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CHAPITRE XXXI.

Piat fonde le premier une église à Tournai et aux environs.

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SAINT Piat est le premier fondateur de l'église de Tournai, et le premier prédicateur du pays : c'est par lui que la foi y a germé et grandi, qu'elle s'y est fortifiée et qu'elle s'y perpétuera à jamais en croissant de plus en plus. Il est véritablement cette fontaine ou cette rivière coulant du paradis, que Dieu a destinée à arroser une terre déserte, impraticable et aride, c'est-à-dire à convertir les nations des gentils, afin que ceux que l'idolâtrie avait fait rejeter et abandonner devinssent, par la foi, des élus et des bien-aimés; que ceux qui avaient été obstrués par l'ignorance se trouvassent dégagés par la connaissance de la vérité, et que de desséchés qu'ils étaient auparavant par la dureté, ils fussent humectés par l'ablution du batême, par la componction et la confession. La prédication apostolique à laquelle se livrait saint Piat ne l'empêchait pas de garder la continence et la pureté de la vie monacale, c'est-à-dire de se contenter constamment de peu nourriture, de boisson et de sommeil, et de conserver dans toute sa manière de vivre la modération d'un ermite et la tempérance d'un philosophe.

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CAPITULUM XXXII.

De vita et moribus sancti Piati.

CUJUS sanctitatis vel prædicationis fama in aures populi circummanentis, velut odor suavitatis, longè latèque percrevit, et contemplatio eximiæ religiositatis ejus multorum sanctorum tandem gratiam sibi conciliavit in tantum, ut cernentes ipsius modestiam et sermonem divino sale conditum, ipso ejus intuitu perplures converterentur. Quid plura ? ulli hominum non est possibile illius virtutum species enucleare, atque ad notitiam hominum deflectere illum decorem, illum favorem, quo et Deo interiùs adhærebat et saluti animarum exteriùs incumbebat. Victus ejus quotidianus panis grossior et aqua erat, præter tempus quadragesimæ in quadragesimâ autem bis tantùm in septimanâ, id est, die dominicâ et quintâ feriâ artissimo cibo corpus macerabat, potius quàm pascebat. Hæc verò operabatur, ut exhiberet corpus suum hostiam viventem, sanctam, Deo placentem, rationabile obsequium suum nolens omninò conformari huic seculo, in cujus interiùs parata erat mansio omnipotenti Deo.

CHAPITRE XXXII.

Vie et mœurs de saint Piat.

BIENTÔT le bruit de sa sainteté et de ses prédications remplit toute la contrée, comme un doux parfum se répand de toutes parts. L'exemple d'une dévotion si pure lui concilia si bien les cœurs, qu'une foule d'idolâtres, frappés de sa modestie, de ses discours qu'assaisonnait un sel divin, et de la douceur de sa figure, se convertirent aussitôt. Que dirai-je ? Il n'est pas possible de décrire toutes ses vertus ni de peindre cette grace, cette ferveur avec laquelle il adhérait intérieurement à Dieu, en travaillant extérieurement au salut des ames. Du pain grossier et de l'eau, c'était là sa nourriture ordinaire; et dans le carême il mortifiait son corps plutôt qu'il le nourrissait, en prenant deux fois par semaine seulement, le dimanche et le jeudi, quelques parcelles de substance. Il voulait ainsi faire de son corps une hostie vivante, pure et agréable au Seigneur; et préparant en lui-même la demeure du Dieu toutpuissant, il refusait de rien faire pour ce monde.

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CAPITULUM XXXIII.

De famâ prædicationis Piati.

FAMA igitur sanctitatis ejus et prædicationis penetraverat gallica regna, properans usque Romanam urbem; undè commoti principes, crudelitatis adjectores, continuò direxerunt vicarios tres viros agiles et feroces, de quorum voluntate certi erant, qui repertis christianis nullatenùs parcerent, sed totâ crudelitate celebriter punirent. Hi, accepto imperatorum decreto, assumptis quoque secum nequissimis suæ militiæ armigeris, civitates, quæ viantibus contiguæ erant, peragrare cœperunt, si fortè reperiri quivisset Christi miles Piatus, ut illo per tormenta lacerato, ad ultimum morti dato, imperatorum animos complacerent. Sed quià vir Dei, ut jàm dictum est, Tornacensium fines olim expetierat, et vineam Domini excolens, in agro sibi commisso ferventer desudabat, ipsi persecutores, hausto rumore ejus semper sibi obvio, è vestigio secuti sunt usque Tornacum, ubi prædicantem in populo et testificantem beatum Dei famulum in

venerunt.

CHAPITRE XXXIII.

Renommée de la prédication de saint Piat.

Le bruit de sa sainteté et de sa prédication, après avoir traversé tous les peuples de la Gaule, parvint jusqu'à Rome. C'est pourquoi les chefs de l'empire, tout troublés et devenus plus cruels, dépêchèrent aussitôt trois de leurs lieutenans, hommes actifs et durs, dont ils connaissaient le dévouement, pour n'épargner aucun des chrétiens qu'on pourrait découvrir, et pour les punir sur-le-champ avec la dernière cruauté. Ces commissaires ayant reçu le décret des empereurs, et s'étant fait accompagner des soldats les plus féroces de l'armée, se mirent à parcourir les villes qui se trouvaient sur leur route, dans l'intention, s'ils rencontraient le vertueux soldat du Christ, saint Piat, de le déchirer par la torture, et de le livrer ensuite à la mort pour apaiser la colère des empereurs. L'homme de Dieu avait alors gagné, comme on l'a dit, le territoire de Tournai, où il cultivait la vigne du Seigneur, et fertilisait de ses sueurs le champ qui lui avait été destiné. Les persécuteurs, en se dirigeant sur les traces de sa renommée, qui volait toujours au-devant d'eux, suivirent ses pas jusqu'à Tournai, où ils le trouvèrent prêchant le peuple et confessant l'Évangile de JésusChrist.

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