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„, nous nous réuniffions; ils nous étaient apportés par les membres du comité de furveillance de la commune ; ils étaient, après leur examen, reportés par les mêmes perfonnes, dans le lieu dont nous nous étions interdit l'entrée, &c. &c. &c. "Il réfulte de ce peu de phrases une premiere vérité, c'eft que le comité de furveillance de la commune fut chargé de la garde & de la direction de ces papiers; or, quels étaient les membres compofant ce comité fi digne de confiance? Précisément, ceux-là même qui ordonnerent les massacres de Septembre! On frémit involontairement d'horreur à l'afpect d'un femblable renverfement de toutes les notions d'équité, & des fuites terribles qu'elles ont eu. Lorfqu'on voit en même tems avec quelle profondeur de scélératesse, on tordit les expreffions les plus innocentes, les chofes les plus fimples, fans même en admettre l'explication ni la difcuffion; quand on réfléchit à tant de baffeffe unie à tant de férocité, & qu'on voit des fujets impies abuser à tel point, pour facrifier leur maître, de l'autorité facrilege que trois ans de forfaits avaient accumulé dans leurs mains, il n'est point de vengeance que l'humanité n'invoque, ni de châtiment qui puiffe expier l'opprobre d'une nation qui enfanta de pareils monftres.

Afin de propager plus rapidement encore les effets de ces imprimés contre le Roi, le nouveau pouvoir exécutif appella à fon fecours, tous les journalistes du parti, qui avaient eu foin de refter feuls maîtres du champ de l'opinion, en faisant détruire toutes les preffes de l'oppofition & masfacrer leurs rivaux. Toutes les graces, toutes les places furent accordées à ces trompettes de l'infurrection. Gorsas fut nommé imprimeur du département de la juftice; Champfort & Carra eurent la bibliotheque du Roi; Camille Desmoulins, &

Fabre d'Eglantine furent nommés, l'un fecrétaire du fceau, l'autre fecrétaire de la juftice; Tallien fut fecrétaire de la commune; Maret Tachigraphe du Moniteur, reçut fon diplôme d'agent de l'infurrection Belgique, & l'Abbé Noel, ci-devant copiste de l'Abbé Maury, naguere régent de fixieme au college de Louis-le-Grand, quitta fa rédaction de la Chronique, pour fuccéder à l'infame Bonne Carrere, dans la direction des affaires étrangeres.

Ainfi traités par la révolution, on devait s'attendre que ces journalistes ne refuferaient pas de contribuer à pervertir les départemens; 40 mille exemplaires de ces imprimés furent par eux colportés dans les provinces. Leur zele reçut fans doute bien d'autres récompenfes qui ont été enfevelies dans les chapitres de dépenfes fecretes, dont on n'a jamais vu les états, mais on peut en juger par Gorsas, le plus franc de tous les coquins fes confreres. Cet homme, après s'être brouillé avec Danton, pour se jetter dans le parti de Roland, eft convenu, que ce dernier lui payait 100 exemplaires de fon journal : ab uno, disce omnes; c'étaient là les hommes qui accufaient le Roi d'avoir fait donner quelques encouragemens aux écrivains, qui prêchaient le refpect pour la conftitution & le bon ordre.

Je me fuis furpris un moment, tenté de donner l'efquiffe de la vie & du caractere moral de chacun de ces empoisonneurs publics, mais j'ai pensé que ce ferait abufer de la complaifance du lecteur. Il eft des objets qu'il faut tenir à une certaine diftance. La crapule & l'ignorance formant le caractere général de cette claffe d'hommes, efpece de vermilleaux nés de la putréfaction du moment, haineux, plats, miférables, befogneux, livides avides, repris de police, flétris par la justice, en

défigner un, c'eft les défigner tous, & les nommer, c'eft les peindre (*).

Marat, plus conféquent qu'eux tous, ne s'amufa point à faire fa cour au pouvoir exécutif, ni à lui demander des gratifications. Délivré bientôt d'un décret d'accufation, dont le parti de Briffot l'avait affublé, il fortit de fa cave, pour aller de fon autorité privée voler au directeur de l'imprimerie Royale quatre preffes, que l'affemblée elle-même n'a jamais pu lui faire reftituer.

Chacun des miniftres nouveaux fe crut obligé d'imiter l'affemblée, & d'adreffer de fon côté à fes agens fecondaires, une apologie du 10 Août, & des regles de conduite dans le nouvel ordre de chofes qui s'ouvrait fous les aufpices de l'égalité. Parmi ces pieces officielles, on remarque principalement l'adresse du ministre de l'intérieur (Roland) aux corps administratifs. Elle eft digne d'être confervée, ne fut-ce que pour fervir de leçon aux ambitieux & aux factieux de tous les tems. En la comparant avec les dernieres productions de ce fou de révolution, en oppofant fes fureurs républicaines aux dangers qu'il courut enfuite, fes injures aux Rois avec les diatribes de Robefpierre contre lui, fes louanges des fociétés populaires avec les dénonciations qu'il en a effuyé, l'histoire tirera quelque avantage de fes tribulations. Son exemple fera voir la folie qu'il y a de confidérer les hommes, & les conftitutions systématiquement, & n'eut-il rendu que ce fervice, on pardonnera quelque chofe à cet extravagant vieillard, pour

(*) On a vu récemment à Londres, ces Noël & Maret, jouer le rôle de négociateurs, & venir y promener leur impudence dans des équipages fcandaleux. Le tranquille mépris du gouvernement en a fait juftice; mais quel tourment n'ont pas dû éprouver à leur vue ces riches propriétaires réfugiés & ruinés, en fe difant: voilà pourtant les grimauds qui ont bouleverfé tout l'ordre focial, pour avoir à leur tour, 2 des gens & des voitures.

