que les Chré» tiens n'abandonnassent leur Christ » crucifié, pour honorer celui-ci. » Le centurion fit brûler le corps au milieu du feu, d'où les fidèles retirèrent les ossements, malgré les Juifs qui les observaient. Sur les instances des fidèles de Philadelphie, les chrétiens de Smyrne leur adressèrent,'ainsi qu'aux autres églises catholiques, la relation de ce qui s'était passé en cette circonstance. Voyez la Lettre

de l'église de Smyrne, dans l'His toire ecclésiastique d'Eusèbe, iv, 14: elle a aussi été publiée, de même que épître de saint Polycarpe aux Philippiens, par Ittig: Bibliotheca Patrum apostolicorum græco-latina, Leipzig, 1699, in-8°., et par Cotelier: Patres ævi apostolici. Il est difficile d'exprimer le respect que les fidèles avaient pour saint Polycarpe. Un de ses disciples, saint Irénée, premier évêque de Lyon, écrivait à l'hérétique Florin: «Votre doc>>trine n'est point celle des évêques » qui ont vécu avant nous ; je pour. >> rais encore vous indiquer le lieu » où le bienheureux Polycarpe était » assis, lorsqu'il nous annonçait la » parole de Dieu. La gravité avec » laquelle il entrait et sortait, la » sainteté de sa vie, son air majes» tueux, sont toujours présents à ma » mémoire. Il me semble encore l'en» tendre, quand il nous racontait » les entretiens qu'il avait eus avec l'apôtre Jean et avec les autres » qui avaient vu le Seigneur, quand >> il nous exposait ce qu'ils lui avaient » appris sur sa doctrine et ses miracles.... » L'Eglise célèbre la fête de saint Polycarpe, le 26 janvier.

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G-Y. POLYCLES, sculpteur grec, vivait dans la cuve. olympiade, 180 ans avant J.-C. Après un long sommeil, causé par les malheurs de la Grèce sous les successeurs d'Alexandre, l'art venait de refleurir, protégé par Antiochus Épiphanes. Anthée, Callistrate, Athenée, Callixène, Pythocles, Pythias, Timoclès et Timarchides, sculpteurs, illustrèrent cette époque; mais les auteurs anciens citent surtout Polyclès et son frère Dionysius, tous deux fils de Timarchides. Près de deux siècles aupara vant, un autre Polyclès avait été le

contemporain et l'émule de Céphisodore, de Léocharès, et autres sculp teurs de cette époque: on ne sait rien de ce premier Polyclès; mais Pline et Pausanias ont parlé plusieurs fois du fils de Timarchides et de son frère Dionysius. Leurs ouvrages avaient été transportés à Rome avec les chefs-d'œuvre de la Grèce une statue de Junon, due à leurs talents réunis, était placée sous les portiques d'Octavie; et, non loin de là, on voyait un Jupiter, qui leur était également attribué. Polyclès était élève de Stadiæus, dont le nom seul nous est parvenu; mais son père Timarchides paraît avoir eu plus de célébrité: il avait fait, de concert avec Timoclès, une statue d'Esculape barbu, qu'on voyait dans un temple d'Élatée. Pline cite cet artiste comme un de ceux qui excellèrent à représenter des athlètes, des guerriers et des chasseurs. Rome possédait une statue d'Apollon citharède, due au ciseau de Timarchides: cependant on doit croire que Polyclès a surpassé son père, si l'on peut lui attribuer, comme le pense Winckelmann, le bel hermaphrodite Borghièse. Cette statue, répétée plusieurs fois dans l'antiquité, annonce l'art parvenu à toute sa perfection, à toutes ses délicatesses. Polyclès cut des fils qui pratiquèrent le même art: Pausanias, sans dire leurs noms cite, comme leurs ouvrages, une statue d'Hégésarque, et celle de Minerve Cranæa, en or et en ivoire, consacrée dans un temple près d'Élatée.

L-S-E.

POLYCLÈTE, statuaire et architecte, connu chez les modernes sous la dénomination de Polyclète de Sicyone, et auteur de la statue colossale de Junon, en ivoire et en or, consacrée dans le temple de cette déesse, près de la ville d'Argos, a joni,

