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nom d'Eusébes ou le Pieux. En admettant Polémon au nombre des rois alliés de l'empire, l'an 26 avant J.-C., Auguste lui accorda les honneurs sénatoriaux ; ce qui était alors une faveur très recherchée des princes tributaires. Une révolution arrivée, en l'an 14 avant J.-C., dans le Bosphore Cimmérien, fit reparaître Polémon sur la scène politique de l'Orient. Asandre qui, trente quatre ans avant cette époque, avait détrôné son souverain Pharnace, fils du grand Mithridate, et qui depuis avait été reconnu par Auguste roi du Bosphore, venait de mou. rir âgé de quatre-vingt-treize ans. Un aventurier, nommé Scribonius, s'était aussitôt emparé de ses états et de sa veuve Dynamis, fille de Pharnace et il avait pris le titre de roi. Quand Agrippa, gendre d'Auguste, apprit cette catastrophe en Syrie, où il se trouvait alors, il ordonna, par un message, à Polémon, de porter la guerre dans le Bosphore. Lorsque le roi de Pont yarriva, Scribonius n'était plus. Les Bosphoriens, ayant reconnu qu'il n'était pas, comme il le prétendait, petitfils du grand Mithridate, l'avaient tué eux-mêmes. Ils ne voulurent pas néanmoins se soumettre à Polémon, qu'ils craignaient d'avoir pour roi celui-ci fut donc obligé de leur faire la guerre : il les vainquit; mais il ne les soumit pas à son empire. I recueillit le fruit d'une aussi sage conduite quand Agrippa vint à Sinope, et que de là il passa dans le Bosphore pour en achever la réduction, il s'empressa de joindre ce royaume aux états que Polémon possédait dans l'Asie mineure. Bientôt après, celui-ci épousa la veuve d'Asandre. Cette femme, qui n'avait point eu d'enfant de ses deux premiers ma

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ris, n'en eut pas non plus de celui-ci. Dynamis mourut peu de temps après. Alors Polémon prit pour femme Pythodoris, fille de Pythodorus, riche citoyen de Tralles, dans la Lydie. Ce prince joignit encore la Colchide aux royaumes qu'il gouvernait déjà. Cependant Polémon n'était pas tranquille possesseur de ces états de fréquentes révoltes, de rudes guerres qu'il eut à soutenir contre les nations scythiques, l'occupèrent pendant toute la durée de son règne. Il porta ses armes contre la ville grecque de Tanaïs. Cette cité, riche et puissante par son immense commerce, était située à l'embouchure du Tanaïs, dans les Palus Mœotides : elle tirait son nom de ce fleuve, et elle éten dait sa domination sur plusieurs tribus de Mæotes, peuple Scythe, qui habitait dans son voisinage. Malgré sa puissance, cette ville ne put résister aux attaques de Polémon, qui s'en rendit maître, et la livra au pillage. La fortune abandonna ce prince dans une guerre qu'il fit aux Aspurgitains, nation qui habitait en Asie, sur les bords du Tanaïs : il tomba vivant entre les mains de ces barbares, qui le mirent à mort. On ignore à quelle époque précise arriva cet événement. Tout ce qu'on peut dire, avec certitude, c'est que Polémon vivait encore en l'an 2 avant J.-C. C'est au moins ce que l'on infère d'une inscription trouvée à Cumes, dans l'Éolide, qui apprend

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postérieure, et qu'on ne doit pas craindre de se tromper beaucoup, en plaçant sa mort àl'an 1er. de J.-C. Des médailles des années 304 et 305 de l'ère du Bosphore, qui répondent aux années 8 et 9 de J.-C., présentent d'autres têtes que la sienne; ce qui prouve, comme on le sait d'ailleurs, qu'après le règne de Polémon, la couronne du Bosphore passa dans une autre famille. Ce prince laissa en mourant trois enfants en bas âge, sous la tutelle de leur mère Pythodoris. L'aîné, nommé Polémon, fut dans la suite roi de Pont. Zénon, le second, fut roi de la grande Arménie, sous le nom d'Artaxias; pour letroisième, c'était une fille dont on ignore le nom; elle fut mariée à Cotys V, roi de Thrace.-POLÉMON II, fils du précédent, après la mort de sa mère Pythodoris, devint roi de la partie du Pont que son père avait gouvernée. Il avait jusqu'alors partagé avec sa mère l'administration des affaires. La possession de son royaume paternel lui fut assurée par un sénatus-consulte, en l'an 39 de J.C., sous le règne de Caligula. Il paraît que, dans le même temps, Polémon fut déclaré roi du Bosphore Cimmé rien; car, lorsqu'en l'an 41, Claude donna la couronne de ce royaume à un certain Mithridate, descendant de Mithridate-le-Grand, on céda en échange à Polémon une partie de la Cilicie. Celui-ci fixa son séjour dans son nouveau royaume. Quel ques années après, Polémon épousa Bérénice, fille d'Agrippa, prince de la famille d'Hérodes. Cette princesse, après la mort de son mari Hérodes, roi de Chalcis, voulant faire cesser les bruits injurieux qui circulaient au sujet de son commerce incestueux avec son frère Agrippa, fit proposer un mariage au roi Polé