être venu, après M. Necker, renouveller in animâ vili, une femblable expérience des caprices populaires (*).

Le Ministre de l'Intérieur

DANS

aux Corps Adminis

tratifs.

ANS un tems de révolution, Messieurs, chaque jour amene des événemens nouveaux et frappans, qui ne semblent pas tenir à ceux de la veille. La scène varie, les individus changent de place, les esprits s'étonnent, et chacun éprouve des sentimens profonds, analogues aux principes qu'il a adoptés ou aux passions qui le dominent. L'admiration et l'effroi se répandent en même tems; l'homme même qui s'oublie entiérement dans les grands intérêts de la Patrie, n'est point inaccessible à ces affections natu

(*) Roland & Claviere formaient dans le confeil exécutif, une efpece de parti de l'oppofition, appuyé dans l'affemblée nationale fur Briffot & les Bordelais, & fur Pétion & Manuel à la municipalité. Servan, Monge & Le Brun n'ofaient avoir une opinion à eux. L'homme terrible par excellence, celui qui en fronçant le fourcil faifait trembler tous fes collegues, était le miniftre de la justice, Danton. Roland étonné des premiers fuccès du Duc de Brunswick, ouvrit dans le confeil l'avis de quitter de bonne heure Paris, avec les ôtages du Temple, les rames d'affignats, les archives de l'affemblée, & le corps législatif. La frayeur avait tout faiß. Danton feul réfifta à l'impulfion il employa l'arme de la terreur pour faire marcher à l'armée, & les ordres pour l'abbaye & les prifons partirent de l'hôtel de la chancellerie.

Pétion, Manuel & Roland ofent demander aujourd'hui de la reconnaiffance pour l'oppofition qu'ils ont porté momentanément aux fureurs de ceux qu'ils appellent désorganisateurs. Où en ferions-nous, grands Dieux! i une ambition, vaincue chez ces factieux nous était préfentée comme un modele de courage & d'héroïsme à admirer! La révolution en eft au point, où je cherche le chef de brigands qui doit fonder Rome. Pétion, Manuel & Roland, fuivant les traces de Bailly, Mirabeau & Necker, me livrent encore aux erreurs des opinions; ils me pofent des principes que je peux difcuter; je difcute, on me replique; nous ne favons où nous en fommes; il y a anarchie & déforganisation. Danton maffacre, je me tais jufqu'à ce que je le maffacre à mon tour, mais au moins je fuis certain qu'à la fuite de notre lutte, il y aura gouvernement.

rellement produites par de grands mouvemens. Mais tout se tient dans le monde moral et politique, comme dans la chaîne des êtres physiques; et malgré les transitions brusques ou imperceptibles de certaines choses, leur majeure partie peut-être prévue et cal culée par l'homme réfléchi, qui rapproche avec impartialité l'expérience des siecles passés, de la situation du moment. Cette prévoyance, il faut l'avouer demande trop de philosophie et de désintéressement pour avoir jamais été l'attribut des Cours, séjour malheureux de l'erreur et des passions aveugles. L'habitude du pouvoir entraine presque toujours l'audace de tout prétendre et la présomption des succès : plaignons les infortunés que cette habitude aveugla des l'enfance, elle prépara leur ruine dans un siecle de lumieres. Soyons assez sages pour prémunir contre elle tout homme isolé; redoutons-la pour nous jusqu'au scrupule, et sachons nous appliquer avec sévérité les importantes leçons que nous donne notre propre histoire.

Fatiguée d'une longue oppression, et enfin portée au comble de l'indignation par les excès de la perversité, la nation éclairée sur ses droits, les reprit en 1789; la Bastille fut renversée, et l'édifice bizarre d'une Monarchie despotisée, fit place à la constitution que nous donnerent des représentans. Etablie sur des bases inébranlables et sacrées, il fallait qu'elle se soutint comme elles, si leur correspondance était exacte, ou qu'on en sentit bientôt les vices,

Il en existait sans doute; trois ans d'agitation et de trouble les ont développés; mais il eût été possible de rester long-tems sans les appercevoir, si le premier de tous n'eût été dans les grands moyens de corruption laissés à la cour.

Menacé extérieurement par de puissans ennemis, travaillé dans l'intérieur par des malveillans, le peuple, lassé des lenteurs et des trahisons d'agens perfides, s'est levé une seconde fois; il a voulu dissiper ces artisans de mensonges qui environnent le Trone comme des, insectes avides.

Sa justice, aussi terrible que sa patience est longue, s'est indignée d'une résistance rendue cruelle par les apparences de conciliation dont on l'avait fait précé

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