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nom de langue romane; elle a été enfin théotisque, ou, pour mieux dire, toutes ces langues ensemble, après l'établissement des Goths, des Bourguignons, et en dernier lieu des Francs, avec lesquels les Gaulois sont enfin devenus les mêmes par un mélange de plus de quatorze siècles.

Il sera donc curieux pour l'histoire de notre langue et pour la connaissance des étimologies de distinguer les mots celtiques reconnus tels par les Romains. J'en donnerai une liste par ordre alfabétique.

GLOSSAIRE D'ANCIENS MOTS CELTIQUES.

A.

X. ALAUDA, alouette; ce mot est naturellement gaulois, et il ne semble pas qu'il faille chercher son étimologie chez les Grecs ni chez les Latins. Pline dit que la légion qu'on appelait au commencement Galerita, prit le nom d'Alauda qui était gaulois : atque ab illo Galerita appellata quondam, posteà gallico vocabulo etiam legioni nomen dederat Alauda (1); c'était une de ces légions que César avait levées à ses dépens, dont une, dit Suétone (2), dans la Gaule transalpine, et qui, d'un mot gaulois, fut nommée Alauda (l'alouette); il lui fit prendre l'habit et la discipline des Romains, et la gratifia tout entière du nom de cité. Comme elle était com

(1) Plinius, lib. x1, cap xxxvi.

(2) In Julio Cæsare, cap. 24. Conscriptam vocabulo quoque gallico; Alauda enim appellabatur.

posée de Gaulois, il est vraisemblable que les soldats préférèrent le nom d'Alauda, puisé dans leur langue, à celui de Galerita, qui était latin.

XI. ALAUSA; ce mot se trouve dans le poëte Ausone, né à Bordeaux.

Stri dentesque focis, obsonia plebis, Alausas (1).

Comme on ne le voit point ailleurs dans les auteurs grecs et latins qui ont traité des poissons, il y a lieu de croire qu'il est gaulois, et c'est ce que nous appelons encore aujourd'hui une alose. Salvien, né à Cologne ou à Trèves, et religieux à l'abbaye de Lerins, écrit aussi ce nom d'Alausa (2); mais on voit qu'il était Gaulois comme Ausone.

XII. ALPES; ce mot était générique, ainsi que nous l'apprend Isidore (3); les anciens Gaulois l'employaient non-seulement pour désigner les montagnes qui s'étendent dans la France, l'Allemagne et l'Italie, et qui retiennent encore aujourd'hui ce nom, mais encore toutes les autres montagnes. Sidonius Apollinaris, né à Lion, parlant du mont Athos en Macédoine, où est l'isthme que Xerxès, roi des Perses, fit percer pour faire passer ses navires au travers,

dit (4):

Admissoque in Athon tumente ponto,
Juxta frondiferæ cacumen ALPIS

Sculptas classibus isse per cavernas.

(1) Ausonius, in Mosellá, vers 127.

(2) Poetæ latini minores, édition de Lemaire. I, 251.

a

(3) L. xiv, c. vi. Gallorum linguá Alpes montes alti vocantur. (4 Sidon Apoll. carmine ix.

XIII. AMBACTI; c'est Jules César qui nous donne ce mot: il dit dans ses Commentaires sur la guerre des Gaules (1) que les anciens Gaulois jugeaient du crédit et de l'autorité d'un chevalier, par le nombre des ambactes et des cliens qui l'environnaient : atque eorum ut quisque est genere copiisque amplissimus, ità plurimos circùm se ambactos clientesque habent. Hanc unam gratiam potentiamque noverunt. Ce mot se trouve aussi dans Ennius, mais dans un sens moins noble, puisque, selon les anciennes gloses, il y est pris pour un valet à gages δοῦλος μισθωτός. Festus dit même que c'était un esclave, servus; mais il se trompe. Le passage que nous venons de citer de César, qui devait mieux les connaître, les représente comme des écuyers qui combattaient auprès de leurs chevaliers, et qu'il nomme même avant les cliens que l'on distingue incontestablernent des valets. Ce mot de client, qui était romain, ne semble même placé là que pour expliquer le mot gaulois. En effet le mot ambactes signifiait dans l'ancienne langue belgique, juridiction ou ressort, d'où venait le mot ambacht-heeren, le seigneur justicier (2); ce qui donne lieu de croire que les ambactes étaient à peu près comme des écuyers, ou, pour mieux dire, de petits seigneurs qui relevaient d'autres plus grands et plus puissans qu'eux, c'est-à-dire ce que l'on appela depuis des vassaux. Dacier, dans ses notes sur Festus, soutient que le mot ambactus est romain;

1) L. vì, c. 15.

