Page images
PDF
EPUB

que

sur les débris les uns des autres. On retrouverait avec certitude les noms des villes, des montagnes et des fleuves, qui alors étaient en usage. L'explication géographique de la relation de Marco Polo, ne serait le moindre résultat d'un tel travail; mais il en serait un résultat infaillible. Jusque-là on ne pent que former des conjectures plus ou moins vagues, lesquelles ont peu de prix dans une scien. ce qui repose entièrement sur des faits. D'après ce que nous venons de dire, on peut conclure que le texte de Marco Polo n'est pas encore expliqué et compris; nous ajouterons qu'il n'est pas même connu. En effet, nonseulement on ignore quel est ce texte, mais dans quelle langue ce voyageur a composé sa Relation. Ramusio prétend que Rustigielo avait écrit sous sa dictée en latin; que ce premier texte a été traduit ensuite en langue italienne vulgaire, puis retraduit en latin, d'après cette traduction italienne, par François Pipinus de Bologne, en 1320. Mais Pipinus, qui était, dit-on, de la famille Pepuri ou Pépoli, s'exprime dans sa préface, comme s'il avait traduit de Foriginal, pour la première fois ; et il écrivait du vivant même de Marco Polo. Grynæus, qui, dans son Novus orbis, imprimé, pour la première fois, en 1532 a publié, avant Ramusio, une traduction de Marco Polo, préférable à celle de Pipinus, croit que le voyageur vénitien a employé sa langue maternelle, c'est-à-dire, le vénitien : c'est l'opinion la plus générale. Un auteur Italien, M. Baldelli, sachant, sans doute, que plusieurs manuscrits de Marco Polo, écrits en ancien français, contenaient des chapitres qui ne se trouvaient, pas dans ceux qui sont en italien ou en latin, en à conclu

[ocr errors]

que

Polo avait d'abord écrit en français; et que les manuscrits français de cet auteur donnaient le seul texte vérita ble. Après toutes ces conjectures, il en est une qui les concilierait toutes: c'est que Marco Polo, qui a survécu plus de vingt ans à la première dictée de sa Relation en 1298, et qui parlait diverses langues, a pu après avoir rédigé sa relation en vénitien, sa langue maternelle, traduire ou faire traduire sous ses yeux, en diverses langues, cette même relation, et y faire, à chaque fois, des changements et des additions. Ceci expliquerait pourquoi les manuscrits different entre eux dans plusieurs passages, et même par l'ordre et par le nombre des chapitres qu'ils renferment. De là dérive la nécessité de rechercher les manuscrits et les éditions, et d'en donner les variantes. L'auteur de cet article possède un manuscrit de la traduction de Pipinus, sur vélin, relié avec d'autres ouvrages géographiques et historiques, dans l'ordre suivant: Histoire des Croisades, Description de la Terre-Sainte, Voyages de Marco Polo, Listes des archevêchés et évéchés, Chroniques de Turpin, et Description de l'Irlande. Ce manuscrit de Marco Polo est précieux, et un des plus anciens; mais malheureusement le troisième et dernier livre ne contient que dix-sept chapitres au lieu de cinquante, qui sont indiqués par la table. Le titre qui précède la préface de Pipinus, est ainsi conçu Incipit prologus in librum domini Marchi Pauli de Venetiis, de conditionibus et consuetudinibus orientalium regionum. Le titre, après la préface et la table du premier livre, est : Incipit liber primus domini Marchi Pauli de Venetiis, de Mirabilibus orienta

lium. Ce manuscrit porte 1252 pour la date du départ du père et de l'oncle de notre voyageur. Il existe dans la bibliothèque royale de Berlin un autre manuscrit de cette traduction de Pipinus, dont Muller a donné les variantes dans son édition latine de Marco Polo; un autre, qui est sur vélin, se trouve, à Londres, dans la bibliothèque du Muséum britannique. Il y en avait un quatrième à Padoue, dans la bibliothèque de Saint-Jean-de-Latran; un autre dans la bibliothèque d'Este, à Milan; un autre à Ferrare, dans la bibliothèque de Bentivoglio. Lessing a fait connaître deux manuscrits de cette traduction de Pipinus, qui se conservent dans la bibliothèque ducale de Wolfenbuttel: il indique dans cette même bibliothèque un troisième manuscrit de Marco Polo, en latin, totalement différent de la traduction de Pipinus et de celle qu'a publiée Grynæus; mais il paraît, d'après ce qu'en dit Lessing, que ce troisième manuscrit n'est qu'un simple extrait de l'ouvra

ge du voyageur vénitien. Un manuscrit de la bibliothèque du college de Dublin contient aussi un extrait semblable. Apostolo Zeno fait encore, d'après Echard, mention d'une version latine anonyme, et distincte de celle de Pipinus (8): peut-être est-ce celle du Pogge, qui avait traduit Marco Polo en latin. La bibliothèque royale de Paris renferme aussi plusieurs manuscrits latins de Marco Polo. La traduction de Pipinus se trouve dans ceux qui sont numérotés 1616 et 6244 A. Celui qui est numéroté 5195 est une autre traduction en latin barbare, qui paraît avoir été