mon, sous la condition qu'il embrasserait la religion juive. Ce dernier y consentit, afin d'obtenir les immenses trésors de Bérénice. Malgré cela, l'union des deux époux ne fut pas de longue durée. Bérénice quitta son mari pour retourner auprès de son frère; et Polémon abandonna la religion qu'il avait embrassée par avarice plus que paramour. Une médaille, encore unique nous a révélé le nom d'une autre de ses femmes dont le souvenir est échappé à l'histoire. Cette princesse s'appelait Tryphène. En l'an 65, Polémon II céda à Néron son royaume de Pont; et il ne lui resta plus que la portion de la Cilicie qu'il avait obtenue en échange du Bosphore Cimmérien. Depuis lors l'histoire ne fait plus aucune mention de ce prince. S. M-N.

POLÉMON (ANTOINE), célèbre sophiste, était né à Laodicée, d'une famille consulaire. Il eut pour maîtres le philosophe Timocrate, Scopélion, Dion Chrysostome, et, selon Šuidas, le rhéteur Apollophane. Il établit une école à Smyrne, et sa réputation y attira bientôt un grand nombre d'élèves de toutes les provinces de l'Asie, où l'éloquence était alors en honneur. Ses talents lui méritèrent la bienveillance des empereurs Trajan et Adrien (1); et il avait acquis une telle autorité dans Smyrne, que sa présence seule suffisait pour y comprimer les mouvements populaires. Antonin, nommé proconsul d'Asie, étant arrivé à Smyrne, logea dans la maison de Polémon, la plus belle de la ville. Le sophiste était alors absent à son retour, il entra dans une fureur inconcevable, s'écria

:

(1) L'abbé Nicaise a publié une Dissertation (De numo pantheo Hadriani) sur une médaille d'Adrien. qui porte, au revers, les noms de Polémon de Smyrne,

envers les rois et les princes. On ra conte qu'un roi du Bosphore ne put obtenir la faveur de le voir qu'après lui avoir fait compter dix talents. Dans une de ses lettres, HérodesAtticus nous apprend que Polémon, en récitant ses ouvrages, s'agitait avec violence, qu'il frappait du pied, et s'emportait quelquefois jusqu'à sortir de sa chaire. Il eut pour rivaux de gloire, Marc de Byzance, Denys de Milet, et Favorin, rhéteur d'Éphé

