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LES BONS MAITRES,

PROVERBE.

PERSONNAGES.

M. LE DOUX.

Madame LE DOUX.

BABET, filleule de madame LE DOUX.
ANDRÉ.

La Mère LEGRAND, mère d'ANDRÉ.

La scène est à la campagne, devant la maison M. Le Doux, dans la cour.

PROVERBE.

SCÈNE IRE.

M. LE DOUX, Madame LE DOUX.

Madame LE DOUX.

SAVEZ-VOUS à quoi je pense, M. Le Doux, quand le ciel est pur et serein comme aujourd'hui ?

M. LE DOUX.

Mais peut-être à la même chose que moi.

Madame LE DOUX.

Eh bien! voyons ce qui vous occupe.

M. LE DOUX.

Je pense que le parti que nous avons pris de nous retirer à la campagne, est très raisonnable; c'estlà qu'on jouit réellement du plaisir de vivre.

Madame LE DOUX.

On ne voit régner ici l'ambition, l'orgueil, ni l'envie rien n'y étouffe la sensibilité comme dans le tumulte des villes; le vice y seroit trop à découvert pour oser s'y montrer, et le luxe, qui le masque souvent, fuit la simplicité des mœurs. Mais que pensiez-vous encore?

M. LE DOUX.

Je pensois que le bonheur d'être utile à ses semblables, est plus à la campagne un plaisir qu'un devoir.

Madame LE DOUX.

Il bannit l'ennui et remplit tous les momens; aussi l'on croit, en voyant les hommes de si près, qu'on ne forme plus avec eux tous qu'une même famille.

M. LE DOUX.

Aussi n'y a-t-il rien de plus satisfaisant que d'adoucir les maux des malheureux, d'aider leur travail, et de le récompenser pour les encourager.

Madame LE DOUX. ·

Et avec un peu de fortune, cela est si facile....

M. LE DOUX.

Qu'il n'y a pas un grand mérite.

Madame LE DOUX.

Ne pensiez-vous pas aussi que ce n'est pas assez de faire tout le bien qu'on peut, qu'il faut surtout empêcher le mal d'arriver?

Le mal?

Sans doute.

M. LE DOUX.

Madame LE DOUX.

M. LE DOUX.

Ce n'est pas trop ce qui peut nous occuper ici : tout ce que nous y avons entrepris a fort bien réussi.

Madame LE DOUX,

Oui, ce médecin que nous avons fait venir pour soulager les malades, qu'est-ce qu'il y a fait ?

M. LE DOUX.

Tout ce qu'il y avoit à faire.

Madame LE DOUX.

Il a fait mourir Pierre Legrand un peu plus tôt, par son ignorance.

M. LE DOUX.

Comment deviner ce que ces gens-là savent? Pierre

Legrand n'en pouvoit pas revenir; d'ailleurs ses souffrances étoient extrêmes.

Madame LE DOUX.

Sa veuve a été réduite à la mendicité.

N'en avons-nous pas soin?

M. LE DOUX.

Madame LE DOUX.

Sans doute.

M. LE DOUX.

Eh bien ?

Madame LE DOUX.

Qui; mais elle a un fils.

M. LE DOUX.

André? Je crois qu'il fera un bon sujet; il commence à travailler avec le jardinier qui en est très

content.

Madame LE DOUX.

Et ma filleule, cette petite orpheline dont je me suis chargée?

M. LE DOUX.

Babet? elle est fort jolie et fort douce.

Madame LE DOUX.

Qui, mais si elle aimoit André ?

M. LE DOUX.

Ce seroit un grand bonheur pour lui! à cet âge il est si doux d'aimer et d'être aimé! vous le savez mieux qu'une autre : vous me l'avez tant fait éprouver!

Madame LE DOUX.

Rien ne s'opposoit à notre mariage. Une fortune égale a favorisé notre union, et nos enfans ont prospéré ; mais, dans l'indigence, l'amour est souvent la cause de bien des malheurs.

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