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Sicile, refusa de prêter ce nouveau serment, comme aussi de recevoir du pontife l'investiture de la Calabre et de la Pouille. Après donc, que Grégoire eut vainement attendu à Capoue la soumission du prince normand, il revint dans le cœur de l'hiver au Mont-Cassin, ainsi qu'on l'apprend d'une l'ettre qu'il écrivit de San-Germano à Lanfranc, archevêque de Cantorbéry ; et de là par la route de Terracine, il retourna à Rome.

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Pendant que Henri guerroyait contre les Saxons qui le tenaient dans une position difficile, Grégoire traitait doucement avec lui, dans l'espoir que la mansuétude papale et les périls de la guerre ramèneraient enfin l'esprit du monarque à de bons sentimens. En attendant il tenait un concile à Rome, où il fulmina de terribles anathêmes contre le concubinage et la simonie, et frappa d'excommunication Robert Guiscard qui refusait toujours de lui prêter obéissance 2 (1075). L'année suivante, il tint un autre synode, dans lequel fut confirmée l'excommunication lancée contre Robert, et où, pour la première fois on condamna solennellement les investitures des évêchés et des abbayes données par un prince laïque. Enfin, on était entré dans l'année 1076, année à jamais mémorable où éclata cet horrible conflit entre le sacerdoce et l'empire, c'est-à-dire entre le droit et la force, alors que de la victoire de l'un des deux combattans dépendaient les destinées des peuples; le droit vainqueur, ils étaient affranchis du joug d'une grande puissance; le droit vaincu, au contraire, ils restaient opprimés par elle. Les peuples et les monarques étaient unis par un contrat solemnel que confirmaient le respect de la religion et la sainteté du serment. Dans les différens partis Dieu seul était juge, comme le témoin de ce contrat, et le souverain pontife, en son nom. Les princes en appelaient au pouvoir des armes ; les peuples, à Dieu, et Dieu par la bouche de son vicaire prononçait la sentence. Heureux tems, où le droit public, fondé sur l'éternelle base de la religion, n'était pas le jouet des révolutions effrénées des peuples, ou de certaine politique corrompue, qui ne vient point de Dieu et n'y retourne point!

» Henri, cependant était parvenu à plier les Saxons sous ses lois ; fier de ses succès il ne voulut plus rien ouïr de la part du ciel et des

1 Labbe, tom. xii.

2 Card. Arag. Vita Gregorii VII.

pontifes; avec moins de retenue encore il se mit à vendre les bénéfices ecclésiastiques. Grégoire l'avertit doucement par des lettres, le menaca d'excommunication, lui envoya des légats; mais lettres et ambassadeurs tout fut inutile. Devenu plus brutal que jamais, le monarque germain, dans un conciliabule d'évêques simoniaques, tenu à Worms, déclara follement le pape Grégoire déchu de son siége et chassé de l'Église. Alors, cessant tout ménagement envers un prince qui se ruait avec tant de force contre les fondemens du droit public, c'est-à-dire contre la religion; Grégoire, alors comme chef de l'Église et comme juge établi d'un commun accord par les peuples et les souverains, déclara à son tour Henri IV excommunié, déchu du trône de Germanie, et ses sujets déliés de leur serment d'obéissance. Les princes d'Allemagne accueillirent favorablement la sentence du pape ; et déjà ils se disposaient à élire un nouveau roi, lorsque Henri, sous le poids de son excommunication, s'en vint en Italie pour amollir l'esprit de Grégoire, et rentrer en grace avec lui. Je ne parlerai point de ce sévère accucil, fait par le saint pontife au monarque allemand dans le château de Canossa, et qui est devenu le scandale de certains philosophes ou jansénistes, placés trop loin pour pouvoir découvrir les pensées de ce pape et de ce souverain. Je ne dirai pas non plus comment Henri, délié de l'excommunication, recommença plus misérablement sa révolte contre le pontife; ces détails nous entraîneraient trop loin de notre abbaye. Disons seulement que les esprits du pape et du roi s'étant aigris de nouveau, la guerre se ralluma plus fortement entre l'empire et le sacerdoce; or, tandis que Grégoire excommuniait Henri dans divers conciles, et que ce monarque consumait son tems sans profit contre Rodolphe de Souabe, élu roi à sa place

princes de Germanie; les peuples attendaient en suspens qu'il leur fût donné de voir à qui resterait la victoire.

>> Pendant que l'Église était ainsi tourmentée par l'empereur Henri, l'abbaye du Mont-Cassin reposait en paix, gouvernée avec sagesse par Didier, et protégée par Richard, prince de Capoue. Toutefois ce doux repos dont jouissait le pieux abbé au milieu des siens, n'endormait point tellement son esprit sur les besoins généraux de l'Église, qu'il ne gémit à son tour sur ses malheurs imprévus, et ne fît quelques efforts pour la relever de ce poids d'infortunes qu'amassait sur elle la révolte du roi de Germanie.