que c'était une chose indigne, de le chasser ainsi de chez lui, et contraignit Antonin de chercher un autre Logement au milieu de la nuit. Après l'avénement d'Antonin à l'empire, Polémon se rendit à Rome pour le complimenter au nom des villes d'Asie : l'empereur lui fit préparer un appartement dans son palais, en ajoutant qu'il ne voulait pas que personne l'en délogeât. Quelques jours après, un comédien vint se plaindre à ce prince que Polémon l'avait chasse, qui ne craignit pas de lui disputer sé du théâtre en plein jour : il m'a la palme de l'éloquence. Dans la bien chassé, lui dit Antonin, de sa chaleur de la querelle, les deux conmaison en pleine nuit, et je n'en ai currents ne s'épargnèrent pas les inpas porté de plaintes (V. ANTONIN, jures; ce qui leur fit tort à tous les II, 289). Hérodes-Atticus, nommé deux. Attaqué d'une maladie articuintendant des villes libres d'Asie, laire, contre laquelle toutes les res ́s'empressa de visiter Polémon, qu'il sources de la médecine étaient inutidesirait vivement de connaître, d'a- les, Polémon se retira dans sa patrie; près sa haute réputation; après l'a- et ne pouvant plus résister à la douvoir embrassé, il lui demanda quand leur, il se fit transporter dans le tomil aurait le plaisir de l'entendre: Au- beau qu'il s'était fait préparer; puis jourd'hui-même, si vous le voulez, lui s'adressant à ses amis: Fermez, leur répondit Polémon; et sur-le-champ dit-il, fermez le monument; il ne il prononça un magnifique éloge d'Hé fant pas que le soleil puisse voir Porodes, et des grandes choses qu'il lémon réduit à garder le silence. Ce avait faites. Ce discours, que Po- sophiste n'avait pas plus de cinquanlémon n'avait pu préparer, causa te-six ans. Le plus célèbre des dismoins de plaisir encore que de sur ciples de Polémon fut Aristide ( V. prise à Hérodes, qui se retira péné- ce nom, II, 441). Il ne nous reste de tré d'admiration pour les talents lui que deux Déclamations, dans du sophiste. Il retourna l'entendre lesquelles Cynégire et Callimaque jusqu'à trois fois; et croyant de- font tour-à-tour l'éloge des vertus voir lui donner un témoignage de sa et du courage de leurs fils, morts à satisfaction, il lui fit présent de vingt- la bataille de Marathon : elles ont cinq talents. Polémon refusa cette été publiées, pour la première fois, somme: mais Hérodes ayant su qu'il en grec, par Henri Estienne, avec n'agissait ainsi que parce qu'il la trou. les Harangues d'Himerius et de quelvait peu digne de lui, y ajouta cent- ques autres rhéteurs, Paris, 1567, mille drachmes; et le sophiste ne in-4°. Le P. Poussines a donné une voulut pas affliger plus long-temps édition séparée des Discours de PoléHérodes par un refus. On ne peut mon, avec une version latine, Touse faire une juste idée de la va- louse, 1637, in-8°. Philostrate, nité de Polémon: il se croyait dis- dans la Vie de ce sophiste, cite plupensé des moindres égards, même sieurs autres Harangues de Polémon;

W-s.

Fabricius en indique douze, dont il donne les titres dans la Bibl. græca, IV, 370, éd. de 1732. POLEMON, physiognomoniste, sur la vie duquel on n'a que des renseignements très- incomplets, était athénien, selon quelques auteurs; mais Sylburge et Fabricius n'ont pu se persuader qu'un écrivain si grossier et si incorrect fût né dans l'Attique. D'après quelques mots employés par Polémon, on peut conjecturer qu'il avait embrassé le christianisme; ce qui est plus certain, c'est qu'il est antérieur à Origène, qui l'a cité dans le premier livre de son ouvrage contre Celse. Le Traité de physiognomonie, que nous avons sous le nom de Polémon, paraît avoir beaucoup souffert de l'ignorance des copistes. Il a été publié, pour la première fois, par Camille Peruscus, à la suite des Histoires diverses d'Elien, Rome, 1545, in-4°. Fred. Sylburge l'a inséré, depuis, dans le sixième volume des OEuvres d'Aristote. Nicolas Petreius, de Corcyre, en a donné une version latine, dans un Recueil de quelques opuscules de Meletius, d'Hippocrate, etc., Venise, 1552, in-4°.; cette version a été réunie au texte grec, dans l'édition des Scriptores physiognomonic veteres (1), Altenburg, 1780, in-8°.; l'éditeur, Jean-Frédéric Franzius, l'a enrichie d'une bonne préface et de notes. Le traité de Polémon est divisé en deux livres : dans le premier, après avoir établi l'utilité de la physiognomonie, il trace les principes généraux de cette science; il parle de la forme de la tête, de la couleur des cheveux, du front, des yeux, des oreilles, du nez, de

(1) Ce Recueil contient les traités d'Aristote, de Pelémon, d'Adamantius et de Melampus.

la respiration, du son de la voix, etc.; dans le second livre, il passe à l'application des principes qu'il vient de poser, et dépeint, presque toujours en peu de lignes, l'homme courageux, le timide, le spirituel, l'insensé, l'impudent, le colérique, le grand parleur, etc. Porta et quelques autres physionomistes plus récents, se sont approprié plusieurs des observations de Polémon, dont le plus grand nombre sont au reste très ridicules. W-s.

POLENI (JEAN), célèbre physicien et antiquaire, naquit à Venise, en 1683. Son père, après avoir servi comme volontaire dans les guerres de Hongrie, avait obtenu de l'empereur Léopold le titre de marquis du Saint-Empire, qui lui fut confirmé par la république de Venise. Doué de dispositions remarquables, et d'une vivacité d'esprit peu ordinaire, même en Italie, le jeune Poleni fit les études les plus brillantes: lorsqu'il eut terminé sa philosophie, il voulut suivre un cours de théologie, et s'y distingua comme s'il avait eu le projet d'embrasser cette carrière. Ce n'était point l'intention de ses parents, qui le destinaient à la magistrature; mais Poleni avait été initié par son père dans la connaissance des mathématiques et de la physique : il avait entrevu le charme de ces deux sciences; il fallut lui permettre de s'y livrer, et il y fit des progrès qui surpassèrent l'attente de ses maîtres. A vingt-six ans, il avait déjà donné des preuves si frappantes de sa capacité, qu'on lui offrit la chaire d'astronomie à Padoue; et le jeune professeur ne tarda pas d'ajouter par ses travaux à l'illustration de cette université. Au bout de six ans, il fut obligé, par des circonstances parti

