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écrit, l'un de s'amuser par une méthode qui ne change rien, l'autre de s'en dégoûter

bientôt.

J'ai cru, Madame , que vous deviez employer utilement les premiers momens de la journée, où vous ne cessez de dormir que pour commencer à rêver. Il est important de yous nourrir alors d'un pain plus solide que ne sont des pensées qui n'ont point de but, et dont les plus innocentes sont celles qui ne sont qu'inutiles. Et je croirais que vous ne pourriez mieux employer un temps si tr. n juille, qu'à vous demander compte vous-même d'une vie déjà fort longue, mais dont il ne vous reste rien, qu'une réputation dont vous comprenez mieux que personne la vanité.

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Jusqu'ici les nuages dont vous avez essayé de couvrir la religion, vous ont cachée à vous-même. Il est temps de laisser chaque

chose à sa place, et de vous mettre à la vôtre. La vérité vous jugera; et vous n'êtes au monde que pour la suivre, et non pour la juger. En vain l'on se défend, en vain l'on dissimule; le voile se déchire à mesure

que

la vie et ses cupidités s'évanouissent; et l'on est convaincu qu'il en faudrait mener une toute nouvelle, quand il n'est plus permis de vivre. Il faut donc commencer par le désir sincère de se voir soi-même, comme on est vu par son Juge. Cette vue est accablante, même pour les personnes les plus déclarées contre le déguisement. On sent qu'on a vécu jusque là dans l'illusion et le mensonge; qu'on s'est nourri de viandes en peinture; qu'on n'a pris de la vertu que l'ajustement et la parure, et qu'on en a négligé le fond, parce que ce fond est de tout rapporter à Dieu et au salut. On prend alors le bon parti; on comprend qu'on a abusé de

tout, parce qu'on s'est établi la fin de ses soins, de ses réflexions, de ses vertus. On gémit en voyant une si prodigieuse inutilité dans toute sa vie, où les affaires même les plus importantes ont dégénéré en néant, parce qu'elles n'ont point eu de fin éternelle, et qu'il n'y a qu'une fin éternelle qui soit sérieuse. On est effrayé de ce nombre presqu'infini de fautes qu'on n'a jamais senties. Enfin on s'abîme dans une salutaire confusion, en repassant dans l'amertume de son cœur tant d'années dont on ne peut soutenir la vue, et dont cependant on ne s'est point encore sincèrement repenti, parcequ'on est encore assez injuste pour excuser sa faiblesse et pour aimer ce qui en a été la

cause.

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Il est impossible de découvrir tant de choses d'un seul coup-d'œil. Il faut d'ailleurs

plus de temps pour les sentir, qu'il n'en

faut

pour les voir; et quand on aurait assez d'activité pour faire l'un et l'autre en pou de temps, il est juste d'en donner beaucoup aux réflexions sur les suites qu'une telle vie a dû nécessairement avoir. L'ennui du cœur, si contraire à la piété, vient de là. Il traîne à terre, parce qu'il a perdu ses appuis. Il sent son poids et sa langueur, sans désirer d'en sortir; et il aime mieux n'aimer rien, que de commencer à aimer Dieu. Comme il ne connaît que les biens dont il a joui, il ne veut que ce qui leur ressemble. Toute autre chose n'a point de prise à son égard il ne peut s'y attacher sans effort; et tout effort lui est plus pénible que l'ennui qui le dévore. En un mot, il aime mieux se passer de tout, que d'avoir quelque chose avec peine. Il est tombé dans cet excès de mollesse et de dégoût, par la mollesse même des plaisirs. Il ne peut se quitter un moment

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ni s'élever vers quelque bien d'un autre ordre que ses anciennes habitudes, sans sentir

qu'il en est las et qu'il se trouve dans une situation violente.

Il est juste cependant que la vertu coûte quelque chose; car elle serait indigne des récompenses promises, si elle n'était aimée qu'à cause du plaisir. Et il est infiniment plus juste encore, qu'une personne accoutumée aux douceurs des biens qui l'ont corrompue, en fasse pénitence par la soustraction des douceurs même les plus légitimes. C'est donc une plaie bien profonde, et dont on ne peut assez gémir, que d'être réduit par sa faute à ne pouvoir rien porter de dur sans se lasser, et à ne pouvoir se lasser sans s'arrêter aussitôt.

Il faut montrer à Jésus-Christ tout cela, et les principes du mal, et les suites. Lui seul est notre santé, et notre justice. En

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