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jamais defiré commander des gens, qui auraient laiffé immoler une Princeffe dont il fe difait l'ami.

Lorfqu'on réfléchit que le même jour, Madame de Lamballe, & Madame de Tarente étaient interrogées fur la Reine, & qu'après avoir fait les mêmes réponses l'une fut fauvée, & l'autre maffacrée, il ne nous eft plus permis de douter, qu'il n'y ait eu des ordres particuliers & fecrets donnés à l'hôtel de la Force, & des aflaffins gagés exprès, pous maffacrer une Princeffe que le peuple avait toujours chérie & refpectée. Or, qui peut ignorer que le Duc d'Orléans ne fut animé contre elle de la double foif de la vengeance & de l'intérêt. Madame de Lamballe lui avait refufé avec dedain depuis le 5 Octobre 1789, toute communication avec elle, en la faifant tuer, il gagnait un douaire de cent mille écus qu'elle touchait fur la fortune de Madame la Ducheffe d'Orléans fa belle-four; il confervait dans fa famille les bienfaits dont le Duc de Penthievre la comblait, & qui lui femblaient autant de vols qu'on lui faifait, il accélérait la fin de ce vertueux Prince, dont il dévorait déja dans fa pensée la fucceffion totale, ainfi qu'il l'a prouvé depuis, par l'avidité inquiete avec laquelle il s'en eft faifi auffi-tôt fa mort; toutes les probabilités dépofaient donc dès le 2 Septembre contre ce monftre, pour qui un crime de plus ou de moins n'était rien; & fi l'on y ajoute le fait du transport de cette tête fous fes fenêtres, par ceux qui en avaienr reçu le falaire, le propos de Rotondo dans une table publique de Londres, où il s'eft vanté d'avoir aidé à maffacrer Madame de Lamballe, les liaisons connues de ce Rotondo avec le Duc d'Orléans, qui l'employa & le foudoya pendant deux ans contre La Fayette, le vœu de ce Prince de fang, lors de l'affaffinat du Roi, & fa coalition conftante avec les meurtriers

du 2 Septembre alors tous les nuages feront éclaircis, & la mort de Madame de Lamballe fera certainement regardée par-tout comme fon ouvrage. Peut-être même ce feul objet a-t-il fait déterminer dans fon confeil d'affaffins tous les forfaits du 2 Septembre. Marat, qui les dirigea, venait de recevoir quinze mille francs de lui, fous le prétexte de les employer à publier fes ouvrages sur la jurisprudence criminelle. Panis, affocié de Marat, était le beau-frere de Santerre, & Santerre qui ne fit aucun mouvement, que 24 heures après la mort de Madame de Lamballe, avait été toute fa vie la créature foudoyée du parti d'Orléans; ce parti d'ailleurs était bien fûr que Pétion & Roland ne s'opposeraient point au maffacre général, à raifon des prêtres & des ariftocrates qu'on leur livrait. En abandonnant Madame de Lamballe au peuple, & en faifant porter fa tête au Temple, il y avait tout à croire que les prifonniers de ce lieu auraient partagé fon fort! que de conjectures, pour faire encore du héros du 5 Octobre, le principal acteur du 2 Septembre.

Madame de Lamballe périt donc victime de mille fcélérateffes combinées. Mais elle mourut digne d'elle & de la maifon à laquelle elle s'était attachée. Une mort naturelle ne lui eut valu que les larmes de l'amitié; fon affaflinat lui a déja mérité une place dans l'hiftoire, & lui a donné les regrets de toute l'Europe; & il a pensé comme moi, fur sa fin tragique, l'artiste qui, donnant fon portrait au public, lui a appliqué cette penfée de la Harpe :

Quand un monftre à l'honneur preferit des attentats,
On préfente fa tête, & l'on n'obéit pas.

