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intitulés de ces éditions portent six livres; mais cela vient de ce que le traducteur a partagé le premier en deux. Si l'on remarque des inexactitudes dans sa version, il faut les attribuer à la précipitation avec laquelle il travaillait, et surtout à l'incorrection des manuscrits grecs qu'il avait sous les yeux. Alphonse d'Aragon, auquel la traduction de la Cyropédie avait été dédiée, accueillit mal cet hommage; Poggio s'en plaignit avec l'amertume qui lui était trop ordinaire. La violence de son caractère éclata davantage encore dans les démêlés qu'il eut, vers ces même temps, avec quelques littérateurs italiens, et principalement avec George de Trébizonde, son confrère à la chancellerie romaine. Ce savant grec, fatigué des sarcasmes du Florentin, y répondit un jour par des soufflets: une lutte sans armes s'engagea entre les deux secrétaires apostoliques, et amena un duel, qui n'eut toutefois de suites fâcheuses ni pour l'un ni pour l'autre. C'étaient deux des plus érudits personnages du siècle, qui descen. daient dans cette ignoble arène. Le jubilé de 1450 attira dans Rome un si grand concours de pélerins, que la peste, alors éparse en Italie, se concentra dans cette ville. Poggio, pour échapper à ce fléau, courut à Terra-Nuova, où, tandis qu'on mourait à Rome, il composa ses Facéties, recueil fameux de quelques saillies spirituelles, de bien plus d'obscénités grossières et d'un grand nombre d'anecdotes curieuses sur les personnages les plus distingués de cet âge. On y remarque certains contes qui se retrouvent dans nos anciens fabliaux

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français, et qui depuis ont été reproduits par La Fontaine. Le Pogge, avait, depuis trois ans, mis au jour cette compilation plus scandaleuse qu'élégante; et il venait de produire un bien meilleur ouvrage, fruit de ses entretiens de table avec plusieurs savants, et intitulé en conséquence: Historia disceptativa convivalis, quand la république de Florence l'appela à la charge de chancelier, vacante par la mort de Carlo Aretino. Pour bien connaître cette époque, il importe de considérer l'auteur des Facéties sortant de la cour de Rome pour occuper une grave magistrature au sein d'une cité puissante. Il est vrai que les Médicis, auxquels le Pogge avait été constamment dévoué, contribuèrent à l'élever à cette dignite. Il en prit possession vers le milieu de l'année 1453; et, bientôt après, ses concitoyens le placèrent au nombre des prieurs des arts(Priori degli arti), qui avaient pour office de veiller au maintien des bonnes mœurs, du bon ordre et de la liberté publique. Tant d'honneurs n'adoucirent point son caractère irascible: on le vit outrager Laurent Valla, et se rengager dans la carrière des invectives et des calomnies. Ce fut le satirique Philelphe, qui, réconcilié depuis peu de temps avec le Pogge, parvint enfin à le rappeler, lui et Laurent Valla, à la modération et à la décence. Dans les loisirs que lui laissaient ses fonetions et ses querelles, le chancelier de Florence composa un dialogue intitulé: De Miseria humana conditionis, et une traduction de l'Ane de Lucien. Enfin usant des documents précieux qui étaient entre ses mains, il écrivit en latin une histoire de Florence. Il se proposait de retoucher cet ouvrage, lorsqu'il mourut le 30 octobre 1459, âgé de soixante-dix

neuf ans. Son corps fut inhumé avec pompe dans l'église de Sainte-Croix, qu'enrichissent beaucoup d'autres tombeaux illustres. Ses enfants obtinrent la permission de suspendre dans une salle publique son portrait peint par Pollaiuolo; et peu de temps après, les Florentins lui élevèrent une statue, qui, depuis les changements faits à la façade de Santa Maria del Fiore, y fait partie d'un groupe des douze apôtres. Le Pogge avait démêlé de bonne heure les vices de ses contemporains; et, dans le cours de ses travaux littéraires, il s'était plu à les signaler. On le drait prenpour un homme sage et vertueux, à l'indignation qu'excitent en lui les fureurs du fanatisme, la fierté des nobles, la fainéantise et le libertinage des moines: mais il a trop de franchise pour dissimuler ses propres défauts; lui-même, il nous apprend, dans ses lettres, les désordres de sa vie privée il nous révèle, par son livre de Facéties, la licence de ses idées et de ses mœurs; par ses Sati

