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gra; Polier fut envoyé à son armée: au bout de vingt jours la place se rendit. Azef-oul-Doula, successeur de Souja, eut pour lui la même bienveillance que son père; mais le conseil du Bengale, renouvelé en entier, et composé d'ennemis de Hastings, conçut tant d'ombrage contre Polier, qu'il fut rappelé à Calcutta. Celui-ci obéit, parce qu'il était encore au service de la compagnie : il le quitta, lorsqu'il vit qu'il ne pouvait obtenir justice. Retourné à Fei. zabad, en septembre 1775, il ne s'y occupa plus que de ses affaires particulières; car le nabab, circonvenu par les agens du conseil, lui avait ôté ses emplois bientôt même il lui intima l'ordre de sortir de ses états. Polier était connu, depuis 1761, de l'empereur Chah-Aalum: il n'hésita pas à lui aller offrir ses services à Dehly, et fut nommé commandant d'un corps de sept mille hommes, avec le titre et le rang d'omrah : le monarque lui donna aussi en propriété le territoire du Kaïr; ce qui répara les pertes que Polier avait éprouvées par son départ subit de Feizabad. Des expéditions heureuses contre des sujets rebelles valurent à Polier le don d'un nouveau djaghir; mais il éprouva une difficulté inattendue. Ses nouveaux vassaux ne voudant pas reconnaître son autorité, il fut obligé de leur faire la guerre pour son propre compte elle ne lui réussit pas; l'officier qu'il employa fut battu, et perdit la vie dans l'action. D'autres tentatives n'eurent pas plus de succès; et comme elles occasionnaient à Polier de grandes dépenses, rebuté d'une possession si précaire, il l'abandonna, et continua tranquillement son service auprès de l'empereur les intrigues ordinaires à la cour des despotes de l'Asie, qui

ne voient rien par leurs yeux, le décidèrent à quitter un séjour qui pouvait devenir dangereux. Les circonstances le favorisaient pour rentrer au service de la compagnie anglaise; le conseil-général était changé, et bien disposé pour Hastings: le général Coote venait d'arriver dans l'Inde; il avait de l'affection pour Polier: la compagnie ne put lui refuser le rappel de cet officíer. Ayant obtenu la permission de ChahAalum, il accompagna Coote à Benarès et dans les provinces voisines, et, par son crédit, fut réintégré dans ses places chez Azef - oul - Doula. Ce retour de fortune, d'un côté, était le précurseur de nouveaux revers. Un favori de Chah-Aalum, qui avait les plus grandes obligations à Polier, s'empara par force de son djaghir, et ses emplois auprès du nabab furent supprimés. Hastings, pour le dédommager, lui fit donner le brevet de lieutenant-colonel, avec une exemption de service. Polier, reti. ré à Lucknau, afin d'y mettre ordre à ses affaires, employa ses loisirs à rédiger les Mémoires historiques qu'il avait composés pour Coote, surtout ceux qui concernaient l'histoire des Seikhs. Ses recherches, à cet égard, le conduisirent à étudier à fond la religion et l'histoire des Indous. Déjà il possédait bien l'ourdouzebaïn ou langue vulgaire de l'Indoustan. Ram-Tchound, savant pandit seikh, qui avait été l'instituteur du célèbre W. Jones, devint celui de Polier, qui le prit chez lui, et qui écrivit, sous sa dictée, le précis des principaux livres sacrés samscrits; de sorte qu'il en résulta un système complet de mythologie des Indous, tel qu'il a existé dans toutes ses variations, et qui, envisagé sous un meilleur point de vue, était très

différent de l'idée que l'on s'en for-
mait alors en Europe. Le travail
terminé fut soumis à des brahmines
et à des pandits, qui en constatèrent
l'exactitude. Polier, ayant achevé de
réaliser ses capitaux, partit de l'In-
de en 1788, et revit sa patrie, après
trente-un ans d'absence. Il s'y maria,
et se fixa dans sa ville natale. La
Suisse commençait, vers cette épo-
que, à éprouver des troubles. Des
scènes affligeantes, qui se passèrent
dans le pays de Vaud, décidèrent
Polier et sa famille à le quitter, en
1792. Le desir de revoir la patrie de
ses ancêtres l'amena en France. Il
acheta des propriétés dans les envi-
rons d'Avignon, espérant y trouver
la tranquillité, troublée en Suisse.
Conservant du goût pour le faste asia-
tique, il ne cessa pas de vivre avec
un luxe qui excita la cupidité des
brigands dont cette contrée était
infestée. Déjà ils avaient assassiné
un particulier, voisin de Polier, et
dépouillé sa maison; on conseilla au
colonel de se retirer dans Avignon: il
ne consentit qu'avec peine à y louer
une maison. Pendant qu'on la cher-
chait, les brigands, bien informés,
entrèrent chez lui, dans la soirée,
et enlevèrent aux femmes qu'ils y
trouvèrent, tous leurs bijoux. Une
autre bande, postée sur le chemin,
arracha Polier de sa voiture, l'en-
traîna dans sa maison, se fit livrer
tout son argent et sa vaisselle plate,
et finit par l'assassiner à coups
de
sabre et de crosse de fusil. Cet évé-
nement déplorable eut lieu le 9 fé-
vrier 1795. Des secours arrivés d'A-
vignon empêchèrent ces misérables
d'égorger le reste de la famille, et
d'emporter une partie de leur butin.
Quelque temps après, on en prit treize,
qui subirent la peine due à leurs for-
faits. Il y en avait parmi eux auxquels

