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<«< inventeur des lettres et de l'écriture, Taaut était le (( premier des historiens. »>

Sankhoniaton avait donc, suivant le témoignage de son traducteur, posé les fondemens de son histoire sur les écrits de ce chef de savans, appelé par les égiptiens Thoüth, nom que les Grecs ont rendu celui d'Hermès, et les Latins par celui de Mercure (1). Cet extrait de Sankhoniatôn est certainement un des plus curieux monumens de l'antiquité.

par

Taaut ou Hermès qui avait écrit avant lui avait été doué d'un talent extraordinaire pour tout ce qui peut contribuer au bonheur de la société humaine. Il forma le premier une langue exacte et réglée, des dialectes grossiers et incertains dont on se servait. Il imposa des noms à une infinité de choses d'usage qui n'en avaient point. Il inventa les premiers caractères, et régla jusqu'à l'harmonie des mots et des phrases. Il institua plusieurs pratiques concernant les sacrifices et les autres parties du culte des dieux, et il donna aux hommes les premiers principes du cours des astres. Il leur proposa ensuite, pour divertissement, la lutte et la danse, et leur fit concevoir quelle force et même quelle grace le corps humain peut acquérir par ces exercices. Il imagina la lire dans laquelle il mit trois cordes pour faire allusion aux trois saisons qui partageaient alors l'année; car, ajoute Diodore de Sicile (2), qui nous fournit tous ces détails, ces trois cordes rendent trois sons,

(1) Eusèbe, ibidem, P. 32.

(a) Livre I, § 16 dans l'édition de Wesseling.

le

grave,

l'aigu et le moyen. Le grave répond à l'hiver, le moyen au printems, l'aigu à l'été. C'est lui qui apprit l'interprétation ou l'élocution des Grecs qui, pour cette raison, l'ont appelé Hermès ou interprète; il a été le confident d'Osiris qui lui communiquait tous ses secrets, et qui fesait un grand cas de ses conseils. Enfin c'est lui qui, selon les Égiptiens, a planté l'olivier que les Grecs croyaient devoir à leur Athéné, la Minerve des Latins.

Plus bas (1) le même historien répète qu'Hermès a été l'inventeur de toutes les sciences et de tous les arts. En reconnaissance de ces bienfaits, les Égiptiens donnèrent son nom au premier mois de l'année. Mais ce nom n'était pas Hermès, dont nous avons vu que l'étimologie était grecque; c'était Thoth.

Les inventions que Diodore de Sicile (2), Platon (3), Plutarque et Cicéron, attribuent à Hermès, durent le rendre fort célèbre (4). Il n'est pas étonnant qu'on le retrouve sous le nom de Teutatès (art CXI) chez les Germains qui l'ont fait père de Mannus, à qui ils rapportent leur origine. C'est donc par une mauvaise étimologie que cette tradition a été expliquée (5), lorsqu'on a dit qu'elle ne voulait dire autre chose, sinon que Dieu créa l'homme. C'est le mot Gott qui signifie Dieu en allemand et non Theut. (1) Id. chap. 43.

(2) Livre I, chap. 15, 16 et 43 dans l'édition de Wesseling.

(3) Dans son Phileb. et dans son Phed.

(4) Voyez un long article sur lui dans ma Bibliographic alfabetique. Paris 1822.

(5) Encyclopédie. Art. Étymologie.

Thoth fut le père des hommes par ses bienfaits, et la Genèse n'était pas connue par les Germains lorsqu'ils adoptèrent la tradition que Theut était le père de Mannus. Au reste le Mannus dont les Allemands prétendent descendre et avoir pris le nom, n'était pas fils de Theut, mais du dieu Tuiscon (1). « Les Germains, dit Tacite (2), « célèbrent par des chants antiques, qui leur servent d'histoire et d'annales, un dieu nommé Tuiston, issu de la Terre, et son fils Mann; ils les considèrent comme origine et fondateurs de leur nation. » Le manuscrit de Zurich, le texte de Kappius, et l'édition de Rhagius portent Tuisconem: la première édition de Jean de Spire et plusieurs autres écrivent Tuistonem. Il paraît que c'est de Tuiston qu'est venu le nom des Teutons. On ne peut guère douter que ce nom n'ait été commun à toutes les nations germaniques, qui prétendaient descendre d'un dieu Teuto et qui encore dans leur langue si peu changée, s'appellent Teutshe, nom qui n'est que l'adjectif du substantif Teut, dont le pluriel ancien est Teution: ce nom est identique avec celui de Theotisci du moyen âge (3).

