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DE PHILOSOPHIE CHRÉTIENNE.

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Constitution du phalanstère. Divisions par âge. — Liberté des passions. Mariage aboli. Chasteté et impudicité également honorées. - Des travaux répugnans. Démenti au principe d'attraction. — Point de propriété. etc.

La partie sociale du Fouriérisme est l'application de sa psycologie. Il faut organiser la société selon les principes que Fourier croit avoir découverts, afin que l'humanité terrestre puisse perfectionner sa planète et la mettre à même de fournir un arôme de bon titre au Soleil, ce qui, comme on l'a vu, est nécessaire à l'implanation des comètes, au complément du clavier sidéral et à la réalisation de l'harmonie universelle.

C'est donc d'après la classification des passions que la société doit être organisée, et ici revient la prétendue analogie musicale. Les caractères des hommes et des femmes doivent être combinés de telle sorte que chaque groupe représente une gamme passionnelle ar

Voir le 1er art. au no précédent ci-dessus, p. 107. 111 SÉRIE. TOME XVI. N° 93; 1847.

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faite et puisse produire, avec d'autres groupes, des modulations harmonieuses.

Les séries, qui sont l'ensemble de plusieurs groupes, sont aussi placées dans les rapports musicaux.

La phalange est la réunion de toutes les séries passionnelles, c'està-dire qu'elle doit être l'ensemble de tous les rapports où les individus peuvent se trouver placés successivement en se livrant à l'essor des douze passions.

Ainsi, l'unité de la société harmonienne est la phalange, la commune sociétaire. L'habitation de la phalange, c'est le phalanstêre. Il faut, dit Fourier, 1500 personnes pour tenir au complet le clavier de 810 caractères. Voilà les divisions d'une phalange :

1. Bambins et bambines;
2. Chérubins et chérubines;
3. Séraphins et séraphines ;
4. Lycéens et lycéennes ;
5. Gymnasiens et gymnasien- .

nes;

6. Jouvenceaux et jouvencelles; 7. Adolescens et adolescentes ; 8. Formés et formées;

9. Athlétiques et athlétiques; 10. Mûrissans et murissantes; 11. Virils et viriles; 12. Raffinés et raffinées; 13. Tempérés et tempérées ; 14. Révérends et révérendes ; 15. Vénérables et vénérables; 16. Patriarches et patriarches.

Fourier nous avertit que cette classification par les âges n'est que de parade.

Les séries en exercice sont déterminées par les attractions; les personnes qui ont du goût pour une occupation usuelle se réunissent culipour s'y livrer en commun. Les travaux agricoles, industriels, naires, domestiques, sont ainsi exécutés par les hommes et les femmes qui sont attirés par ces travaux. Chacun peut s'y livrer pendant un selon court espace de tems et passer d'une occupation à une autre, ses dispositions, trouvant en même tems dans l'engrenage des caractères et dans les passions sensitives, affectives et mécanisantes, des satisfactions suffisantes pour tous les besoins de l'âme. Chacun devant céder à toutes les attractions, Fourrier croit que l'ensemble de ces attractions empêchera l'immodération et les excès, ces passions

se limitant les unes par les autres et formant contre-poids dans la vo lonté.

L'ordre le plus parfait doit résulter, selon lui, de cette liberté. Il croit que les groupes d'amateurs de tulipes et les groupes d'amateurs de jacynthes entreront dans une rivalité qui fera contre-poids avec les passions que nous trouvons moins innocentes; il pense que les cabales en faveur des poires de beurre gris contre les poires de beurre blanc suffiront à l'activité des esprits disposés à l'intrigue ét les empêcheront de troubler la paix du phalanstere.

Cette théorie de la liberté des passions conduit nécessairement Fourier et son école à des conséquences dont la bizarrerie n'est que le moindre défaut. Obligé, non-seulement d'autoriser l'inconstance des goûts et des affections, mais de légitimer cette maladie de l'âme qui est une des notes de son clavier social, il la préconisé dans ses effets les plus choquans pour la dignité humaine. La famille n'étant point la base de la société qu'il veut établir, on conçoit que le mariage ne soit pour lui ni un lien religieux, ni même un contrat civil : mais il autorise, dans les rapports des femmes et des hommes, une liberté qui blessé les sentimens intimes dont ces rapports sont la source. Il justifié les infidélités dans les unions formées sur la foi d'engagemens mutuels, détruisant ainsi l'identité de la parole et des actions. Au reste, cette identité ne saurait exister, puisque des êtres qui obéissent à leurs passions ne s'appartiennent pas et ne peuvent par conséquent disposer d'eux-mêmes.

Notre plume se refuse à analyser les solutions du Fouriérisme dans tout ce qui tient à ces sortes de relations; bornons-nous à dire que cette partie si délicate de l'existence sociale est traitée dans les écrits du maître avec un cynisme qui révolte non seulement la morale chrétienne, mais jusqu'à la pudeur naturelle.

