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« Je ne peux, disait-il, que me louer de sa docilité: il s'est souvent trouvé dans de mauvais pas, d'où Casaubon et Du Ryer ne l'auraient pas tiré; alors il traduisait mot à mot, puis me demandait mon avis; et, moyennant un coup de crayon, je le mettais au fait car la connaissance du métier supplée à l'ignorance de la langue. » Quoi qu'il en soit, le bénédictin et l'officier demeurèrent unis par l'intérêt de leur commun travail, et peut-être aussi par l'accord de leurs opinions théologiques; car dom Thuillier écrivait, à ses moments perdus, contre la bulle Unigenitus; et Folard, pour se distraire de ses méditations militaires, entretenait, avec les admirateurs du diacre Pâris, des relations intimes qui déplaisaient fort au cardinal de Fleury. Le Polybe français fut imprimé à Paris, de 1727 à 1730, en 6 volumes in-4°., où l'on pense bien le commentaire occupe le plus grand espace. En effet, les six volumes comprennent, outre la version et les remarques proprement dites, des Traités de la colonne, de l'attaque et de la défense des places chez les anciens, un très-grand nombre de préfaces, d'observations, de dissertations et d'explications de planches toute cette science est fort confuse; plusieurs articles ont été contestés par les antiquaires et par les militaires : les formes ne sont pas séduisantes; on n'oserait pas écrire aujourd'hui avec si peu de soin et de méthode. Néanmoins, ces six volumes renferment un fonds d'instruction qui les a rendus recommandables : ils ont été réimprimés, à Amsterdam, en 1759 et en 1774, avec un Supplément ou septième tome, qui contient une réimpression de ces Nouvelles découvertes, publiées en

que

1724, et dont nous avons déjà parlé; une lettre d'un officier hollandais (Terson); les sentiments d'un homme de guerre (Savornin), et les réponses de Folard à l'un et à l'autre. Les critiques très-multipliées et trèsvives qui ont été faites de ce Commentaire et de ses appendices (Voy. FOLARD, GUISCHARDT et Lo-Looz), ont contribué à lui donner de la vogue. Au milieu de ces controverses sur des questions de tactique, on a donné peu d'attention à la version de Thuillier, qui, en effet, remplit à peine un quart des sept volumes in-4°., où elle est comprise. Elle mérite pourtant des éloges; car elle est, en général, assez fidèle, purement écrite, et aussi élégante que le sujet et le texte le permettaient. Elle aurait peut-être donne plus de lecteurs à Polybe, si elle s'était dégagée des Commentaires qui la morcellent; je crois aussi qu'on y pourrait desirer une meilleure division des livres en chapitres, et quelques corrections, qui seraient indiquées par les éditions du texte publiées en 1764 et en 1789. La version italienne imprimée à Vérone, en 1743 (2 vol. in-4°.), n'est que celle de Domenichi, retouchée et augmentée par Giusio Lando; mais Desideri en a donné une meilleure, à Rome, en 1792 (in-4°., 2 vol. ) Polybe a été traduit en anglais par Hampton, en 1756; et cette version a eu une seconde édition, en 1772 ( 2 vol. in-4°. ou 4 vol. in-8°.) Enfin, l'ouvrage de notre historien, avec les notes de Folard et de Guischardt, a passé plusieurs fois, de 1755 à 1779, dans la langue allemande, par les soins de Oelsnitz, Bion et Seybold. L'édition grecque et latine qui a paru à Leipzig et à Vienne en 1763 et 1764, n'est guère qu'une copie de celle de 1670, donnée par

Jacques Gronovius; elle est aussi en 3 volumes in-8°. Le texte y est accompagné de la même version et des mêmes notes; seulement Ernesti y a joint une nouvelle préface et un Glossarium Polybianum. Un travail beaucoup plus considérable est dû à M. Schweighæuser: son édition de Polybe, imprimée à Leipzig, de 1789 à 1793, est en 9 volumes in8°. Le premier, après une préface qui offre une Notice de plusieurs manuscrits et des précédentes éditions, contient le texte des trois premiers livres, d'après une révision plus at tentive. Dans le tome suivant, les livres 4°. et 5o. sont suivis des débris du sixième et du septième, recueillis de toutes parts dans les sources diverses qu'indique une préface particulière, placée au commencement de ce volume. Ces mêmes sources fournissent les fragments des trente trois autres livres, fragments qui, dans les tomes I et Iv sont plus complètement rassemblés, et plus méthodiquement disposés qu'ils ne l'avaient été encore. Jusque-là, tout ce qui reste de textes des 40 livres est accompagné de variantes et d'une version latine qui peut passer pour nouvelle, à cause du grand nombre de corrections qu'y reçoivent celles de Casaubon et des autres interprètes. Le cinquième tome a pour préliminaires, une Vie de Polybe, et de nouveaux fragments, dont la plupart n'ont pas été classés par livres. . Ils sont suivis de notes relatives aux livres rer., 2o. et 3e. Les notes continuent sur les livres 4°. à 10o., dans le tome sixième. Les préfaces de Nicolas Perotti, de Vincent Opsopous, de Fulvio Orsini, de Henri Valois, sont réunies au commencement du septième volume, où les notes se prolongent jusque sur le livre 30.

