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« Ce fut d'abord avec des figures d'animaux que « les Egiptiens exprimèrent la pensée: tels sont leurs plus anciens monumens historiques, et ces monu<«< mens existent encore gravés sur des pierres. Ils se prétendent aussi inventeurs des lettres. Ils disent «< que c'est de leur pays qu'elles furent portées dans la « Grèce par les Phéniciens, qui, navigateurs plus ha<«< biles, obtinrent la gloire d'avoir découvert ce qu'on « leur avait enseigné. En effet, la tradition générale « est que Cadmus, arrivé sur une flotte de Phéniciens, << enseigna, le premier, cet art aux peuples de la « Grèce, encore barbares. Ce fut, selon quelques<«< uns, l'Athénien Cécrops, ou le Thébain Linus, ou, <«< au siège de Troie, l'Argien Palamèdes, qui inven«tèrent les formes des seize lettres; d'autres, princi

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palement Simonides, ne tardèrent pas à créer le <«< reste de l'alfabet. En Italie, les Étrusques les re«< curent du Corinthien Démarate; les Aborigènes, de <«<l'Arcadien Évandre; et l'on voit que la forme des <<< lettres latines est la même que les Grecs avaient « d'abord adoptée. Au reste nous n'eûmes d'abord que quelques lettres; les autres sont venues ensuite. >>

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Ce passage rappelle celui de Pline le naturaliste que j'ai cité plusieurs fois dans cet article, et que j'ai rapporté dans un autre ouvrage avec d'assez longs commentaires (1). Tacite n'en donne ici qu'un extrait; il supprime ce qui regarde les Assiriens, que Pline, qui connaissait bien mieux l'antiquité que cet historien, reconnaît comme ayant employé de tout tems l'écri

(1) Mémoires pour servir à l'histoire ancienne du globe. VII, 12.

ture alfabétique, tandis que les Égiptiens se servaient de l'écriture hiérogliphique inventée par Hermès ou Mercure. Il veut que les Phéniciens n'aient eu que la gloire de transmettre ce que les Égiptiens leur avaient enseigné. Mais il convient que c'était seulement une prétention des Égiptiens. Or les Phéniciens peuvent être regardés comme Assiriens, ainsi que nous allons le voir.

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11. Sur les Phéniciens,

CXCI. Les Phéniciens, dit Hérodote (1) d'après l'opinion des Perses qu'il croit les plus savans dans l'histoire de leur pays, vinrent par terre des bords de la Mer Rouge sur les côtes de la mer Méditerranée (2). Strabon, qui avait d'abord rapporté ce sen timent sans y ajouter foi (3), convient vers la fin de son ouvrage (4) que les Sidoniens de la mer Méditerranée sont une colonie des habitans du golfe Persique. Il est conforme aux anciennes traditions et à la marche des peuples asiatiques qui se sont portés vers l'occident, que des habitans de la mer Érithrée et du golfe Persique soient venus s'établir sur les rivages de la Méditerranée. Il existait encore, du tems d'Alexandre, dans le golfe Persique, une ville nommée Sidodona (5), qui était située près du cap Gherd

(1) Dans son Histoire, I, J.

(2) Voyez la note de M. Larcher sur ce passage.

(3) Livre I, p. 42.

(4) Livre XVI, p. 784.

(5) Arriani Histor. Indic. cap. 37.

d'aujourd'hui. Il y avait dans le même golfe, l'île de Tir et celle d'Aradus, dont les noms ont aussi été transportés sur les côtes de la Phénicie (1). Dans la belle carte qui a été gravée pour la seconde édition de l'Examen critique des Historiens d'Alexandre par M. de Sainte-Croix (2), on trouvera sur la rive gauche du golfe Persique et vers son embouchare dans la mer Érithrée une ville de Sidodona, et plus haut sur la rive droite les îles de Tylos et d'Arados.

Quinte-Curce se trompe quand il dit que Sidon et Tir eurent le même fondateur, Agénor (3), à moins qu'il ne s'agisse ici d'un autre Agénor que de celui qui était père de Cadmus. Tir fut bâtie, selon Justin (4), long-tems après Sidon dont elle est appelée la fille. Dès les tems les plus reculés, disent les partisans de Justin, Sidon était déjà une ville remarquable, avant qu'on eût pensé à construire dans une île la nouvelle Tir, appelée néanmoins la mère des plus anciennes villes, à cause du grand nombre de ses colonies (5).

