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Hercinie. Ce serait donc une grande erreur de vouloir que les copistes aient substitué le nom des Tectosages à celui des Boïens dans le texte de Jules César (1).

Le Pline de M. de Grandsagne place les Boi entre les Carnutes et les Sénones, dans le département de l'Allier (2), les Bituriges Cubi, dans les départemens de l'Indre et du Cher, et la partie ouest du département de l'Allier (3), et les Volca Tectosagi dans les départemens de l'Aude et de la Haute-Garonne (4). Il donne conséquemment aux Tectosages beaucoup moins d'étendue que nous ne leur avons donné d'après Guillaume Marcel. Nous reviendrons sur cette question dans la suite.

CXI. TEUTATÈS est regardé communément comme le nom que les Gaulois donnaient à Mercure. Bochart croit que ce mot est phénicien (5). César a cru que Teutatès était le Mercure des Grecs et des Romains. C'est du moins ce qui semble résulter de la comparaison de son texte avec celui de Lucain. Il dit en effet que, suivant les Gaulois, Mercure est le plus grand des dieux, et qu'ils s'imaginent que les dieux se plaisent au sacrifice des hommes; Lucain (art. LXXI) dit que ces peuples versent le sang humain sur les autels de Teutatès ou Theutatès et d'Hésus. On en

(1) On trouve cette opinion dans la Germanie traduite par C.-L.-F. Panckoucke. Paris, 1824, p. 145.

(2) III, 347.

(3) Id. p. 348.

(4) Id. p. 349.

(5) Voyez son Phaleg.

conclut naturellement que Mercure est Teutatès, d'autant plus que le Mercure des Latins est l'Hermès des Grecs et le Thoth des Egiptiens. Or Thoth ressemble beaucoup à Theutatès. Mais, selon dom Martin (1), Teutatès est un nom purement celtique, signifiant père du peuple. En effet, dit-il, teut signifie peuple, et tat père. Tv, en grec, sans accent, se dit pour vos τινὸς dans un sens indéterminé, et signifie cujuscumque, de chacun; tarz, selon lui, veut dire pater, père: les Grecs ont dit aussi tétta, pater, père. tétta était chez eux un terme de bienveillance, de respect, en parlant à une personne plus âgée que soi; mais c'était un adverbe et non un substantif. Le mot tata s'est conservé dans notre langue, et Martial (2) s'en sert comme d'un terme qu'employaient les enfans en caressant leur père; en parlant de la vieille Afra, il dit:

Mammas atque tatas habet Afra; sed ipsa tatarum
Dici et mammarum maxima mamma potest.

« Afra, qui peut elle-même passer pour la plus <«<< vieille maman de tous les papas et de toutes les ma<< mans, a ses papas et ses mamans. >>

Le mot tata se trouve avoir le même sens dans trois inscriptions rapportées par Scaliger dans ses notes sur Ausone (3). Cette opinion de dom Martin n'est donc pas absolument dépourvue de fondement, quoique l'autre soit bien plus vraisemblable.

(1) La religion des Gaulois. Paris, 1727. I, 326.

(2) Lib. I, épig. 101.

(3) Lib. I, cap. 29.

Il paraît certain que Teutatès est le même que Thaut, le législateur des Égiptiens qui avaient donné un asile aux Hébreux enfans de Jacob, et chez lesquels Moïse avait puisé sa science. Ce même peuple avait transmis le culte d'Isis, même chez les Suèves, comme nous l'apprenons de Tacite (1), qui ajoute que la figure de vaisseau sous laquelle ils adorent cette déesse, annonce que ce culte leur a été porté par mer. Nous retrouvons le nom d'Isis dans celui de Paris, et le vaisseau dans ses armes : nous ne devons donc pas être surpris de reconnaître chez les Celtes l'ancien culte des Égiptiens et leur dieu Thaut ou Theutatès. L'identité de ces deux divinités est reconnue tout récemment par M. Bowles (2) dans une disser tation où il prouve que le culte du Toth égiptien a été introduit chez les Celtes, les Gaulois et les Bretons par les anciens colons phéniciens; que le grand temple d'Abury dans le Wiltshire, était dédié à ce culte; et que, sous le nom de Taut ou Teutatès, un grand nombre d'autels étaient érigés dans différentes parties du pays, en l'honneur du dieu des Égiptiens. On sait que le Wiltshire est dans la partie méridionale de l'Angleterre, et que sa capitale est Salisbury.

