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Beau masque, sont-ce là vos traits?

Tous vos défauts y sont, et peu de vos attraits.
La louange et la flatterie

Ne sont point la langue du bal;

Et je vous ai peint tout le mal

Qu'a découvert en vous l'œil perçant de l'envic.

L'A-PROPOS

Cet infatigable vieillard,

Qui toujours vient, qui toujours part, Qu'on appelle sans cesse en craignant ses outrages, Qui mûrit la raison, achève la beauté,

Et, que suivent en foule, à pas précipité,

Les heures et les jours, et les ans et les âges;
Le Temps, qui rajeunit sans cesse l'univers,
Et, de l'immensité parcourant les espaces,
Détruit et reproduit tous les mondes divers,
Un jour, d'un vol léger suspendu dans les airs,
Aperçut Aglaé, la plus jeune des Grâces.
Son cortége nombreux fut prompt à s'écarter;
Le dieu descendit seul vers la jeune immortelle :
Ainsi, l'on voit encore, à l'aspect d'une belle,
Les heures, les jours fuir, et le temps s'arrêter.
Il parut s'embellir par le désir de plaire,

Et, sans doute, le dieu du temps
Sut préparer, sut choisir les instants,

Ceux de parler, ceux de se taire;

Enfin, il fut heureux malgré ses cheveux blancs. Un autre dieu naquit de ce tendre mystère.

Cherchez la troupe des Amours,

La plus leste, la plus gentille;

Vous l'y rencontrerez toujours:
C'est un enfant de la famille.

Le don de plaire promptement,

Les rapides succès, les succès du moment,
Forment surtout son apanage;

Il est le dieu des courtisans,

Et la faveur des cours est encor son ouvrage,
Même quand elle vient par les soins et les ans.
Il donne de la vogue aux sages,
Quelquefois de l'esprit aux sots,

Le bonheur aux amants, la victoire aux héros.
On ne le voit jamais revenir sur ses traces,

Il fuit comme le Temps, il plaît comme les Grâces,
Et c'est le dieu de l'à-propos.

ÉPIGRAMMES

CONTRE CHAMPCENETZ

Être haï, mais sans se faire craindre ; Être puni, mais sans se faire plaindre, Est un fort sot calcul: Champcenetz s'est mépris. En jeux de mots grossiers parodier Racine, Faire un pamphlet fort plat d'une scène divine, Débiter pour dix sous un insipide écrit ;

C'est décrier la médisance,

C'est exercer sans art un métier sans profit.
Il a bien assez d'impudence,

Mais il n'a pas assez d'esprit :

Il prend, pour mieux s'en faire accroire, Des lettres de cachet pour des titres de gloire; Il croit qu'être honni c'est être renommé : Mais si l'on ne sait plaire on a tort de médire; C'est peu d'être méchant, il faut savoir écrire, Et c'est pour de bons vers qu'il faut être enfermé.

SUR MADAME DU DEFFAND

QUI ÉTAIT AVEUGLE

Elle voyait dans son enfance;

Alors, c'était la médisance :
Elle a perdu son œil et gardé son génic;
Maintenant, c'est la calomnie.

SUR UNE ODE DE DORAT

Je les ai lus avec plaisir

Ces vers, fruits de vos longues veilles,

Mais leur longue cadence est pénible à saisir Pour qui n'est pas doué d'assez longues oreilles.

SUR LE MARQUIS DE PEZAY

Ce jeune homme a beaucoup acquis,
Beaucoup acquis, je vous assure;

Car, en dépit de la nature,
Il s'est fait poëte et marquis.

SUR M. DE VILLETTE

QUI JOUISSAIT AVEC TROP DE VANITÉ DU BONHEUR

DE MONTRER VOLTAIRE A TOUT PARIS

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BOUFFLERS

1737 -1815

Depuis que la révolution française a tué d'une chiquenaude le petit Cupidon musqué du xvir siècle, il est presque impossible de comprendre, de juger et de peindre un bel esprit de 4760, un galant poëte à la Boufflers. Devant ce chevalier, devant cet abbé, devant ce marquis du Parnasse rococo, je me sens aussi dépaysé qu'aurait pu l'être jadis le mari de madame Roland, ce ministre en frac et en chapeau rond. Que dire de Boufflers? comment le juger? Nous ne le connaissons pas, nous ne le voyons pas, même en écarquillant les yeux, ce joli visage et ce bel esprit de pastel! Il ne nous reste vraiment qu'un moyen de le présenter à un lecteur de notre siècle : effaçons-nous discrètement, laissons-le venir à nous en se dandinant, en jasant, en badinant, en s'évaporant dans l'air rose; laissons parler de lui ses contemporains, ceux qui durent le gâter à plaisir, et ceux qui fouettèrent du bout des doigts les joues rebondies de l'enfant gâté. Quant à nous, bourgeois et manants, il ne nous est pas plus permis, sans friser l'impertinence, de l'aimer et de l'admirer que de le mépriser ou le blâmer. Saurionsnous jamais distinguer le charme subtil, fugitif, insaisissable, et pour*ant si français, de ce qu'on appelait autrefois chez Boufflers le naturel u le joli? Nous trouverions grossièrement le vide sous le rien, nous lé clarerions peut-être niais ce qui fut tout simplement adorable.

Le filleul du roi Stanislas vint au monde dans cette cour de Luneville qui ressemble de loin à une île enchantée. Sa très-belle maman, l'amie du roi, ne lui donna, je pense, d'autre leçon que celle-ci : « Aimez, soyez aimable. » Il partit là-dessus pour le séminaire de

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