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défauts très-fréquents dans le théâtre de Fletcher; les autres principales pièces sont : le Fat, le Capitaine, le Voyage des Amants, le Frère aîné, le Curé espagnol, la Coutume du Pays, le Buisson du Mendiant, la Dédaigneuse et la tragédie de Valentinien. Fletcher a beaucoup fourni aux écrivains dramatiques de la Restauration; c'est lui qui a presque défrayé Wicherley, Dryden, Shadwell et Behn, surtout pour les intrigues. Chez Fletcher, les caractères de femmes sont bien traités,; les caractères d'hommes sont ordinairement pâles et presque nuls. Son contemporain, Philippe Massinger, est beaucoup plus heureux sous ce rapport; seulement il manque de variété, mais il rachète ce défaut par son grand talent poétique et son style coloré. On a de lui le Douaire fatal, le Duc de Milan, le Combat contre nature, la Dame de la Cité, et surtout sa Nouvelle manière de payer ses vieilles dettes, qui a été conservée au répertoire; on y remarque principalement le caractère de sir Giles Overreach. Puis vient John Ford et sa tragédie du Cœur brisé, dont quelques parties sont excellentes, et celle de Frère et Sœur. Les principales comédies de Ford sont : l'Affligé, le Sacrifice de l'amour et la Mélancolie d'un amant; elles sont généralement inférieures à ses tragédies. Thomas Heywood, dont on peut citer la Femme tuée à force de lui avoir fait du bien, et le Voyageur anglais; Chapman, dont les pièces sont faibles, est plus célèbre comme helléniste: il a traduit l'Iliade et l'Odyssée d'Homère; Pope, tout en le critiquant vivement, lui a fait beaucoup d'emprunts. Rowley, excellent comédien, et auteur; on a de lui : Un nouveau miracle, Une femme jamais tourmentée; John Lully, poète dramatique assez nul, célèbre seulement

comme inventeur de l'Euphuïsme, langage pédantesque, qui rappelle celui des Précieuses ridicules de Molière.

A ces noms on peut encore ajouter ceux de John Marston, auteur d'Antoine et Mellida, tragédie, des comédies Ce qu'il vous plaira et le Malcontent; de Thomas Dekkar, dont l'humeur bouffonne rencontre cependant des accents touchants; de Jacques Shirley, dont on peut citer les Joueurs, le Bal; de George Wilkins, auteur des Misères d'un mariage forcé; de Robert Taylor, de Th. May, auteur de l'Héritier, d'une tragédie de Cléopátre; de Mayne, d'Habington, de Cartwright, etc. La plupart des pièces de ces différents auteurs se trouvent dans la collection des vieilles pièces de Dodsley 1825. 12 vol.

Le théâtre anglais de cette époque avait en outre un genre de pièces tout particulier, qu'on appelait les Masques. C'était un genre de compositions tirées ordinairement de la mythologie grecque ou romaine, offrant peu d'intérêt, mais un motif de mise en scène, un cadre à machine, à toilette, où souvent les seigneurs et les dames de la cour prenaient un rôle. C'était à peu près comme en France les comédies-ballets de la cour de Louis XIV. Les masques furent surtout en vogue sous le règne de Jacques Ier et sous celui de Charles Ier. Le chefd'œuvre du genre est le Comus de Milton ; on peut citer aussi les Divertissements de Cynthia de Jonhson, qui réussissait bien dans ces pièces, toutes de fantaisie.

PROSE.

Déjà, à la fin de la seconde époque, on peut remarquer un progrès sensible dans les ouvrages des prosateurs ; il suffit, en effet, de se rappeler les noms de Th. More, d'Hooker, d'Ascham, astres nouveaux qui brillaient au milieu de leurs contemporains surpris, et les éclairaient des vives lumières de leur génie. On trouve bien encore chez eux des traces de pédantisme, des expressions et des formes vieillies; mais leurs écrits se recommandent à la postérité par une harmonie inconnue avant eux; leur style est nerveux et ferme, sans être dépourvu de grâce et de délicatesse. Avec la troisième époque, le progrès continue, tous les genres de littérature sont cultivés ; l'éloquence même, inconnue dans la période précédente, commence à paraître.