Polier avait rendu des services. La
funeste catastrophe qui termina ses
jours l'empêcha de publier le travail
qu'il avait fait sur l'Inde. Une de ses
parentes, Mme, la chanoinesse de Po-
fier, à laquelle il avait confié ses nom-
en tira les
breux manuscrits anglais,
matériaux de l'ouvrage suivant: My-
thologie des Indous, Paris, 1809,
2 volume in-8°. Malheureusement
Mme. de Polier crut devoir modifier
le fonds de ce livre, et présenta un
grand nombre de faits d'après ses
idées particulières. Ce traité a perdu
par-là l'importance qu'il devait avoir
pour le sujet qu'il embrasse, et ne
peut pas faire autorité. La riche col-
fection de manuscrits orientaux et
de peintures indiennes, que Polier
avait formée dans l'Inde, échappa
heureusement au pillage à l'instant
de sa mort. C'est de son fils que
la bibliothèque du Roi acquit en-
au nombre
suite ses manuscrits
de quarante deux, arabes, persans,
indoustans et samscrits. Un heureux
hasard avait sauvé d'avance le plus
précieux de ces monuments: Insti-
tutes de l'empereur Akbar, connu
sous le nom d'Ayeen Akbery (V.
AKBAR). A son arrivée en France
Polier l'avait cédé, par échange, à
M. Langlès. D'autres manuscrits, con-
tenant la copie complète des Vedas,
en onze volumes, in-fol., la premiè-
re qui fût venue in Europe, avaient
été envoyés par Polier à sir Joseph
Banks, pour être déposés au Mu-
séum britannique. La collection de
peintures fut vendue par l'hoirie à
M. Beckford, anglais. La plupart des
notes origiginales de Polier, qui for-
sont
ment plusieurs volumes in-fol.,
entre les mains de son fils. Ainsi le
fruit des veilles de cet homme in-
fatigable n'a pas été totalement per-
du pour le monde savant.

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POLIGNAC (MELCHIOR DE), cardinal, né au Puy en Velay, le 11 octobre 1661, d'une très-ancienne maison de l'Auvergne, est l'homme le plus célèbre que cette maison ait produit dans ces derniers temps. Voltaire, dans le Temple du Goût, en n'envisageant même ce prélat que du côté du mérite littéraire, et de l'aptitude aux sciences, l'appelait:

Le cardinal, oracle de la France..
Réunissant Virgile avec Platon,

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Vengeur du ciel et vainqueur de Lacrèce. Il n'est pas moins remarquable par ses talents politiques, et par les négociations importantes dont il fut chargé. A une figure, à une élocution et à des manières extrêmement distinguées, il joignait une éloquence d'abord douce et insinuante, puis mâle et pleine de force en approchant du but. Mme. de Sévigné a dit de lui : « C'est un des » hommes du monde, dont l'esprit me paraît le plus agréable: il sait tout, il parle de tout; il a toute » la douceur, la vivacité, la com» plaisance, qu'on peut souhaiter >> dans le commerce (1).» Échappé, en nourrice, au danger de périr sur un tas de fumier où il avait été laissé toute une nuit, il alla faire ses études à Paris, et annonça dès-lors ce qu'il devait être un jour. A peine achevait-il sa théologie en Sorbonne, que le cardinal de Bouillon le pressa, en 1689, de venir avec lui à Rome pour le conclave dans lequel Alexandre VIII, successeur d'Innocent XI, fut élu. On voulut, à cette époque, qu'il prît part à la négociation qui concernait les quatre fameux articles du clergé de France, 1682. Le nouveau pape goûtait infiniment le caractère et l'esprit de ce jeune ecclésiastique. A la fin d'un

