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1° Lettre du district de Château-Thierry, qui envoie le procès-verbal de la formation du bataillon des gardes nationales sédentaires.

(L'Assemblée décrète la mention honorable.) 2° Lettre de M. Monge, ministre de la marine, relative aux secours à accorder aux enfant des colons.

(L'Assemblée renvoie la lettre au comité colonial.)

3 Lettre de M. Servan, ministre de la guerre, qui adresse à l'Assemblée deux dépêches qu'il a reçues des généraux Biron et Kellermann.

Le premier annonce qu'il a envoyé des troupes pour renforcer l'armée de Kellermann. Il 'dit avoir reçu des nouvelles qui lui annoncent que le canton de Berne a demandé à l'empereur, un nombre de troupes nécessaires pour se mettre en état de guerre contre la France (Murmures); mais il est en même temps instruit que le Corps helvétique ne partage point les dispositions des cantons aristocratiques de la République des Suisses (Applaudissements.)

Le général Biron ajoute qu'il a reçu une lettre de Varsovie, qui donne connaissance qu'un mouvement violent paraît se manifester en Pologue; que le roi de Prusse aura lieu de se repentir d'avoir, par son alliance avec l'Autriche, rompu les liens qui l'unissaient à son ami naturel, le roi de Pologne.

M. Kellermann annonce que les ennemis dirigent leurs forces vers Thionville, mais il observe que les bonnes dispositions des troupes garantissent la résistance vigoureuse qu'elles se préparent à opposer aux ennemis (Applaudissements.) M. le ministre de la guerre termine sa lettre en demandant qui lui soit permis de changer l'armement des dragons et de donner aux gardes nationaux et volontaires des fusils de dragons.

M. Mathieu Dumas, convertit en motion la proposition du ministre et demande que l'Assemblée décrète que les armes des dragons serout provisoirement changées et qu'ils n'auront point de carabines, armes qui ne sont point utiles à la guerre.

(L'Assemblée adopte la proposition de M. Mathieu-Dumas.)

En conséquence, le décret suivant est rendu : «L'Assemblée nationale, délibérant sur la proposition du ministre de la guerre, convertie en motion par l'un de ses membres, et considérant qu'il est instant de faire le meilleur usage et la meilleur distribution des differentes armes pour la défense de la patrie, après avoir décrété P'urgence, decrète:

«Le ministre de la guerre est autorisé à employer provisoirement les fusils dont sont armes les régiments de dragons, à l'armement de l'infanterie, et à faire, dans l'armement des diverses espèces de troupes, tels changements et additions qu'il jugera convenables. »

Des citoyennes de la commune d'Auteuil se présentent à la barre.

L'une d'elles après avoir fait la lecture d'une adresse pleine de sensibilite et de patriotisme, dépose sur l'autel de la patrie la somme de 681 livres, pour le soulagement des veuves et orphelins de la journée du 10 aoùt; elles prêtent le serment de la liberté et de l'égalite.

M. le Président répond aux pétionnaires et leur accorde les honneurs de la seance.

(L'Assemblée reçoit leur serment et accepte leur offrande avec les plus vifs applaudissements et en ordonne la mention honorable au procèsverbal, dont un extrait sera remis aux donatrices.)

M. Rühl. Il existe, sur le territoire du district de Sedan, dans la maison de Blanchampagne, dépendante de l'abbaye d'Orval, 150 chevaux, 300 boeuf ou vaches, 500 moutons et porcs, qui seraient de première utilité pour nos armées. Je propose de charger le pouvoir exécutif d'en ordonner la saisie sur-le-champ, et je demande qu'on mette sous séquestre les terres, bois, prairies, vignes et autres dépendances de ladite maison.

(L'Assemblée accepte cette proposition.)

