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équipages était malade. Malgré cette inégalité de forces, il n'hésita pas à se ranger en ordre de bataille. L'ennemi s'empara d'une flûte qui était en dérive: Pointis, résolu de se défendre jusqu'à la dernière extrémité, força néanmoins de voiles; et, par une manoeuvre habile, il réussit, à la faveur d'un brouillard, à échapper aux Anglais, qui se croyaient déjà maîtres des trésors. Ses vaisseaux s'étaient dispersés la prudence lui défendait de chercher à les rallier; il continua sa route pour l'Europe, et fit une prise en chemin. Le 24 août, il rencontra six vaisseaux ennemis : on se canonna pendant quatre heures; la nuit interrompit le combat. Pointis arriva, le 29, à Brest : ses vaisseaux rentrèrent successivement dans les ports de France. Dans la guerre de la Succession, il commanda un vaisseau de l'armée navale du comte de Toulouse, qui, en août 1704, combattit les Anglais près de Malaga; et il fut détaché avec dix vaisseaux, neuf frégates et 3,000 hommes de troupes de la marine, pour soutenir le corps qui assiégeait Gibraltar mais cette escadre mal approvisionnée fut obligée d'aller se ravitailler à Cadix, en laissant cinq frégates dans la baie. Le 9 décem

soins de Ducasse, gouverneur de la colonie, il y fut joint par un corps de flibustiers et de volontaires : une frégate et différents bâtiments augmentèrent ses forces. Le 1er. avril, on fit voile du cap Tiburon ; le 12, on mouilla devant Carthagène. Le fort de Bocachica, et d'autres postes qui défendaient l'approche de la place, furent emportés. Pointis fut blessé à la poitrine, et forcé de se faire porter le jour de l'assaut. Le 2 mai, la ville capitula. Des ordres du roi prescrivaient de la garder: Ducasse était nommé gouverneur. Mais bientôt, la maladie s'étant mise parmi les troupes, il fallut se rembarquer, et l'on fit sauter les fortifications. On s'occupa de ramasser les richesses que l'on avait conquises; la totalité du butin fut évaluée à 10 millions le gouverneur espagnol avait eu la précaution d'envoyer une partie des trésors dans l'intérieur. Les flibustiers prétendirent qu'on leur avait fait du tort dans la répartition de ce qui avait été pris; et leurs clameurs ont été répétées par plusieurs écrivains. Lorsque l'escadre partit, le rer. juin, Pointis était si malade de la fièvre jaune, qu'il avait été contraint de donner le commandement à un autre officier. On faisait voile vers le cap Tiburon : un Pointis y revint pour combataviso, expédié par l'intendant de la tre les ennemis les vents contraMartinique, annonça qu'une escadre rièrent ses desseins; cependant il anglaise de treize vaisseaux les at- prit trois bâtiments. L'année suitendait dans le voisinage du point vante, il fut, disent les histooù ils voulaient attérir. Pointis, qui riens, envoyé malgré lui, par la commençait à se rétablir, tint con- cour d'Espagne, pour assiéger Giseil; et l'avis unanime fut de débou. braltar Il arriva sur la rade par mer. quer par le canal de Bahama. Ce- le 16 mars, avec treize vaisseaux. Le pendant on rencontra les ennemis 18, le gros temps en fit dérader huit, dans la nuit du 6 au 7, au nombre qui se réfugièrent à Malaga. Trois de vingt neuf voiles. Pointis n'a- jours après, l'amiral Leake parut vait que sept vaisseaux et trois fré-devant la place, avec trente-cinq gates, dont plus de la moitié des vaisseaux. Pour ne pas sacrifier inu

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tilement son monde, Pointis coupa ses cables, afin de s'éloigner. Les ennemis l'enveloppèrent il se battit avec sa bravoure ordinaire; trois vaisseaux furent emportés à l'abordage le sien et un autre se firent jour à travers les Anglais, et allèrent s'échouer sur la côte d'Espagne, où les capitaines les brûferent eux-mêmes, après avoir coulé à fond deux vaisseaux anglais, et en avoir désemparé plusieurs autres. Épuisé par ses longues fatigues Pointis se retira du service, et vint habiter une maison de campagne à Champigni, près de Paris; mais il n'y goûta pas long-temps le repos. Il y mourut le 24 avril 1707, âgé de 62 ans. « C'était, dit Charlevoix >> qui ne l'aimait pas, un homme » qui avait toute la valeur, l'expé»rience et l'habileté nécessaires pour -» se distinguer à la guerre, comme >> il a toujours fait. Il avait de la fer» meté, du commandement, du »sang - froid et des ressources; il » était capable de former un grand » dessein, et de ne rien épargner » pour le faire réussir; mais il avait » l'esprit un peu vain, et il a paru » intéressé. » On a de Pointis: Relation de l'expédition de Carthagène, faite par les François, en 1697, Amsterdam, 1698, 1 vol. in-12, avec une carte et un plan. Ce récit, écrit avec simplicité, offre des détails curieux. Les flibustiers y sont peu ménagés.

