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LA JAMBE CASSÉE,

PROVERBE.

PERSONNAGES.

Madame GOBERT, aubergiste.

HELENE, fille de Madame GOBERT.
La Commère BERTRAND.

M. INCISANT, chirurgien de village.
GERMAIN, fils de M. INCISANT.

La scène est à la porte de l'auberge de Madame Gobert. Il y a un gros arbre, sous lequel il y a une table, avec une pinte et des verres. De l'autre côté est un buisson, d'où s'élèvent plusieurs arbres.

PROVERBE.

SCÈNE IRE

La Commère BERTRAND (tricottant), HELENE (sortant de l'auberge.)

La Commère BERTRAND.

AH! Vous voilà, mademoiselle Hélène? Qu'est-ce que vous faites donc comme cela toute seule ? Où est madame Gobert? Est-elle soţie? Est-elle chez elle ?

HELENE.

Je crois qu'elle est à la cave.

La Commère BERTRAND.

Est-ce que vous avez bien du monde aujourd'hui à votre auberge?

HELENE.

Non. De toute la journée il n'a passé que deux marchands de bois, qui ne sont pas entrés dans la maison. Tenez, ils ont bu à la porte, à cette table.

La Commère BERTRAND.

Voilà qui est bien. J'ai à vous parler. Si vous saviez comme je viens de courir! Je suis bien lasse toujours!

HELENE.

Voulez-vous vous asseoir?

La Commère BERTRAND.

Oh! je n'ai pas le temps. Je ne veux que vous dire un mot, et puis m'en aller.

HELENE.

Eh bien ! dites promptement.

La Comère BERTRAND.

En venant ici, j'ai rencontré Suzette, Javotte, Marie-Jeanne, Fanchon; il a bien fallu leur dire Lonjour; elles vouloient toutes m'arrêter. Ma commère par-ci, ma commère par-là. Je leur ai dit :A tantôt; parce que je voulois venir vous trouver.

HELENE.

Allons, parlez, parlez!

La Commère BERTRAND.

Oui; et puis vous direz que je suis une bavarde; car, Dieu merci! voilà comme tout le village me traite; et pourquoi cela? parce que je suis une pauvre veuve. Allez, allez, une femme qui n'a plus de mari est bien à plaindre, ma chère demoiselle! Et puis c'étoit un si bon homme que feu Bertrand! Il me battoit assez souvent; mais après il étoit si fâché ! si fàché! il me demandoit tant de pardons, que rien ne me console de l'avoir perdu.

HELENE.

Mais vous vouliez me dire autre chose?

La Commère BERTRAND.

Ah! mon Dieu, oui! C'est que la douleur me coupe la parole; mais je vais dans le moment vous conter... A propos! savez-vous où demeure la mère Dufour?

Non.

HELENE.

La Commère BERTRAND.

C'est encore une veuve, elle! c'étoit moi qui l'avois mariée. Pierre Dufour en étoit devenu amoureux à la veillée; et comme il étoit toujours auprès de moi, elle en étoit jalouse. Enfin....

HELENE.

Mais qu'est-ce que tout cela peut me faire, à moi?

La Commère BERTRAND.

A vous? Oh! rien du tout. C'est seulement pour vous dire que je passois devant la porte de monsieur Incisant....

HELENE.

Le père de Germain ?

La Commère BERTRAND.

Oui; monsieur Incisant, le chirurgien.

Eh bien?

HELENE.

La Commère BERTRAND.

C'est lui qui a tué mon pauvre mari, à ce qu'on dit; mais je le lui pardonne, parce qu'on m'a assuré qu'il n'en savoit pas davantage, et qu'il ne l'avoit pas fait exprès. Dame! écoutez donc, ce n'est pas la faute de ces gens-là; il faut qu'ils tuent bien du monde pour en sauver deux ou trois, et voilà comme ils se font connoître. Monsieur Incisant, dans ce temps-là, étoit bien jeune, et à présent c'est un habile homme, à ce qu'on dit..

HELENE.

Et Germain, son fils?

La Commère BERTRAND.

Ah! c'est de lui que je veux vous parler.

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