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inclusivement. Celles qui concernent les dix derniers livres, composent, avec une table historique et géographique, le huitième volume. Le neuvième enfin est rempli par un Lexicon Polybianum, esquissé par les deux Casaubon, rectifié par Ernesti, rédigé et fort augmenté par M. Schweighauser. Ce lexique est précédé des préfaces d'Isaac Casaubon et de Reiske sur Polybe. Ainsi, rien de ce que les anciennes éditions renfermaient d'utile, n'est omis dans celle-ci, qui est d'ailleurs plus correcte, plus complète et beaucoup plus riche d'observations savantes. Polybe est l'un des auteurs antiques chez qui l'on peut puiser le plus de connaissances positives. Son ouvrage n'est pourtant point un modèle de l'art d'écrire; et le jugement si dur qu'en a porté Denys d'Halicarnasse, n'est pas aussi injuste qu'on le voudrait. Le style de Polybe est sans couleur et sa diction sans élégance; il ne sait point exciter l'attention des lecteurs par l'éclat des images, ni par la profondeur ou l'originalité des pensées, ni d'ordinaire par la vivacité des sentiments. Son élocution monotone, peu figurée, peu souple, plus négli gée que simple, moins claire que diffuse, n'annonce point un goût délicat ni un talent flexible. Toutefois il a tant de droiture et de franchise, il aime avec une telle constance la liberté, la verité et la vertu, qu'on s'accoutume à son langage austère, et qu'on ne sent plus que l'intérêt moral de ses leçons. Quelquefois, animé par des affections si pures, il prend un ton plus élevé; les mouvements de son ame se communiquent à son style: il devient éloquent à force de patriotisme et de probité. Cependant, malgré la rectitude de son esprit, il a

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bien aussi quelques préventions: mais elles tiennent à d'honorables sentiments d'amitié, de reconnaissance; et d'ailleurs, si elles lui dictent des jugements hasardés, jamais elles n'altèrent la vérité de ses récits, la fidélité de ses témoignages. C'est un homme d'un caractère sérieux et d'une raison froide; il cherche partout l'exactitude: ses études ont embrasse toutes les sciences cultivées de son temps; il sait bien ce qu'il a appris d'autrui, nieux encore ce qu'il a recherché, observé, vérifié lui-même. Il a recueilli de toutes parts, et enchaîné dans un corps d'histoire, beaucoup de faits et de notions utiles: il les of fre surtout à ses pareils, c'est-à-dire, aux hommes de guerre et aux hommes d'état; et quoiqu'il ne soit pas un écrivain très-habile, il a, plus que bien d'autres, contribué au progrès des lumières publiques. Ses concitoyens lui ont élevé des statues; d'illustres capitaines lui ont rendu des hommages; tous les esprits justes et tous les cœurs honnêtes lui doivent le tribut d'une estime profonde. Polybe n'a pas le génie d'Hérodote, ni l'énergie de Thucydide, ni la grâce de Xenophon; mais il est, comme le pre mier, avide de connaissances: il visite, il étudie différentes contrées de la terre; il ne sait pas les peindre, mais il essaie de les décrire. Il interroge les traditions, les monuments, les témoignages, toutes les sources de l'histoire il recherche les origines des institutions, les causes éloiguées et prochaines des guerres et des grands événements; il rassemble et coordonne les notions, les faits, les détails, pour en composer une his toire générale de son siècle. S'il n'excelle pas dans l'art de raconter, il n'a pas non plus celui de feindre, ni le