Dans le système de Fourier, la pureté et l'impureté ne sont que des notes de musique ; il approuve l'une comme l'autre. Il organise un corps dé vestales et de vestels pour satisfaire les idées de chasteté, et un corps de bayadèrés et de bacchantes pour répondre aux tendances contraires, plaçant au milieu de tout cela des séries de céládons et des cours galantes.

Il reste à savoir comment les idées de chasteté pourraient éclore a'i

milieu d'une société où les bayadères et les bacchantes sont en honneur, et surtout comment l'harmonie pourrait exister entre des séries si contraires. Il est évident que les vestales mépriseraient les bacchantes et que les bacchantes détesteraient les vestales ; le législateur qui se serait montré indifférent pour la chasteté et l'impudicité n'aurait sans doute ni l'estime ni la vénération des unes et des autres.

Au reste, l'amour de la chasteté n'est pas le seul mobile donné par Fourier à ce corps de vestales; il leur offre la perspective d'être choisies pour épouses par les rois et les empereurs. Cette chance sera plus favorable qu'on ne croit; car, en cas de stérilité, la première vestale n'aurait que le titre de vice-épouse, et le souverain s'adresserait à d'autres vestales jusqu'à ce qu'il en trouvât une qui lui donnât un héritier et pût porter le titre d'épouse, titre purement honorifique, comme on le pense bien.

C'est ainsi que Fourier et ses disciples croient résoudre la question de la liberté des passions dans les rapports des hommes et des femme; mais il y a une autre difficulté qui ne tient pas moins au fond du système. Les séries libres peuvent suffire aux genres de travaux qu¡ sont appelés attrayans ; mais il y en a d'autres qu'il appelle avec raison répugnans, et qui, dans nos cités, ne s'exécutent que par l'appât du salaire. Rien n'est plus surprenant que la manière dont Fourier croit avoir surmonté cette difficulté. Il charge de ces travaux une corporation d'enfans de neuf à quinze ans, qu'il nomme les petites hordes, et il leur assigne pour mobile un sentiment d'honneur, exalté jusqu'au délire, et les plus grandes prérogatives sociales. Il leur donne des chevaux nains, des costumes grotesques et étourdissans, et il a l'idée singulière de leur imposer un argot et ce qu'il nomme le ton poissard; il les divise en chenapans et chenapanes, en sacripans et sacripanes, et par une incohérence d'idées difficile à comprendre, il les entoure du respect et de la déférence des autres séries.

Remarquons en passant que toutes ces inventions pour attirer dans ces fonctions utiles des êtres qui en seraient repoussés par la répugnance qu'elles inspirent est un démenti donné au principe d'attraction naturelle qui est la base du système ; car ici l'homme est obligé d'intervenir et de créer des attractions artificielles. Fourier n'est donc pas fondé à dire que l'ensemble de nos penchans doit suffire à tous les besoins sociaux quand on les laisse à leur libre essor.

Pour compléter cet aperçu de la société harmonienne, nous dirons que les enfans sont élevés en commun aux frais de la phalange, et qu'il y a pour les poupons et les pouponnes des séries de bonnes et de berceuses où passent les personnes qui ont cette vocation.

Tout ce travail sériaire est, comme on le pense bien, accompagné de chants et de danses, de décorations brillantes, de parfums et d'images variées, car il y a dans la phalange des ministres pour chacun des cinq sens; on y voit même des cérémonies religieuses qui consistent à chanter des hymnes devant des autels élevés à des fondateurs de la société harmonienne, dont les bustes sont encensés.

La sollicitude du Fouriérisme pour les plaisirs sensuels s'étend jusque sur les animaux; les petites hordes sont chargées de veiller à leur bien-être, et les troupeaux doivent être gardés par des bergers à cheval, aidés par des chiens de tête et des chiens de police ayant des grelots accordés en tierce.

L'hérédité des propriétés est conservée en principe dans le phalanstère; mais comme il n'y a pas de mariage véritable, et par conséquent pas de famille, il est douteux que ce principe pût s'y conserver.

L'organisation politique est laissée dans une assez grande obscurité par Fourier et par son école. Il y est fait mention de hiérarchies aristocratiques et monarchiques très-étendues, mais nous n'avons rien trouvé qui nous expliquât la nature et les attributions de ces titulaires et les rapports où on a entendu les placer. Ainsi, nous voyons qu'il y a sur le globe harmonisé un omniarque, 3 douzarques, 12 onzarques, 48 décarques ou césars, 144 empereurs, 576 califes, 1728 rois, 6900 grands ducs, 20,000 ducs, 80,000 marquis, 250,000 comtes, 1 million de vicomtes et 3 millions de barons; mais quelle autorité peuvent avoir ces dignitaires dans un état social où personne n'a d'autorité que sur soi-même ? Voilà ce qu'on ne nous dit pas.

VI. L'INDUSTRIE d'après FOURIER.

Association du capital, du travail et du talent.

Avantages de la vie en

commun. Tous ces principes n'appartiennent pas à Fourrier.

La partie industrielle du Fouriérisme se confond avec la partie socialiste, car la société harmonienne est un vaste atelier; produire

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