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avaient été frappées dans les parties septentrionales de la Gaule n'aient pas aussi participé à cette perfection? C'est ce que l'on ne peut nier pour celles d'Avignon, un peu moins méridionales que celles de Marseille. Comme les mines d'argent étaient extrêmement abondantes en Espagne, les médailles celtibériennes sont beaucoup plus communes ; et il ne paraît pas qu'elles aient été aussi belles que celles de Marseille (1): mais elles sont vraisemblablement et par là même plus anciennes; et leur origine doit être attribuée aux Phéniciens, de qui les Grecs tenaient leur écriture, comme ils en conviennent eux-mêmes. C'est pour cela que les lettres qui se trouvent sur ces médailles sont les mêmes que les anciennes lettres grecques; c'est encore pour cela que César a dit que les Celtes fesaient usage des caractères grecs pour leur écriture, quoique leur langue fût très-différente de la langue grecque. Au reste, les médailles ou monnaies d'or et d'argent étaient tellement communes dans la Gaule, que Diodore de Sicile (2) nous dit que l'usage était d'en paver les temples. Il ne cite point son auteur, et l'on a conjecturé qu'il avait tiré ce fait

(1) A la suite de sa Notice sur Jules-François - Paul Fauris de Saint-Vincens, Aix, an vш, le fils de ce savant antiquaire a fait graver cinq planches de médailles de Marseille comprenant : (1) 20; (2) 15; (3) 18; (4) 19; (5) 22, en tout 94 médailles. M. Mionnet, pag. 67 de sa Description des médailles antiques grecques et romaines, Paris, 1806, en donne 156.

(2) Livre v, chap. 29 dans l'édition de Rhodoman et la traduction de Terrasson; et chapitre 27, dans l'édition de Wesseling, tome I, page 351. C'est Wesseling qui fait la conjecture dont je parle.

de Posidonius, que cite Strabon pour le récit suivant (1), que je rapporte en entier, parce que l'on pourrait en inférer que ces monnaies étaient grecques, ce que nie Posidonius lui-même.

<< On prétend que les Tectosages intervinrent à << l'expédition de Brennus contre Delphes, et que les «< trésors trouvés par Cæpio, général romain, dans << la ville de Toulouse, étaient une partie des trésors << enlevés à Delphes, et qu'ils avaient consacrés, en << y ajoutant quelque chose du leur, pour apaiser le <«< courroux du dieu dont ils avaient saccagé le temple. « C'est pour cela qu'on ajoute que Cæpio, qui osa y << toucher, termina misérablement sa vie, comme un <«< sacrilège, chassé de sa patrie et dans l'opprobre. << Mais le récit de Posidonius (redaria) est plus pro« bable. Il dit que les trésors trouvés à Toulouse s'éle<«< vaient environ à quinze mille talens (2), qu'une

partie était déposée dans les temples, une autre <«< dans les lacs sacrés, et que c'était simplement de << l'or et de l'argent en lingots sans aucun type. Mais << le temple de Delphes avait déjà été dépouillé alors << de tous ces objets, puisque les habitans de la Pho<«< cide avaient tout enlevé dans la guerre sacrée (3);

(1) Strabonis libri xvu, édition de Siebenkees. Lipsia 798, tome 2, p. 32 et suivantes, livre iv, chap. 3, parag. 16, p. 188 dans l'édition de Casaubon.

(2) Justin, qui parle aussi des trésors enlevés par Cæpio, dit, lib. 32, cap. 3, qu'il y avait cent dix mille talens d'argent et quinze mille talens d'or; en supposant que les talens de Posidonius soient des talens attiques, ce serait 80 millions de nos francs. Au sujet de cette différence, consultez les notes sur Justin.