res, la violence de son caractère. Peu d'hommes de lettres ont fait plus de dédicaces; et cependant aucun peutêtre n'a conservé plus de liberté ou de dignité même auprès des grands, plus d'indépendance au milieu des cours. Sa conduite dans celle de Rome aurait pu être plus décente; du moins elle n'a pas été hypocrite: s'il outragea souvent des hommes qui avaient droit à ses hommages, il ne se déclara jamais l'admirateur de ceux qu'il n'estimait pas. On lui pardonna le libertinage de son esprit en faveur de sa franchise; et d'ailleurs il possédait, en ce siècle avide d'instruction, un moyen sûr d'obtenir de la vogue, et même de l'estime : c'était sa vaste érudition, l'étendue et la diversité de ses connaissances. Il avait étudié

avec fruit la plupart des chefs-d'oeuvre de la Grèce et de Rome : il en avait exhumé quelques-uns, des tombeaux où les avait jetés et délaissés l'ignorance. Ils lui devaient leur résurrection, et le bonheur de rentrer en possession de leur gloire antique. Les efforts que lui commandaient ces recherches, épuraient son goût, et imprimaient quelquefois à sa latinité une couleur classique; il puisait à leur source les secrets de l'art d'écrire. Voilà sans doute pourquoi ses Oraisons funèbres sont presque toujours débarrassées de lieux communs, et pourquoi ses Lettres sont écrites avec abandon, quoique sans négligence: on l'a souvent compté parmi les meilleurs épistolaires de son siècle. Il ne mérite assurément pas la même distinction, comme historien: ses Annales de Florence sont aussi partiales qu'incomplètes : on s'en aperçut bientôt ; et Sannazar prétendit les caractériser deux par vers assez médiocres, mais si fréquemment cités, que nous n'osons pas les omettre:

Dùm patriam laudat, damnat dùm Poggius hostem, Nec malus est civis, nec bonus historicus.

par

Quoi qu'il en soit, le Pogge est l'un des écrivains du quinzième siècle, qui ont le plus contribué à la renaissance des études classiques, soit par le succès de ses recherches, soit ses propres ouvrages, dont la première édition parut à Strasbourg, en 1510, par les soins d'un Thomas Aucuparius, qui prend la qualité de Poëta laureatus; elle ne contient ni les Traductions d'auteurs grecs, ni l'Histoire de Florence, ni le Traité de varietate fortunæ, ni le Dialogue sur l'hypocrisie; articles qui manquent aussi dans les éditions in-4°., publiées à Paris, en 1511 et 1513, aussi bien dans celle que

que

Henri Bebel donna à Bâle, en 1538, in-fol. L'Histoire de Florence, traduite en italien par l'un des fils du Pogge, parut in-fol., à Venise, dès 1476; puis à Florence, en 1492; et in-4°., à Florence encore, en 1598; cette dernière édition fut revue et corrigée par Fr. Serdonati: l'original latin n'a été publié qu'en 1715, in-4°., par les soins de Recanati. Les quatre livres sur l'inconstance de la fortune, ont été imprimés, pour la première fois, chez Coustelier, à Paris, en 1723, in-4°., d'après un manuscrit de la bibliothèque Ottoboni, avec 57 Lettres jusqu'alors inédites (Voy. GIORGI, tom. XVII, p. 412). En réunissant ce volume à celui qui contient le texte latin de l'Histoire de Florence, à un Dialogue sur l'hypocrisie, imprimé à Lyon, en 1679, in-16 (4), et au recueil des autres ouvrages, édition de 1538, on a toutes les OEuvres du Pogge, du moins tout ce qui en a été publié. Les Facétics ont eu beaucoup d'éditions particulières, dont les deux plus anciennes ne sont point datées, mais semblent être, l'une et l'autre, de 1470: elles sont in-4°., comme celle de Ferrare, 1471; de Nuremberg, 1475; de Milan, 1477; et de Paris, vers le même temps. On a publié des traductions françaises de ce recueil, à la fin dn quinzième siè cle, puis en 1549, en 1712, etc. Sallengre a inséré, dans le tome premier de son Novus thesaurus Antiq. Romanarum, un petit traité du Pogge sur les ruines de l'ancienne Rome. On n'a guère songé à écrire la vie de Poggio, qu'au commencement du dix-huitième siècle : le premier essai fut un opuscule latin, composé par

(4) Ce Dialogue avait d'abord paru dans l'Appendix du Fasciculus rerum expetendarum et fugiendarum, Cologue, 1535, in-fol.