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L'œil du pape Grégoire n'était point tourné seulement vers ceux qui remplissaient dignement leurs offices pour les fortifier dans leurs bonnes résolutions; il se dirigeait encore vers ceux qui, par leur sagesse ou l'élévation de leur rang, pouvaient secourir le vicaire du Christ. Les anathèmes des conciles commençaient à faire peu d'impression dans le cœur de Henri : outre les censures, il fallait donc employer les armes. La comtesse Mathilde soutenait, il est vrai, avec une mâle constance le rempart de la liberté papale; mais la Toscane seule était impuissante à tenir tête au monarque furieux; un autre bras voisin et plus fort était nécessaire : c'était justement celui de Robert Guiscard. En ces tems, le corps des pasteurs de l'Église était étroitement uni dans la conviction, que l'Eglise de Jésus-Christ devait s'affranchir du joug de l'empire et dominer sur lui; et tous, de concert, marchaient vers ce but, auquel les poussait le très-puissant Grégoire. Unique était la fin, multiple était la route pour l'atteindre; et chacun, dans la sienne, allait d'un pas rapide. Au milieu de ce magnifique déploiement des forces du pontificat, l'abbé et cardinal Didier eut encore un ministère à remplir ce fut celui de manier les esprits des Normands, de les unir à Rome, de modérer l'ambition de leurs princes, afin qu'ils n'épuisassent point dans des guerres domestiques la vigueur dont ils avaient besoin pour résister au monarque allemand, Il fallait donc contenir le conquérant Robert, lui faire respecter le patrimoine de saint Pierre, et enfin, dans les périls de la papauté, amener les armées normandes à venir en aide au siége romain; mission difficile, soit à cause des victoires de Guiscard qui rendaient son esprit peu traitable, soit par suite d'un certain amour des Lombards, que l'abbé Didier, comme issu de leur sang, ne pouvait se défendre de ressentir de tems à autre dans son cœur, et qui ne lui permettait point de désirer l'agrandissement de la race normande aux dépens de la nation lombarde. Didier pourtant sut comprimer ses affections naturelles par les plus hautes pensées du triomphe de la puissance romaine,

Dom LUIGI TOSTI.

(Traduit par M. de MONTROND.)

Nouvelles et Mélanges.

FRANCE. PARIS,

EUROPE.

Nouvelles des missions catholiques, extraites

du n. 111 des Annales de la Propagation de la Foi.

1. Mission de la Guinée. Notice sur ce pays et la religion des habitans. La parole évangélique y est portée en 1500 et en 1634; mais ces missions prospèrent peu. Fondation de la société du Sacré-Cœur de Marie, pour la mission des noirs. Départ des missionnaires en 1843; six meurent des fièvres; un seul reste, c'est M. l'abbé Bessieux, qui va donner les nouvelles suivantes.

2. Lettre de M. Bessieux, datée de Gabon, 29 juin 1845, où il parle de l'état d'abjection de ces pauvres noirs. La mort de ses compagnons n'a point découragé le jeune prêtre. Il a déjà baptisé 32 enfants.

3. Lettre du même, datée de Gabon, 15 octobre 1845. Quelques progrès ont lieu dans la mission. Etablissement d'une école, dont les élèves font des progrès; superstitions des noirs; ils paraissent portés à écouter la parole évangélique.

4. Lettre du même, datée de Gabon, 18 octobre 1845. Détails sur leur genre de vie; courses dans les tribus ennemies des blancs; mais les noirs savent bien que le missionnaire ne fait ni commerce ni guerre; aussi il est bien reçu partout.

5. Lettre de M. l'abbé Arragon, datée de Gorée, 27 septembre 1845. Détails sur l'état de cette île, qui offre à peine une lieue de tour. Il y a 180 hommes de garnison; 100 négocians français, et plus de 5,600 noirs entassés les uns sur les autres ; il y a à peu près 1200 catholiques. Triste état des noirs; visite au roi de Dakar; on lui demande la permission d'ouvrir une école gratuite; il fait quelques difficultés, montre un exemplaire du Coran, et finit par dire que les Chrétiens sont dans la bonne voie aussi bien que les Musulmans. Quant à l'école, il désire consulter son peuple.

6. Lettre du même, datée de Gorée, 5 septembre 1844. Réflexions sur le bien à faire dans la mission et les moyens à prendre pour y réussir. Détails sur les marabouts et leur gris-gris ; l'aveuglement de ce peuple tient à son ignorance; les progrès de l'Evangile y sont proportionnés aux progrès de l'instruction. École établie à Dakar, où tous, Roi, prêtres et peuples, la voient avec plaisir. Leur école est très-fréquentée.

7. Lettre de M. Briot, datée de Gorée, octobre 1816. Détails sur le caractère et les dispositions des noirs, qui semblent murs pour l'Evangile.

8. Mission du Levant. Lettre de M. Leleu, datée de Constantinople, 14 septembre 1846. Détails sur la mission de Perse. Malgré toutes les contradictions, la Foi y fait des progrès; 40 nestoriens convertis. Entreprise des Méthodistes pour convertir ces peuples; elle échoue complètement. — Il y a plus de 700 catholiques à Ourmiah. Le gouvernement persan est indifférent et laisse faire; 5 églises sont bâties, et un séminaire à Chosrova, pour y former un sacerdoce indigène. C'est ici la dernière lettre de M. Leleu, mort depuis

à peine âgé de 46 ans.

9. Lettre de M. Rouge, datée d'Ourmiah (Perse), 7 août 1846. Détails sur l'expulsion des Méthodistes; ils veulent prêcher la pure doctrine protestante, et alors les Nestoriens les renient et courent détruire leurs écoles. Puis quelques prêtres se sont convertis au catholicisme et le gouvernement se montre moins défavorable aux missionnaires.

et de

10. Lettre de M. l'abbé Hillereau, datée de Constantinople, 20 nov. 1845. Description de Constantinople. Scène de derviches tourneurs, derviches hurleurs. Le missionnaire à peu d'espoir pour la conversion prochaine des Musulmans.

11. Lettre du P. Bertrand, datée de Syra, 4 avril 1845. Description de la route de Suez jusqu'à la Méditerannée.

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12. Mission du Texas. Lettre de M. Chanrion. Voyage du Havre à la Nouvelle-Orléans et dans l'intérieur des Etats-Unis.

13. Départs de missionnaires.

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