(2) Gerardus Vossius, in Etymologic, linguæ latinæ, verbo Ambactus.

mais Oberlin prouve que ce mot est celtique (1). XIV. ARMORIQUE; c'est le nom que l'on donnait à divers peuples de la côte des deux provinces autrefois appelées la Normandie et la Bretagne, et peut-être de quelques autres provinces. Nous l'apprenons encore de César (2): universis civitatibus, quæ oceanum attingunt, quæque eorum consuetudine armorica appellantur, quo sunt in numero Curiosolites, Rhedones, Ambibari, Caletes, Osismii, Lemovices, Veneti, Unelli. Léland dit qu'ar mor signifiait en langue celtique, sur la mer. C'est en effet ce que signifie ar moer (am mur); mais d'autres tels que Ritter (3) préfèrent de rapporter l'origine du mot armorique au celtique ar, qui signifie un sol gras fertile en prés et en pâturages (4), en sorte que les peuples qui ont reçu ce nom sont les habitans d'une contrée féconde sur le bord de la mer. La Tour d'Auvergne dérive ce mot du celtique oar armoric qui signifie vers la petite mer, c'est-à-dire vers le détroit de Calais. En effet les départemens qu'indique César dans ce passage sont ceux du Calvados, de la Manche, des Côtes du Nord, du Finistère, du Morbihan, de la Loire-Inférieure et de l'Ile-et-Vilaine. Les Curiosolites sont les habitans du diocèse de Saint-Malo, entre Dinant et Lamballe en Bretagne, département des Côtes du Nord; les

{1) Cæsar de bello Gallico. Parisiis. 1819. Edit. de Lemaire, P. 251.

(2) De bello Gallico, vn, 75.

(3) In histor. Gall.

(4) Voyez le Glossaire de Wachter au mot ar.

Rhedones sont ceux du diocèse de Rennes en Bretagne, département de l'Ile-et-Vilaine; les Ambibari sont ceux du diocèse d'Avranches, département de la Manche; Ortelius les place à Cherbourg, dans le même département mais beaucoup plus au nord; les Caletes sont ceux du pays de Caux, département de la SeineInférieure; leur capitale est Lillebonne; les Osismi, selon les uns, sont les habitans de Saint-Pol de Léon et de Tréguier dans les départemens du Finistère et des Côtes du Nord; mais d'Anville les place à Carhaix (Karhez) dans la Basse-Bretagne, département du Finistère, arrondissement de Châteaulin; les Lemovices sont les habitans de Limoges : mais comme il ne peut en être question ici, il faut supposer qu'il y avait d'autres Lemovices en Bretagne : on a proposé de lire ici Leonices pour les habitans de Saint-Pol de Léon. Les Veneti sont certainement les habitans de Vannes, département du Morbihan. On croit qu'ils étaient ainsi appelés de la blancheur de leur peau. Strabon dit que les Vénitiens en étaient une colonie. Enfin les Unelli, selon d'Anville, occupaient la contrée où se trouvent aujourd'hui Valognes, Coutances et Cherbourg, département de la Manche; Valognes fut d'abord leur capitale, et ensuite Coutances. On voit que cette matière n'a pas encore été suffisamment éclaircie. Nous y reviendrons dans la suite.

XV. ARIPENNIS, arpent. Ce mot se trouve dans Columelle Galli, dit-il (1), CANDETUM appellant in areis urbanis spatium c. pedum, in agrestibus autem (1) Livre 5, chap. 1.

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