don de croire aux fictions; il vit en un temps où elles ont perdu leur crédit, et il ne veut pas le leur rendre : il les écarte de ses livres avec une rigueur inexorable; et, lorsqu'il en rappelle quelqu'une, c'est pour la vouer au mépris. En ce point il suit les traces de Thucydide, qui, le premier, avait épuré les récits historiqués en les séparant des narrations fabuleuses. Néanmoins, Thucydide y avait laissé ou introduit ces harangues imaginaires et théâtrales, qui répandent souvent de l'intérêt et quelquefois de l'instruction dans les livres d'histoire, mais qui offensent la vérité par cela seul qu'elles la dépassent. Polybe, dans ceux de ses livres qui nous sont parvenus intacts, dédaigne d'ordinaire ce genre d'ornements: composer de pareils discours est un talent qui lui manque, et une licence qu'il ne voudrait pas se permettre. Si l'on en rencontre chez lui des exemples, heureux une ou deux fois, plus souvent déplorables, c'est dans des fragments dont l'authen ticité pourrait, par cette circonstance même, sembler suspecte. D'un autre côté, il est beaucoup moins réservé que Thucydide en éclaircissements et observations de toute nature; et parmi les morceaux accessoires qu'il prodigue, il en est qui, par leur étendue comme par leurs objets, mériteraient beaucoup trop le nom de digressions. Du moins faut-il avouer, en compensation de ce reproche, qu'il s'attache aussi, plus que l'historien de la guerre du Péloponnèse, à développer les faits, à montrer les rapports qu'ils ont entre eux, comme effets ou comme causes. Il écrit une histoire plus générale, et, selon son ex pression plus pragmatique, plus riche d'actions, plus féconde en résultats. On peut comparer son admiration un

:

peu aveugle pour les Romains, à l'enthousiasme de Xénophon pour les lois et les mœurs de Lacédémone ils ont entre eux d'autres traits de ressemblance. Ils sont guerriers de profession l'un et l'autre : cet art militaire, qu'ils ont étudié dans les camps et dans les batailles, ils se plaisent à l'enseigner; il occupe une grande place dans leurs livres, et sans-doute il la mérite puisqu'il a décidé si souvent du sort des nations. Tous deux aussi ont été de bonne heure initiés aux sciences morales et politiques: Xenophon, dans l'école de Socrate; Polybe, dans la maison de son père Lycortas, dans la société de Philopœmen et dans les livres d'Aristote. Tous deux ils sont amis de la sagesse et de la modération, tous deux ennemis des factions et de l'anarchie : mais Polybe chérit plus ardemment la liberté, et démêle un peu mieux les intrigues et les manœuvres qui tendaient à la renverser. Il a, sur ces matières et sur presque toutes les autres, des idées plus précises et plus cohérentes; il se contente moins de notions vagues ou approximatives. Ce sont-là les seuls aspects sous lesquels il puisse être mis en parallèle avec Xénophon; il n'est pas, écrivain, digne de lui être comparé: il est trop loin de posséder les talents et l'art de l'auteur de la Cyropédie, sa douce facilité, son goût exquis, les richesses et les grâces de son ima gination brillante. D-N-U.

comme

POLYBE DE COS, disciple et gendre d'Hippocrate, florissait vers le milieu du cinquième siècle avant Jésus-Christ. Son caractère, naturellement grave, lui fit préférer la retraite à tous les avantages que ses talents auraient pu lui procurer dans le monde. Il eut l'honneur de succéder à Hippocrate dans l'enseigne

ment de la médecine; et, à son exemple, il s'empressa de communiquer à ses élèves les résultats de sa pratique et de ses observations, sans jamais exiger d'eux la moindre marque de reconnaissance. Galien, qui loue l'habileté de Polybe et son expérience, lui rend le témoignage qu'il n'a jamais abandonné la pratique, ni les sentiments de son beau-père : cependant, dit Eloy, si les ouvrages qu'on lui attribue, sont réellement de lui, on doit convenir qu'il s'est écarté quelquefois de la doctrine de son maître, notamment en ce qui concerne le passage de la boisson dans la trachée - artère et les poumons. De tous les ouvrages attribués à Polybe, son Traité du régime ( De salubri Diæta libellus) est celui qui a le plus occupé les commentateurs du seizième siècle ; il a été tra duit en latin et annoté par Gonthier d'Andernach, Gilb. Philarète, Jean Placotomus (Bretschneider), et imprimé, séparément ou dans des recueils, un très grand nombre de fois. Ce Traité fait partie des OEuvres d'Hippocrate, ainsi que tous ceux qu'on attribue à Polybe; ce sont les Traités : De Principiis aut Carnibus; de Geniturá; de Naturá pueri; et de Affectibus sive de Morbis. Ces ouvrages, selon Eloy, sont les mieux raisonnés de ceux qu'on a recueillis sous le nom du prince de la médecine (V. Eloy, Dict, de méd., article Polybe). W-s.

