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vain nous employerions tous nos efforts: l'orgueil est capable d'en faire de grands; mais il augmente le mal. Il faut s'abattre. aux pieds du Sauveur; il faut lui confesser son impuissance et sa misère. Il est venu pour relever les humbles et pour guérir les malades; mais il demande de la foi. Si la vôtre est trop imparfaite, suppliez-le de vous en accorder une plus grande; car c'est lui qui donne tout. Sa sagesse a fait dépendre la sainteté de l'humilité, l'humilité de la prière, et la prière de la foi. Mais sa miséricorde donne les premières dispositions, dont les autres sont la récompense; et l'on commence à obtenir tout, quand on est bien convaincu qu'on n'a rien et qu'on est indigne de tout. Il faut sentir que toutes les autres ressources nous manquent, pour s'adresser à Jésus-Christ avec fruit.

Il est temps alors de lui découvrir tout ce

que l'on trouve en soi; irrésolution, dureté de cœur, découragement, dégoût de la vertu, incertitude par rapport à l'avenir, indifférence pour les biens promis, témérité à l'égard des maux dont il nous menace. C'est alors qu'il faut lui dire ce que l'on dirait à une personne de confiance; qu'il faut s'affliger de l'aimer si peu, d'être si digne de ne point le sentir, et d'être exposé à de si terribles. dangers en ne le sentant pas.

à nous,

Il est temps alors de le conjurer de venir afin que nous allions sincèrement à lui; de rompre lui-même les liens que nous nous sommes faits et dont nous ne gémissons point assez pour devenir libres; de n'avoir aucun égard à notre indifférence et à notre peu de soif de la justice, pour nous rendre justes; d'aller par sa bonté plus loin que nos faibles désirs, et de nous donner ce que nous craignons peut-être de recevoir.

Quand on est peu touché, c'est de son insensibilité même qu'il faut l'entretenir; et quand on sent un peu d'amour, c'est à l'amour à lui rendre grâce.

Mais si les pensées et les sentimens paraissent éteints par la langueur, et qu'on soit si stérile, qu'on ne puisse même considérer à quel point on l'est devenu, il est bon au moins de se convaincre qu'on a perdu jusqu'au sentiment par rapport à la vertu, et que tout peut faire impression sur nous, excepté les seules choses qui auraient droit d'en faire. Il ne faut pas cependant demeurer longtems dans cette humiliation stupide; il faut se ranimer par quelques lectures, et surtout par celle des psaumes qui nous auront paru les plus touchans.

Voilà, Madame, un grand discours. J'aurais peut-être mieux fait de l'abréger; et je ne sais si vous n'auriez point mieux aimé des

prières toutes dressées. Mais j'ai déjà eu l'honneur de vous dire que les choses ne vous seront utiles, qu'autant que vous y aurez de part; et qu'on ne peut vous ôter toute la peine, qu'en vous mettant en danger d'en perdre tout le fruit. Il ne me reste plus qu'à vous demander pardon des expressions qui vous paraitront ou dures ou injustes. J'ai supposé que c'était vous qui vous parliez à vous-même; et j'ai cru que Vous auriez moins de ménagement pour vous, que je n'en dois avoir. Vous êtes d'ailleurs maîtresse de cet écrit ; et vous pouvez le condamner tout entier, pour les endroits qui vous déplairont. Il me suffit, Madame, de vous avoir montré ma sincérité.

LETTRE II.e

Vous avez voulu être tout d'un coup une personne parfaite, sans devenir enfant. Vous avez prétendu élever un grand édifice, et bien vîte, sans lui préparer de fondemens. Vous avez préféré le corps, et s'il m'est permis de le dire, la parure et l'éclat de la piété, à ce qui en est l'âme et l'esprit. Vous avez presque abandonné tout le soin de votre perfectionnement à deux choses qui y sont absolument contraires, à l'orgueil et au désir d'être contente. Vous avez suivi leurs conseils sans le savoir; et avec de tels guides, vous n'avez pu que vous lasser inutilement et qu'augmenter vos véritables maux par de faux remèdes. Il est question maintenant que Dieu vous ouvre les yeux

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