Page images
PDF
EPUB

par

-

pas

Il s'en fallut peu qu'ils ne fussent tout-à-fait démasqués la commission des douze; pour l'empêcher, ils ont fait les mouvemens du 31 mai et 2 juin; ils ont obsédé la Convention, foulé aux pieds l'inviolabilité de la représentation sacrée, et ils ont dissous la Convention à force ouverte ; dire qu'elle fut libre ces jours-là, c'est un mensonge impudent auquel nul homme de bien, au prix de son sang, ne pourra souscrire. - Elle n'était même entièrement libre avant ces jours liberticides, parce qu'elle était éternellement maîtrisée par les tribunes, et à plus forte raison doit-on dire qu'elle n'est pas libre depuis le 31 mai, non-seulement parce qu'on a chassé trente députés qui suffisent pour donner le dessus à la saine majorité; non-seulement parce que plus de cent membres, justement dégoûtés d'une assemblée impunément outragée, ne la fréquentent plus, ou au moins ne s'y mêlent plus; mais principalement parce qu'il est ridicule de prétendre qu'une assemblée souveraine soit libre, lorsqu'elle n'a pas encore pu punir les scélérats qui l'ont dissoute; car la priorité de la guillotine est due aux auteurs de la soi-disant insurrection du 31 mai.

Votre tribunal révolutionnaire s'occupe sérieusement des petites choses, et condamne les innocens, tandis qu'il est l'humble serviteur des plus grands conspirateurs. Eh misérables! s'il faut éternellement voir les crimes du plus fort impunis, à quoi sert la révolution?

[ocr errors]

Je sais bien qu'il y a assez de gens qui, pour s'épargner la honte de leur faiblesse, se font illusion sur la situation actuelle de la Convention, et qui me disputeront mes assertions. Je ne suis point assez heureux pour m'y tromper, et je méprise ceux qui se paient de paroles, et suivent toujours leur commodité. Le républicain, c'est l'homme juste; et la république, c'est le règne de la justice. Voulez-vous changer cette définition, alors vous êtes moins sages que l'âne de la fable; pensez-vous que changer de maître, soit la liberté? Si le règne des lois, si le bonheur de la ma

[ocr errors]

jorité du peuple n'est pas le but unique de vos efforts politiques, si vous substituez à tout cela votre désir de dominer, alors nous n'aurons rien gagné, et la France, au lieu du cabinet de Versailles, aura pour maîtres les chefs des Jacobins de Paris: il n'y a ici que cette différence, que le despotisme des derniers est encore plus affreux. Encore un peu de temps, et la nation, fière et jalouse de sa liberté, reviendra de la surprise et de l'erreur. Le mérite sera honoré, et votre règne, septembriseurs, finira. Citoyens français ! nation généreuse, guerrière, et idolâtre de la liberté ! vous ferez bientôt trembler les tyrans coalisés, si vos forces immenses sont sagement dirigées ; et si je ne m'abuse point dans cette douce espérance, je garantis qu'er un mois la liberté de la Convention et l'inviolabilité de la représentation nationale seront établies; alors vous ferez craindre les despotes étrangers pour leurs propres foyers, et dans une année vous aurez la paix, la liberté, et la république une et indivisible.

Pour parvenir à ce but, qu'est-ce qu'il faut faire? je réponds une seule chose; il faut exciter l'amour de la patrie et de la liberté dans tous les cœurs français. Ce feu doux et ardent nous sauvera, et il s'éveillera dans les cœurs, quand on fera jouir tous les citoyens des fruits de la liberté ; quand les sociétés populaires cesseront d'être une caste privilégiée, et de s'élever sur les autorités constituées, sur les lois, sur la souveraineté nationale; quand elles chercheront toute leur supériorité dans l'obéissance aux lois, ou, si cela n'est pas possible, quand on aura fermé les sociétés qui, dans une république, sous le règne de l'égalité, sont moins nécessaires que dans la constitution de 1791.

Quelle est notre situation actuelle ? un nombre infini d'hommes éclairés, droits, est dégoûté, et ne se veut plus mêler d'un gouvernement qui ne peut punir les forfaits, et qui laisse dominer les fripons. Ce malheur, qui est déjà assez grand, fut infiniment augmenté par la violation de la liberté de la Convention au jour du 31 mai et 2 juin : pour

ne pas encourager et multiplier à l'infini les brigands, pour ne pas opprimer tous les gens de bien, il faut punir les auteurs de ce grand attentat fait à la majesté nationale; et si cela n'est pas possible, c'en est fait de la liberté, et il faudrait désespérer d'elle: oui, sans les mouvemens des braves Marseillais, Bordelais, Bretons et Normands, la liberté française serait détruite pour jamais.

