Page images
PDF
EPUB

Louis. « La Constitution me laissait la libre sanction, et dans ce temps-là j'ai demandé un camp plus près des frontières, à Soissons. >>

Le président. « Louis, avez-vous autre chose à ajouter? »

་་

Louis. « Je demande copie de l'acte d'accusation, et la communication des pièces, et qu'il me soit accordé un conseil pour suivre mon affaire. »

Le président. « Louis, on va vous présenter les pièces qui servent à votre accusation. »

(C'est Dufriche-Valazé qui énonce les pièces, et les présente successivement à Louis XVI.)

On présente à Louis un mémoire de Talon, apostillé, et l'ayant interpellé s'il reconnaît l'apostille de son écriture, répond ne pas la reconnaître.

Il déclare de même ne pas reconnaître un mémoire de Laporte qu'on lui présente.

On lui présente une lettre de son écriture. Il dit qu'il croit qu'elle est de son écriture, et qu'il se réserve de s'expliquer sur son contenu. On en fait lecture. Louis dit que ce n'est qu'un projet, qu'elle n'a pas été envoyée, et qu'elle n'a aucun rapport à la contre-révolution.

Une lettre de Laporte, qu'on lui dit datée de sa main à lui .Louis. Il dit ne reconnaître ni la lettre ni la date.

Deux autres du même, toutes deux apostillées de la main de Louis, 3 mars et 3 avril 1791. Il déclare ne point les reconnaître. Une autre du même. Louis fait même réponse.

Un projet de constitution signé Lafayette, suivi de neuf lignes de l'écriture de Louis. Il répond que si ces choses-là ont existé elles ont été effacées par la Constitution, et qu'il ne reconnaît ni la pièce ni son apostille.

Une lettre de Laporte du 19 avril, une autre du même du 16 avril après midi, une autre du même du 23 février 1791, toutes trois apostillées de la main de Louis. Il déclare ne point les reconnaître.

Une pièce sans signature, contenant un état de dépenses. Avant d'interpeller Louis sur cette pièce le président lui fait la question suivante :

« Avez-vous fait construire dans une des murailles du château des Tuileries une armoire fermée d'une porte de fer, et y avez-vous renfermé des papiers?

[ocr errors]

Louis. « Je n'en ai aucune connaissance, ni de la pièce sans signature. »

Une autre pièce de même nature, apostillée de la main de Louis, Talon et Sainte-Foix. Il déclare ne pas la reconnaître. Une troisième pièce de même nature. Il déclare ne pas la reconnaître davantage.

Un registre ou journal de la main de Louis, intitulé: pensions ou gratifications accordées sur la cassette.

Louis. « Je reconnais celui-ci ; ce sont des charités que j'ai faites.

[ocr errors]

Un état de la compagnie écossaise des gardes du corps. Louis reconnaît cette pièce, et déclare que c'est avant qu'il eût défendu de continuer leur traitement, et que ceux qui étaient absens ne le touchaient pas.

Un état de la compagnie de Noailles pour servir au paiement des traitemens conservés, signé Louis et Laporte. Louis déclare que c'est la même pièce que la précédente.

Un état de la compagnie de Grammont. Louis déclare que c'est la même chose que les précédens.

Un état de la compagnie de Luxembourg. Louis déclare que c'est le même que les trois autres.

Le président. « Où avez-vous déposé ces pièces que vous reconnaissez? »>

Louis. « Ces pièces devaient être chez mon trésorier. »>

Une piece concernant les cent-suisses; une pièce signée Nion, greffier; un mémoire signé Convay; une copie certifiée d'un original déposé au département de l'Ardèche le 14 juillet 1792; une copie certifiée d'un original déposé au même département; une lettre relative au camp de Jales; copie certifiée d'une pièce déposée au département de l'Ardèche; lettre sans adresse, relative au camp de Jalès; une copie conforme à l'original déposé au département de l'Ardèche; une copie conforme à l'original des pouvoirs donnés à Dusaillant ; une copie d'instructions et pouvoirs donnés à M. Convay par les frères du roi; autre copie d'original déposé; une lettre de Bouillé portant compte de 900,000 livres reçues de Louis; une liasse contenant cinq pièces trouvées dans le portefeuille de Septeuil, deux portant des bons signés Louis, et des reçus de Bonnières, et les autres étant des billets; une liasse de huit

pièces, mandats signés Louis au profit de Rochefort; un billet de Laporte sans signature; une liasse contenant deux pièces relatives à un don fait à madame Polignac, à M. Lavauguyon. Louis déclare n'avoir aucune connaissance de ces pièces.

Un billet signé des frères du roi. Louis déclare ne pas le reconnaître, ni l'écriture ni les signatures.

Une lettre de Toulongeon aux frères du roi; une liasse relative à Choiseul-Gouffier et à ses agences. Louis déclare n'en avoir aucune connaissance.

Une lettre de Louis à l'évêque de Clermont. Il déclare ne pas la reconnaître, ni la signature, ni l'écriture, et que bien des gens avaient des cachets aux armes de France.

Une copie signée Desniés; un bordereau de paiement de la garde du roi, signé Desniés, cre; une liasse contenant les sommes payées à Gilles pour une compagnie de soixante hommes; une pièce relative aux pensions; une lettre de Dufresne SaintLéon ; un imprimé contre les jacobins. Louis déclare ne reconnaître aucune de ces pièces. (Extrait du procès verbal.)

