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sa de mettre en accusation M. de La Fayette, qui, quelques jours auparavant, avait été l'idole du peuple de Paris, Beaupuy, ne voyant dans cette mesure que l'effet de la haine du moment, la repoussa avec vigueur. Des misérables l'assaillirent, et voulurent le contraindre à désigner les membres de l'assemblée qu'ils appelaient Fayettistes, pour en faire justice : « Commencez par >> moi, leur répondit-il; ouvrez >> mon cœur, et vous y lirez qu'on >> a pu voter pour La Fayette avec » des intentions pures. »

BEAUPUY (MICHEL), frère du précédent, naquit aussi à Mussidan, département de la Dordogne. Il avait acquis déjà, par l'étude, des connaissances très-étendues sur l'art militaire, lorsqu'il partit pour la défense des frontières, en 1793. Worms, Spire et Mayence furent les témoins de sa bravoure, qui le conduisit, en passant successivement par tous les grades, à celui de général de division. Souvent, au retour d'un combat, il retraçait sur le papier les fautes qu'il avait vu commet

tre, ainsi que les manœuvres qui avaient déterminé le succès. La justesse de ses remarques, et le style dans lequel elles sont rédigées, ont prouvé qu'il savait écrire aussi bien que se battre. Il se signala dans plusieurs rencontres glorieuses, et particulièrement à Costhen, qui fut trois fois le théâtre de sa valeur et de ses succès. A la tête des braves dont il était alors colonel, il avait enlevé par escalade ce bourg aux Prussiens. Ceux-ci étant parvenus à le reprendre, Beaupuy, accompagné

seulement de quelques grenadiers, les en chassa de nouveau, et s'y défendit long-temps contre des forces imposantes, qui ne purent l'empêcher de faire sa retraite en bon ordre. Le 8 mai 1793, il attaque une troisième fois Costhen; ses grenadiers forcent les premiers postes, et poursuivent de rue en rue les Prussiens qui se rallient enfin, et se rangent en bataille sur la grande place, au nombre de 500. Beaupuy, qui se trouvait éloigné de sa petite troupe, sans regarder s'il est suivi, s'élance sur l'ennemi, et lui crie de se rendre. Les Prussiens, que tant d'audace intimide, sont prêts à le faire, mais les menaces de leurs officiers les arrêtent. Le guerrier français avançant toujours, s'aperçoit trop tard qu'il est seul. Assailli de toutes parts, il est renversé et désarmé : il se relève néanmoins avec plus de fureur, écarte à coups de pieds et de poing les ennemis qui l'entourent, et se fait jour jusqu'à leur commandant. Celui-ci, pour prévenir le danger qui le menace, va plonger son épée dans le sein de Beaupuy; mais ce brave pare adroitement le coup, et parvient à désarmer lui-même son adversaire. C'est alors que les Français arrivent, enfoncent, taillent en pièces les Prussiens, et dégagent leur colonel. Une grande partie des troupes ennemies fut culbutée dans le Mein, et l'épée de leur commandant servit de trophée à Beaupuy, lorsqu'il rentra triomphant dans Costhen. Le grade de chef de brigade et le commandement de Cassel furent le prix de tant de courage. Après la reddi

