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der. Jettons un voile sur des détails toujours affli geans, puisque le sang des hommes a coulé. Combien les despotes sont coupables de causer, pour l'élevation de quelques mortels prétendus privilégiés, la ruine de tant d'individus!

Le despotisme fut détruit en 1789; mais 1792 sera l'époque du regne de l'égalité. Un peuple fier et brave a démontré qu'il voulait l'établir et qu'il saurait la conserver. Son courage annonce à l'univers qu'il n'a rien à redouter, et qu'on est sûr de tout vaincre quand on est résolu à se sacrifier.

Rappellé de ma retraite au département de l'intérieur, je rentre dans la lice, sans me dissimuler les dangers du combat. J'avais été porté la premiere fois au ministere sans l'avoir ambitionné : je m'étais efforcé sans terreur d'en remplir les devoirs, et je m'en étais1 vu décharger sans regret. J'accepte de nouveau cette grande tâche : tout citoyen doit envisager du même œil et embrasser avec le même calme, et les grands travaux, et la gloire et la mort, sans les rechercher ni les craindre. Mon premier soin, dans cette carriere, est de m'adresser à ceux à l'aide de qui je dois la parcourir. Je viens vous entretenir, Messieurs, avec cet abandon cher à l'homme sensible et loyal, avec cette franchise seule digne de la liberté, qui ne connait point les détours de ce qu'on appellait autrefois petitement la politique, parce que n'ayant pour but que le bonheur commun, elle n'a rien à taire ni à cacher.

Nous avons tous à remplir des devoirs, sinon également étendus, du moins également respectables et touchans. Appellés par la confiance du peuple au soin glorieux de faire exécuter les loix pour sa félicité pénétrons-nous de cette auguste destination. Eh quoi! l'espérance d'un bonheur particulier dans un avenir lointain peut faire des fanatiques, et la confiance d'assurer celui de vingt millions d'hommes ne trouverait pas des entousiastes!

Malheur au froid égoïste dont le cœur ne s'émeut pas à cette douce idée! il ne méritait point de voir une patrie lui sourire, et il ne connaîtra jamais lė charme de se dévouer pour elle.

Messieurs, nous ne devons pas nous le dissimu

ler, les derniers et sanglans efforts du peuple irrité n'auraient pas été nécessaires, si tous ceux qu'il avait investis de sa confiance l'eussent justifiée; si tous ses mandataires s'étaient souvenus qu'ils devaient leur existence, comme tels, à la constitution, et ne pouvaient avoir d'action par elle que pour son maintien.

Cette vérité était facile à saisir : pourquoi a-t-elle été méconnue ? C'est qu'on a manqué de bonne-foi ; c'est que beaucoup de gens se sont dits attachés à la constitution pour obtenir des moyens de la détruire ou de la tourner à leur profit; c'est qu'on n'aimait pas sincerement la liberté, et qu'on ne voulait d'elle que l'avantage de n'avoir personne au dessus de soi, sans vouloir souffrir qu'il n'y en eût plus au dessous; c'est que nous étions généralement très-corrompus, et que la révolution, faite par les lumieres, avait à combattre les mœurs. De là, ces propos si chaudement avancés, si avidement répandus, et hautement répétés, de l'absurdité du nouveau régime, de l'impossibilité de le maintenir, des crimes attribués à ceux qui cher chaient à le défendre, et de la faction prétendue de quiconque s'en montrait sincérement ami; tandis qu'il n'y avait d'absurde que la volonté de garder notre ancienne maniere d'être dans le nouvel état des choses; d'impossible, que l'alliance monstrueuse des sottises de la vanité avec les principes de la justice éternelle; de crimes, que ceux de toutes les passions conjurées contre l'égalité; de factieux, que ceux qui se couvraient toujours du manteau de la loi pour en combattre l'esprit. De là encore, ce fol espoir, nourri par de continuelles tentatives, de ramener de l'ancien régime ce qui pouvait consoler l'orgueil d'une caste dont l'existence a prouvé par-tout les dangers; de là, cette conjuration contre les sociétés populaires, attribut et soutien de la liberté. Leur existence découle si nécessairement de la constitution, elle est une application si simple et si juste des droits reconnus, que ne pouvant en contredire la légitimité, on était réduit à leur prêter des inconvéniens.

Ils étaient grands en effet; car les hommes réunis sont toujours funestes à la tyrannie, et dès qu'ils conferent ensemble à l'abri de la loi, on ne saurait

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les opprimer long-temps. On affecta donc certains mots pour faire croire à des partis; il ne s'agit en effet que de créer un être factice pour lui supposer ensuite des modifications, au moyen desquelles on séduit les faibles et l'on fait peur aux sots. Des citoyens réunis dans tel lieu, avaient pris de cela seul le nom de Jacobins ; c'était le rendez-vous des députés de l'assemblée constituante, ce fut celui des patriotes ardens de la capitale; ceux des autres villes qui se réunirent à leur exemple, communiquerent avec eux dès-lors on vit s'établir une circulation de lumieres et de sentimens dont la rapidité, l'accroissement successif, frapperent de terreur les soupirans. du despotisme. On fit des Jacobins une puissance, on leur supposa des projets atroces, on leur attribua tous les malheurs, afin de rendre suspects, odieux, et proscrire en leur nom tout ce qu'il y avait d'hommes attachés aux principes de l'égalité. Ce système, très-bien lié, fut suivi avec une intelligence et une ardeur dont les développemens et les effets occuperont une place importante dans l'histoire de la révolution et celle des tyrans. Qui pourrait s'abuser encore aujourd'hui ? l'énergie et la justice du peuple doivent atterrer ses calomniateurs.