En conséquence, le décret suivant est rendu : L'Assemblée nationale décrète que le pouvoir exécutif est chargé de faire saisir sur-le-champ, par le district de Sedan, les chevaux, bœufs, vaches, moutons et porcs qui se trouvent dans la maison de Blanchampagne, dépendante de l'abbaye d'Orval, et de faire mettre en séquestre les terres, bois, prairies, vignes, etc., dépendantes de ladite maison. »

M. Beaupuy, au nom du comité militaire, présente un projet de décret (1) ayant pour but de destiner au service des armées les chevaux inutiles au commerce et à l'agriculture.

Plusieurs membres en combattent les dispositions.

M. Mathieu Dumas propose à l'Assemblée de décréter d'abord l'article qu'il lui présente en ces termes :

"(

L'Assemblée nationale décrète qu'il sera fait une levée de chevaux pour le service public soit pour le trait, soit pour le service de la cavalerie; cette levée sera faite seulement parmi les chevaux employés par les citoyens à des usages de luxe et de commodité. Dans cette levee ne sont point compris les chevaux employés à l'agriculture, au commerce ou à l'exercice d'une profession utile. »

(L'Assemblée adopte cette proposition et renvoie au comité militaire pour la rédaction des objets de détail.)

M. LUCE, commissionnaire banquier à Paris, se présente à la barre.

Il offre à la patrie un fort cheval de trait pour le service de l'armée.

M. le Président le remercie et lui accorde les honneurs de la séance.

(L'Assemblée accepte l'offrande avec les plus vifs applaudissements et en décrète la mention honorable au procès-verbal, dont un extrait sera remis au donateur.)

Une députation de la section de la Halle aux blés est admis, à la barre.

L'orateur de la députation annonce que ses concitoyens et lui ont fait une collecte de 9,000 livres qu'ils destinent à acheter des fusils pour armer les défenseurs de la patrie. Ils n'ont pu encore s'en procurer que six, qu'ils ont ap

(1) Voy. ci-dessus, séance du 30 août 1792, au matin, page 108, la décision de l'Assemblée prise à cet égard, qui avait renvoyé, avec mission de lui faire un nouveau rapport, un premier projet de décret que lui avaient présenté des comites réunis de commerce, d'agriculture et militaire.

Au Trésorier du prince de Monaco, pour l'entretien de 24 hommes...

Au lieutenant-de-roi de Monaco Au major de la place, pour appointements.....

Au même, pour ustensiles.
A l'aide-major...
Au médecin....

portés à l'Assemblée nationale. Ils remettront successivement à la commission des armes tous ceux qu'ils pourront encore acheter avec cette somme, si l'Assemblée veut bien leur en donner l'autorisation.

« L'or a fait tant de mal, conclut l'orateur, que nous devons nous féliciter de le voir aujourd'hui se convertir en fer, qui assurera notre indépendance et notre liberté. »

M. le Président répond à l'orateur et accorde à la députation les honneurs de la séance.

(L'Assemblée accepte l'offrande avec les plus vifs applaudissements et en ordonne la mention honorable au procès-verbal dont un extrait sera remis aux donateurs. Elle leur donne ensuite l'autorisation d'acheter, jusqu'à concurrence des 9,000 livres, des armes et fusils, qu'ils déposeront à la commission des armes.)

Suit le texte du décret rendu :

« L'Assemblée nationale décrète que les citoyens de la Halle aux blés sont autorisés à acheter, jusqu'à concurrence de 9,000 livres, montant de leur collecte patriotique, des armes et fusils qu'ils déposeront à la commission des armes. >>

Un membre, au nom du comité militaire, présente un projet de décret tendant au maintien dans leurs appointements et dans leurs grade du prince, de l'état-major et des officiers de la principauté et ville de Monaco; ce projet de décret est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale, considérant que l'état. major de la ville de Monaco n'a pas dû être compris dans la suppression des états-majors portée par le décret du 8 juillet 1791, parce que le traité fait à Péronne le 14 septembre 1641, entre Louis XIII et le prince de Monaco, doit subsister dans toute son intégrité, jusqu'à ce que, par le consentement des deux parties ou par le manquement de l'une d'elles à ses engagements, l'autre puisse y apporter des modifications ou les annihiler;