Le président. « Louis, la Convention nationale vous permet de vous retirer. »

Louis se retire dans la salle des conférences. Sur la motion de Kersaint la Convention décrète immédiatement «< que le commandant général de la garde nationale parisienne reconduira sur le champ Louis Capet au Temple.

[ocr errors]

CHOIX DES Défenseurs de Louis. Motions incidentes. L'interrogatoire terminé, Treilhard obtient le premier la parole; il demande qu'à l'instant on défère au vœu de Louis en lui accordant un conseil composé d'une ou de plusieurs personnes. Sa proposition, qui n'était formellement rejetée par personne, devient néanmoins le signal du plus violent tumulte, Albitte, Duhem, Chasle, Billaud-Varennes, Tallien, Robespierre jeune, Chabot, Merlin, Montaut, voulaient qu'une telle question, selon eux très importante, fût discutée avec maturité, et en conséquence ajournée. Le procès de Louis, disaient-ils, n'est pas un procès ordinaire; on cherche à éluder le jugement, à l'envelopper de chicane... Garan-Coulon pensait qu'on devait s'en tenir aux termes précis de la loi, qui accorde à l'accusé un ou deux conseils ou amis. Ducos, Pétion appuient avec force la motion de Treil

hard, et combattent l'ajournement. Après une longue agitation, pendant laquelle le président est obligé de se couvrir pour ramener le silence,

« La Convention nationale décrète que Louis pourra prendre

un conseil. »

Le lendemain 12, sur la motion de Thuriot,

« La Convention nationale décrète que quatre de ses membres se transporteront à l'instant au Temple, donneront connaissance à Louis Capet du décret du jour d'hier, qui lui accorde la faculté de choisir un conseil, l'interpelleront de déclarer dans l'heure quel est le citoyen auquel il donne sa confiance, et nomme à cet effet Cambacérès, Thuriot, Dubois-Crancé et Dupont (de Bigorre), qui dresseront procès verbal. »

Les commissaires, par l'organe de Cambacérès, rendent compte de leur mission dans la même séance. Il résulte du procès verbal qu'ils ont dressé que Louis choisit pour conseil Target, à son défaut Tronchet, ou tous les deux s'il lui est permis de les prendre : Louis avait ajouté qu'il croyait que la loi lui donnait le droit d'en choisir deux. Cambacérès termine son rapport en faisant observer à l'Assemblée que parmi les mesures de précautions prescrite par le conseil général de la commune il en est qui pourraient arrêter la marche de la procédure: entre autres Louis s'était plaint de n'avoir ni papier, ni plume,, ni encre. Il avait aussi demandé à voir sa famille : cette dernière réclamation parut aux commissaires être étrangère à leur mission; mais ils insistèrent sur celles dont l'objet 'était de procurer au prisonnier les moyens nécessaires pour préparer sa défense, ainsi que pour communiquer librement avec son conseil. La Convention décrète que le ministre de la justice informera sur le champ Target et Tronchet du choix que Louis a fait d'eux.

« Elle ordonne

que les officiers municipaux de la commune de Paris laisseront communiquer librement Target et Tronchet avec Louis Capet, et que lesdits officiers municipaux fourpiront à Louis Capet des plumes, de l'encre et du papier. »

Le 13 on fit lecture d'une lettre de Target à la Convention nationale : Target déclarait que depuis le décret qui lui avait été signifié il devenait embarrassant pour lui de se former un avis sur les faits imputés à Louis XVI; du reste il s'excusait sur ses soixante ans, sur ses infirmités, qui lui avaient fait quitter la plaidoirie dès l'année 1785; il craignait de trahir à la fois la confiance de son client et l'attente publique. Je refuse donc, dit-il en finissant, cette mission par conscience; un homme libre et républicain ne peut pas consentir à accepter des fonctions dont il se sent entièrement incapable. Target priait la Convention de faire connaître son refus à Louis, afin que ce dernier pût faire un autre choix, et il signait le républicain Target.

Cambacérès bláma le refus de Target comme un exemple qu'il serait dangereux qu'on imitât; il demanda que la Convention nommât elle-même deux conseils à Louis, en donnant la préférence à ceux qui s'étaient présentés pour remplir cette honorable fonction. La discussion allait s'ouvrir sur cette proposition lorsque Mailhe, secrétaire, fit lecture de la lettre suivante, écrite par un homme dont le front brillait de qua torze lustres de vertus.

"

Paris, 11 décembre 1792, an 1er de la République. Citoyen président, j'ignore si la Convention donnera à Louis XVI un conseil pour le défendre, et si elle lui en laissera le choix dans ce cas-là je désire : que Louis XVI sache que s'il me choisit pour cette fonction je suis prêt à m'y dévouer. Je né vous demande pas de faire part à la Convention de mon offre, car je suis bien éloigné de me croire un personnage assez impor tant pour qu'elle s'occupe de moi; mais j'ai été appelé deux fois au conseil de celui qui fut mon maître dans le temps que cette fonction était ambitionnée par tout le monde : je lui dois le même service lorsque c'est une fonction que bien des gens trouvent dangereuse. Si je connaissais un moyen possible pour lui faire connaître mes dispositions je ne prendrais pas la liberté de m'adresser à vous. J'ai pensé que dans la place que vous occupez vous auriez plus de moyens que personne pour lui faire passer cet avis. Je suis avec respect, etc.

» LAMOIGNON-MALESHERBES. »

« PreviousContinue »