A entendre les lâches écrivains qui se faisaient payer pour l'insulter, on eût cru que Paris et la France étaient divisés en deux partis égaux. Les ha bitans de la capitale ont prouvé le contraire dans la journée du 10, et il n'y a plus de doute sur l'objet de nos efforts et de nos combats: c'est le triomphe de l'égalité.

La révolution vient de s'achever, hâtons-nous d'assurer ses bienfaisans effets. Nos représentans ont juré. la liberté, l'égalité, elles ne doivent plus être séparées désormais; c'est par elles que vous devez faire aimer les loix, c'est pour elles que vous devez les faire exécuter. Plus d'excuses, plus d'hésitations, plus d'espérances criminelles; que celui d'entre vous, Messieurs, qui ne jurerait pas dans son cœur l'adhésion à ces principes sacrés, quitte à l'instant le caractere de fonctionnaire public, dont il serait aussi incapable qu'indigne de remplir les devoirs. Je n'ai cessé de vous les rappeller dans le temps de ma pre

miere administration, j'ajoute aujourd'hui que la na tion déclare hautement qu'elle en ordonne la plus exacte observation, et que je me dévoue tout entier á les maintenir.

Les dangers de la patrie ne sont pas encore anéantis; tant qu'ils existent, tout homme est responsable et de ce qu'il doit faire de bien, et de ce qu'il peut empêcher de mal. Aucun citoyen n'est indifférent sans être coupable; tous doivent agir et surveiller. En paix, la confiance regne et se justifie; elle est un prix glorieux accordé par les commettans à leurs administrateurs. En guerre, celle sur-tout à laquelle donne lieu une révolution intérieure, la défiance est presque une vertu: mise en action; elle est un titre à la reconnaissance si elle découvre une trahison.

Vous ne tarderez donc pas à appliquer à vos séances la loi de la publicité; elle est portée; honorezvous de sa prompte et entiere exécution. C'est par la publicité qu'on s'assure de l'opinion; c'est par elle qu'on obtient la confiance, qu'on rend hommage à la souveraineté du peuple. et qu'on mérite ses éloges. Elle justifie l'intention des bons: elle sauve de l'erreur les faibles : elle prouve enfin qu'il n'est d'hommes dignes d'être vus, que ceux qui ne craignent pas de se montrer.

Je dois vous prévenir, Messieurs, de l'extrême sensation qu'ont fait à l'assemblée, les plaintes ameres contre des directoires, lents ou inexacts dans la publication des loix et des adresses, ou autres écrits civiques, envoyés par l'assemblée nationale. On a rapproché ces lenteurs affectées pour la publication des loix ou des instructions qui frappaient plus vigoureusement sur les opinions ou les erreurs de ces directoires, de leur célérité à recueillir et répandre tout ce qui peut affaiblir l'esprit public. Cette opposition a été faite d'une maniere qui doit les rendre bien empressés d'en effacer le souvenir.

Les circonstances, Messieurs, nécessitant la plus grande exactitude dans toutes les mesures, je vous prie de me faire passer sur le champ les noms, surnoms, avec l'indication du ci-devant état ou grade des émigrés de votre département, de leurs femmes et de leurs enfans, du lieu qu'habitent ces person

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nes; enfin une notice de la nature, étendue et localité de leurs biens.

Je vous prie également de m'écrire le plus souvent qu'il vous sera possible, pour me faire connaitre l'état de l'esprit public, les mouvemens qui pourraient survenir, les personnes qui les auraient suscités, et les faits qu'ils auraient produits.

Je vous invite, Messieurs, à vous livrer sans par. tage au bonheur de seconder une révolution qui s'acheverait sans vous dans les déchiremens, et que vous pouvez et devez promptement affermir avec gloire.

Mandataires du peuple, continuez de faire aimer et connaitre sa souveraineté; montrez - la dans sa majesté aux amis de l'égalité; manifestez sa force aux téméraires qui oseraient en douter, et sur-tout aux rebelles qui tenteraient de le méconnaître. Le Ministre de l'Intérieur,

Signé ROLAND,

Je dois ajouter encore à cette piece, la lettre que le même miniftre adreffa à toutes les municipalités du royaume, en leur envoyant les papiers infâmes dont j'ai parlé. La partialité régicide de cet homme y paraît dans tout fon jour. Il fuffira de la lire pour juger cette réputation de vertu qu'il avait accaparée. L'éloge qu'il fait des fociétés populaires, rapproché de la datte de cette lettre (le 1er. Septembre) & le mandat d'arrêt qui était agité le même jour contre lui dans un comité populaire, forme d'ailleurs un contraste, qui n'eft pas fans intérêt.

PARIS, le 1er. Septembre, IV. de la liberté. Le 1er de l'égalité.

CONCITOYENS,

L'INVIOLABILITÉ d'un seul homme s'étendait

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