Thorschmid, et publié en 1713, à Wittemberg deux ans après, Recanati fit paraître, à Venise, un livre plus étendu sur le même sujet, et rédigé aussi en langue latine. Sallengre, en 1717, consacra au Pogge trois articles de ses Mémoires de littérature, en profitant du travail de Recanati, et en y ajoutant des observations fort exactes. Le recueil intitulé Poggiana parut en 1720: un abrégé de la Vie de l'auteur florentin y était suivi de quelques extraits de ses écrits. Cette compilation, dont l'auteur est Jacques Lenfant (Voyez ce nom), fut critiquée par Recanati (Osservationi critiche, à Venise 1721, in-8°. ), et par La Monnoie: Recanati Ꭹ releva cent vingt-neuf méprises, dont quelques-unes étaient fort grossières. Le tome 1x des Mé

moires de Niceron contient une notice assez exacte sur le Pogge; mais on lit avec encore plus de fruit et d'intérêt l'article qui le concerne, dans l'Histoire littéraire d'Italie, de Ginguené (tom. II, p. 303-326). Un travail beaucoup plus considérable est dû à M. Shepherd: Life of Poggio, Londres, 1802, in-8°.; cet ouvrage a été, en 1819, élégamment traduit en français, par M. de l'A...n, qui y a joint des notes fort instructives. D-N-U.

POGGIO BRACCIOLINI ( GIACOMo), l'un des cinq fils que Poggio eut de son mariage avec Vaggia, cultiva les lettres avec quelque succès. Il débuta par une version italienne de l'Histoire de Florence, que son père laissait imparfaite. Ses autres écrits sont des Traductions italiennes de la Cyropédie de Xénophon; des Vies d'Adrien, par Spartien; d'Antonin le Pieux et de Marc-Aurèle, par Jules Capitolin; d'Alexandre Sévère, par Lampride; un Commentaire sur le

Trionfo della fama, poème de Pétrarque; un Traité sur l'origine de la guerre entre les Anglais et les Français; et en latin, une Vie de Philippe Scholarius, dit Pippo Spano. Giacomo Poggio, qu'Ange Politien accuse de vanité et d'intrigues, remplissait les fonctions de secrétaire du cardinal Riario, lorsqu'en 1478, il fut pendu à une fenêtre du palais de Florence, comme ayant trempé dans la conjuration des Pazzi.

:

D-N-U.

POGGIO (GIAN-FRANCESCO), autre fils du Pogge et de Vaggia, fut chanoine de Florence, et secrétaire de Léon X il passait pour savant en droit canon; à ce titre, il composa, selon la doctrine et les intérêts de la cour de Rome, un Traité sur les pouvoirs du pape et du concile. Son épitaphe, placée dans l'église de Saint-Grégoire, annonce qu'il mourut le 25 juin 1522, à l'âge de soixante-dix-neuf ans. On cite en core trois fils du Pogge, Jean-Baptiste, docteur en droit, chanoine de Florence, et auteur des Vies de Nicolas Piccinini et du cardinal Capranica, écrites en italien; PierrePaul, qui mourut à Rome, à vingtsix ans, prieur de Sainte-Marie sur la Minerve; et Philippe, qui, après avoir été un an chanoine de Florence, quitta l'état ecclésiastique pour se D-N-U. ...POILLY (FRANÇOIS DE ), graveur, né en 1622, était fils d'un orfèvre d'Abbeville. Son père, qui lui avait donné les premières leçons de dessin, ayant remarqué ses dispositions, l'envoya étudier à Paris, sous la direction de Pierre Duret. Ses rapides progrès, l'envie de les accroître encore par l'étude des chefsd'œuvre de l'antiquité, lui ayant inspiré le desir de faire le voyage d'Ita

marier.

lie, il se rendit à Rome, où il passa sept années. Quoiqu'il fit sa principale occupation, dans cette ville, de copier les statues et les tableaux qui sont l'objet de l'admiration de tous les amateurs des arts, il ne perdit pas de vue la gravure; et il y publia un assez grand nombre d'estampes, entre autres le Saint-Charles Borromée, d'après Mignard. De retour à Paris, en 1656, il y vit ses ouvrages recherchés. La pureté du dessin, le brillant du burin, caractérisent ses productions. Peutêtre cût-il été à desirer qu'il mît plus de variété dans ses travaux. Ses hachures, généralement du même grain et de la même largeur, donnent à ses estampes un ton monotone, qui, cependant, se trouve en quelque sorte compensé par la pureté des formes et la suavité de l'exécution. Parmi le grand nombre d'estampes de ce graveur, qui monte à plus de 400, nous citerons une Sainte-Famille, une Vierge levant un voile, pour laisser voir à saint Jean l'Enfant-Jésus qui dort, toutes deux d'après Raphael; la Nativité, d'après le Guide; une Fuite en Egyp te, d'après le même; le Mariage de sainte Catherine, d'après Mignard; une Sainte-Famille, d'après le Poussin; deux autres mêmes sujets, d'après Bourdon; un grand Christ; un Saint Jean dans l'île de Pathmos d'après Le Brun; la Dispute de Minerve et de Neptune, sur la question de savoir qui donnerait son nom à la ville d'Athènes, d'après le même. Il a aussi gravé plusieurs portraits, tels que ceux de Louis XIV, de Lamoignon, de Bignon, de Mazarin, de MONSIEUR, frère de Louis XIV, etc. Le roi l'avait nommé, en 1664, son graveur ordinaire. Cet artiste mourut en 1693.