Parmi les prosateurs, on distingue : Philippe Sydney, l'auteur de l'Arcadie, dont nous avons déjà parlé; Spencer qui, dans sa Vue sur l'Irlande, est un véritable historien; Knolles, traducteur de la République de Bodin, et à qui Johnson donne la priorité sur tous les historiens anglais de l'époque, pour son Histoire des Turcs; puis Walter Raleigh, qui, enfermé pendant quatorze ans à la Tour de Londres, écrivit l'Histoire du Monde, lourde dissertation dans les parties qui traitent de l'Ancien Testament, mais très-admirée pour l'Histoire de la Grèce et de Rome; les digressions de l'auteur dans l'histoire contemporaine sont un des principaux attraits de cet ouvrage. Le style de Raleigh est généralement estimé. La veille de sa mort, il écrivit un morceau célèbre, intitulé: Le Pèlerinage.

Au-dessus d'eux tous, et à une grande distance, se place Francis Bacon, l'Aristote du xvIIe siècle, célèbre surtout par ses études philosophiques; son grand ouvrage, Instauratio Magna, devait se composer de six parties; trois seulement ont été exécutées, le de Dignitate et Augmentis scientiarum, le Novum Organum, et divers traités qui portent le titre d'Histoire naturelle. Son Traité de la dignité et de l'accroissement des sciences, avant d'être écrit en latin, avait paru à l'état d'ébauche en anglais (The Proficience and Advancement of Learning divine and human.) On peut encore citer la Sagesse des Anciens, où il essaie, souvent avec plus d'esprit que de succès, de découvrir le sens caché des fables mythologiques de l'Antiquité; ses Essais moraux et politiques, dont le style et les pensées ont fait la réputation; l'Histoire de Henri VII; un roman philosophique, la Nouvelle Atlantide; enfin un grand nombre de lettres très-intéressantes; le style de Bacon est nerveux, pittoresque, harmonieux, mais souvent trop métaphorique; de temps en temps aussi, il paie son tribut au mauvais goût du siècle. Ces taches se rencontrent dans les plus beaux ouvrages, en quelque genre que ce soit. Il faut les admettre, comme une preuve de la faiblesse humaine, même chez les plus grands génies; il y a près de deux mille ans qu'Horace a dit : « Le bon Homère lui-même sommeille quelquefois. >>

Nous citons ici quelques lignes de Bacon, remarquables sous le rapport du jugement et de la justesse d'appréciation; elles sont extraites de ses Essais, et font regretter que l'auteur n'y ait pas abordé plus souvent les sujets littéraires, qu'il était si capable de bien traiter.

TEXTE.

<< Read not to contradict and refute, nor to believe' and take for granted, nor to find talk and discourse, but to weigh and consider. Some books are to be tasted, others to be swallowed, and some few to be chewed and digested that is, some books are to be read only in parts; others to be read, but not curiously; and some few to be read wholly, and with diligence and attention.

:

<< Reading maketh a full man, conference a ready man, and writing an exact man; and, therefore, if a man write little, he had need have a great memory; if he confer little, he had need have a present wit; and if he read little, he had need have much cunning, to seem to know that he doth not. >>

TRADUCTION.

Ne lisez pas pour contredire et réfuter, ni pour accepter et admettre sans examen, ni pour trouver matière à conversation et à discours, mais pour 'peser et examiner. Il y a des livres qu'il faut goûter, d'autres qu'il faut avaler, et quelquesuns, mais en petit nombre, qu'il faut mâcher et digérer; c'està-dire, qu'il y a des livres qu'il faut lire seulement par parties, d'autres qu'il faut lire, mais sans beaucoup de soin, et un petit nombre qu'il faut lire entièrement, avec attention et application.

La lecture perfectionne l'homme; la conversation lui donne de la facilité, et la rédaction donne de l'exactitude à son esprit; si donc un homme écrit peu, il a besoin d'avoir une grande mémoire; s'il converse peu, un esprit vif lui est nécessaire, et s'il lit peu, il lui faut beaucoup de finesse pour paraître savoir ce qu'il ne sait pas.

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