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A

MONSIEUR HENRI BERGSON

Hommage respectueux

M618687

943 7592 436

INTRODUCTION

La vie de Godwin présente la belle ordonnance d'un triptyque. On peut, sans nul artifice, la découper en trois périodes nettes l'une qui précède la Révolution française, la seconde qui lui est contemporaine, et la dernière qui lui

succède.

La Révolution française, en effet, fait centre dans la vie de Godwin. Toutes les forces de sa destinée convergent vers elle. Sans elle, il est à peu près certain que Godwin serait toujours demeuré ce qu'il était avant elle : un journaliste sans grand talent, sans grand renom, indifféremment occupé, par besoin de gagner sa vie, et aussi par goût, de romans, d'articles politi

a

ques et d'études historiques. Mais la Révolution française est survenue, qui l'a fait sortir de l'ombre, comme elle a fait de tant d'autres dans le monde. La Révolution ne peut-elle pas être définie un immense avènement d'hommes nouveaux! Grâce à elle, William Godwin fut, pendant quelques années, l'une des gloires littéraires de l'Angleterre. Par la fièvre et l'excitation que les idées et les événements français communiquèrent à son cerveau, il fut conduit à composer un ouvrage, la Justice politique, qui pour toujours occupe, dans l'histoire des idées, une place de marque.

Mais, passé 1798 ou 1800, l'éclat de la Révotion s'éteignit, et Godwin rentra dans l'obscurité. Il vécut dès lors misérablement, d'emprunts et des quelques livres sterling que lui procuraient ses écrits et la vente des fables qu'il composait pour les enfants. Il restait fidèle à ses croyances; mais, sa grande source d'inspiration étant tarie, il ne faisait que reprendre, à satiété, les affirmations de la Justice politique. Rares étaient ceux qui savaient qu'il vécût encore. Il

mourut le 7 avril 1836. Aucune des notices nécrologiques que certaines revues lui consacrèrent, ne comporta l'étendue et les termes dus à l'importance du penseur disparu.

C'est l'un des principes fondamentaux de la philosophie godwinienne que l'homme est, tout entier, le produit des circonstances extérieures. Il semble, d'après ce que nous venons de dire, que Godwin soit le plus éclatant exemple de la vérité de cette affirmation. Il n'en est rien cependant. Un événement extérieur, la Révolution française, explique et définit Godwin. Mais la Révolution n'a pu avoir cette action déterminante sur l'auteur de la Justice politique, que parce qu'il existait entre elle et lui une harmonie préétablie. Le tempérament de Godwin, tel que l'avaient façonné la nature, l'hérédité et l'éducation, le prédisposait à être exalté par les idées et les événements de la Révolution. C'est donc, en définitive, moins les circonstances exté

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