(3) Ils avaient puisé dans les trésors de Delphes pour sontenir

«et si quelque chose avait encore pu y être trouvé « par les Gaulois, cela avait dû être partagé entre un «grand nombre d'hommes. Il n'est d'ailleurs pas vrai<< semblable qne les Tectosages soient retournés sains «et saufs dans leur patrie, puisque après s'être éloi«gnés de Delphes ils furent très-malheureux; et que <«< s'étant divisés, ils se dispersèrent sur diverses routes. << Ainsi l'historien que je viens de citer, s'accordant « avec beaucoup d'autres à dire que la région dont il «est ici question était abondante en or, et que les «< hommes qui l'habitaient étaient superstitieux et sans a aucun penchant pour le luxe dans les choses com<<<munes de la vie, il arriva nécessairement que la «Gaule eut des trésors en beaucoup d'endroits, sur<< tout parce qu'ils veillaient à la sûreté des marais, « dans lesquels ils déposaient des masses d'argent et « même d'or. C'est pourquoi les Romains, s'étant << emparés de cette contrée, vendirent les marais à <«<l'encan; et beaucoup de ceux qui en achetèrent y « trouvèrent des lingots d'argent. Quant à la ville de <«< Toulouse, il y avait un temple révéré où tous les << voisins se rendaient, et où un grand nombre portait «< des présens auxquels personne n'osait toucher; en « sorte que ce temple renfermait une abondance de « trésors. »

Ce même Posidonius que Strabon vient de citer, est aussi appelé en témoignage par Athénée sur les

la guerre pendant dix ans. Ils y avaient pris dans cet espace de tems plus de dix mille talens. (Diod. de Sicile, xvi, 56) ou 53 millions de francs.

Celtes en plusieurs occasions (1), et entre autres pour un fait où cet auteur est presque contemporain. Louernios, ancien roi des Auvergnats, qui vivait cent cinquante ans avant l'ère chrétienne, monté sur un char magnifique, parcourait souvent les terres de ses états, et répandait à son peuple des monnaies d'or et d'argent. Ce fait, où le terme de monnaie, en grec vóμsμa, ne laisse aucun doute, nous est confirmé par Strabon (2). Il reste encore beaucoup de médailles celtiques, et il en existe plusieurs recueils gravés. On peut consulter celui qu'en a fait M. Mionnet dans sa Description des Médailles antiques grecques et romaines imprimée en 1806 (3); mais l'histoire nous manque pour les expliquer et les classer. Il n'en serait pas moins absurde d'en contester jusqu'à l'existence. Au commencement de ce siècle il en a été découvert plusieurs centaines dans une commune voisine d'Orange (4), et dont le nom, qui est Jonquières, rappelle ces anciens marais dont vient de parler Strabon, et où les Gaulois déposaient leurs trésors. Ce lieu était en effet un marais. M. Mionnet n'a pas connu ces médailles, et l'on en trouvera peut-être encore bien d'autres qui achèveront de prouver le progrès

(1) Tome I, pages 103 et 167; et tome II, page 489 de la traduction française par Lefebvre de Villebrune.

(2) A la fin de son livre iv, pages 42 et 43 dans l'édition de Siebenkees, pag. 191 de celle de Casaubon,

(3) Pag. 63-96.

(4) Voyez la description que j'en ai donnée dans les Antiquités de Vaucluse, Paris, 1808, p. 285.

qu'avaient fait les Gaulois dans l'art de fabriquer les métaux comme dans beaucoup d'autres.

§4. Dégradation des arts dans les Gaules, et difficulté d'en suivre les vicissitudes.

VII. Sans doute les Gaulois, après la perte de leur liberté, perdirent aussi leur littérature et leurs arts. Lorsque les Francs nous eurent subjugués à leur tour, ces arts des Grecs que nous nous étions appropriés et que nous avions même tirés avant eux directement des Phéniciens, ont disparu; en sorte que nous sommes retombés dans une barbarie de laquelle nous sommes sortis assez tard. C'est là un exemple de cette dégradation dans la civilisation, qu'il ne faut pas se contenter d'étudier sur notre sol, si nous voulons la bien connaître. Il n'est peut-être pas même un seul pays dans le monde que l'on puisse suivre assez longtems dans son histoire pour faire de bonnes observations sur ce sujet : il faut nécessairement passer d'une contrée à l'autre pour observer le progrès et la décadence de la civilisation. C'est ce que nos connaissances nous permettent de faire pour les Grecs, les Romains et nous. Ce rapprochement suffit pour nous convaincre qu'outre la décadence particulière qu'ont évidemment éprouvée les Grecs et les Romains considérés isolément, il semble qu'il y ait eu une décadence générale prise dans la civilisation considérée à son plus haut point dans ses différentes époques. En effet, le sanscrit l'emporte, nous dit-on, sur le grec; la langue grecque paraît supérieure à la langue romaine,

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