« Considérant qu'il est instant de fixer le sort des officiers de l'état-major de Monaco, qui sont dans l'attente de la justice qui leur est due, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité militaire et décrété l'urgence, décrète que l'état-major de la ville et principauté de Monaco sera conservé, que les officiers dudit état-major seront maintenus dans leurs places et payés de leurs appointements comme par le passé, ainsi que des arrérages, s'il leur en est dù, le tout conformément au traité fait à Péronne et au tableau annexé au présent décret. >>

Suit ledit tableau :

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Au chirurgien...
A l'aumônier..

Au géôlier des prisons.

5,868 3,250 1. 16 f.

1,080

108

810

600

600

360

100

Total....... 21,941 l. 4 f.

(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte le projet de décret.)

M. Roland, ministre de l'intérieur, entre dans la salle et demande la parole.

M. le Président. La parole est à M. le ministre de l'intérieur.

M. Roland, ministre de l'intérieur. Je viens, Messieurs, vous rendre compte de la réception des deux décrets qui ordonnent, l'un, la restitution au garde-meuble des effets qui en out été enlevés; l'autre, de rendre compte, de la part de la Commune, des motifs de l'arrestation de M. Sicard, instituteur des sourds et muets : le ministre va les faire exécuter; il a trouvé au garde-meuble dix chevaux, qu'il a mis sur-lechamp à la disposition du ministre de la guerre.

Permettez-moi, en outre, de déposer sur le bureau de l'Assemblée un mémoire sur les troubles qui se sont élevés dans divers départements, soit à l'occasion de la circulation des grains, soit par les manœuvres des prêtres insermentés, et d'ajouter quelques mots à cet égard.

A Lyon et dans le département de la Nièvre le premier motif a causé de grands mouvements, qui n'ont pas eu de suites très sérieuses. Il n'en a pas été ainsi à Rouen; la loi martiale y a été proclamée; un homme a été tué, trois blessés, et l'insurrection, quoique apaisée, n'est qu'un feu couvant sous la cendre. Dans le département des Deux-Sèvres, 250 des rebelles, attroupés par des prêtres et des ci-devant nobles, ont été tués, et 260 faits prisonniers. Dans celui du Finistère, la plupart des prêtres insermentés ne sont pas remplacés; ils empêchent la levée des contributions et les patriotes y sont opprimés. J'ai écrit aux administrateurs, pour les exhorter à maintenir le règne de la loi, surtout à l'égard de la circulation des grains, qui n'est évidemment entravée que par l'instigation des malveillants, car la France peut trouver dans sa récolte de cette année, pour deux ans et demie de subsistances. (Applaudissements.)

(L'Assemblée renvoie ce compte à la commission extraordinaire des Douze.)

Un membre, au nom du comité de l'ordinaire des finances, présente un projet de décret sur la pétition du département de la Côte-d'Or (1), tendant à ordonner le versement dans la caisse d'un receveur du district de Dijon, des fonds trouvés chez le sieur Chartraire. trésorier général des cidevant Etats de Bourgogne; ce projet de décret est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale informée que le sieur

(1) Voy. ci-dessus, mème séance, page 161, celle petition.

Chartraire, trésorier général des ci-devant Etats de Bourgogne, a été mis en état d'arrestation, et qu'il existe dans sa caisse une somme de 1,656,440 livres, au versement et sûreté de laquelle il convient de pourvoir;

Considérant que dans cette somme une partie provenait des fonds municipaux appartenant aux départements qui se partagent la ci-devant province, et que les différentes dépenses faites ou à faire dans ces circonstances par les administrateurs de la Côte-d'Or ne peuvent souffrir le moindre retard, décrète qu'il y a urgence.

« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de l'ordinaire des finances, et après avoir décrété l'urgence, décrète définitivement ce qui suit :

Art. 1or.