(1) Lettre à Coulanges, 18 mars 1690

de

de leurs entretiens particuliers, il lui dit avec bonté : « Je ne sais comment vous faites vous paraissez toujours être de mon avis, et c'est » moi qui finis par être du vôtre. » L'accommodement entre le SaintSiège et la cour de Versailles eut lieu, et Polignac repassa en France, pour en rendre compte à Louis XIV. Le roi, après lui avoir accordé une longue audience, s'expliqua sur lui d'une manière en apparence contraire au jugement du pape, mais qui ne peignait pas moins bien le négociateur honoré de la confiance de tous deux : « Je viens, dit-il, d'en» tretenir un homme, et un jeune >> homme, qui m'a toujours contredit, » sans que j'aie pu me fâcher un mo»ment. En 1691, il accompagna de nouveau le cardinal de Bouillon au

conclave où fut élu Innocent XII.

Revenu en France, il évita la cour,

et s'enferma au séminaire des BonsEnfants, pour se livrer, sans distractions, à l'étude. Mais d'après l'essai que l'on avait fait de sa cabientôt à le tirer de sa retraite, et on pacité comme diplomate, on songea l'envoya ambassadeur extraordinaire en Pologne (1693). Comme il était obligé de s'y rendre presque incognito, et par mer, le bâtiment qui transses meubles, échoua sur les côtes de portait ses équipages, sa vaisselle et Prusse: tout fut pillé par des Dantzickois; il courut même quelques risques personnels. Cependant il arriva roi de Pologne, Jean Sobieski, dont heureusement, et fut accueilli par le il obtint, en peu de temps, l'estime

et la bienveillance. Ce souverain étant venu à mourir (1696), l'abbé de Poliguac employa beaucoup d'adresse dans ses démarches pour faire élire, une année après, le prince de Conti (V. CONTI, IX, 511), et crut avoir

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xelles, d'aller au congrès de Gertruydenberg travailler à une paix des plus difficiles; car il s'agissait de se soumettre à des conditions honteuses, pour obtenir le terme des malheurs de la guerre. Extrêmement choqué du ton altier des plénipotentiaires hollandais, il leur disait : « On voit » bien que vous n'êtes pas accou»tumés à vaincre. » Parler ainsi, c'était tout ce qu'il pouvait faire alors. Le roi, ne voulant abanpas donner la monarchie d'Espagne, rappela ses envoyés; et les conférences furent rompues. Polignac fnt plus heureux, deux ans après au congrès d'Utrecht. Quoique dé jà créé cardinal in petto, il y parut vêtu en simple particulier, et ne s'y fit appeler que le comte de Polignac. Là, cette Hollande, auparavant fière et si inflexible, se voyant privée de l'appui de l'Angleterre, et sentant sa faiblesse, s'humilia autant qu'elle avait voulu humilier la France. Le plénipotentiaire français écrivait : « Nous prenons la figure que » les Hollandais avaient à Gertruy» denberg, et ils prennent la nôtre; >> c'est une revanche complète. » Les négociateurs qui stipulaient pour les états-généraux des Provinces-unies, soupçonnant qu'on leur cachait quelques-unes des conditions de la paix entre la France et l'Angleterre, menacèrent les ministres de Louis XIV de les faire sortir de leur pays: « Non, » Messieurs, répondit l'abbé de Po

å se féliciter d'un grand succès. Mais le parti qui s'était opposé à cette élection, se prévalut, après qu'elle fut faite, de la lenteur que le prince avait été obligé de mettre à se rendre en Pologne, lenteur dont l'effet fut tel, qu'arrivé trop tard, et n'éprouvant que des obstacles de toute espèce, il fallut qu'il se rembarquât. Louis XIV sembla croire alors que son mandataire n'avait pas pris d'assez bonnes mesures et fit partir pour Varsovie l'abbé de Châteauneuf (1698). L'abbé de Polignac reçut l'ordre de se retirer dans son abbaye de Bon-Port; il disait luimême que le nom de ce lieu d'exil était conforme à sa situation personnelle. Il y resta quatre années, qu'il employa presque uniquement à augmenter la masse de ses connaissances. Rappelé à Versailles, en 1702, il y reparut, dit M. de Boze, avec cet éclat que la faveur elle-même ne donne que lorsqu'elle succède à la disgrace, et qu'elle semble vouloir l'expier. Louis XIV lui conféra deux nouvelles abbayes, et lui ménagea la nomination d'Angleterre au chapeau de cardinal. Voulant qu'il fût plus à portée de faire valoir cette nomination, il l'envoya, en qualité d'auditeur de rote à Rome (1706); et il l'associa au cardinal de la Trémoille dans la direction des affaires de Fran ce auprès de la cour pontificale, où régnait alors Clément XI. Polignac y trouva de nouvelles occasions de briller et de se faire admirer. Ses affaires s'étaient dérangées par les dépenses et les pertes qu'il avait éprouvées en Pologne: le roi lui accorda, sur Dantzig, des lettres de représailles, qui furent revoquées en 1712, au moyen d'un accommodement avec les magistrats de cette ville. En 1710, il fut chargé, avec le maréchal d'U