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POILLY (NICOLAS DE ), graveur, frère et élève du précédent, naquit à Abbeville, en 1626, et mourut à Paris, en 1696. S'il n'a pas tout-à-fait égalé François, il a joui cependant de quelque réputation. Son genre était celui du portrait; il a aussi gravé plusieurs sujets d'histoire, tels que, Saint Augustin, d'après Champagne; une Sainte-Famille, d'après Le Brun, où la Vierge tient sur ses genoux l'Enfant-Jésus, qui dort: cette estampe, connue sous le titre du Silence, est d'un burin trèsgracieux. Ce maître laissa deux fils, aussi graveurs.-L'aîné, Jean-Baptis. te PoILLY, a surpassé son père; son style est de bon goût, son faire moelleux, et son dessin correct. Il fit le voyage de Rome. On a de lui une Susanne, d'après Antoine Coypel; le Veau d'or; la Verge de Moise dévorant celle des magiciens de Pharaon, d'après Poussin. L'ouvrage qui lui fait le plus d'honneur, est la Galerie de Saint-Cloud, d'après Mignard. Il était membre de l'académie de peinture, et mourut à Paris, en 1728. François DE POILLY, son frère, fit le voyage de Rome avec lui. Il grava dans cette ville la Sainte Cécile d'après le Dominiquin. Depuis son retour à Paris, où il est mort, en 1723, il n'a rien produit d'important. Le fils de ce dernier, aussi graveur, est peu connu. P-E. POÏNSINET ( ANTOINE-ALEXANDRE-HENRI ), auteur dramatique, né à Fontainebleau, le 17 novembre 1735,d'une famille attachée depuis long-temps à la maison d'Orléans, aurait pu suivre l'exemple de son père, qui était notaire, si la manie des vers ne l'eût pas éloigné de tout ce qui pouvait lui procurer des moyens d'avancement. Il ne s'était pas donne la peine de cultiver son

esprit par de bonnes études : la carrière du théâtre le séduisit; et il s'y lança sans expérience et sans guide, à l'âge de dix-sept ans. Il débuta, comme auteur, en 1753, par une mauvaise parodie de l'opéra de Tithon et l'Aurore. Depuis lors, il ne cessa de se faire jouer sur tous les théâtres de Paris. En 1757, on représenta une comédie de lui, l'Impatient, qui n'eut point de succès. En 1760, les comédiens Italiens donnèrent sa parodie des Philosophes de Palissot, sous le titre du Petit philosophe : elle est écrite en vers libres; on croyait, dans le temps, que Fréron y avait mis la main. Les mêmes comédiens jouèrent, en 1762, SanchoPanca dans son tle, dont les paroles étaient de Poinsinet, et la musique de Philidor; puis, en janvier 1764, le Sorcier, pour lequel il s'était associé au même compositeur : ce dernier seul, dit Grimm, fit la fortune de la pièce. Au mois de juillet de cette année, parut sur la scène française, le Cercle ou la Soirée à la mode, comédie à tiroirs, en un acte, qui offre un tableau assez vrai du désœuvrement, de l'ennui, de la frivolité des gens du monde, et de la plupart des sociétés de Paris. On disait que, pour composer cette pièce, l'auteur avait écouté aux portes. Le Cercle, grâce à plusieurs jolies scè nes, à des détails piquants, fut trèsapplaudi, et généralement goûté; cette comédie se soutient encore de nos jours, quoiqu'il n'y ait plus rien daus nos meurs qui ressemble aux modèles qui y étaient reproduits. Du reste, on sait que Palissot revendiquait le mérite de l'invention et qu'il accusait Poinsinet d'un plagiat déhonté. Celui-ci livra encore aux comédiens Italiens, en 1765, TomJones, opéra-comique qui ne réussit

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