Page images
PDF
EPUB
[ocr errors]

ment. Un projet présenté par Quinette, députě de l'Aisne, obtint la priorité, et fut décrété en ces termes (6 décembre):

« La Convention nationale décrète :

» Article 1°. La commission des vingt-quatre, ses comités. de législation et de sûreté générale nommeront chacun trois membres qui se réuniront à la commission des douze.

» 2. Cette commission de vingt-un membres présentera lundi matin l'acte énonciatif des crimes dont Louis Capet est accusé; elle mettra dans un ordre convenable toutes les pièces à l'appui de cet acte.

» 3. La commission présentera dans la séance de mardi matin la série des questions à faire à Louis Capet.

[ocr errors]

4. La Convention discutera dans la séance de lundi l'acte énonciatif des crimes de Louis Capet.

» 5. Le lendemain Louis Capet sera traduit à la barre de la Convention pour entendre la lecture de cet acte, ét répondre aux questions qui lui seront faites, seulement par l'organe du président.

>> 6. Copie de l'acte énonciatif et de la série des questions seront remises à Louis Capet, et le président l'ajournera à deux jours pour être entendu définitivement.

» 7. Le lendemain de cette dernière comparution à la barre la Convention nationale prononcera sur le sort de Louis Capet par appel nominal; chaque membre se présentera à la tribune.

8. La Convention nationale charge le conseil exécutif, sous sa responsabilité, de prendre toutes les mesures nécessaires pour la sûreté générale pendant le cours du jugement de Louis Capet. »

Le 9 la Convention venait d'entendre un rapport de son comité des pétitions et de correspondance : des félicitations sur l'abolition de la royauté et sur l'établissement de la République, des vœux pour le prompt jugement du roi, quelques dénonciations, principalement contre Marat, tel était en général l'objet des pétitions adressées à la Convention. Guadet saisit une occasion que lui présente ce rapport; il s'appuie des dénonciations qu'il contient, et propose à la Convention de décréter que « les Assemblées primaires de chaque dépar

[ocr errors]

>>

[ocr errors]

»tement de la République se réuniront dans le délai de hui»taine pour procéder par un scrutin épuratoire ou à la con» firmation ou au rappel des députés de leur département; qu'il sera procédé par le corps électoral au remplacement » de ceux des membres qui pourraient être rappelés par la majorité des Assemblées primaires. » Cette étonnante et dangereuse proposition, accueillie avec enthousiasme, est adoptée, ou plutôt enlevée sans discussion : le vif désir de .repousser Marat et quelques autres membres du sein de la Convention aveuglait sur la possibilité, sur la certitude même qu'ils y auraient été ramenés soit par leur nomination confirmée, soit par une nouvelle nomination; tous les partis auraient déployé la plus désastreuse activité. Mais bientôt, après avoir au nom de la patrie réclamé un moment de calme et de silence, Manuel, Prieur, Albitte, Barrère et plusieurs autres présentent à l'Assemblée un tableau énergique des troubles, de la désorganisation, de la subversion générale qui pourraient résulter d'un pareil décret; ils établissent que cette mesure ne tend qu'à faire regarder les représentans actuels que comme des représentans provisoires, et indignes de la confiance du peuple; qu'à dissoudre la Convention par des renouvellemens successifs; qu'à ébranler la République naissante; qu'enfin, à la veille du jugement du roi, c'est un appel aux amis de la royauté, et le signal de la guerre civile. Un seul moment de réflexion dut convaincre l'Assemblée de la justesse de ces objections; Guadet lui-même en parut effrayé; il demanda l'ajournement de sa motion jusqu'au lendemain du jour où la Convention aurait prononcé sur le jugement du roi. Le décret fut rapporté à l'unanimité, et la question renvoyée au comité de Constitution. Dix minutes avaient été employées à rendre, à discuter, à rapporter ce décret; mais ce peu d'instans suffit pour jeter une grande lumière sur les projets des Girondins, dont Guadet se trouvait un des principaux organes : déposant leur éloquence, ils employaient des moyens indignes d'eux pour combattre leurs adversaires.

Le lundi 10 la commission des vingt-un, réunie en vertu du décret rendu le 6, présenta un rapport dont elle crut devoir

faire précéder l'acte enonciatif qu'elle avait été chargée de rédiger.

RAPPORT sur la conduite de Louis XVI depuis le commencement de la révolution, fait par Robert Lindet au nom de la commission des vingt-un. (Séance du 10 décembre 1792.)

« Votre comité a pensé qu'il était utile de faire précéder la lecture de l'acte d'accusation par un historique rapide de la conduite du ci-devant roi depuis le commencement de la révolution. Je l'ai rédigé dans un style simple, à la portée de tous les citoyens, et tel qu'il est possible de faire un travail de ce genre dans l'espace d'un jour et demi.

» Louis a été dénoncé au peuple comme un tyran qui s'est constamment appliqué à empêcher ou à retarder les progrès de la liberté, et même à l'anéantir par des attentats persévéramment soutenus et renouvelés, et qui, n'ayant pu parvenir par ses efforts et ses crimes à empêcher une nation libre de se donner une Constitution et des lois, a conçu, dirigé et exécuté un plan de conspiration qui devait anéantir l'Etat.