8. Usages des étimologies pour expliquer les noms des villes.

CLXXXVIII. Les anciens expliquaient presque

(1) Dictionarium historicum. authore Carolo Stephano. Recensuit Nicolaus LLoydius. Oxonn 1671. Art. Mannus.

(2) Germania, cap. 2.

(3) Géographie de Mentelie et Malte-Brun, tome I, p. 238.

toujours les noms des villes par le nom de leur fondateur; mais cette façon de nommer les villes estelle réellement bien commune? et beaucoup de villes ont-elles un fondateur? n'est-il pas arrivé quelquefois que l'on a imaginé le fondateur et son nom d'après le nom de la ville, pour remplir le vide que l'histoire laisse toujours dans les premiers tems d'un peuple? l'étimologie peut, dans certaines occasions, éclaircir ce doute. Les historiens grecs attribuent la fondation de Ninive à Ninus; et l'histoire de ce prince, ainsi que de sa femme Sémiramis, est assez bien circonstanciée. Cependant Ninive, en hébreu, langue presque absolument la même que le caldéen, Nineveh, est le participe passif du verbe navah, habiter; et suivant cette étimologie, ce nom signifiait habitation: il aurait été assez naturel pour une ville, surtout dans les premiers tems, où les peuples, bornés à leur territoire, ne donnaient guère un nom à la ville, que pour la distinguer de la campagne. Si cette étimologie est vraie, tant que ce mot a été entendu, c'est-à-dire jusqu'au tems de la domination persane, on n'a pas été lui chercher d'autre origine, et l'histoire de Ninus n'aura été imaginée que postérieurement à cette époque. Les historiens grecs qui nous l'ont racontée, n'ont écrit effectivement que long-tems après; et le soupçon que nous avons formé s'accorde d'ailleurs très-bien avec les livres sacrés qui donnent Assur pour fondateur à la ville de Ninive (1), si toutefois on peut entendre d'Assur le (1) Encyclopédie. Art Étymologic.

passage de la Genèse qui parle de la fondation de cette ville. On a révoqué en doute l'existence de cet Assur (1). Il n'est cependant guère permis d'hésiter sur ce point si l'on s'en rapporte aux autorités les plus graves.

Assur, nommé de même Assur en latin, et Åscoug en grec (2), est le nom d'un des fils de Sein (3). Il y en a qui le regardent comme le fondateur de l'empire d'Assirie, auquel il donna son nom. D'autres sont d'un sentiment contraire. L'abbé Sabbathier croit avec l'abbé Sévin, que l'on doit la préférence à l'opinion des premiers et comme d'habiles critiques ont réfuté avec succès l'opinion des seconds, il suffira d'observer que les Septante, la Vulgate et les interprètes juifs et chrétiens rapportent tous au second des enfans de Sem l'origine de l'empire des Assiriens. Cela n'est' pas étonnant, puisque les historiens sacrés et profanes sont également d'accord sur ce point (4).

Nous voyons en effet que le nom d'Assur a subsisté pendant plusieurs siècles dans le pays où Ninus se retira après sa défaite; témoin Dion Cassius et Strabon, qui, l'un et l'autre, font mention de l'As

(1) Nouveau dictionnaire historique, par Chaudon et Delandine. Lyon 1804. Tables chronologiques, p. 24.

(2) Mémoires de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres. tome III, page 343 et suivantes.

(3) Genèse X, 22.

(4) Dictionnaire pour l'intelligence des auteurs classiques, par Sabbathier. Châlons-sur-Marne. 1768. tome V, pages 39 et 40, Art.

Assur.

T. V. II PART.

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