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Jean-Baptiste, Louvet

de la Convention, du conseil des cury cents.

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en 1797.

philantropie, que le sentiment de l'humanité fasse gémir Roland et tous les bons citoyens sur ces malheurs inséparables d'une grande révolution ; mais comment se fait-il que ce ministre, qui ne peut ignorer les circonstances qui ont amené les événemens dont il vous a entretenus, oublie les principes et les vérités qu'un autre ministre (1) vous a développés sur ces mêmes événemens! - Danton demandait que l'Assemblée prît un jour pour discuter particulièrement lle rapport du ministre.

La Convention décréta l'impression de ce rapport; mais, conformément au vou de Robespierre, elle en ajourna l'envoi aux départemens, et accorda la parole à Louvet.

ACCUSATION intentée devant la Convention nationale contre Maximilien Robespierre par Jean-Baptiste Louvet. (Séance du 29 octobre 1792.)

« Une grande conjuration publique avait un instant menacé de peser sur toute la France, et avait trop longtemps pesé sur Paris : vous arrivâtes; nous crûmes que votre présence mettrait un terme aux fureurs des ambitieux, et intimiderait les conspirateurs nous nous étions trompés; l'état où nous sommes annonce que les complots n'ont été qu'un instant interrompus.

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Quand vous arrivâtes l'autorité nationale, représentée par l'Assemblée législative, était méconnue, avilie, foulée aux pieds: aujourd'hui l'on s'attache de même à décrier cette Assemblée; on emploie de semblables moyens pour l'ávilir; sur les places publiques, au palais de la Révolution, et ailleurs, vous m'entendez, que dis-je! jusque sur la terrasse des Feuillans, jusqu'aux portes de ce temple des lois on prêche l'insurrection contre vous, contre les représentans du peuple en Convention! » Il est temps de savoir si cette faction turbulente est dans sept à huit membres de cette Assemblée, ou dans les sept cent trente autres qui la combattent; il faut que de cette lutte insolente vous sortiez vainqueurs ou avilis; il faut que Vous rendiez compte à la France des raisons qui vous font conserver dans votre sein cet homme sur lequel l'opinion publique se déve

(1) Voyez plus loin Garat sur les prisonniers élargis dans les jour nées de septembre,

loppe avec horreur; il faut, et je ne crains pas de le dire, ou nous délivrer de sa présence, ou, par un décret solennel insulter à la raison publique, et le proclamer innocent!

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» Il n'est pas moins pressant que vous preniez des mesures et contre cette commune désorganisatrice qui prolonge une autorité usurpée, et contre les agitateurs qui sèment le trouble par leurs discours et par leurs placards. En vain prodigueriezvous des mesures partielles si vous n'attaquez pas le mal dans le mal même, c'est à dire dans les hommes qui en sont les auteurs; et c'est ici que l'on sent combien est fausse la maxime que l'on a eu soin de jeter à l'avance dans cette discussion : on vous a dit qu'il faut s'occuper des choses, et non pas des personnes; mais dans une conjuration publique les hommes et les choses sont intimement liés, et je défie bien qu'on puisse dénoncer une conjuration sans dénoncer les conjurés! C'est aussi le moment de relever une absurdité politique bien maladroitement avancée ; c'est que dans une république il ne peut exister de factions, tandis qué l'expérience des siècles atteste que les factions sont les maladies presque périodiques des républiques. On vous a dit qu'il ne fallait pas accuser la ville de Paris... Un sentiment contraire m'anime : ceux-là ont calomnié le peuple de Paris qui lui ont attribué les horreurs commises par quelques personnes couvertes de son masque et de son nom : leur masque je l'arracherai; leur nom je le dirai; je vais rendre à chacun ce qui lui appartient.

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» Dans une de vos premières séances on vous dénonça des tentatives criminelles faites par quelques ambitieux pour changer le gouvernement; et si vous passâtes à l'ordre du jour ce ne fut pas que vous n'eussiez point un commencement de preuves, que l'accusation ne vous parût très grave, mais parce que vous voulûtes fermer les yeux sur un péril passé, et jeter un voile sur des complots avortés, que votre présence semblait devoir empêcher de renaître : moi-même je fus entraîné par ces flatteuses espérances; autrement on m'aurait mis en pièces plutôt que de me faire consentir à reléguer dans le portefeuille ces dénonciations toutes prêtes.