CXII. THYREI, boucliers ouvragés, ou plus exactement écus, propres à la nation gauloise; ils étaient longs et proportionnés à la taille des soldats: c'est ce que nous apprend Diodore de Sicile (3): λous

(1) Mœurs des Germains, chap. 9. Voyez la préface du tome III, p. iv.

(2) Hermes Britannicus, par W.-L. Bowles. Londres, 1828. (3) Biblioth. hist. V, 30.

χρῶνται θυρεοῖς μὲν ἀνδρομήκεσι, πεποικιλμένοις ἰδιοτρόπως. « Leurs armes sont des boucliers aussi hauts qu'un << homme, et qui ont chacun une distinction particu« lière. » On voit que dès-lors, il y avait des espèces d'armoiries propres à chaque guerrier. Le mot grec Supeòs désigne un bouclier plus long que large. Il a été employé en latin par Lucain (1); mais on peut le traduire en cette langue par scutum, qui était long et qu'il ne faut pas confondre avec le clypeus qui était rond. En effet Tite-Live (2), en parlant des centuries formées par le roi Servius, dit que la première classe, composée de quatre-vingts centuries, était armée de boucliers de cuivre, tandis que la seconde classe, formée de vingt centuries, portait l'écu au lieu de bouclier. Primæ classi dicit imperatum esse clypeum cum galed, ocreis, lorica; secundam scuta pro clypeo, et præter loricam omnia eadem. Le bouclier, nommé clypeus, était rond et petit; l'écu (thyreus), plus grand, avait quatre piés de hauteur sur deux et demi de large. Il était plus nécessaire à ceux de la seconde classe, qui n'avaient point de cuirasse. Dans la suite, lorsque l'État solda les troupes, l'écu fut donné à tous (3).

Denis d'Halicarnasse rapporte l'institution de Servius Tullius, comme Tite-Live (4): dvτi τwv dσπíOWY ἀνέδωκε θυρέους. Au lieu de boucliers presque ronds,

(1) De Bello Civili, 1. I.

(2) I, 43.

(3) Tite-Live, VIII, 8.

(4) Antiq. rom. IV, p. 221, chap. v.

dit-il, il en donna d'autres à la seconde classe, qui étaient plus longs que larges. L'aoni: des Grecs était presque rond, et conséquemment répondait au clypeus des Latins; le Supeos ou scutum était plus long que large, à peu près comme une porte carrée ou oblongue, et c'est de là qu'il a pris son nom anot Súpas. La matière du clypeus n'était point celle du scutum : celle-là était l'airain, comme on l'a vu dans le passage de Tite-Live (1). C'est ce que dit aussi Virgile (2):

Ardentes clypeos atque æra micantia cerno.

L'écu était de plusieurs planches de bois jointes ensemble et couvertes de peaux, selon Polibe. On n'employait pas indifféremment toute sorte de bois. pour faire ces boucliers qu'on appelait scuta, mais seulement un bois mou et aquatique, comme le tremble, le peuplier, le saule, etc., parce que cette espèce de bois se resserrant toujours, quelque coup qu'on lui donne, était plus en état de résister aux armes offensives sans jamais se fendre. C'est Pline (3) qui nous apprend cette particularité. Ces cus qui étaient deus fort longs, empêchaient les soldats de porter une épée ou sabre à leur côté gauche, et c'est pour cela qu'ils mettaient une dague à leur côté droit, au rapport de

(1) I, 43, et XLV.

(a) Æneid. II, 734.

(3) Livre XVI, chap. 40. Pline a puisé cette observation dans Théophraste Hist. Plant, chap. 4

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