(S) L'indication de ces manuscrits latins, excepté ce qui concerne le nôtre, est tirée des ouvrages de M. Marsden, de Placido Zurla et de Muller, sur Marco Polo.

faite au xv. siècle, sur un texte italien ou français (9). Après les manuscrits latins, nous ferons connaître les manuscrits italiens. Un des plus célèbres est celui que possédait la famille Sorenzo, de Rome (10), et dont Apostolo Zeno a donné une notice et des extraits, dans ses notes sur l'éloquence italienne, de Fontanini, tome II, pag. 270. Un autre manuscrit italien de notre voyageur, non moins célèbre que le précédent, est celui qui appartenait aux académiciens della Crusca, et dont ils se sont servis pour leur Dictionnaire: on le désigne sous le nom de il Milione. M. Baldelli (11), avait promis de publier ce manuscrit, com. paré avec cinq autres textes; mais nous ne croyons pas que cet ouvrage ait encore paru. On prétend que ce manuscrit est de l'an 1300, et postérieur seulement de huit ans au retour du voyageur. L'académie della Crusca, dans la dernière édition de son Vocabulaire, cite encore un autre manuscrit italien de Marco Polo, qui, selon elle, serait de l'an 1309. Il paraît qu'il existe d'autres manuscrits de Marco Polo en langue italienne; mais on n'en a pas donné de notice. Au reste, les plus intéressants de tous sont en français, parce que ce sont ceux dont les éditeurs ont négligé de tirer

(9) Pour de plus grands détails sur ces manuscrits de la bibliothèque royale, on peut consulter les Nouvelles Annales des voyages, 1819, in-8°., tom. 2, pag. 162, et une note de l'auteur de cet article, dans la seconde édition de la traduction de Pinkerton, 1811, in-8°., tom. 5, pag. 26, note 3.

(10) M. Marsden fait aussi mention d'un manuscrit de Marc Paul, en italien, que possède la bibliothèque du Muséum hritannique; mais ce n'est qu'un extrait fait en 1457, d'après le texte manuscrit de Sorenzo.

(11) M. Placido Zurla, dans son ouvrage intitulé Di Marco Polo, in-folio, tom. I, pag. 377-391, parle avec détail du travail de M. Baldelli, qui lui a été communiqué, et dit qu'il est sur le point de paraître à Florence. M. Zurla écrivait en 1818.

:

parti. La bibliothèque de Berne en renferme un qui, d'après la préface, aurait été écrit en l'an 1307, au mois d'août, et remis, par Marco Polo luimême, à Monseigneur Thy bault, chevalier, seigneur de Cepoy, pour Char. les, fils du Roy de France et conte de Valoy: ce Charles est celui qui régna depuis sous le nom de Charles-leBel. Ce manuscrit intéressant est décrit par Sinner, dans son Catalogue des Mss. de la Bibliothèque de Berne. La bibliothèque royale de Paris renferme deux manuscrits précieux, contenant la traduction française de Marco Polo: l'un, numéroté 8392, est un magnifique volume, de format grand in-folio, écrit sur vélin dans le milieu du quatorzième siècle, et orné de quantité de belles vignettes. L'ouvrage de Marco Polo y est suivi de plusieurs autres d'un genre analogue, savoir le Voyage de frère Audric (Oderic), de Mandeville, etc. Ces différents ouvrages, à l'exception de celui de Marco Polo, furent traduits du latin en français par Jehan Lelong, dit et né de Yppré, moine de Saint-Bertin (à SaintOmer), et pour la plupart en 1351. Il y a, dans ce manuscrit, sept chapitres relatifs à l'histoire de la guerre de Caïdou contre le grand-khan (l'an 1269), qui ne se trouvent pas dans les éditions; mais aussi les quatre chapitres qui terminent l'ouvrage dans ces éditions, manquent dans ce manuscrit. L'autre manuscrit, numéroté 7367, est aussi in-folio, et écrit sur vélin dans les premières années du quatorzième siècle : il est en langage plus ancien, et contient tout ce que renferme le précédent, et de plus, vingt-huit chapitres qui ne se trouvent non- plus dans aucune tion. Selon M. Étienne Quatremère, dont l'opinion en pareille

