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gouver

barques fous le mole, dont l'artillerie devait les fou droyer; elle ne joua point. Ils montent fur le mole; ils s'en rendent maîtres : les troupes y accourent; il août 1704. fallut que cette ville imprenable fe rendît. Elle eft encore aux Anglais dans le temps que j'écris. (a) L'Espagne, redevenue une puiffance fous le nement de la princeffe de Parme, feconde femme de Philippe V, et victorieufe depuis en Afrique et en Italie, voit encore, avec une douleur impuiffante, Gibraltar aux mains d'une nation feptentrionale, dont les vaiffeaux fréquentaient à peine, il y a deux fiècles, la mer Méditerranée.

Immédiatement après la prise de Gibraltar, la flotte anglaife, maîtreffe de la mer, attaqua, à la vue de Malaga, le comte de Touloufe amiral de France: bataille indécise à la vérité, mais dernière époque de la puiffance de Louis XIV. Son fils naturel, le comte de Toulouse, amiral du royaume, y commandait cinquante vaiffeaux de ligne et vingtquatre galères. Il fe retira avec gloire et fans perte. Mars 1705. Mais depuis, le roi ayant envoyé treize vaisseaux pour attaquer Gibraltar, tandis que le maréchal de Teffé l'affiégeait par terre, cette double témérité perdit à la fois et l'armée et la flotte. Une partie des vaiffeaux fut brifée par la tempête; une autre prise par les Anglais à l'abordage, après une réfiftance

(a) En 1740. N. B. Cette place eft reftée aux Anglais à la paix de 1748, à celle de 1763, et enfin à celle de 1783, après avoir effuyé un long blocus. Une armée combinée d'Espagnols et de Français, commandée par M. le duc de Crillon qui venait de prendre Minorque, Te préparait en 1782 à tenter une attaque contre Gibraltar du côté de la mer: mais les batteries flottantes deftinées à en détruire les défenfes furent brûlées par les boulets rouges de la place.

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admirable; une autre brûlée fur les côtes d'Espagne.
Depuis ce jour on ne vit plus de grandes flottes
françaises, ni fur l'Océan, ni fur la Méditerranée.
La marine rentra prefque dans l'état dont Louis XIV
l'avait tirée, ainfi que tant d'autres chofes éclatantes,
qui ont eu fous lui leur orient et leur couchant.

royaume de

Ces mêmes Anglais, qui avaient pris pour eux Les Anglais Gibraltar, conquirent en fix femaines le royaume de prennent le Valence et de Catalogne pour l'archiduc Charles. Valence et la Ils prirent Barcelone , par un hafard qui fut l'effet Catalogne. de la témérité des affiégeans.

Les Anglais étaient fous les ordres d'un des plus finguliers hommes qu'ait jamais porté ce pays fi fertile en efprits fiers, courageux et bizarres. C'était le comte Péterboroug, homme qui reffemblait en tout à ces héros dont l'imagination des Efpagnols a rempli tant de livres. A quinze ans, il était parti de Londres pour aller faire la guerre aux Maures en Afrique. Il avait, à vingt ans, commencé la révolution d'Angleterre, et s'était rendu le premier en Hollande auprès du prince d'Orange: mais de peur qu'on ne foupçonnât la raifon de fon voyage, il s'était embarqué pour l'Amérique ; et de là il était allé à la Haye fur un vaiffeau hollandais. Il perdit, il donna tout fon bien, et rétablit fa fortune plus d'une fois. Il fefait alors la guerre en Espagne prefque à fes dépens, et nourriffait l'archiduc et toute fa maison. C'était lui qui affiégeait Barcelone Belle avenavec le prince de Darmstadt. (b) Il lui propose une ture du comte attaque foudaine aux retranchemens qui couvrent

(b) L'hiftoire de Reboulet appelle ce prince chef des factieux, comme s'il eût été un espagnol révolté contre Philippe V.

Péterboroug.