chez les anciens, d'une célébrité égale à celle de Phidias et de Praxitele. Cette dénomination de Polyclète de Sicyone tire son origine de ce mot de Pline, Polycletus Sicyonius, Agelade discipulus. Il est plus que vraisemblable qu'il était natif d'Argos, ainsi qu'un second Polyclète, avec lequel on l'a souvent confondu. Les motifs sur lesquels nous établissons cette opinion équivalent à une véritable démonstration. Platon, qui était son contemporain, l'appelle, dans son Dialogue intitulé Protagoras, Polyclète l'Argien. C'est ce que fait aussi Maxime de Tyr, qui dit expressément que la statue de Junon est un ouvrage de Polyclète d'Argos. Pausanias, enfin, nous dit que la statue d'Agénor de Thèbes, athlète qui avait remporté le prix à Olympie, dans la course des enfants, est l'ouvrage de Polyclète d'Argos, non pas de celui qui a exécuté la statue de Junon, mais d'un autre, qui a été élève de Naucydès; preuve évidente qu'il a existé deux Polyclètes, et que tous deux étaient natifs d'Argos. Mais la réputation de Polyclète, dit de Sicyone, a été si éclatante, qu'elle a pour ainsi dire absorbé l'existence même du second Po. lyclète, dit vulgairement Polyclète d'Argos, quoique celui-ci paraisse avoir été un maître d'un très-grand talent. (V. POLYCLÈTE D'ARGOS.) Pausanias est le seul, entre les auteurs anciens, qui ait distingué formellement deux Polyclètes. Cicéron, Varron, Vitruve, Strabon, Quintilien, Plutarque, Lucien, Elien, les poètes de l'anthologie grecque, ne font mention que d'un seul. Pline, qui aurait dû apporter plus d'exactitude dans ses désignations, puisqu'il composait une histoire chronologique des artistes grecs, n'a fait des

deux maîtres qu'un seul individu, auquel il a attribué les ouvrages de l'un et de l'autre. Pausanias lui-même, enfin, ne les a pas assez fait distinguer lorsqu'il a parlé de leurs ouvrages: c'est ce qui lui est arrivé, notamment à l'occasion des statues de plusieurs athlètes, qu'il est impossible aujourd'hui de classer par les années de leurs victoires. Junius, Boullenger, Winckelmann, entraînés par de si graves autorités, n'ont pareillement reconnu que Polyclète de Sicyone, et lui ont attribué les ouvrages de Polyclète d'Argos; ce qui a brouillé toute la chronologie. L'il lustre Heyne a distingué deux Polyclètes; mais, d'une part, il a fait Po lyclète de Sicyone contemporain d'Hégias et d'Agéladas; de l'autre, trompé par un manuscrit de Pausanias, de la bibliothèque de Vienne, il a supposé que cet artiste était frère et élève de Naucydès; et, par une suite de cette erreur, il lui a donné pour élèves Aristocle et Canachus l'Ancien; ce qui a augmenté la confusion et totalement renversé le tableau des progrès successifs de l'art (1). Polyclète, dit de Sicyone, que nous désignerons dorénavant par le seul nom de Polyclète, fut élève d'Agéladas, qui était natif d'Argos. Il naquit dans la 74°. ou la 75. olympiade, vers les années 481 ou 480 avant J.-C, époque à laquelle Phidias et Myron, élèves d'Agéladas, comme lui, étaient âgés l'un et l'autre de seize à dix-huit ans. (Voyez PHIDIAS.) Cette date se confirme non seulement par l'âge connu d'A

(1) L'auteur du présent article, dans son Essai sur le classement chronologique des sculpteurs grecs, a cru devoir distinguer trois Polyclètes. Son

principal motif était le mot de Varron, qui disait que Polyclète faisait encore des statues carrées, et

qui se ressemblaient toutes. Mais il n'a pas tardé à reconnaître son erreur.

géladas, mais encore par d'autres rapprochements.Premièrement nous voyons, dans le Protagoras de Platon, qu'à l'époque où dut avoir lieu le colloque de Protagoras et de Socrate, Polyclète avait deux fils, jeunes encore, mais déjà connus comme sculpteurs, et du même âge que Xantippe et Paralus, fils de Périclès: or, le colloque de Socrate avec Protagoras a été placé, par les savants, à la 4. année de la 89. olympiade, ou à la 1re, de la 90o. Si Polyclète, comme on doit le croire, était alors âgé de cinquante-cinq ans environ, il était né vers la 1re, année de la 75°. olympiade. Deuxièmement, Pline nous dit qu'on attribuait à Polyclète une statue d'Ephestion, mais que c'était une erreur; que cette statue était de Lysippe, et qu'entre ce maître et Polyclète, il y avait un intervalle de près de cent ans: Cum is centum propè annis ante fuerit: Lysippe exerçait son art dans la 102. olympiade, et vivait encore dans la 114o: ce fait est prouvé par la statue même d'Ephestion (puisque cet officier mourut la 4°. année dela 113o. olympiade ), et par d'autres témoignages. Si donc nous admettons que, vers le commencement de la 102. olympiade, Lysippe fût âgé de 20 à 24 aus, ce qui paraît hors de doute, il naquit environ 62 ans après Polyclète, ainsi que le dit Pline: Centum propè annis et cela prouve encore que Polyclète naquit vers l'an 480 avant J.-C. Il y a lieu de croire qu'il vivait encore dans la 1re, ou la 2o. année de la 94°. olympiade, après le combat d'Egos Potamos, qui eut lieu la 4°. année de la 93.; car Pausanias dit que Polyclète d'Argos exécuta un des trépieds de bronze que les Spartiates consacrérent dans le temple d'Apollon de la