E-s.

POIRET (PIERRE ), écrivain mys. tique protestant, naquit à Metz, le 15 avril 1646. Après la mort de son père, simple artisan, la famille vouÎut faire du fils un artiste ; et on le mit, jeune encore, à l'étude du dessin. Poiret y réussit tellement, que trente ans après, il peignit, dit-on, de mémoire le portrait de Mlle. Bou

rignon, morte depuis plusieurs années. Cependant la philosophie de Descartes, qui avait alors la vogue, excita son attention, et il y prit goût. Ses dispositions se développèrent : il quitta le pinceau pour la carrière des abstractions; et il étudia la métaphysique et la théologie. Lorsqu'il eut fini. ses cours à Bâle, il vint, en 1668, à Heidelberg, où il exerça le ministère évangélique avec distinction. Après s'y être marié en 1670, il fut appelé aux fonctions du pastorat de l'église d'Anweil, en 1672. Là ses méditations, la lecture des écrits de Taulère, et surtout ceux d'Antoinette Bourignon, le tournèrent entièrement vers la théologie mystique, et déterminèrent son genre de vie comme celui de ses travaux. Mais, en 1676, la guerre étant venue troubler ses études paisibles et ses pieux exercices, il passa d'Anweil à Hambourg, où il se lia d'amitié avec Mlle Bourignon, à laquelle une vive estime l'attachait déjà depuis longtemps. Durant un séjour de huit années dans cette ville, il se livra plus que jamais à ses lectures d'ouvrages mystiques: il s'occupait d'en former des extraits, d'en préparer des éditions ou des traductions; et la vie exemplaire qu'il menait en même temps, faisait dire à Bayle (Républ. des Lettres, 1685), que « de grand Cartésien il était devenu si dévot, qu'afin de mieux s'appliquer aux choses du ciel, il avait presque rompu tout commerce avec la terre. » Cependant les Principes de religion ou Eléments de la vie chrétienne, appliqués à l'éducation des enfants, qu'il publia, et qui furent traduits en allemand et en anglais, encoururent, malgré leur succès, la désapprobation des ministres de Hambourg; et un de leurs collègues fut

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même expulsé pour en avoir recommandé la lecture. Poiret se retira dès lors, en 1688, près de Leyde, à Rheinsburg. Il retoucha ses Principes d'éducation, dont il donna une traduction latine, suivie d'observations sur la censure des ministres, Amsterdam, 1694, in-8°.; et une nouvelle édition en français, ibid., 1705, in-12. Il vécut ainsi dans une entière solitude, partageant son temps entre les exercices de piété et la composition ou souvent même la compilation d'ouvrages spirituels et ascétiques, jusqu'à sa mort arrivée le 21 mai 1719. Niceron a don né la liste des écrits publiés par Poiret, au nombre de plus de trente, soit sur la vie mystique, soit sur ceux qui en ont traité: à ce nombre il en faut ajouter plusieurs concernant Mme. Guyon, indiqués en partie dans le Moréri. On se bornera ici à quelques-uns des plus marquants: I. L'Economie divine, ou Système universel des œuvres et des desseins de Dieu envers les hommes, Amsterdam, 1687, 7 vol. in-8°.; trad. en latin, et revu par l'auteur, 1705. Ce traité, ou plutôt cet extrait de ses lectures, a pour objet de montrer la corrélation et l'accord général de la nature et de la grâce, de la philosophic et de la théologie, de la raison et de la foi, de la morale naturelle et de la religion chrétienne, opérés par l'union de l'homme avec Dieu, au moyen des actes et des points de croyance qu'il regarde comme le fondement essentiel du christianisme, quelles que soient d'ailleurs les différences d'opinions et de rites. Tel est, en particulier, le but de l'ouvrage suivant, où il applique à un sacrement de première institution les principes exposés dans le précédent. II. La Paix des bonnes Ames dans

