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Et vous aussi, nos chers Fils, nous voulons vous associer à cette œuvre; nous vous avertissons vivement dans le Seigneur, nous vous exhortons et vous supplions de seconder avec empressement nos efforts et nos vœux pour que votre institut brille de nouveau de sa dignité primitive et de son antique splendeur. Ainsi, dans la place que vous occupez, dans les fonctions dont vous êtes revêtus, ne négligez rien pour que les religieux qui vous sont soumis, méditent sérieusement sur la vocation à laquelle ils ont été appelés, qu'ils y correspondent dignement et qu'ils s'appliquent à observer religieusement les vœux par lesquels ils se sont une fois consacrés à Dieu. Apportez toute votre vigilance à ce qu'ils marchent sur les traces glorieuses de leurs ancêtres; qu'ils gardent les saintes règles; qu'ils se tiennent éloignés des plaisirs, des spectacles et des affaires du monde auquel ils ont renoncé; que sans cesse appliqués à la prière, à la méditation des choses célestes, à la science, à la lecture, ils s'occupent du salut des ames selon les prescriptions de leur ordre; que mortifiés dans la chair et vivifiés dans l'esprit, ils se montrent au peuple de Dieu modestes, humbles, sobres, doux, patients, justes, d'une intégrité et d'une chasteté irréprochables, embrasés de charité, honorés pour leur sagesse, afin qu'ils ne soient un sujet de scandale pour personne, mais qu'au contraire ils donnent à tous l'exemple des bonnes œuvres, en sorte que leur ennemi même soit confondu, n'ayant rien de mal à pouvoir en dire Vous savez parfaitement en effet de quelle sainteté de vie, de quel éclat de toutes les vertus doivent briller ceux qui, après avoir pleinement renoncé à toutes les séductions, aux plaisirs, aux illusions, aux vanités des choses humaines, ont promis et se sont fait un devoir de ne s'attacher qu'à Dieu et à son service, afin que le peuple chrétien se contemplant dans leur personne comme dans un miroir sans tache, reçoive d'eux ces leçons de piété, de religion et de toute vertu qui lui fassent parcourir d'un pied plus assuré les sentiers du Seigneur. Or, comme le bon état et l'honneur de chaque famille de religieux dépendent surtout du choix des novices et de la bonne éducation qui leur est donnée, nous vous exhortons de la manière la plus pressante à examiner préalablement avec un soin extrême, le caractère, l'esprit et les mœurs des jeunes gens qui sollicitent l'entrée de vos communautés, et à vous informer soigneusement dans quel dessein, dans quel esprit et pour quel motif ils désirent embrasser la vie religieuse. Quand vous aurez reconnu qu'ils ne cherchent que la gloire de Dieu, le bien de l'Eglise, leur salut et celui du prochain, mettez toute votre diligence, tous vos soins et tout votre zèle à les faire élever, durant le tems de leur noviciat, pieusement et saintement, selon les règles de l'ordre, par d'excellents maîtres qui les forment à toutes les vertus et à la vie religieuse de leur institut. Et comme de tout tems ce fut une des gloi

res éclatantes et particulières des ordres religieux de cultiver et de favoriser l'étude des lettres, d'illustrer la science des choses divines et humaines par tant de travaux et de savants ouvrages, nous vous exhortons et vous pressons vivement d'apporter le plus grand soin à prescrire, selon les règles de votre ordre, un bon système d'études, et de vouloir bien faire tous vos efforts pour que vos jeunes religieux s'appliquent constamment à l'étude des belleslettres, des sciences sérieuses, et particulièrement des sciences sacrées, de manière que fortement nourris des saines et bonnes doctrines, ils se rendent capables de remplir religieusement et sagement les fonctions particulières de leur emploi et celles du ministère sacré. Ayant ensuite vivement à cœur que tous ceux qui combattent dans le camp du Seigneur n'aient qu'une bouche pour honorer Dieu et le Père de notre Seigneur Jésus-Christ, et que dans une parfaite conformité de pensées et de sentiments, ils se montrent jaloux de conserver l'unité de l'esprit dans le lien de la paix, nous vous demandons instamment d'être unis par les liens les plus étroits de la concorde et de la charité, par l'accord le plus parfait des esprits, avec nos vénérables Evêques et avec le clergé séculier, de n'avoir rien de plus cher dans l'œuvre du saint ministère que d'associer tous les efforts de votre zèle pour l'édification du corps de Jésus-Christ, et de rivaliser pour obtenir des grâces plus abondantes. Il n'y a en effet, pour les supérieurs réguliers et séculiers, pour leurs sujets exempts et non exempts, qu'une seule et universelle Eglise hors de laquelle personne absolument ne peut être sauvé, il n'y a pour lous qu'un seul Seigneur, une seule foi et un seul baptême; c'est pourquoi il convient que lous appartenant au même corps, ils n'aient aussi qu'une même volonté, el que, comme des frères, ils soient mutuellement attache's par le lien de la charite. (Clem. unic. de exces. prælat).