édi

matière est du plus grand poids (12), ces chapitres inédits de Marco Polo attestent tant de connaissance de l'histoire des Mongols, et offrent tant de vérité dans le récit des faits et dans l'indication des dates, qu'ils ne peuvent être que de Marco Polo, parce que lui seul, en Europe, était aussi bien instruit de ce qui s'était passé, peu d'années auparavant, aux extrémités de l'Orient. Après avoir donné la liste des manuscrits connus de Marco Polo, nous allons énumérer plus brièvement les éditions. Traductious latines: la première, petit in -4°., sans date, mais présumée imprimée à Rome ou à Venise, en 1484. — Traduction de Jean Hutichius dans le Novus orbis de Grynæus, in-fol., 1532, 1537 et 1555, à Bâle ou à Paris. Édition d'André Muller, 1671, in-40, Berlin; c'est la meilleure édition latine (V. MULLER); Les éditions en italien ou en dialecte vénitien, sont les plus nombreuses: elles ont été publiées en 1496, in-8°., Venise; une autre, sans date, qui paraît de la même époque, en 1500, Brescia; en 1508, in- 12, et non pas in- fol. Venise; en 1553, Venise, in-fol. ; en 1590, Trevise, édition indiquée par Bergeron, page 53, comme l'original de Marc Paul, opinion que M. Pinkerton a aussi émise depuis, et qu'il croyait nouvelle; en 1611, in-8°., Venise, réimprimée depuis à Venise et à Trevise en 1627:en1672, Trevise; enfin, en 1553 et en 1583, Venise, in-fol., dans le deuxième tome de la collection de Ramusio : c'est non-seulement la meilleure des traductions italiennes de Marco Polo;

(12) Dans une note manuscrite qu'il a bien voulu nous remettre sur ces deux manuscrits.

mais c'était la meilleure de toutes les éditions de ce voyageur, avant celle que M. Marsden vient de donner en anglais. Il n'existe qu'une seule traduction portugaise de Marco Polo, Lisbonne, in-fol., 1502, en caractère gothique; elle est de Valentim Fernandès Morano. Il y en a deux traductions espagnoles, l'une en 1520, Seville, in-fol.; l'autre en 1601, Caragosa, in-12 ou petit in-8°. de 158 pages, par D. Martin (Abraca) de Bolea y Castro. - Trois traductions allemandes, 1477, Nuremberg; 1534, Strasbourg, par Michaël Herr sur l'édition latine publiée par Grynæus, dans le Novus orbis ; 1609, Altenburg, et 1611, Leipzig, in-8°., traduit par Megiser, sur la version italienne de Ramusio. - Deux traductions françaises, 1556, in4°., Paris, par un anonyme, qui se désigne par les initiales F. G. L.; et 1735, dans la collection des voyages en Asie, dite de Bergeron, la Haye, in-4°., tome 1, traduit sur le latin de l'édition de Muller. Ces deux traductions françaises n'ont point de rapport entre elles. Nous les avons comparées. Une seule traduction hollandaise, en 1664, par Glazemaker, in-40., gothique, de 99 pages. Sept traductions anglaises, 1579, Londres, in-4°., gothique, de 167 p. dans la collection des Voyages de Purchass, de 1625 in-fol., vol. 3, p. 65; 1715 et 1744, dans la collection des Voyages de Harris; 1747, dans la collection des voyages d'Astley; 1811, dans la collection des voyages de Pinkerton, in-4°., tome 7; et aussi dans la collection des voyages de Kerr, in-8°. ; enfin, 1818, par M. Marsden, in-4°., de 781 pages: c'est, à-la-fois, la meilleure édition et le meilleur commentaire de Marco Polo. Dom Placido