XXXV.

tous les partis du Christianisme, et particulièrement sur l'Eucharistie, Amsterdam, 1687, in-12. Quoique, par ses sentiments sur le pur amour de Dieu, il paraisse se rapprocher de Mlle. Bourignon et de Mme. Guyon, il diffère de la première, en ce qu'au lieu de réprouver, comme elle, l'esprit de propriété des ministres de l'Eglise et de se donner comme réformateur, il se borne, sans exclure aucun parti, ni vouloir faire des proselytes, à entretenir ou à conseiller la paix en Dieu entre les gens de bien, pourvu qu'ils s'accordent sur les bases principales de la religion; mais il n'entend point par cette paix, comme Mme. Guyon, un quiétisme purement passif : il admet une coopération de l'ame avec Dieu, dont la grâce néanmoins agit sur l'homme par sa seule vertu, sans pour cela qu'elle soit compatible avec l'état de péché. Cependant, quelque attaché que fût l'auteur à cette partic morale de la théologie mystique, qui fait selon lui la force et la substance de la religion, il ne laissait pas de s'occuper de la connaissance de ce spiritualisme élevé que lui offrait le théosophe allemand dont Niceron attribue à Poiret une analyse sous ce titre Idea theologiæ Christiane juxtà Principia Jacobi Bohemi, philosophi Teutonici, brevis et methodica, Amsterdam, 1687, in-8°. Mais c'est, selon Poiret même, un aperçu analytique bien insuffisant pour donner l'idée des Trois Prin cipes de Jacob Böhme, dont deux concernent les choses du monde intérieur et invisible; et le troisième, leur représentation, figurée par le monde extérieur et visible: d'où résultent les sept formes de la nature spirituelle et corporelle, à l'aide desquelles les mystères de l'action et de

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l'opération divine se manifestent et sont expliqués. Poiret convient qu'il n'est guère possible humainement de comprendre les ouvrages de ce philosophe; et il conscille de chercher seulement ce qui se trouve d'intelligible dans quelques-uns de ses écrits, tels que la Voie pour aller à Christ, et la dernière partie du Mysterium magnum, qui est une explication allégorique de la Genèse. On voit parlà que Poiret n'avait pu explorer qu'en imagination les régions obscures de la théologie spéculative, et qu'il était plus disposé, par sentiment, à ce spiritualisme mystique et intérieur qui plaît tant aux ames pieuses et sensibles. III. En effet, le même esprit qui l'unissait de cœur, suivant son expression, avec tous les bons chrétiens des diverses communions, et surtout avec la personne dont le zèle de dévotion semblait animer le sien, lui fit publier successivement les OEuvres d'Antoinette Bourignon, Amsterdam, 1679 et suiv., 19 vol. in-8°., avec une Vie en tête et un Mémoire apologétique. Une vive critique, dirigée contre cette vie et ces écrits, par Seckendorf, dans les Acta eruditorum de Leipzig, en 1686, fut suivie d'une nouvelle défense de Poiret: celle-ci lui attira une violente réplique, qu'alors il laissa sans réponse. IV. Plus tard, denouveaux adversaires s'étant joints au premier, il crut devoir pu blier, pour les ames paisibles (ce sont ses termes), un Recueil de plusieurs traités, entre autres la Théologie réelle ou germanique, Amst., 1700, in-12, imprimée déjà séparément en 1676, traduite par lui d'un ancien ouvrage allemand, que Luther avait mis au jour comme l'excellente production d'un de ses amis, chevalier de l'ordre Teutonique à Francfort,

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et que Sébastien Castalion avait donnée en latin et en français. C'est en tête de ces traités que, dans une longue Préface divisée en plusieurs sections, non-seulement Poiret s'attache à défendre (sect. 1 et 2) les principes de sa théologie mystique, et fait connaître les traités qu'il propose à l'appui; mais il cherche aussi à justifier (sections 3 et 4) contre Leclerc, Juricu, et même Bayle, la mémoire et les écrits de Mlle. Bourignon, de l'imputation des griefs renouvelés par eux, d'après Seckendorf. A la même époque, il combattait ailleurs et les idées innées de Descartes et les idées acquises de Locke, que son mysticisme ne pouvait concilier avec les idées infuses ou d'inspiration, produites par l'union divine, dans l'ame humaine, suivant les dispositions et les conditions de spiritualité dont il parle dans la deuxième section de sa Préface. Mais la pièce la plus importante, qui termine le Recueil, est une Lettre (de 140 pag.) sur les principes et les caractères des principaux auteurs mystiques et spirituels des derniers siècles, au nombre de 130, suivie d'un catalogue de ces mêmes écrivains, au nombre d'environ 370; traduite, depuis, en latin, ainsi que la seconde section déjà citée, avec des augmentations de l'auteur même, Amsterdam, 1702, in-12. Gette Lettre est d'autant plus curieuse, qu'elle indique les circonstances historiques de la vie des personnages, le génie particulier et respectif des écrivains, les éditions, et le contenu ou la substance de leurs ouvrages les plus remarquables. Mais, suivant, en général, l'ordre des temps, dans la série des auteurs mystiques, lesquels ne différeraient entre eux que par le mode et non au