« La somme de 1,656,440 livres qui se trouve dans la caisse du sieur Chartraire, trésorier général des ci-devant Etats de Bourgogne, sera versé de suite, à la diligence des administrateurs du département de la Côte-d'Or, dans la caisse du receveur du district de Dijon, pour y demeurer jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné, duquel transport et versement il sera dressé procès-verbal énonciatif des valeurs et espèces.

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M. Mathieu Dumas, au nom du comité militaire, présente un projet de décret tendant à une levée de volontaires sur la totalité des sections armées de la ville de Paris, pour suppléer à la levée des demi-compagnies de grenadiers et de chasseurs devenue impossible; ce projet de décret est ainsi conçu :

« L'Assemblée nationale, considérant que la nouvelle organisation des sections armées de la ville de Paris, décrétée le 19 du mois dernier, ne doit souffrir aucun retard; considérant que les distinctions de grenadiers et de chasseurs ont été supprimées par cette organisation; voulant cependant suppléer à la levée, devenue impossible, des demi-compagnies de grenadiers et chasseurs, décrète qu'il y a urgence.

L'Assemblée nationale, après avoir décrété l'urgence décrète qu'il sera fait, sur la totalité des sections armées de la ville de Paris, et proportionnellement à leur force, une levée de vod'un celui qu'aurait produit la réquisition des demi-compagnies de grenadiers et de chasseurs. »

(L'Assemblée décrète l'urgence, puis adopte ce projet de décret.)

Un membre, au nom de la commission des armes, présente un projet de décret tendant à ordonner

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(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)

MM. Quinette, Isnard et Baudin, commissaires envoyés par l'Assemblée nationale dans le département des Ardennes, rendent compte de leur mission.

M. Quinette s'exprime ainsi (1) :

Messieurs, la mission que nous avons reçue de l'Assemblée nationale embrassait trois objets : la délivrance de nos collègues arrêtés à Sedan, le rétablissement de l'esprit public dans le département des Ardennes et les mesures générales commandées par le salut de l'Empire. Cette dernière disposition du décret donnait à nos pouvoirs, une latitude presque indéfinie; mais l'Assemblée ne peut avouer l'usage que nous en avons fait, qu'autant qu'il a contribué au bien public. Tel est du moins le but constant de nos travaux; et vous jugerez si nous l'avons atteint, dans le compte rapide que nous allons vous en rendre.

Nous ne retracerons pas en détail les preuves de confiance dans l'Assemblée nationale, que nous ont données les communes que nous avons traversées, nous observerons seulement que l'amour de la patrie, en s'alliant aux mœurs simples et fortes des habitants des campagnes, les a peuplées tout à coup d'hommes libres qui sentent la dignité de leur être. Nous n'avons pu nous refuser à l'empressement des citoyens de Villers

(1) Bibliothèque de la Chambre des députés. Collection des affaires du temps, tome 144, n° 3.

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Cotterets, Soissons et Fismes : nous nous sommes arrêtés quelques instants parmi eux, pour leur indiquer les derniers progrès qu'avait faits la cause de l'égalité et de la liberté, au soutien de laquelle ils se montraient si dévoués.

Les mêmes sentiments éclatèrent dans la ville de Reims avec tout l'avantage que leur donne une grande population: la commune nous offrit 3,000 hommes pour soutenir toutes nos démarches; mais pour caractériser en peu de mots l'esprit public qui règne dans cette cité, nous vous dirons qu'avant qu'on y eût appris aucun détail sur l'évènement du 10 août, la statue de Louis XV avait été renversée là, comme à Paris, le bras du peuple brisa les idoles qui ont trop longtemps trompé et asservi la France. Nous nous disposions à continuer notre route, lorsque nous fùmes avertis que le général Alexandre Lameth venait d'établir à Rhetel un poste avancé de 83 hommes d'élite, dont rien n'annonçait la destination. Le maire de Rhetel, le procureur de la commune, et le procureursyndic du district, se rendirent à Reims sur notre invitation; et, sans pouvoir nous donner la solution de cet établissement subit d'une garnison sans objet, ils nous garantirent les bonnes dispositions des citoyens. Avec tant de moyens de vaincre, le succès n'était pas douteux; mais il était encore bien plus certain que la seule tentative, même infructueuse, d'un second outrage fait en notre personne à la dignité nationale, était le signal de la guerre civile.