Telles sont, chers Fils, les choses que nous avons cru devoir vous exprimer et vous adresser dans cette lettre, afin que vous compreniez bien quelle affection nous avons pour vous et vos familles religieuses, avec quel zėle nous voulons assurer les intérêts de ces mêmes communautés, leur bien-être, leur dignité et leur éclat. Nous ne doutons pas que de votre côté, animés comme vous l'êtes, des sentiments de profonde religion, de piété, de vertu, de prudence et du plus grand amour pour votre ordre, vous ne mettiez votre gloire à correspondre dans toute leur étendue à nos vœux, à nos sollicitudes et à nos exhortations. Rempli de cette confiance et de cet espoir, comme témoignage de notre bienviellance toute particulière et de notre amour pour vous et pour vos religieux, et comme gage aussi de tous les dons célestes, nous vous donnons, du fond de notre cœur et avec la dilection la plus tendre, hommes religieux, nos Fils biens-aimés, à vous et à eux, la bénédiction apostolique.

Donné à Rome, à Sainte Marie-Majcure, le 17 juin de l'année 1847, et de notre pontificat la première.

DE PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE.

Numéro 92. Août 1847.

Traditions indiennes.

LÉGENDE DE KRICHNA

ET PREUVES

QUE QUELQUES CIRCONSTANCES DE SA VIE ONT ÉTÉ EMPRUNTÉES AUX TRADITIONS ÉVANGÉLIQUES '.

L'Evangile a été prêché dans l'Inde dès les premiers siècles de notre ère. — Les Brahmanes ont fait passer dans leurs légendes plusieurs de ces croyances chrétiennes en les altérant. La science actuelle éclaircit ces ressemblances. Légende de Krichna et ses rapports avec le Christ.

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Son culte n'a commencé qu'au 6e siècle de notre ère. Son nom même vient de Christ. Incarnation de Vichnou en Chirsna ou Chrestna. Extraits du Prem-sagar. - Emprunts faits à l'Evangile.

Lorsque, il y a plusieurs siècles, les missionnaires catholiques péné trèrent dans les Indes pour y porter les lumières de la foi, ils ne tardèrent pas à remarquer certains rapports frappans entre les religions brahamanique et bouddhique d'une part, et le Christianisme de l'autre. Ils expliquèrent tout naturellement ces analogies au moyen de

Nous avions depuis assez longtems entre les mains cette Légende de Krichna, mais nous n'avons voulu la publier qu'après avoir donné une idée de la manière dont les traditions bibliques et évangéliques ont pu pénétrer dans l'Inde. Cette connaissance nous a été donnée dans le remarquable travail du capitaine Wilford. Maintenant donc on peut sans inconvénient lire toutes ces legendes, qui cependant ont troublé la foi de nos humanitaires. Bien loin de détruire notre foi elles la confirment, car on voit que non seulement le Christianisme n'a rien emprunté aux croyances hindoues, mais A. B. *. encore qu'il leur a prété tout ce qu'elles ont d'un peu raisonnable. 6

III SÉRIE. TOMÉ XVI.

N° 92; 1847.

traditions qu'ils trouvèrent encore en vigueur dans ces contrées, et d'après lesquelles la parole évangélique aurait pénétré différentes fois dans les Indes. L'existence d'une église assez nombreuse de Chrétiens dans le sud même de la péninsule cis-gangétique ne laissait pas de donner un certain poids à cette conclusion. Au reste, l'histoire ecclésiastique était là, témoignant hautement qu'un des apôtres de J.-C., saint Thomas, pénétrant plus loin que ses collègues, avait porté l'Évangile jusqu'aux bords de l'Indoustan, et scellé de son sang la vérité dont il avait douté un jour. Les anciennes villes de Narsingue et de Méliapor furent le principal théâtre des travaux et des souffrances de ce généreux apôtre; il y a même, dans cette dernière ville, une pierre sur laquelle est gravée une croix accompagnée de caractères indiens fort anciens, que l'on prétend avoir été contempo raine et même témoin de son glorieux martyre; aussi est-elle en grande vénération dans le pays".