Le jeune Tourzel digne héritier de l'attachement de fes peres à la famille royale, était resté

à Paris auprès du Roi jufqu'au 10 Août. Sa fœur & fa mere étaient en prifon au 2 Septembre; inquiet, éperdu, il ne quittait point les environs de l'hôtel de la Force. Le defir de fauver des perfonnes fi cheres lui fit expofer fa vie à plufieurs reprises pour effayer de parvenir jufqu'au guichet des maffacres. Lorfqu'on mit fur une pique la tête de Madame de Lamballe, il s'informa de ce qui caufait les acclamations du groupe de bourreaux. Un imprudent lui dit que c'était la tête de Madame de Tourzel qu'on allait promener. Heureufement pour lui, il apperçut au travers des larmes qui inondaient fa paupiere, la longue chevelure de Madame de Lamballe; à ce figne feul, il reconnut qu'on l'avait trompé. Sa douleur fit place à l'horreur & à l'effroi, & le foir, il put preffer dans fes bras fa mere & fa four. Pauline, Tourzel, bons jeunes gens! le ciel vous a rendus votre mere; mais ce n'eft point affez pour vous de la confoler par votre amour, d'afflictions auffi terribles; n'ou-* bliez pas qu'elle a perdu encore deux enfans, redoublez d'affection, & adouciflez au moins par votre tendreffe, cette privation douloureufe de fes auguftes pupilles!

M. de Chamilly, un des quatre premiers valetsde-chambre du Roi, fut abfous à l'hôtel de la Force, le jour même où MM. Thierry & Champloft periffaient à l'Abbaye. C'eft ici le lieu de retracer un des traits ignorés qui font encore honneur à la mémoire de notre malheureux Roi. Lorfqu'il eut quitté le bon Edgeworth aux pieds de l'échafaud, il penfa que la mention qu'il avait faite dans fon teftament des honorables fervices de MM. de Chamilly & Hue pouvait leur faire courir des rifques, fi ce teflament venait jamais à être public; (car il faut que l'on fache encore que le Roi n'avait fait ce teftament que pour remplir les devoirs de

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fa confcience, & que dans la pofition où il fe trouvait, il lui était même impoffible de prévoir qu'un miracle le conferverait.) Il fe retourna, dis-je, vers fon confolateur fpirituel, & les dernieres paroles qu'il lui adreffa furent de recommander de fa part à MM. de Chamilly & Hue de fe retirer le plus promptement qu'ils pourraient en pays étranger. Ce confeil a déja fauvé M. de Chamilly. Quel calme, quelle préfence d'efprit, ce trait ne fait-il pas appercevoir dans cet infortuné martyr; & dans quel moment!

Madame de Septeuil, femme de celui des quatre premiers valets de chambre du Roi que l'on n'eut pas arrêté, fut auffi relachée; & un ruban inis à fa porte, lui fervit de barriere, contre une populace qui n'avait aucune raifon d'en vouloir à fes jours. Que les flatteurs populaires vantent tant qu'ils voudront cette clémence de la multitude, je les défie au moins de légitimer le vol de tous les diamans de cette dame, & celui des portefeuilles de fon mari & de fon frere, ainfi que les récépiffés fictifs que fignaient frauduleufement les membres de la commune, qui envoyerent chercher fucceffivement la valeur des lettres de change qu'ils renfermaient. Ce vol fait à M. de Septeuil qui était auffi tréforier de la lifte civile, monta à 1187 mille liv. environ 50 mille liv. fterl. Celui du porte-feuille de la lifte civile s'éleva à 700 mille liv. ou 30 mille liv. fterl.

Le mari de la trop célebre dame de la Motte, qui s'était conftitué prifonnier, par ordre de la faction, pour demander la révifion du procès du collier, appeller la Reine en jugement, & lui faire fubir les horreurs d'une confrontation, était un perfonnage trop important aux projets des régicides, pour être compris dans la destruction générale. Il fut abfous. C'eft à tort, qu'on l'a dit

mort. Il y a peu de temps qu'il demandait encore à Londres, les preuves légales de la mort de fa femme, pour préfenter fa pétition à la barre de la convention. En vérité, la requête fera bien digne du tribunal.

L'ordre qui régnait à l'hôtel de la Force, grace aux membres de la commune qui y rendaient leurs jugemens, a permis d'avoir une lifte alphabétique des principales victimes qui y furent maf facrées. On n'y a point compris les noms des malfaiteurs, des gens fufpects, vagabonds, & repris de police, qui n'infpirent d'autre regret que celui d'avoir été fouftraits aux autorités légales, qui feules avaient le droit de les juger, & devant lefquelles au moins il leur aurait été permis de se juftifier. Je donne cette lifte telle qu'elle a été pu bliée à Paris.

Liste de 164 Personnes, faisant partie de celles qui furent massacrées à l'Hôtel de la Force.

1

Madame la Princeffe de Lamballe.

M. de Rhulieres, commandant de la gendar merie à cheval, du département de Paris. M. de la Chefnaye, chef de divifion, un des fix commandans temporaires de la garde nationale de Paris.

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