t si

lignac, nous ne sortirons pas d'i>>ci: nous traiteróns de vous, chez >> vous et sans vous. » Tenant de la bienveillance du prétendant l'assurance du chapeau de cardinal, il ne crut pas devoir mettre sa signature au bas du traité de paix qui excluait du trône le prince auquel il avait cette obligation; et il ne son

plus belles urnes du Columbarium des affranchis de Livie, trouvées en 1730. Il aurait souhaité, disait

que

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l'on

pait encore avec succès de physique, de mathématiques et d'antiquités. Les arts lui étaient chers autant que les sciences. A des sui-il, être le maître de Rome, uniquetes nombreuses de médailles de tou- ment pour détourner, pendant quinze tes les grandeurs et de tous les mé- jours, le cours du Tibre, depuis taux, il avait ajouté une superbe col. Pontemolle jusqu'au mont Testaccio, lection de monuments antiques, qui et en retirer les statues, les troétaient, pour la plupart, le fruit de phées, enfin tout ce qu'on y avait jeté ses découvertes. Pendant qu'il habi- de précieux dans les temps de factait Rome, il apprit qu'un particu- tions et de guerres civiles, et pendant lier qui bâtissait une ferme, entre les incursions des barbares. D'après Frascati et Grotta-Ferrata, s'était cette idée, il avait fait niveler le tervu arrêté, en creusant des fonda- rain des environs, et pris tous les tions , par des restes d'anciens renseignements relatifs à ce projet. murs fort épais, et qu'il semblait Il aurait également desiré que presque impossible de détruire. Le creusât les ruines du temple de la cardinal se persuada, en examinant Paix, brûlé l'an de J.-C. 191, sous l'emplacement, que c'était celui de l'empire de Commode; il croyait la maison de campagne de Marius: l'on devait y retrouver le chanil ordonna des fouilles; et sa con. delier à sept branches la mer jecture fut justifiée par un fragment d'airain, et tous les vases que d'inscription du cinquième consulat Titus y avait déposés après avoir de cet homme fameux. On continua triomphe de la Judée. Le cardinal de fouiller ; et à l'ouverture du plus de Polignac mourut à Paris, le 20 gros mur, se présenta un magnifique novembre 1741, âgé de quatresallon orné, entre autres, de six sta- vingts ans. Le roi de Prusse fit achetues, de grandeur naturelle, qui ter la belle collection des statues étaient du plus beau marbre, d'un ex antiques de cet homme illustre. cellent travail, et qui formaient eu- M. de Boze, dans l'Eloge qu'il en semble l'histoire d'Achille reconnu a fait, dit qu'il réunissait tous par Ulysse à la cour de Lycomède. les moyens de plaire et de séCe fut encore sous les yeux de cet il duire; que les inimitiés, les diffélustre prélat, que se fit la décou- rends, les procès, cessaient à son verte du palais des Césars, dans la seul aspect, ou du moins dès qu'il vigne Farnèse, sur le mont Palatin. avait dit un mot. Enfin, il lui rend ce Il excita et aida Bianchini à en pu- témoignage, qu'il semblait n'être blier la description. Le duc de Par- fait que pour aimer et pour être me, qui avait ordonné les travaux, aimé. Outre cet Éloge, lu à la séance voulut que le cardinal de Polignac publique de l'académie des inscripacceptât un bas-relief de quatorze fi. tions, le 3 avril 1742, nous enavons gures, qui représentait une fête d-A- un du cardinal de Polignac, par riane et de Bacchus. Ce bas relief était Mairan, qui fut lu, le 4 du même enchâssé dans la plus haute marche mois, à l'académie royale des sciende l'estrade sur laquelle se plaçaient ces; un autre par le P. Charlevoix, les empereurs dans leurs audiences dans les Mémoires de Trévoux, juin publiques. Le cardinal eut aussi les 1742, p. 1053-91; et enfin sa Vie,

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