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CHAPITRE XXVIII.

Du tems auquel vivait saint Piat.

CEs choses se passaient sous la tirannie des cruels empereurs Dioclétien et Maximien, qui, dans les ténèbres de leur barbare ignorance, étaient tellement privés de toute lumière, qu'ils regardaient comme un crime d'entendre seulement prononcer le nom de Jésus-Christ, et poursuivaient les fidèles d'une haine implacable jusqu'à la mort. Mais Dieu voulut que ces féroces persécuteurs, en déchirant le sein de son Eglise, lui donnassent en même tems de nouvelles forces, suivant ce qui est écrit dans le psaume : Vous m'avez agrandi dans les tribulations. Ce fut sous les mêmes empereurs que la légion thébéenne fut massacrée et les églises dévastées, même dans le tems où les pasteurs y célébraient l'office, au point qu'il périt en un mois dix-sept mille martirs.

CAPITULUM XXIX.

De consociis sancti Piati, et qualiter diversas elegerunt civitates.

EA quidem tempestate, nobiles viri et potentes in verbo Domini, Dionysius episcopus, Lucius qui dicitur Lucianus, Quintinus vir senatoriæ dignitatis, et alii comites sanctissimi, videlicet Fuscianus, Victoricus, Crispinus, Crispinianus, Rufinus, Valerius, Regulus, Eugenius, cernentes pondus acerbissimæ persecutionis adeò desævire, ut nemo fidelium valeret ullâ pace potiri, sed agnitus mox ad supplicia pertrahi, non tamen sponte suâ, sed edocente Christi gratiâ, advertentes quanta in regionibus Galliarum messis et quàm pauci vel nulli essent operarii, deliberaverunt quoniàm quidem illis vivere et mori lucrum erat, ut à conspectu tyrannorum se interim segregantes, ad majorem Dei gloriam regiones Galliaram adirent, ubi, secundùm Christi mandatum, omni creaturæ prædicarent evangelium, credentes fide plenâ non diù defuturos sancti nominis vexatores, quibus urgentibus, copiam martyrii sortirentur. Huic tàm beato conventui sociatus est pari fide parique constantiâ famulus Dei Piatus non minùs quàm ceteri ad dominica bella paratus. Hoc verò comite, ut completa duodena societas est, promoventes à Româ, concitis

CHAPITRE XXIX.

Des compagnons de saint Piat. Ils vont prêcher en diverses villes.

EN ce tems-là, des hommes d'une naissance distinguée, et puissans dans la parole de Dieu, saint Denis, évêque; saint Luce, surnommé Lucien; saint Quentin, sénateur, et d'autres saints personages comme Fuscien, Victoric, Crépin, Crépinien, Rufin, Valère, Régule et Eugène, voyant que la persécution était portée à son comble, que les chrétiens ne pouvaient jouir d'aucun repos et étaient traînés au supplice aussitôt qu'on les avait reconnus; et remarquant, par une inspiration de la grace divine, qu'il y avait dans la Gaule une abondante moisson à recueillir, et peu ou point de moissonneurs, ils résolurent de fuir la présence des tirans et d'aller dans les Gaules pour la plus grande gloire de Dieu, enseigner à tous l'Evangile suivant le commandement de J.-C., persuadés que les persécuteurs du nom chrétien ne manqueraient pas longtems, et que la palme du martire serait leur partage. A cette bienheureuse réunion vint se joindre saint Piat, le serviteur de Dieu, animé de la même foi et du même courage que ses compagnons, et non moins préparé qu'eux à combattre pour la sainte cause. Lorsqu'ils furent tous réunis, au nombre de douze personnes, ils sortirent de Rome et vinrent en grande hâte à Paris, où pratiquant le jeûne et la prière, ils prièrent le père

gressibus devenerunt Parisiis, ibique jejuniis et orationibus dediti, exorabant patrem luminum, ut eos dirigeret in benè placitum suum, daretque eis sapientiam, ut valerent, prout oportet, loqui verbum Dei, et innotescere gentibus Christi virtutem atque potentiam. Tunc beato Dionysio revelatum fuit cœlitùs, ut Parisiis resideret, ipsamque civitatem ac ejus confinia verbo Domini exornaret. Ipse denique fortissimos commilitones suos Lucium et Piatum consecravit presbyteros, quatenus in opus evangelii in ædificationem corporis Christi, quantò sacratiùs tantò vigilantiùs, instarent. Sanctus verò athleta Christi, Quintinus, Ambianis assumpsit, et ceteros, hoc est, Regulum Silvanectis, Lucianum Belvaci, Crispinum et Crispinianum Suessionis, Rufinum et Valerium Rhemis, Fuscianum et Victoricum urbi Morinorum, Piatum Tornacensibus, atque Eugenium prout Spiritui sancto complacuit, ad prædicandum destinavit. Eccè stellæ à sole justitiæ illuminatæ gentes Galliæ illustrant ; ecce sidera non errantia cordibus gentilium fidei introitum dilatant; ecce ancillæ (1) Domini, quibus ministris, maxilla leviathan proferatur (2), ut de ejus fauce voraci gentes extrahantur, et in gregem ecclesiæ, Christo auctore, componantur. Ecce apostolicus duodenus numerus in his sanctis viris renovatus est, per quos sancta Ecclesia multiplici incremento coadolevit; per quos Francia antè nobilitata est, quàm appellata. Isti sunt duodecim candelabra

(1) On doit lire armillæ. Voyez Job, XL, 21. (2) Lisez perforatur.

des lumières de les diriger suivant sa volonté, et de leur donner la sagesse, afin de pouvoir annoncer dignement la parole de Dieu, et publier devant les nations la vertu et la puissance du Christ. Ce fut alors que saint Denis reçut, par une révélation céleste, l'ordre de rester à Paris, et d'enrichir cette ville et ses environs de la parole du Seigneur. Lui-même ensuite consacra prêtres ses compagnons Lucius et Piat, afin qu'ils travaillassent, dans la tâche de l'Evangile, avec d'autant plus de sainteté et de vigilance à la fondation de l'Eglise chrétienne. Le saint athlète de Jésus-Christ, Quentin, choisit Amiens, et envoya les autres prêcher, savoir : Régule à Senlis, Lucien à Beauvais, Crépin et Crépinien à Soissons, Rufin et Valère à Reims, Fuscien et Victoric à Moriane, Piat à Tournai, et Eugène où l'appellerait le Saint-Esprit. Illustres étoiles, éclairées par le soleil de la justice, vous brillez sur les peuples de la Gaule! Nobles astres! dans votre cours réglé vous dilatez l'entrée de la foi dans le cœur des gentils! Puissans anneaux du Seigneur, qui percez la mâchoire de la baleine pour retirer les nations de sa gueule dévorante, vous rassemblez sous la houlette du Seigneur le troupeau des fidèles! Le nombre duodénaire des apôtres est renouvelé dans ces hommes sacrés, qui donnèrent à l'Eglise un accroissement immense, et à la France une noblesse avant qu'elle eût un nom. Voilà les douze candélabres ardens d'une flamme pure et éternelle, desquels le Seigneur a dit : « Je suis venu apporter le feu la terre; » ce qui fait déclarer à saint Paul que notre Dieu est un feu qui consume. Le Seigneur les plaça sur la montagne des vertus, non pour rester cachés, mais pour apparaître comme le fanal de la sainte Eglise, afin que ceux qui auront été

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