Page images
PDF
EPUB

CHAPITRE LXVIII.

m

Sorric, duc dos Germains, fait alliance avec Verric, duc de
Trèves.

Le bruit de ces événemens s'étant répandu dans la Gaule et chez les Tréviriens, le duc Verric, s'abandonnant à sa fureur, jura de ne jamais obéir aux Romains; et ayant fait fermer les portes de Trèves, il fit massacrer tous les Romains qui refusèrent de désavouer l'empereur. Ensuite il publia par toute la Gaule la barbarie de Commode. Quelques citoyens timides et faibles souffrirent sans se plaindre; mais tous les autres se révoltèrent, et égorgèrent tous les Romains qu'ils purent découvrir. Enfin le duc Verric et toute la cité de Trèves firent alliance contre les Romains avec les Germains, et principalement avec Sorric, leur duc. Je ne dirai pas comment les Germains chassèrent les Romains de leur pays et furent reçus avec amitié par les Mosellans, qui tuèrent ou mirent en fuite les receveurs romains, ni comment les Romains germaniques, les Mosellans et les Tréviriens s'emparèrent de la montagne et du château de Toul pour la défense de leurs frontières, et y soutinrent ensuite un siège contre les Germains, les Tréviriens et les Mosellans; le théâtre de ces événemens est trop éloigné du Hainaut; mais ce qui a plus de rapport à mon sujet, c'est l'invasion de l'empire par Verric et Sorric.

Sorrico imperium invaserint, ad meam spectat spe

culationem.

CAPITULUM LXIX.
LUM

Qualiter Werricus dux Treverensis et Sorricus dux Germanorum Romanos à Galliis effugaverunt, et Warnestonem ducem Morinorum interfecerunt.

ROMANIS igitur Germanicis, id est in Germaniâ natis, atque Treverinis fugitivis, infrà castrum Tullense patenter obsessis, dux Sorricus unàcum duce Werrico proposuerunt residuum Romanorum infrà Gallias contentorum totaliter perimere. Unde obsidione Tullensi Mosellanis et Hugoniensibus et Strasiburgensibus commissâ, cum populo innumerabili per totam Alsatiam, usque Legiam et Tungrim percurrentes, quosquos repererunt de exactoribus romanis gladio trucidarunt. Cùm autem Tungrim obsidere disponerint, Tungrini Romanos perlustrantes, quos capere vivos potuerunt, dictis ducibus ligatos præsentârunt, ceteris fugam capientibus, et portas civitatis aperientes, tota civitas cum ducibus dictis contrà Romanos conjurârunt. Abhinc totam Rhetiam perlustrantes et Romanos effugantes, qui Commodum imperatorem abjurare nolebant, tandem suprà ripariam Mosæ et Sambræ, in Huyniæ partibus, devenerunt, ubi amoenitatem aeris, aquarum, et territorii securi

CHAPITRE LXIX.

Verric, duc de Trèves, et Sorric, duc des Germains, chassent les Romains des Gaules, et tuent Varneston, duc des Morins.

Les Romains germaniques, c'est-à-dire nés en Germanie, et les Tréviriens transfuges, ayant été mis en déroute et assiégés dans le château de Toul, Sorric et Verric résolurent d'exterminer entièrement tout ce qui restait de Romains dans les Gaules. A cet effet ils confièrent le siège de Toul aux Mosellans et à ceux de Haguenau et de Strasbourg, et, suivis d'une multitude innombrable, ils parcoururent toute l'Alsace jusqu'à Liège et Tongres, massacrant de tous côtés les receveurs romains. Comme ils se disposaient à assiéger Tongres, les habitans de cette ville, se mettant aussi à la poursuite des Romains, leur amenèrent enchaînés ceux qu'ils purent prendre vivans, et ayant ouvert leurs portes aux deux ducs, ils firent alliance avec eux contre l'empire. De là les vainqueurs allèrent ravager la Rhétie, où ils continuèrent à mettre en fuite les Romains qui ne voulaient point abjurer leur fidélité à l'empereur. Enfin ils arrivèrent sur les rives de la Meuse et de la Sambre, au pays de Hainaut; et charmés de la douceur de l'air, de la fraîcheur des