tion de Mayence, la brave garnison de cette ville ne pouvant plus servir contre l'armée coalisée, fut dirigée vers laVendée, où Beaupuy se renditavec elle, chargé du commandement de l'avant-garde. Il se signala trois fois en dix jours: le 15 octobre 1793, au combat de Saint-Christophe; à la journée de la Lande de Cholet, le 18 octobre; enfin au pont d'Antram, près Laval, le 26 octobre, où il fut aussi brave, mais moins heureux. Cette affaire aurait pu ajouter à ses succès, si le centre de l'armée destiné à l'appuyer, eût fait ce qu'il devait faire; mais Beaupuy, obligé de soutenir, avec sa seule avant-garde les efforts d'une armée entière, après avoir fait des prodiges de valeur, fut atteint de deux balles, dont l'une lui perça la main, et l'autre la poitrine. Ce dernier coup l'ayant renversé de son cheval, il fut emporté hors des rangs Je n'ai pu vaincre, dit-il, pour la république, je meurs pour elle. L'heure fatale n'était cependant pas arrivée pour lui; sa blessure, d'abord jugée mortelle, ne le fut pas. Une gloire plus douce l'attendait. La première pacification de la Vendée fut due, en grande partie, à sa prudence et à sa valeur. Au mois de floréal an 3, il fut envoyé à l'armée du Rhin-et-Moselle, avec le titre de général de division, digne récompense de tant de services. La campagne de cette année lui fournit encore de nouvelles occasions de se distinguer. La retraite de Franckenthal, surtout, lui fait le plus grand honneur, et fut admirée de l'ennemi même. Atteint, en l'an 4, au pas sage du Rhin, de plusieurs coups

de sabre, il n'attendit pas que s'es blessures fussent entièrement guéries pour retourner au poste de l'honneur. Après s'être distingué aux affaires de Geissenfeld, de Bibrach et de Wilinghen, il fut emporté par un boulet, au combat d'Emandinghen. Les braves le pleurèrent et le vengèrent. Ses restes furent transportés à Brissac, lorsque le corps de Desaix eut passé le Rhin, et le général en chef lui fit élever un monument. Le général Beaupuy joignait aux talens militaires les vertus civiles. Bon fils et bon frère, il prouva en plus d'une circonstance que la vraie bravoure n'exclut pas l'humanité, et que l'âme peut à la fois être forte et sensible.

BEAUPUY: trois frères des deux précédens, ont été également trois bons citoyens. LouisGABRIEL, mort à l'âge de 41 ans, par suite des fatigues de la guerre. PIERRE-ARMAND, tué à Fontenay, dans la Vendée. Il se trouva, dans l'action, abandonné des siens, et seul il combattait l'ennemi qui lui criait de se rendre. Vaincre ou mourir, dit-il, je ne me rends point à des rebelles, et il tomba percé de coups. Une députation du département de la Dordogne invita la convention à faire inscrire le nom de ce brave au Panthéon francais. Le cinquième des frères BEAUPUY prouva, dans les fonctions ecclésiastiques, que le patriotisme était un des préceptes de l'évangile; et il mérita de la patric aussi bien comme prêtre, que ses quatre frères aînés avaient pu le faire comme magistrats et comme militaires.

BEAUREGARD, jésuite-prédicateur. Par son éloquence triviale et fougueuse, mais forte et entraînante, par son zèle ardent, et par ses déclamations audacieuses, il mérita que Condorcet le traitât de fanatique et de ligueur. (Voyez Pensées de Pascal, avec Notes, Londres, 1776, in-8°. ) Condorcet, philosophe passionné pour le bonheur public, ne pouvait comprendre quelle sorte de bien pouvait résulter de ce langage furibond, de cette exaltation toujours extrême dont l'abbé Beauregard remplissait et ébranlait toutes les voûtes des églises. Cet abbé, né en 1731, à Pont-à-Mousson, avait fait ses études chez les jésuites. Long-temps il parcourut les provinces, laissant partout dans l'â– me de ses auditeurs des traces d'étonnement et presque d'épouvante. En 1789, il vint à Paris, prêcha le carême devant la cour, jeta des mots prophétiques dans ses déclamations, et fut écouté comme un orateur éloquent, mais fanatique. La révolution commença; l'abbé Beauregard, effrayé, se hâta de s'éloigner de la France, où son genre d'éloquence n'avait pas produit tout l'effet qu'il s'en était promis. Il se réfugia à Londres, et y prêcha dans le même esprit. « Vous, disait-il aux émigrés, fu>> gitifs mendians, déserteurs du » trône, de quel droit réclamez» vous la pitié ? Vous êtes punis, » mais comme la race de Juda, » d'un châtiment juste. Couvrez>> vous de cendres, errez à travers » le globe; car vous étiez les ap» puis du sceptre, et vous avez en» traîné sa chute en vous retirant; » yous n'avez su ni combattre ni