culières, de passer à la chaire de physique; mais il n'en demeura pas moins attaché à l'astronomie: il continua d'observer les phénomènes célestes les plus dignes de remarque; et il en est peu d'importants qui lui aient échappé dans le cours de sa vie. D'après l'invitation du sénat de Venise, il tourna, bientôt après, ses études vers la science des eaux, si nécessaire dans la Basse-Lombardie; et il y acquit, en peu de temps, une telle réputation, qu'il devint l'arbitre de toutes les contestations qui s'élevaient à chaque instant entre les souverains dont les états étaient limités par quelque fleuve. Les Vénitiens lui confièrent la direction de tous les travaux en ce genre; et, mal gré les occupations que lui imposait cette place, il fut obligé d'accepter, en 1719, la chaire de mathématiques, vacante par la retraite de Nicolas Bernoulli (V. ce nom). En 1738, il fut chargé de donner, à l'université, des leçons de physique expérimentale; et il forma, dans l'espace de quelques mois,

un cabinet

pourvu de tous les instruments ne cessaires. Au milieu de tant de travaux, Poleni trouvait encore le loisir de faire des observations météorologiques; d'entretenir une correspondance active avec les savants de France, d'Angleterre et d'Allemagne, et de publier des ouvrages qui ajoutaient, chaque année, à sa réputation. Il avait déjà remporté deux prix (1) à l'académie des scien

(1) En 1733, pour un Mémoire sur la meilleure manière de mesurer sur mer le chemin d'un vaisseau, indépendamment des observations astronomiques; et, en 1736, par un Mémoire sur la meilleure manière de préparer les ancres. Depuis son admission à l'académie, il obtint, en 1741, un troisième prix par un Mémoire sur la meilleure construction du cabestan. Ces différents ouvrages de Poleni ont été insérés dans les Recueils de l'académie, ainsi que des Observations et d'autres morceaux dont il serait trop long de donner les titres,

ces, quand elle lui fit expédier, en 1739, le diplôme d'associé étranger. Sans négliger la physique ni les mathématiques, Poleni s'occupait aussi d'antiquités; et il a mis au jour plusieurs Dissertations (2) sur des points qui n'avaient pas encore été résolus d'une manière satisfaisante, parce qu'il est rare qu'un antiquaire soit en même temps un habile astronome. A des connaissances si variées iljoignait celle de l'architecture dont il avait fait une étude spéciale. En 1748, il fut appelé à Rome par Benoît XIV, pour examiner la coupole de Saint-Pierre; et il indiqua les moyens les plus propres à en prévenir les dégradations. Les services que Poleni rendait à Padoue, lui méritèrent la reconnaissance de cette ville, qui le mit au nombre de ses magistrats; charge dont il s'acquitta comme s'il n'en avait pas eu d'autres à remplir: mais sa santé, naturellement robuste, ne put ré sister à l'excès du travail; elle s'altéra peu-à-peu, sans diminuer son ardeur, et il mourut, le 15 novembre 1761, à l'âge de soixantedix-huit aus. Ses restes furent déposés dans l'église de Saint-Jacques, où ses enfants consacrèrent à sa mémoire un monument décoré d'une épitaphe honorable. Mais les Padouans jugèrent que ce n'était pas assez pour l'homme qui avait répandu tant d'éclat sur leur ville; et

(2) Outre la Dissertation sur le temple d'Ephèse, citée n°. XIII, on a de Poleni, comme antiquaire, une Lettre critique, en italien, sur les anciens théâtres et amphithéâtres, imprimée avec une lettre de Jean Montenari, sur le même sujet, Vicence, 1735, in-8°.;-une Lettre à Scip. Maffei, dans la seconde édition de son Recueil des antiquités de la France, Venise, 1734, in-4°. (V. MAFFEI); enfin, une Dissertation sur l'obélisque qu'Auguste fit élever dans le Champ-de-Mars, pour servir de style à une méridienne qu'il y avait fait tracer: elle est insérée dans l'ouvrage de Bandini, Dell' obelisco di Cesare Augusto, etc., Rome, 1750, in-fol.

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