En effet il est question de Sidon dans la Genèse (6) où il est dit qu'au nombre de ses fils Chanaan eut

(1) Note de M. Gosselin sur Strabon, dans la trad. franç, de Strabon. I, 94.

(2) Paris 1804.

(3) Quinte-Curce, livre IV, c. 4.

(4) Justini Historia, lib. XVIII, cap. 3.

(5) Examen crit. des historiens d'Alexandre. Paris 1804. p. 277 et 278.

6) Chap. X, verset 15 et suiv.

Sidon et que de lui descendirent les Héthéens, les Jébuséens, les Amorrhéens, les Gergéséens, les Hévéens, les Aracéens, les Sinéens, les Aradiens, les Tsémuriens et les Amathiens, en sorte que les familles des Cananéens s'étendirent, et que l'enceinte de leur pays était fermée d'un côté par les villes de Sidon, de Gérara et de Gaza; et de l'autre par celles de Sodome, de Gomorrhe, d'Adama, et de Séboïm jusqu'à Lésa. Plus bas (1) Jacob, dans son testament, annonce que Zabulon habitera le rivage où abordent les navires, et s'étendra jusqu'à Sidon. En effet nous apprenons par le livre de Josué (2) que lorsque Jabin, roi d'Asor, voulut attaquer Israël, il envoya des députés à plusieurs rois et entre autres vers les Cananéens en orient et en occident, vers les Amorrhéens, les Héthéens, les Phérézéens et les Jébuséens qui habitaient les montagnes; et vers les Hévéens qui habitaient sous l'Hermon, en la terre de Maspha. Josué les vainquit tous; il les poursuivit jusqu'à la grande Sidon (3), de manière qu'il n'en resta pas un seul.

Mais il est question de Tir en même tems que de Sidon dans ce même livre de Josué où lorsqu'il est question du partage fait entre les tribus, celle des enfans d'Aser a un lot qui s'étend jusqu'à la grande Sidon (4) et jusqu'à la forte ville de Tir (5). Ces deux

(1) Chap. XLIX, verset 13.

(2) Chap. XI, vers. 1 et suiv. (3) Id. verset 8.

(4) Id. ch. XIX, verset 28.

(5) Id. verset 29.

T. V. II PART.

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villes existaient donc dès-lors, c'est-à-dire dès l'an 1605 avant notre ère, si l'on adopte le calcul de l'Art de vérifier les dates. Il n'est ainsi nullement prouvé par la Genèse que Sidon fût plus ancienne que Tir qui existait déjà à une époque si reculée.

Quant au nom de Phéniciens ou rouges, que portaient les habitans de ces lieus, il leur venait de la couleur rouge des terres et des rochers qui bordent une partie du golfe arabique et des côtes méridionales de l'Arabie; couleur que l'on retrouve jusque dans les montagnes de l'île d'Ormuz. Cette espèce de phénomène avait fait donner à toutes les mers comprises entre les côtes orientales de l'Afrique et de l'Inde, le nom de mer Rouge, que les Grecs exprimèrent par le mot Érithrée, et il se communiqua à plusieurs des peuples qui en occupaient les bords (1).

Il paraît que les habitans du golfe Persique s'établirent d'abord dans la partie la plus méridionale de l'Arabie heureuse, où ils furent appelés Homérites, nom qui en arabe, dit-on, signifie la même chose que phénicien en grec. Ils fixèrent leur demeure sur les bords de la mer à laquelle ils communiquèreat leur nom. Cette nation s'étant accrue, peupla les côtes de proche en proche, et l'on voit près de Hippos, port du golfe d'Ailath ou Elana, abalités selon Pline (2), aralités selon Étienne de Bizance (3), une

(1) Note de M. Gosselin sur Strabon dans la traduction française de Strabon. I, 14.

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(3) Ce dernier nom est celui que préfère M. Brué dans la seconde carte de son atlas, intitulée Monde connu des anciens.

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