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ENCYCLOPEDIE

MÉTHODIQUE,

ου

PAR ORDRE DE MATIÈRES;

PAR UNE SOCIÉTÉ DE GENS DE LETTRES, DE SAVANS ET D'ARTISTES;

Précédée d'un Vocabulaire univerfel, fervant de Table pour tout l'Ouvrage, ornée des Portraits de MM. DIDEROT & D'ALEMBERT, premiers Éditeurs de l'Encyclopédie,

MÉTHODIQUE.

HISTOIRE.

TOME PREMIER.

A PARIS,

Chez PANCKOUCKE, Libraire, hôtel de Thou, rue des Poitevins;

A LIÈGE,

Chez PLOMTEUX, Imprimeur des États.

M. D C C. LX XXI V.

AVEC APPROBATION ET PRIVILÈGE DU ROI.

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DISCOURS PRÉLIMINAIRE.

M. le chevalier de Jaucourt, que fon zèle pour les lettres & l'étendue de fes con

noiffances ont rendu fi utile à l'Encyclopédie, s'étoit chargé, dans la première édition de cet ouvrage, de plufieurs des principaux articles concernans la nobleffe & le Blafon; il les avoit traités avec une philofophie qui devenoit en lui de la générofité, & qu'un roturier auroit peut-être eu tort de montrer. Peu de gens auroient eu, comme M. le chevalier de Jaucourt, le courage d'écrire contre des avantages dont ils jouiffoient, & de vouloir détromper d'une erreur qui leur étoit utile; c'étoit cependant à un homme de fon nom à faire ainfi les honneurs de la nobleffe & des grands noms; mais, ofons le dire, il les a trop faits. Qu'il eût traité de préjugé la nobleffe, ce n'eft pas toujours condamner une idée établie, que de la traiter de préjugé ; il peut y avoir des préjugés utiles, & que la philofophie même enfeigne à refpecter: mais il cherche à donner du ridicule à celui-là; il l'attaque dans fa fource; & non content d'établir que la nature nous fait tous égaux par la naiffance, la mort & le malheur, il foutient qu'elle a tant contrarié la loi, qu'il n'y auroit en effet ni noble, ni roturier, fi les fecrets de la nature étoient dévoilés: il fe plait à voir dans toute généalogie indiftinctement un mélange confus de pourpre & de haillons, de fceptres & d'outils, d'honneurs & d'opprobres. On peut lui accorder tout, par l'impoffibilité de rien établir & de rien détruire en ce genre: peu de races fans doute defcendent, comme dit Boileau, de Lucrèce en Lucrèce, des auteurs que les titres indiquent & que la loi reconnoît : les noms devroient se perpétuer par les femmes, pour que le fang fût sûrement tranfmis avec le nom; mais dans les idées faines de la nobleffe, le hafard, le fecret de la naiffance n'eft rien, l'éducation feule fait tout; & n'eft-ce rien que ces principes d'honneur, d'élévation, de courage, dont l'idée d'être iffu d'un fang illuftre fait aux nobles un devoir plus facré, principes qui se transmettent, non pas peut-être avec le fang, mais par une éducation fyftématique, continuée de génération en génération ? N'eft-ce rien que ces anathêmes lancés par Juvénal, par tous les moraliftes, & fur-tout par l'opinion contre les fils dégénérés? Et puifqu'on ne peut efpérer de conduire à la fois tous les hommes à la vertu, n'eft-ce rien que d'y mener plus sûrement, par des moyens particuliers, une portion choifie de

P'humanité?

Mais ces moyens font chimériques!

Non, s'ils font efficaces. Qu'importe que quelques hommes fe croyent mal-à-propos fupérieurs aux autres hommes, fi par cette erreur ils le deviennent réellement ? Qu'importe que ce foit la vanité qui grave plus profondément dans leur ame les principes de l'honneur, le zèle pour la patrie, l'ardeur pour la fervir & pour la défendre ? S'il eft vrai qu'il ne faille rien efpérer des humains que par leurs foibleffes, mettons ces foibleffes à profit, faisons-en des inftrumens de vertu,

Mais, dira-t-on peut-être, fi l'idée d'être iffu d'un fang illuftre, & les diftinctions attachées à ce hasard heureux peuvent élever les nobles au-deffus des autres hommes, & leur faire un devoir particulier des devoirs communs du citoyen, n'eft-il pas à craindre que l'idée d'être confondus dans la foule ne rabaiffe les roturiers au-deffous d'euxmêmes, qu'elle ne les porte, privés comme ils le font des encouragemens & des récompenfes réservés aux nobles, à fe difpenfer des devoirs dont ils regardent les nobles comme fpécialement chargés? Si le fentiment de la nobleffe peut ennoblir encore, le fentiment de la baffeffe ne peut-il pas avilir? Alors la nobleffe ne donneroit à une foible partie de la nation un petit reffort factice, qu'en privant la nation entière de tout reffort & de toute énergie.

Didionnaire de Blafon. Tom. 1,

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