quées en substance aux bonnes ames qui cherchent, dit-il, l'union avec Dieu, par la participation intime à l'esprit de Jésus-Christ. Sa Traduction, qui, en général, ne répond qu'imparfaitement, par le style, au spiritualisme de l'auteur français retiré dans une contrée étrangère, a néanmoins fait oublier la version anonyme, en trois livres, bien antérieure il est vrai, mais faite d'après l'édition en latin élégant de Castalion, et peut-être par l'éditeur même. Cette version, à laquelle est jointe une Préface considérable, qui, comme elle, ne manque pas d'onction, paraît n'avoir eu qu'une seule édition, tandis que la Traduction de Poiret, dont la Préface n'est autre que la précédente, rajeunie, comptait au moins sa sixième édition, à Bâle, en 1733. G-CE.

fond, elle comprend et semble ranger sur la même ligne les écrivains com. me les ouvrages des différentes communions: la Théologie germanique et l'Imitation de Jésus-Christ; Sainte Thérèse et Mlle. Bourignon; Jeanne Leade ( ce nom), et Mme. Guyon, dont Poiret a publié les Lettres, les Opuscules spirituels, les Poésies etc., et la Vie, écrite par elle-même, en 3 vol.in-12, avec une longue préface, suivant la coutume de l'éditeur. V. Enfin le nouveau traducteur de la Theologie germanique, ouvrage qu'il qualifie de livre très - exquis pour la pureté des principes du christianisme, ne pouvait manquer également de traduire celui de l'Imi tation de Jésus-Christ, qu'il annonçait dès-lors, et qu'il signale, dans sa Lettre, comme l'un des plus utiles pour rappeler l'homme à lui-même, et lui faire pratiquer, par la voie du POIREY (FRANÇOIS), jésuite, né cœur, les maximes évangéliques. En à Vesoul, en 1584, embrassa la rèpubliant les quatre livres de l'Imigle de Saint-Ignace, à l'âge de dixtation de Jésus-Christ, qu'il désigne aussi sous le nom de Kempis commun, il annonce qu'afin d'en rendre la lecture commune à toutes sortes de Chrétiens, il a paraphrasé, en divers endroits le quatrième livre, selon le sens spirituel et intérieur, et qu'il a, par le même motif, dans les autres livres, prêté à quelques mots un sens plus général, d'après une ancienne traduction d'un gothique français. (Voyez, à ce sujet, la Dissertation de M. Barbier sur les traductions françaises de l'Imitation, Paris, Lefèvre, 1812, in12.) Poiret avoue, au surplus, dans l'avis en tête de sa paraphrase, que le quatrième livre, qui, ci-devant, n'avait pas été joint aux traductions publiées pour les Protestants, contenait des choses trop édifiantes pour ne pas devoir être communi

sept ans, et fut destiné par ses supérieurs à la carrière de l'enseignement. Après avoir professé les humanités, la rhétorique, la philosophie, la théologie et l'Ecriture sainte, il fut mis à la tête de la maison professe de Nanci, nommé recteur du collége de Lyon, et enfin de Dole, où il mourut, le 25 novembre 1637. C'était un homme pieux et instruit. On a de lui : I. Ignis holocausti, sive affectus ex divinis litteris quibus animus sacerdotis ad piè celebrandum disponitur, Pont-à-Mousson, 1629, in-16; réimprimé à Cologne, à Lyon, etc. II. Le Moyen de se disposer à la mort, in-16. III. Le bon Pasteur, in-12. IV. La triple couronne de la vierge Marie, Paris, 1630, in-4°.; réimprimé en 1633, même format, ibid., 1643, in-fol. Cet ouvrage eut beaucoup de succès:

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