Plusieurs siècles après, la foi étant sur le point de périr, Dieu suscita un nouvel apôtre, nommé comme le premier, Thomas ou Marthomé, qui vint de la Syrie dans l'Inde, et, aidé de plusieurs évêques et coadjuteurs syriens, chaldéens et égyptiens, rétablit la religion, et l'étendit peu à peu dans la plupart des contrées de l'Hindoustan, dans plusieurs pays circonvoisins et même jusque dans la Chine 3. Mais

• Méliapor, il'est vrai, n'est pas une ville bien ancienne; ce sont les Portugais qui l'ont construite non loin de celle où prêcha et mourut saint Thomas, et qui est ruinée depuis longtems; on donne aussi à la nouvelle ville le nom de San-Thome'.

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■ On en peut voir la figure dans la Chine illustrée du P. Kircher, et dans les Annales qui l'ont copiée, t. xv, p. 123 (3o série).

3 En témoignage de ce fait, je me contenterai de citer deux pièces fort curieuses et peu communes extraites du Bréviaire chaldéen de l'Eglise de SaintThomas du Malabar. La première est tirée d'une des leçons du second nocturne dans l'office de cet apôtre; en voici la traduction littérale :

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1. C'est par le moyen de saint Thomas que l'erreur de l'idolâtrie a été bannie de l'Inde;

» 2. C'est par le moyen de saint Thomas que la Chine et l'Ethiopie ont été

» converties à la vérité;

■ 3. C'est par le moyen de saint Thomas qu'ils ont reçu le sacrement de » baptème et l'adoption des enfans;

l'hérésie de Nestorius y pénétra dans la suite avec les prêtres syriens. Dès lors, cette Église, séparée du centre de la foi et de l'unité, commença à décliner peu à peu, et était réduite à quelques localités, lorsque de nouveaux apôtres, envoyés par le saint-siége, après la découverte d'un nouveau passage aux Indes par Vasco de Gama, recommencèrent à la faire refleurir dans toute sa pureté.

Il est donc constant que, depuis les tems apostoliques, la religion chrétienne a subsisté sans interruption dans l'Hindoustan et dans les contrées environnantes, que la foi a été prêchée dans la pluspart des provinces de ce grand empire, que des rois même l'ont embrassée. On en pouvait, ce me semble, conclure avec quelque raison que, dans ces régions où tous les systèmes s'accréditent avec la plus grande facilité, quelques dogmes, quelques mystères du Christianisme s'étaient glissés dans les fables antiques du brahmanisme, et avaient été plus ou moins monstrueusement altérés en passant dans le symbolisme des gentils.

Mais la philosophie qui fait profession de croire tout ce qui n'est pas l'Evangile, aime mieux bâtir des hypothèses que d'adopter des conclusions aussi naturelles. On trouve donc plus simple de soutenir que la religion chrétienne, bien loin d'avoir fourni aux fables indiennes, était au contraire empruntée du Brahmanisme. A défaut de faits positifs, ou plutôt, contre les faits les plus positifs, on emploie

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4. C'est par le moyen de saint Thomas qu'ils ont cru et confessé le Père, » le Fils et l'Esprit de sainteté;

» 5. C'est par le moyen de saint Thomas qu'ils ont conservé la foi en un » seul Dieu qu'ils avaient reçue;

» 6. C'est par le moyen de saint Thomas que les splendeurs de la doctrinę vivifique ont paru sur toutes les Indes;

>> 7. C'est par le moyen de saint Thomas que le royaume des cieux a volé » et est parvenu dans la Chine. »

La seconde est une antienne du même bréviaire où il est dit : « Les Indiens, » les Chinois, les Perses et les autres insulaires, comme aussi ceux qui habi» tent la Syrie, l'Arménie, la Grèce et la Romanie, offrent des adorations à » ton saint nom, dans la commémoration de saint Thomas. >> Dans Kircher, Chine illustrée, p. 78, où se trouve le texte.

Je rappellerai encore le fameux monument de Si-ngan-fou, sur lequel on peut consulter les Annales de philosophie, t. xu, p. 147 et 185.

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