» Je vais donc aujourd'hui les révéler leurs complots! Je les prouverai non par des pièces, mais par des faits : les pièces sont au comité de surveillance; elles sont partout; Paris tout entier

sera mon témoin. Je dénoncerai les projets de subversion, d'anarchie, d'envahissement, de destruction de la représentation nationale que quelques hommes avaient conçus, et qu'ils osent nourrir encore! Je m'efforcerai d'être court: soutenez-moi de votre attention (quelques murmures; beaucoup d'applaudissemens); et vous, citoyen président, tâchez qu'on ne m'interrompe point, car dès que je toucherai le mal on criera... J'ai à dire des vérités que rien ne doit empêcher maintenant d'entendre, et qui déplairont mortellement à quelques uns.

» Encore une courte réflexion avant d'entrer en matière. Je pourrais d'abord m'étonner que Danton, que personne n'attaquait, se soit élancé à cette tribune pour déclarer qu'il est inattaquable; qu'il soit venu tout d'un coup et d'avance désavouer un collègue, comme si l'on ne s'en était pas servi pour quelque chose dans cette combinaison vaste d'un grand complot qui a -existé; et j'observe que si l'on a fait l'expérience du mauvais tempérament de cet homme on ne doit pas en être tout à fait quitte pour déclarer maintenant qu'on y renonce. On vous a rappelé les observations d'un ministre sur les événemens du ́ commencement de septembre je pense en effet qu'on y a trouvé un grand mérite; mais moi, qui considère depuis un an ces mouvemens du peuple de Paris, et ceux qui l'agitent, je ne me laisserai pas égarer par une éloquence trop subtile : cellé du nouveau ministre de la justice (Garat) l'a entraîné ; il a fait des rapprochemens plus ingénieux que solides; les faits vont le démontrer. Il faut soigneusement séparer la révolution du 10 août de celle du 2 septembre; je les comparerai : je vais même prendre les choses un peu plus haut... Robespierre, c'est de l'ensemble de vos actions et de votre conduite que sortira l'accusation!

>> Ce fut dès le mois de janvier dernier que, dans un lieu où se rassemblaient mille à quinze cents hommes, jugés les meilleurs ou les plus ardens patriotes de Paris; dans un lieu qu'à cause du respect qu'il lui faut porter pour d'immenses services antérieurement rendus à la patrie je vous prie de me dispenser de nommer... » (Une voix: Point de ces ménagemens indignes d'un républicain! Plusieurs autres : Oui, nommez nommez!)

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Danton. « Je prie Louvet de toucher le mal, et de mettre le doigt dans la blessure; cela est important.

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Louvet. « Oui, Danton, oui, je vais le toucher; mais ne criez donc pas d'avance! (On rit.)

» Ce fut au mois de janvier dernier qu'on dut remarquer aux Jacobins un parti, faible de nombre et de moyens, fort d'audace et de toute espèce d'immoralité; un parti qui s'était venu jeter au milieu de nous pour couvrir de notre nom glorieux son nom justement suspect; pour s'emparer du bien que nous avions fait, et se l'attribuer; pour propager dans notre local, plus commode que le sien, sa doctrine, qu'il dirait être la nôtre; pour pervertir notre institution à son profit et contre nousmêmes; pour inquiéter, fatiguer, écarter par tous les moyens de la plus vile tactique quiconque essaierait de ramener à sa pureté primitive cet établissement, aujourd'hui si méconnaissable qu'il ne lui reste en vérité que son titre, dont les usurpateurs abusent pour appeler et retenir au milieu d'eux quelques hommes de bien qu'ils trompent indignement. (Quelques murmures; agitation. Henri-Larivière s'écrie: Silence, les blessés! On rit.)

» Ce fut dès le mois de janvier qu'on vit succéder aux discussions profondes ou brillantes qui nous avaient honorés et servis dans l'Europe ces misérables débats qui auraient pu nous Ꭹ perdre; ce fut alors qu'à travers les inculpations infiniment justes dont une cour traîtresse méritait d'être poursuivie on eut soin de jeter indirectement contre l'excellent côté gauche de l'Assemblée législative les accusations les plus étranges, dont le germe devait se développer terrible quand le jour des calomnies directes serait arrivé : alors on vit quelques personnes, assurément privilégiées, vouloir parler, parler sans cesse, exclusivement parler, non pour éclairer les membres de l'agrégation, mais pour jeter entre eux des semences de divisions toujours renaissantes, mais surtout pour être entendues de quelques centaines de spectateurs dont il parut qu'on cherchait à conquérir les applaudissemens à quelque prix que ce fût : alors on vit qu'apparemment il était convenu que tour à tour les affidés se relayeraient pour présenter tel ou tel décret, tel ou tel individų

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