immense de citoyens de tout âge; tous les fonctionnaires publics de cette cité nous environnèrent nous nous arrêtâmes sur le perron de la commune, pour parler à des hommes si dignes d'entendre le langage de la raison, et de jouir des avantages de la liberté.

La prudence et les dispositions du décret du 17 août nous prescrivaient de commencer par éclairer l'opinion du peuple et de l'armée; nous fimes imprimer à Reims une adresse aux citoyens des Ardennes; et, tandis que nous leur parlions le langage de la vérité et de la persuasion, nous déployâmes toute l'énergie convenable à notre caractère public, par des réquisitions formelles et pressantes adressées aux corps administratifs du département et au conseil général de la cornmune de Sedan, avec injonction de faire cesser l'arrestation de MM. Kersaint, Antonelle et Péraldy. Nous voulûmes aussi mettre à cette épreuve décisive le général La Fayette lui-même; nous espérions du moins en tirer cet avantage, qu'un refus formel de sa part mettrait au jour toute sa perfidie, et ferait enfin retomber sur lui les forfaits que ses lâches intrigues faisaient exécuter par des hommes égarés.

A l'appui de ces moyens, des lettres confidentielles aux citoyens les plus accrédités du département des Ardennes, des conférences avec des émissaires sûrs, qui nous développaient les causes de ce qui s'était passé; l'envoi d'un grand nombre de zélés patriotes chargés d'en répandre l'instruction et de faire connaître aux soldats l'outrage fait, en leur nom, à des représentants du peuple; enfin la correspondance officielle la plus suivie, et telle que nous expédiâmes, dans une seule nuit, cinq courriers, préparaient, tant qu'il dépendait de nous, le succès de notre mission. En effet, toutes nos opérations tendaient à provoquer cette indignation profonde qui souleva, au même instant, les citoyens et les soldats contre un général qui émigrait et Louis XVI le parjure.

au

Avertis de la suite de La Fayette, nous nous rendîmes à Rhétel; nous y arrivâmes à 10 heures du soir; la place publique, éclairée par des flambeaux, fut à l'instant remplie d'une foule

Rhétel est un modèle parfait du patriotisme et de l'union qui doit régner partout entre les magistrats et les citoyens; aussi l'esprit d'inciVisme qui s'était manifesté dans le département des Ardennes n'avait pu pénétrer dans cette ville et dans les campagnes environnantes. La munipalité et le directoire du district, malgré l'arrêté du département du 15 août, avaient déclaré à tous les citoyens que les mesures prises par l'Assemblée nationale dans la journée du 10, avaient sauvé l'Empire.

Ce fut à Mézières que nous nous réunîmes à MM. Kersaint, Antonelle et Peraldy. La puissance de l'opinion publique avait fait cesser leur arrestation, et la patrie avait recouvré de courageux défenseurs. Nous les trouvȧmes entourés des membres du conseil général d'administration, envers lesquels devaient commencer les rigueurs de nos fonctions. Nous avions à cet égard pris des mesures dès notre séjour à Reims, et nous avions écrit à M. Reignard, l'un des membres qui étaient restés fidèles à la nation; à la vérité, leurs collègues nous avaient déjà adressé les protestations de leur soumission et de leur repentir, et il est juste d'observer que ces protestations étaient antérieures au départ du général La Fayette.