» Les attentats de Louis pendant la session de l'Assemblée constituante et pendant la session de la première législature sont liés, et tiennent à un plan unique d'oppression et de destruction.

[ocr errors]

L'acceptation de la Constitution couvrirait encore du voile de l'indulgence publique les crimes et les forfaits commis pendant la première session si Louis n'avait déchiré ce voile en commettant en 1792 un attentat dont le plan était conçu en 1789, et dont il avait été contraint, par l'intérêt de sa sûreté personnelle, de différer l'exécution.

» La France était arrivée à ce terme où les lumières, généralement répandues, la connaissance des droits de l'homme, annonçaient une prochaine régénération; un despote isolé, chancelant sur son trône, ne pouvait plus se soutenir qu'en s'environnant des forces, de la confiance et des lumières du peuple.

» Le trésor public était sans fonds, sans crédit, sans moyens pour prévenir une banqueroute générale, dont le terme n'était éloigné que de quelques jours.

» L'autorité était sans respect pour la liberté des citoyens, et sans force pour maintenir l'ordre public.

>> Ce fut sous de pareils auspices que les premiers représentans du peuple se réunirent en Assemblée constituante.

» Les premiers travaux de cette Assemblée annoncèrent les destinées de la France: Louis se proposa aussitôt de la subjuguer et de l'asservir.

[ocr errors]

Il entreprit, le 20 juin 1789, de suspendre le cours de ses séances et de ses délibérations. Ce jour fut heureux pour la France: les représentans du peuple se réunirent dans la salle du jeu de paume de Versailles, et prêtèrent le serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l'exigeraient jusqu'à ce que la Constitution fût établie et affermie sur des fondemens solides.

>> Louis parut le 23 juin au milieu d'eux avec l'éclat et l'appareil d'un despote pour leur dicter ses volontés, avec l'autorité qu'à l'exemple de ses prédécesseurs il s'était accoutumé à déployer dans les séances appelées lits de justice, qu'il tenait au milieu de quelques magistrats pour donner ses ordres absolus, séances qui portaient le deuil et la consternation dans l'Etat, et ajoutaient toujours aux calamités publiques.

» Le courage et la fermeté de l'Assemblée nationale l'élevèrent audessus de l'appareil menaçant du despotisme; elle persista dans ses arrêtés; elle déclara la personne des représentans inviolable, et promit une Constitution à la France.

» Le 25 Louis fait environner de gardes et de soldats toutes les avenues et les entrées de la salle; le peuple en est écarté; ce n'est plus qu'à travers des baïonnettes et entre des files de soldats du despotisme que les représentans du peuple parviennent au lieu de leurs séances.

» En vain l'Assemblée nationale adresse-t-elle à Louis un message pour le prier de faire retirer ses gardes et de lever les consignes : il était occupé d'un plus vaste dessein; il préparait une entreprise plus funeste à la France.

» Il faisait arriver chaque jour aux environs de Paris et de

Versailles des troupes nationales et étrangères, suivies de trains d'artillerie; il se formait plusieurs camps.

» Il ne fut plus permis de douter que Louis voulait asservir l'Assemblée et la nation, ou signaler ses premières armes par une guerre sanglante déclarée au peuple français.

» L'Assemblée nationale décréta le 8 juillet que le roi serait prié de donner les ordres nécessaires pour la cessation de mesures également inutiles, dangereuses et alarmantes, et pour le prompt renvoi des troupes et des trains d'artillerie aux lieux d'où on les avait tirés.

€9

Le 9 elle décréta cette adresse célèbre au roi, dans laquelle elle retraça avec énergie et dignité les alarmes, les agitations du peuple, le trouble croissant dans Paris, les maux de l'Etat, l'inutilité et le danger des armes, sa constance et sa fermeté, qui ne lui permettaient de voir au milieu des périls qui l'environnaient que les malheurs dont la patrie était menacée.

» Personne n'ignore, répondit le roi, les désordres et les scènes scandaleuses qui se sont passées et qui se sont renouvelées à Paris et à Versailles.

» Il ajouta : - Si pourtant la présence nécessaire des troupes dans les environs de Paris causait encore de l'ombrage je me porterais, sur la demande des états généraux, à les transférer à Noyon ou à Soissons ; et alors je me rendrais moi-même à Compiègne pour maintenir la communication qui doit avoir lieu entre l'Assemblée et moi.

[ocr errors]

» Louis avait résolu de réprimer les élans de la liberté par la terreur des armes, d'isoler l'Assemblée nationale, de lui rendre toute communication difficile ou périlleuse, et de diriger toutes ses délibérations.

>>

L'appareil de la force est déployé ; le conseil du roi, qui avait dirigé ou vu de sangfroid tous ces préparatifs, chancèle au moment de l'exécution, en prévoit les suites: Louis renvoie trois ministres opposés à ses mesures violentes.

» L'Assemblée nationale arrête le 13 de représenter au roi les dangers qui menacent la patrie, et la nécessité de renvoyer les troupes dont la présence irrite le peuple.

» La députation rapporte cette réponse de Louis : - Je vous ai fait connaître mes intentions sur les mesures que les désordres

« PreviousContinue »