le fort Mont-joui et la ville. Ces retranchémens, où le prince de Darmstadt périt, font emportés l'épée à la main. Une bombe crêve dans le fort fur le magafin des poudres, et le fait fauter: le fort eft pris: la ville capitule. Le vice-roi parle à Péterboroug à la porte de cette ville. Les articles n'étaient pas encore fignés, quand on entend tout à coup des cris et des hurlemens. Vous hous trahisjez, dit le viceroi à Péterboroug: nous capitulons avec bonne foi, et voilà vos anglais qui font entrés dans la ville par les remparts. Ils égorgent, ils pillent, ils violent. Vous vous méprenez, répondit le comte Péterboroug; il faut que ce foit des troupes du prince de Darmstadt. Il n'y a qu'un moyen de fauver votre ville, c'eft de me laisser entrer fur le champ avec mes anglais : j'apaiserai tout, et je reviendrai à la porte achever la capitulation. Il parlait d'un ton de vérité et de grandeur, qui, joint au danger préfent, perfuada le gouverneur: on le laiffa entrer. Il court avec fes officiers: il trouve des allemands et des catalans, qui, joints à la populace de la ville, faccageaient les maifons des principaux citoyens; il les chaffe; il leur fait quitter le butin qu'ils enlevaient: il rencontre la ducheffe de Popoli entre les mains des foldats, prête à être déshonorée; il la reud à fon mari. Enfin, ayant tout apaifé, il retourne à cette porte, et figne la capitulation. Les Efpagnols étaient confondus de voir tant de magnanimité dans des anglais, que la populace avait pris pour des barbares impitoyables, parce qu'ils étaient hérétiques.

A la perte de Barcelone fe joignit encore l'humiliation de vouloir inutilement la reprendre. Philippe V,

vant Barce.

qui avait pour lui la plus grande partie de l'Ef- Difgrace des pagne, n'avait ni généraux ni ingénieurs, ni prefque Français dede foldats. La France fourniffait tout. Le comte de lone. Toulouse revient bloquer le port avec vingt-cinq vaiffeaux qui reftaient à la France. Le maréchal de Telle forme le fiége, avec trente et un efcadrons et trente-fept bataillons: mais la flotte anglaise arrive; la française fe retire; le maréchal de Tefé lève le fiége avec précipitation. Il laiffe dans fon camp des provifions immenfes; il fuit et abandonne quinze cents bleffés à l'humanité du comte Péterboroug. Toutes ces pertes étaient grandes : on ne favait s'il en avait plus coûté auparavant à la France pour vaincre l'Espagne qu'il lui en coûtait alors pour la fecourir. Toutefois le petit-fils de Louis XIV fe foutenait par l'affection de la nation caftillane, qui met fon orgueil à être fidèle, et qui perfiftait dans fon choix.

pour

août 1705.

Les affaires allaient bien en Italie. Louis XIV était vengé du duc de Savoie. Le duc de Vendôme avait d'abord repouffé avec gloire le prince Eugène, à la journée de Caffano près de l'Adda journée Bataille de fanglante, et l'une de ces batailles indécifes Caffano, 16 lefquelles on chante des deux côtés des Te Deum, mais qui ne fervent qu'à la destruction des hommes, fans avancer les affaires d'aucun parti. Après la bataille de Caffano, il avait gagné pleinement celle de Caffinato, (c) en l'absence du prince Eugène : 19 avril 1706.

(c) C'était à la vérité un comte de Reventlau, né en Danemarck, qui commandait au combat de Caffinato; mais il n'y avait que des troupes impériales.

La Beaumelle dit à ce fujet, dans fes notes fur l'hiftoire du fiècle de

Ramillies.

et ce prince étant arrivé le lendemain de la bataille, avait vu encore un détachement de fes troupes entièrement défait. Enfin les alliés étaient obligés de céder tout le terrain au duc de Vendôme. Il ne reftait plus guère que Turin à prendre. On allait l'investir: il ne paraiffait pas poffible qu'on le fecourût. Le maréchal de Villars, vers l'Allemagne, pouffait le prince de Bade. Villeroi commandait en Flandre une armée de quatre-vingt mille hommes; et il fe flattait de réparer contre Marlborough le malheur qu'il avait effuyé en combattant le prince Eugène. Son trop de confiance en fes propres lumières fut plus que jamais funefte à la France.

Près de la Mehaigne, et vers les fources de la petite Ghette, le maréchal de Villeroi avait campé fon armée. Le centre était à Ramillies, village devenu auffi fameux qu'Hochstet. Il eût pu éviter la bataille. Les officiers-généraux lui confeillaient ce parti; mais le défir aveugle de la gloire l'emporta. 23 mai Il fit, à ce qu'on prétend, la difpofition de manière 1706. qu'il n'y avait pas un homme d'expérience qui ne

prévît le mauvais fuccès. Des troupes de recrue, ni difciplinées, ni complètes, étaient au centre : il laiffa les bagages entre les lignes de fon armée; il pofta fa gauche derrière un marais, comme s'il eût voulu l'empêcher d'aller à l'ennemi. (d)

Marlborough, qui remarquait toutes ces fautes, arrange fon armée pour en profiter. Il voit que la

Louis XIV, que les Danois nè valent pas mieux ailleurs que chez eux. Il faut avouer que c'est une chofe rare de voir un tel homme outrager ainfi toutes les nations.

(d) Voyez les mémoires de Feuquières.

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