POLYCARPE (SAINT), évêque de Smyrne, s'étant converti fort jeune au christianisme vers l'an 8o, eut le bonheur de converser avec ceux qui avaient vu le Sauveur, et de puiser l'esprit de J.-C. dans les instructions des Apôtres. Saint Jean l'évangéliste, auquel il s'attacha particulièrement, l'ordon

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na évêque de Smyrne, vers l'an cette solennité avait lieu le dimanche. 96. Saint Ignace, évêque d'Antio- Les églises d'Asie, suivant la pratique che, ayant été condamné à être jeté des Juifs, et prétendant se conformer aux bêtes, dans l'amphithéâtre de aux traditions reçues de l'apôtre Rome, prit terre à Smyrne, dans le saint Jean, célébraient la Pâque le voyage qu'il faisait d'Antioche pour quatorzième jour de la lune de mars, se rendre au lieu de son martyre. en quelque jour de la semaine qu'il Il avait un saint empressement de tombât. Anicet et Polycarpe confévoir, pour la dernière fois, Poly- rèrent ensemble: n'ayant pu s'accorcarpe, son ancien ami, qui avait été, der, ils convinrent que, pour cette avec lui, disciple de saint Jean. Dans différence dans un objet de disciplileurs entretiens, Polycarpe embras- ne, ils ne rompraient point les liens sa respectueusement les chaînes de de la charité, et qu'ils continueraient son saint ami. Les députés des églises à suivre chacun l'usage de leur églivoisines s'étant rasseinblés à Smyr se. Étant à Rome, saint Polycarpe ne pour voir le généreux martyr, rencontra l'hérétique Marcion, qui Ignace leur donna des lettres dans les lui demanda s'il le connaissait : «Oui, quelles il témoignait, aux fidèles, » répondit le saint, je te connais sa reconnaissance pour leur vive af» pour le fils aîné de Satan! » L'an fection. Ayant été conduit à Troade, 167, la persécution suscitée sous il écrivit de là aux fidèles de Smyr- Marc-Aurèle devint plus violente. ne, afin de les exhorter à la persévé- Les païens de Smyrne, irrités par la rance dans la foi. Il voulait écrire constance des Chrétiens, s'écrièrent aux autres églises d'Asie; mais, dans le cirque : « Otez les impies! étant obligé de s'embarquer su- » que l'on cherche Polycarpe!» Le bitement, il écrivit à saint Polycar- saint pontife se retira dans une maipe, pour le prier de le faire en son son peu éloignée de la ville. Mais nom. Dans son épître, il donne, des archers étant arrivés pour le à l'évêque de Smyrne, des avis chercher, il s'offrit à eux, leur fit pareils à ceux que saint Paul don- donner à boire et à manger, en leur nait à Timothée. Polycarpe, ne sa demandant seulement quelques heuchant ce qui était arrivé à saint Igna- res pour pouvoir prier librement. ce, depuis son départ de la Macé- Sa prière étant achevée, on le condoine, écrivit aux fidèles de Philip duisit à la ville, monté sur un âne. pes, en répondant en même temps à C'était le grand samedi, ce qui paune lettre qu'ils lui avaient adressée.raît avoir désigné la veille de la PâNous avons encore la Lettre de saint que. Deux magistrats qui venaient auPolycarpe, qui a été connue et ré- devant de lui, l'ayant pris avec eux vérée par toute l'antiquité. Dans les sur leur char, lui répétaient : « Quel premiers siècles de l'Église, cette » mal y a-t-il, de dire: Seigneur épître apostolique se lisait publique- » César, et même de sacrifier, pour ment en Asie, à l'office divin. Vers >> vous sauver? » Saint Polycarpeleur l'an 158, saint Polycarpe vint à ayant répondu avec fermeté, ils le Rome, pour conférer avec le pape poussèrent hors du char, avec tant Anicet, au sujet du jour où l'on de- de force, qu'il fut blessé à la jambe. vait célébrer la Pâque. En Égypte, Comme s'il n'eût rien souffert, il à Rome, et dans tout l'Occident, marcha gaîment à l'amphithéâtre,

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