Nos collègues avaient pris sur eux de maintenir provisoirement ces administrateurs dans leurs fonctions. Dans une place de guerre voisine de l'armée, les mouvements continuels des troupes, leur distribution journalière chez les habitants lors des passages, le transport des vivres, des fourrages, des bagages, des muni-~ tions, exigent dans l'administration une activité continuelle, et par conséquent des hommes qui ont déjà la connaissance des affaires et l'habitude du travail. Il était douteux qu'on pùt remplacer subitement le conseil d'administration et le conseil général de la commune de Sedan, autre ville de guerre plus considérable, plus peuplée et plus rapprochée de l'armée du Nord.

L'importance de ces considérations devait peutêtre disparaitre devant les dispositions impératives du décret; et si les choses eussent été entières, rien n'eût pu nous arrêter; mais nos collègues avaient prononcé. A l'intérêt pressant du bien public qui les avait décidés, se mêlait sans doute un sentiment de générosité qui relevait avec éclat le caractère de représentant de la nation française. Envoyés que nous étions pour les délivrer et non pour les réformer, nous ne pouvions ni risquer d'entraver la marche de l'administration, ni diminuer, en nous établis sant leurs supérieurs, la considération qu'ils s'étaient acquise, ni surtout affaiblir par la mobilité des décisions la confiance qu'il est si nécessaire d'imprimer aux citoyens envers le corps législatif, confiance qui est le principal ressort de toute autorité.

Vous jugerez, Messieurs, par la suite de nos opérations, que nous avons su, lorsqu'il le fallait, déployer une grande sévérité; mais, dans cette circonstance, tout justifie la conduite modérée de nos collègues et la nôtre : nous nous contenterons donc d'ajouter que l'arrêté pris par le conseil général du département pour refuser la publication des lois dù 10 août avait été dé

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libéré en présence des officiers de l'armée de La Fayette ils remplissaient la salle des séances, et provoquèrent, pour ainsi dire, un acte qui, de la part des administrateurs, fut l'effet de la surprise et de l'erreur. Le procureur général avait d'abord requis la transcription sur les registres; et une minorité de 8 membres y avait adhéré.

L'arrestation de nos collègues à Sedan était un véritable attentat aussi fut-il préparé par de plus savantes combinaisons. Une lettre du général Lafayette en avait donné lordre précis : il importe de vous remettre cette pièce sous les yeux.

Copie d'une lettre de M. Lafayette, écrite, le 13 août 1792, du quartier général, à la municipalité de Sedan.

Il doit arriver des commissaires de l'Assemblée nationale pour prêcher à l'armée une doctrine inconstitutionnelle : il est démontré à tout homme de bonne foi, qu'au 10 août, époque de la suspension du roi l'Assemblée nationale a été violentée, et que les membres qui ont accepté une telle mission ne peuvent être que des chefs ou des instruments de la faction qui a ainsi asservi l'Assemblée nationale et le roi.

Je requiers, aux termes de la loi relative à l'état de guerre et sur ma responsabilité unique et personnelle, la municipalité de Sedan de retenir les individus se disant commissaires de l'Assemblée nationale et de les mettre en lieu de sûreté sous la garde d'un officier supérieur, qui, également sous ma responsabilité unique et personnelle, exécutera cet ordre, auquel il ne peut se refuser sans être immédiatement traduit à un conseil de guerre.

Je dois aussi requérir les autorités constituées des départements, en vertu des mêmes lois, d'approuver ces mesures, et je ferai la même demande au tribunal du district de Sedan, et aux différents départements où sont situées les troupes qui me sont confiées.

Cette pièce, déposée à la municipalité, doit servir de titre pour montrer que, ni la commune de Sedan, ni la garde nationale que la loi met sousmes ordres, ni les troupes de l'armée tant volontaires que les troupes de ligne, et particulièrement M. Sicard, colonel au 40° régiment, que je destine à cette mission, ni les corps administratifs et judiciaires qui pourraient concourir à l'arrestation des commissaires, ne sont sujets à aucune responsabilité, et que c'est moi qui, fidèle à mes serments, aux principes de la déclaration des droits, à la constitution que la volonté souveraine de la nation a décrétée; que c'est moi seul qui requiers, comme j'en ai le droit, toutes les mesures qui peuvent constater la résistance à l'oppression, le premier devoir des âmes libres.