Zurla a publié aussi un ouvrage intitulé: Di Marco Polo e degli antichi viaggiatori Venitiani, 2 vol. in-fol., Venise, 1818. On peut consulter encore les analyses des voyages de Marco Polo, dans l'Histoire générale des Voyages de l'abbé Prevôt; dans Pinkerton, Modern Geography seconde édition, 1807, tome 11 et troisième édition, 1811, tome 1, page 475; dans la traduction française du même ouvrage, tome v, pages 24 à 54; dans le Précis de la Géographie Universelle, tome 1, page 443; dans les Nouvelles Annales des Voyages, 1819, in-8°., tome 11, pages 158 à 183; dans Murray, Historical account of discoveries and travels in Asia, 1820, Edinbourg, in-8°., tome 1, chap. 3, page 151. Il ne faut pas s'étonner si la courte relation de Marco Polo a tant occupé les savants. Lorsque dans la longue série des siècles, on cherche les trois hommes qui par la grandeur et l'influence de leurs découvertes, ont le plus contribué au progrès de la géographie ou de la connaissance du globe, le modeste nom du voyageur vénitien vient se placer sur la même ligne que ceux d'Alexandrele-Grand et de Christophe Colomb.

W-R.

POLO (GASPAR-GIL ). V. GILPOLO.

POLTROT DE MÉRÉ (JEAN), gentilhomme de l'Angoumois, fut élevé en qualité de page chez le baron d'Aubeterre, qu'il suivit en Espagne. Sa taille grêle, sa figure basanée, et la facilité avec laquelle il parlait l'espagnol, lui servirent à jouer le rôle d'espion pendant la guerre entre les deux nations; puis il embrassa la nouvelle réforme, et s'attacha à Soubise, gouverneur de Lyon pour le parti protestant. Pol

trot, témoin du désespoir et de la consternation que répandaient parmi les siens les succès de l'armée royale aux ordres du duc de Guise, excité d'ailleurs par les discours fanatiques des ministres huguenots, qui maudissaient et dévouaient journellement le nom et la personne du duc, forma le projet de délivrer son parti, d'un ennemi si redoutable. Il s'en ouvrit à Soubise, qui l'adressa à Coligni: celui-ci lui donna cent écus, pour acheter un bon cheval, propre à faciliter sa fuite, après qu'il aurait rempli sa mission. Poltrot, afin de mieux cacher son dessein, alla trouver un de ses anciens amis, officier du duc de Guise, qui pressait alors vivement Orléans; et il lui protesta qu'entièrement revenu de ses erreurs il desirait servir dans l'armée catholique, à laquelle il était en état de rendre des services importants, par les intelligences qu'il conservait dans la ville. Guise reçut Poltrot avec sa bonté ordinaire, et pourvut au mauvais état de sa fortune. Mais un soir que ce général s'en revenait tranquillement à son logis, s'entretenant familièrement avec Rostaing, le traître, qui était caché derrière un buisson, lui tira, à six pas de distance, un coup de pistolet, dont Guise mourut au bout de deux jours. Le meurtrier, ayant été arrêté le lendemain, nomma, parmi ses complices, l'amiral de Coligni et Théodore de Bèze, ainsi que plusieurs autres; et quoiqu'il variat beaucoup dans ses dépositions subséquentes, sur les instiga teurs de sa perfidie, il continua toujours à charger Coligni, dont l'apologie ne diminua pas l'impression produite par l'accusation de Poltrot. Ce malheureux fut livré au parlement, qui le condamna à être déchiré avec des tenailles ardentés, tiré à quatre che

[blocks in formation]

POLUS (RENAUD POLE OU POOL, plus connu sous le nom DE), cardinal, archevêque de Canterbury, légat apostolique en Angleterre, naquit, au mois de mars 1500, à Stowerton- Castle, dans le comté de Stafford. Il était allié à la famille royale, par sa mère, Marguerite, comtesse de Salisbury, fille du duc de Clarence, frère d'Edouard IV. Après avoir fait son cours d'études à Oxford, et se trouvant à l'âge de 19 ans, chanoine de Salisbury, doyen d'Exeter, etc., il alla voyager en Italie. Henri VIII joignit une pension de trois mille livres tournois au revenu de ses bénéfices. Pole passa cinq ans à l'université de Padoue; il y forma d'étroites liaisons avec Bembo, Sadolet et divers autres hommes de lettres. Il visita aussi Venise, Rome, Florence; et revint en Angleterre, où il vécut dans la retraite, ne paraissant que très-rarement à la cour. Craignant d'être obligé de prendre part à la fameuse affaire du divorce, il crut devoir se réfugier à Paris (1529). Henri VIII fit de vaines tentatives pour l'engager à s'employer auprès des docteurs de cette ville, afin de les rendre favorables à sa cause. Ce prince attachait une grande importance au suffrage d'un homme qui jouissait d'une haute réputation de

« PreviousContinue »