tatem, sentientes, illùc pausaverunt aliquantisper, oppida, villulas et fortalitia construentes;, quæ à Sorrico duce Westphalico, ut in pluribus adhuc, nominantur. Audierunt tandem Romanos Galliæ inferioris in civitatibus Octoviæ atque Tornaci pro majori parte transfugisse; quare decreverunt eos invadere, et primò Octoviam obsederunt.. Werricus igitur cum suâ gente versùs paludes Hainiæ locum periculosiorem, à parte videlicet septentrionis dictæ civitatis, in quodam monte, qui quidem Mons-Werrici dicitur, gallicè Werries (1), juxtà paludes Huinæ acies suas collocavit. Habebat enim propè se fortalitia duo Romanis plena, castrum videlicet Cæsaris (2), ab oriente in monte fortissimo, et Cæsaris-locum (3) ab occidente in paludum medio, contrà quos artificiosè se munivit. Sorricus verò cum suâ gente fluvium Sambræ persequens, dictam Octoviæ civitatem à parte meridiei etiàm obsedit: sic obsidione solâ plura Romanorum fortalitia obsessa tenebantur. Obsidione factâ, mandaverunt Romanis infrà civitatem commorantibus, aut redderent se ipsos, aut abjurarent Commodum imperatorem, qui proditoriè nobiles Galliarum occiderat; aut si per violentiam caperentur, nulli parcerent neque Gallo neque Romano. Fit magna in civitate seditio Romanorum contrà Octovios: adeò siquidem erant mixti, ut vix trecenti puri Romani, quin patrem aut matrem aut uxorem aut liberos gallos haberent, reperirentur. Tandem trium inducias dierum

(1) Viheries ou Viéries, village à trois lieues au nord de Bavai. (2) C'est peut-être Monceau, ferme ou hameau près de Viéries. (3) Peut-être Quiévrain.

eaux et de la tranquillité de cette contrée, ils s'y reposèrent quelque tems, et bâtirent en divers lieus des villes, des villages et des forteresses, dont plusieurs conservent encore aujourd'hui le nom de Sorric, duc de Vestphalie. Ayant appris ensuite que les Romains de la Gaule inférieure s'étaient réfugiés, pour la plupart, dans les villes d'Octovie et de Tournai, ils résolurent de les y poursuivre, et mirent d'abord le siège devant Octovie; Verric plaça son armée au nord de la ville, près des marais de la Haine, sur une montagne appelée Mont-Verric, en français Verries. Cette position était fort dangereuse, car il avait auprès de lui deux forteresses pleines de Romains; le Camp-de-César, à l'orient, sur une montagne fortifiée; et César-lieu, à l'occident, au milieu des marais. Il sut habilement se prémunir contre leurs attaques. Sorric, au contraire, suivit la Sambre avec ceux de sa nation, et alla attaquer la ville du côté du midi. De cette manière ils tenaient assiégés à la fois plusieurs lieus occupés par les Romains. Le siège établi, ils sommèrent les Romains qui étaient dans la ville, ou de se rendre, ou d'abjurer leur fidélité à l'empereur Commode, qui avait traitreusement fait périr de nobles Gaulois ; et déclarèrent que si Octovie était prise d'assaut, ils n'épargneraient ni Gaulois ni Romains. Il s'éleva alors dans la ville une grande dissention entre les Romains et les Octoviens. La population était tellement mélangée à Octovie, qu'à peine s'y trouvait-il trois cents Romains purs, dont le père, la mère, la femme ou les enfans ne fussent pas. Gaulois. Enfin ils demandèrent trois jours pour se consulter. Pendant ce tems-là les Romains purs, receveurs des impôts, rassemblèrent toutes leurs richesses et s'enfuirent à Tournai lorsque la nuit fut venue. Le lende

« PreviousContinue »