Signé LAFAYETTE.

Cet écrit monstrueux vous indigne apprenez cependant ce qui fut fait pour assurer l'exécution de l'ordre qu'il renferme. Les émissaires de Lafayette occupaient en grand nombre la salle où se réunit le conseil général de la commune: ils y excitèrent le soulèvement du peuple, s'écriant qu'il fallait leur livrer des factieux, des séditieux, et que c'était à lui d'en faire justice. Tout était disposé pour provoquer le dernier des crimes tout fut employé pour le prévenir. Oui, Messieurs, telle était la cruelle position où la

scélératesse du général avait mis les magistrats de Sedan, qu'ils n'étaient plus que les agents passifs de ses desseins criminels; et vous êtes forcés, Messieurs, de reconnaître à ces traits le caractère de Lafayette. Un grand attentat est commis c'est lui qui l'a commandé, mais il se tient dans l'ombre; il attend le succès; alors il se montre son visage est serein, et son air modeste voile encore să ridicule ambition. Mais si l'inviolabilité des représentants du peuple ne peut être impunément méconnue, si la vengeance nationale est sur le point d'atteindre le coupable qui se cache, le héros des deux mondes s'enfuit et abandonne lâchement ceux qu'il a rendus les instruments aveugles de ses forfaits.

La désertion du général Lafayette fut un trait de lumière pour les magistrats et les citoyens de Sedan : la douleur d'avoir été trompés et le repentir étaient peints dans tous les yeux; mais à cette consternation nous vîmes bientôt succéder les élans du courage. Quelques heures après que la nouvelle de la prise de Longwy fut publique à Sedan, la garde nationale, nombreuse et composée d'hommes familiarisés avec le service militaire, avait pris les armes à notre réquisition, ainsi que la garnison : Les concitoyens de Turenne, leur avons-nous dit, laisseront-ils périr la patrie? se rendront-ils, au lieu de la défendre jusqu'à la mort ? Une acclamation vive et universelle répondit: Non! non! et bientôt on entendit répéter de toutes parts ces mots Vive la Liberté! Vive l'Egalité! nous les défendrons jusqu'à la mort. Après avoir visité les fortifications de Sedan, nous avons terminé nos travaux dans cette ville par autoriser le commandant du génie à préparer sans délai les moyens nécessaires pour inonder les dehors de la place. En vain, depuis un an, on avait indiqué et sollicité cette précaution comme indis pensable pour la défense de la ville: toujours elle avait été ou négligée, ou éludée, ou différée.

De Sedan, nous sommes revenus sur Mézières, où régnait la plus grande fermentation. Les citoyens indignés, mais non pas découragés de la prise de Longwý, avaient demandé la visite des arsenaux et des remparts, dont la seule approche était interdite, même aux canonniers on venait de tout vérifier, et de constater la trahison la plus criminelle. Nous réitérâmes nous-mêmes la visite en présence de plusieurs administrateurs, de plusieurs membres de la commune, des commissaires députés par les citoyens et des chefs militaires de toutes armes: il fut reconnu que les munitions d'artillerie dont la place était pourvue devenaient inutiles, faute d'avoir été préparées et mises en état de servir.

La gravité de ce délit nous parut exiger une mesure prompte et sévère. Il fallait mettre les coupables sous le glaive de la loi, et faire exécuter sur-le-champ les travaux nécessaires à la défense de la place: nous crûmes pourvoir à tout par l'arrêté suivant :

Mézières, ce 26 août 1792, l'an IV de la liberté. Les commissaires de l'Assemblée nationale autorisés par le décret qui les envoie dans le département des Ardennes, à prendre toutes les mesures qu'exige le salut de l'Empire, considérant que l'invasion du territoire français par les armées ennemies exige que la ville de Mézières soit mise le plus promptement possible dans le

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