Cependant, vu notre situation critique, je me ferais un devoir de me taire, si les Jacobins, qui sont présentement les maîtres, étaient capables de sauver la république, s'ils avaient les talens et les vertus nécessaires, s'ils aimaient moins leur propre intérêt, et enfin, s'ils ne se divisaient eux-mêmes et n'empêchaient le salut public par cette division, dont les ambitieux seront la première victime immolée, comme ils l'ont mérité, par les hommes de sang et de boue, par ces meneurs de leur peuple. Voilà pourquoi je prétends que dans notre situation, tout mensonge, tout palliatif est très-nuisible; que l'union de la Convention forcée et tyrannique, et l'apparence de la liberté depuis le 31 mai est encore pire pour la liberté française, qu'une dissolution complète, qui ne pourrait jamais être que momentanée; mais cette apparence actuelle fera illusion à quelques départemens, excitera par conséquent la guerre civile, et ce sera trop tard pour qu'il y ait des moyens pour guérir cette plaie. C'est donc selon moi un devoir pour les représentans qui pensent de même de faire un aveu commun à toute la France pour la détromper: c'est un acte de sagesse et de patriotisme; que plusieurs députés parcourent les départemens pour les éclairer; car notre salut dépend de deux choses, 1o de la prompte acceptation d'un acte constitutionnel (1); 2° de l'étouffement de la guerre civile qui

(1) L'urgence ne permet pas de discuter profondément, et il nous doit suffire d'avoir une constitution républicaine, quoique je sois convaincu que le plan du comité de constitution est plus populaire, et que

nous menace, contre laquelle les anarchistes veulent employer des moyens violens, parce que, pour échapper à leur supplice, ils ne songent pas au bien public, à la liberté française, qu'ils veulent vendre aux ennemis extérieurs, pourvu que ceux-ci leur garantissent l'impunité de leurs crimes. De cette guerre civile quelle est la source? Nulle autre que la violation de la représentation nationale aux journées du 31 mai et 2 juin, violation évidente et commise par la municipalité usurpatrice de Paris. Pour prévenir cette guerre civile, pour rétablir l'ordre et la justice, il ne faut que casser cette municipalité, et en punir quelques chefs. Parisiens, cela vous ferait honneur aux yeux des départemens, si vous vouliez faire cet acte aussi nécessaire que juste, sans attendre leur arrivée. Mais si vous n'avez pas assez de courage, attendez en silence et avec impatience l'arrivée de la force départementale, qui vous aidera à détruire les usurpateurs qui ont asservi Paris et les départe

mens.

Mais il Ꭹ a encore un moyen plus simple, c'est la réunion de la Convention qui se peut opérer par les députés qui sont encore à Paris, s'ils déployaient du courage et oubliaient les offenses mutuelles. Hommes de bonne foi sur la montague et dans la plaine, il vous reste un moyen honorable de faire oublier le passé, c'est votre prompte réunion avec le côté droit. Cette réunion fera trembler une municipalité avec tous ses canons. Représentans de chaque côté, oubliez vos offenses mutuelles, unissez-vous, car la patrie en danger le demande; si sa douce voix ne vous suffit pas, allez, vous n'êtes que des monstres.

le plan du comité de salut public a la grande faute qu'il ne met pas de bornes aux abus des sociétés populaires, et qu'il laissera toujours le Corps législatif sous l'influence et sous la domination des Jacobins de Paris: voilà leur motif de s'opposer au plan du comité de constitution, qui n'avait pas ce défaut.

Anarchistes, vous qui avez continuellement empêché les calmes délibérations de la Convention, qui avez enfin violé sa liberté, son inviolabilité, vous qui avez fait tomber tant de malheurs sur ma nouvelle patrie, dont vous dominez présentement les représentans! Messeigneurs les usurpateurs ! il ne m'échappe point que vous êtes tout-puissans, et que mon sort est entre vos mains, auxquelles je ne veux pas me soustraire, pour vous montrer que d'aussi vils maîtres que vous ne peuvent intimider les vrais républicains; j'ajoute que je ne cesserai jamais de vous mépriser comme des criminels, de vous haïr comme des ennemis du bien public, et de concourir de toutes mes forces pour vous détrôner. Après une telle déclaration, il sera de votre convenance de me faire l'honneur de vos cachots ou de votre guillotine; mais je les saurai braver, je serai plus heureux en souffrant pour la liberté, que je ne le suis en restant paisible spectateur de votre despotisme.

Je finis en témoignant mon estime à ces généreux défenseurs de la république, qui, sous les noms de Rolandins, Girondins, et généralement du côté droit, ont constamment lutté pour la liberté. Hommes républicains, vous êtes présentement opprimés; mais étant devenu homme libre pour être homme juste, je me fais un honneur de vous témoigner mon estime, et de mériter la vôtre.

Paris, le 13 juillet 1793, l'an II de la république française, une et indivisible.

ADAM LUX, citoyen français.

Note (O bis), page 274.

Assemblée nationale.

(Extrait du Moniteur.)

Séance du 15 juillet 1791.

Un de MM. les secrétaires fait lecture de la pétition renvoyée dans la séance de la veille. «C'est pour leur donner

« PreviousContinue »