» fléchir. » On trouva ces imputations aussi inconvenantes que peu généreuses; le prédicateur essuya des reproches, et se retira à Cologne, puis à Maestricht. Une princesse allemande, Sophie de Hohenlohe, lui offrit pour asile son château de Groninck. Il y mourut, en 1804, à 73 ans, sans avoir fait imprimer aucun de ses ouvrages; mais on prétend que ses Manuscrits sont entre les mains des jésuites, qui, de son viyant, étaient établis à Saint-Pétersbourg, d'où ces PP. ont été expulsés par un ukase impérial, en 1817.

BEAUREGARD (JOSEPH-DOMERGUE DE), chevalier de SaintLouis. A l'époque de la révolution, il vivait retiré dans ses terres; mais bien qu'il appartînt à l'ordre de la noblesse, il se montra partisan des nouveaux principes. Le département de la Lozère le choisit pour son vice-président. Dès le 1er mars 1791, Beauregard fut nommé maréchal-decamp, et représenta le même département à l'assemblée législative. Après le 10 août 1792, il prit le commandement d'Avignon, et, en 1793, il servit à l'armée des Ardennes. Le commissaire de la convention, Milhaud, loua surtout sa conduite à Orval. A la fin de la même année, le général Beauregard fut envoyé, avec une division, à l'armée du Nord, pour faire lever le blocus de Maubeuge; et, après les troubles des premiers jours du mois de prairial an 3, il écrivit à la convention pour protester du dévouement de sa division. Ce général, qui depuis cette époque s'était retiré du ser

vice, se hâta de reprendre les armes lorsque éclata la guerre de la péninsule; il se distingua à la bataille d'Ocana, le 18 novembre 1809, et périt dans une affaire, le 9 février 1810.

BEAUREPAIRE, commandant de la place de Verdun, avait servi, avant 1789, en qualité d'officier de carabiniers. Lors des premières guerres de la révolution, il fut nommé commandant du 1er bataillon de Maine-et-Loire, et chargé de la défense de Verdun quand les Prussiens pénétrèrent en France. Mais il ne put inspirer son dévouement ni à des citoyens habitués au repos, ni à une garnison indisciplinée. Il veut tenter un dernier effort, et réunit le conseil de guerre : ses résolutions généreuses ne sont pas adoptées, le conseil se sépare: Beaurepaire se brûle la cervelle. La convention ordonna que son corps fût transféré au Panthéon. Sa tombe porta cette inscription: Beaurepaire aima mieux mourir que de capituler avec les tyrans. Croirat-on qu'il se soit trouvé des écrivains assez lâches pour chercher à ternir l'éclat d'une pareille action, en supposant que le commandant de Verdun s'était donné la mort dans un accès de fièvre? La calomnie est la ressource ordinaire des détracteurs de toute gloire nationale. L'acte de dévouement du généreux Beaurepaire ne fut pas inutile à la patrie; il enflamma le courage des guerriers français, et produisit un enthousiasme héroïque digne des plus beaux temps de l'antiquité. Il a fourni à M. Gamond, membre de plusieurs législatures, et particu

lièrement de la convention, le sujet d'une tragédie en cinq actes et en vers.