ville d'Amyoles, en mémoire de leur victoire. Čet écrivain, il est vrai, désigne l'auteur par la seule dénomi nation de Polyclète d'Argos; mais il est peu vraisemblable que, dans cette occasion, il s'agisse du second; car celui-ci ne pouvait alors être âgé que de seize à dix-huit ans. Du reste, on ne voit pas figurer Polyclète parmi les artistes qui exécutèrent les statues des généraux victorieux, placées à Delphes après ce grand événement. Plusieurs de ceux qui en furent chargés, étaient ses élèves, ou les élèves de ses élèves. C'est dans la 84°. olympiade, lorsque Polyclète était âgé de trente-six à quarante ans, que dut avoir lieu le fait qu'Elien raconte au sujet d'Hipponicus. Ce riche Athénien, voulant élever une statue à Callias, son père, on lui conseillait d'en confier l'exécution à Polyclète Non, certes, dit-il, car il en obtiendrait plus de gloire que moi. Il s'agit ici évidemment de Callias II, qui s'était trouvé à la bataille de Marathon, de celui qui était archonte d'Athènes la 1re, année de la 81. olympiade, et qui signa la paix avec Artaxercès, la 4 année de la 82o. Sa statue, placée à cause de ce dernier fait dans le Tholus d'Athènes, doit dater de la 84°. olympiade ou environ. Le mot d'Hipponicus prouve qu'à cette époque Polyclète avait déjà obtenu une grande réputation. Le plus célèbre de tous les ouvrages de Polyclète a aussi une date à peu-près certaine ; c'est la Junon d'Argos. Il conste, par le témoignage de Thucydide que l'ancien temple de Junon fut incendié au milieu de la ge. année de la guerre du Péloponnèse, seconde année de la 89. olympiade. Or, Junon étant une des divinités tutélaires d'Argos, et les Argiens étant même

dans l'usage de désigner les années par les noms de ses prêtresses, on ne peut douter qu'ils n'aient fait reconstruire le nouveau temple, ouvrage d'Eupolème, aussitôt après la destruction du précédent. La statue de Junon dut par conséquent y être placée vers le commencement de la 91. olympiade, quatre cent seize ans avant J.-C., quinze ou dixhuit ans après la consécration du Jupiter d'Olympie, et vingt ou vingtquatre ans après celle de la Minerve du Parthenon d'Athènes. Polyclète devait alors être âgé de soixantequatre ans environ. Ces dates confirment ce mot de Columelle: Polyclète apprécia toute la beauté de la Minerve du Parthenon et du Jupiter d'Olympie, et n'en fut point épouvanté. La statue de Junon d'Argos était colossale. Suivant le témoignage de Strabon, elle était seulement un peu moins grande que les colosses de Phidias. Or, le Jupiter d'Olympie avait cinquante-six de nos pieds de hauteur, y compris sa base, et la Minerve trente-six. On peut supposer, d'après cela, que la Junon d'Argos avait trente deux ou trente-quatre pieds de proportion. Elle était assise sur un trône d'or, dans une attitude majestueuse; la tête, la poitrine, les bras et les pieds étaient en ivoire; les draperies en or: elle était coiffée d'une couronne, sur laquelle l'artiste avait représentéles Heures et les Grâ ces. D'une main clle tenait son sceptre, de l'autre elle portait une grenade; au sommet du sceptre était posé un coucou le manteau était orné de guirlandes formées de branches de vigne; ses pieds reposaient sur une peau de lion. Ce ne serait pas rendre pleinement hommage au gécher

nie de Polyclète, que de ne pas

cher à pénétrer le sens de ces allégories, d'autant que personne jusqu'ici n'en a donné l'explication. Pour que tout s'explique sans difficulté, il suffit de se rappeler que, dans la mythologie d'Homère, et suivant l'opinion le plus généralement répandue chez les Grecs, Junon était la représentation de l'air atmosphérique, sœur et épouse de Jupiter ou le feu céleste. Voulant séduire sa sœur, encore vierge, Jupiter prit la forme d'un coucou de là vient, dit-on, que cet oiseau est consacré à Junon. L'assertion est juste: mais cette allégorie, comme la plupart des inventions de ce genre, a une signification première, à laquelle il faut remonter. Jupiter, pour s'unir à sa sœur, pritla forme d'un oiseau que l'hiver engourdit et qui ne se ranime qu'au retour du soleil, s'il n'a pas changé de climat; d'un oiseau qui ne fait entendre sa voix qu'au printemps et au commencement de l'été, d'un oiseau enfin qui ne chante jamais avec tant de continuité, que lorsque l'air est imprégné d'une chaleur humide; par la raison que cet oiseau est l'emblème de l'humidité ignée, qui détermine la germination: c'est ainsi que l'ont considéré les anciens dans le langage de l'allégorie. Le coucou élevé sur le sceptre faisait allusion à la combinaison du feu et du principe humide, par laquelle la déesse exerçait sa puissance. La grenade présentait à peu près la même idée: formée du sang d'Atys, comme Vénus du

sang de Saturne, cette espèce de pomme est un des signes que les anciens ont le plus fréquemment employés pour représenter la fécondité de la nature. Les Heures, au nombre de trois, sont les mêmes divinités que les Saisons qui renaissent et se succèdent par un effet de la diffé

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