BEAURIEU (GASPARD - GUILLARD DE), auteur contrefait comme Esope, et qui a avec lui quelque ressemblance pour l'esprit. Boiteux, difforme, d'une laideur repoussante, mais vif et plein de saillies piquantes, il attirait l'attention par son extérieur singulier, et la captivait par un entretien plein d'intérêt. Le même caractère est empreint dans ses ouvrages, dont la forme est régulière, le fond hardi, quelquefois systématique, mais toujours neuf. L'heureux citoyen (1759); les Variétés littéraires (1773); l'Accord parfait, ou l'Equilibre physique et moral (1795); mais surtout l'Élève de la Nature (1763, 1773, 1790), sont des productions trèsremarquables, auxquelles plus d'ordre, de précision et de méthode eussent, assigné un rang supérieur. L'Élève de la Nature fut d'abord publié avec le nom de J. J. Rousseau : on ne tarda pas à reconnaître la fraude. Beaurieu eût dû songer que des idées bizarres, des paradoxes hardis, et un style néologique, ne suffisaient pas pour oser prendre le nom de l'homme qui écrivait avec le plus de sens et de pureté. Ses autres ouvrages, le Cours d'histoire sacrée et profane (1773); le Cours d'histoire naturelle (1770); le Portefeuille amusant (1763); et le Faux Philosophe (1763), sont des ouvrages purement mercantiles. Né à Saint-Pol en Artois, le 9 juillet 1728, il a passé sa vie dans une médiocrité voisine de l'indigence, et s'est occupé de

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l'éducation des enfans, qu'il aimait beaucoup. C'est même pour leur être plus particulièrement utile, qu'il se fit recevoir, en 1794, un an avant sa mort, élève à l'école normale, afin de puiser dans les leçons de professeurs célèbres les principes généraux d'instruction publique. Beaurieu mourut à Paris à l'hôpital de la Charité, le 5 octobre 1795, et n'avait rien fait pour éviter le sort misérable qui l'y conduisit. Pourquoi, lui demandait-on un jour, ne songezvous pas à vos affaires? C'est, répondit-il, parce que j'aime trop l'honneur et le bonheur pour pouvoir jamais aimer la richesse. Il disait que le temps est une dormeuse qui nous mène doucement à l'éternité. On lui a attribué ce mot de Sterne (Tristram Shandy, vol. 1, Memoirs of Sterne) et non du P. Castel, comme le dit un savant biographe (Biographie universelle), à moins que ce ne soit une conquête de l'auteur anglais, mort six ans après le célèbre jésuite de Montpellier Notre vie est une épigramme dont la mort est la pointe. Le costume de Beaurieu était en harmonie parfaite avec sa figure, son esprit, son caractère et ses habitudes chapeau de Crispin, manteau à l'espagnole, souliers carrés et haut-de-chausses du temps de François Ier.

BEAUTEMPS-BEAUPRÉ

(CHARLES-FRANÇOIs), ingénieurgéographe, membre de l'institut, et de la société royale des sciences de Gottingue, a montré de bonne heure pour la science qu'il professe, une vocation justifiée par son zèle et par d'heureux suc

son

cès dans des ouvrages aussi importans que nombreux. Il est né le 6 août 1766, au bourg de la Neuville-au-Pont, près de SainteMénéhould. Le célèbre géographe Jean - Nicolas Buache, compatriote, le fit d'abord travailler sous sa direction, au dépôt des cartes et plans de la marine. En 1785, M. Beautemps-Beaupré se fit recevoir ingénieur, et fut chargé par le ministre de la marine Fleurieu, de dresser les cartes du Neptune de la Baltique, auxquelles il dut tout à coup une grande réputation. En 1791, il partit en qualité de premier ingénieur-hydrographe, avec l'expédition chargée d'aller à la recherche de l'infortuné La Peyrouse, sous le commandement du contre-amiral d'Entrecasteaux. M. Beautemps-Beaupré, qui montait la frégate la Recherche, leva avec autant d'exactitude que de précision les plans des côtes et des contrées qui avaient été visitées et reconnues dans ce voyage, où se firent les découvertes les plus intéressantes pour la géographie. Il publia ensuite le Journal de son Voyage, avec un Appendice où il expose en détail la nouvelle méthode qu'il s'était faite pour la levée des cartes et des plans, en combinant les relèvemens astronomiques avec ceux de la boussole. En 1796, étant revenu en France, il continua l'Atlas de la mer Baltique. Le ministre Fleurieu, voulant publier le voyage fait autour du monde par le capitaine Marchand, engagea M. Beautemps-Beaupré à dresser la Carte hydrographique générale de ce voyage. L'année suivan

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